Se concentrer sur les plus gros pollueurs

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Il y a difficilement plus absurde que le mythe du petit colibri faisant soi-disant sa part avec son petit bec pour éteindre l'incendie de la planète. C'est de la même eau que les petits gestes écolos de chaque jour qui ne servent qu'à donner bonne conscience aux classes aisées qui se dédouanent ainsi à bon compte de leur train de vie. Cela fait longtemps que je dénonce cette écologie individuelle moralisatrice. Le climat n'ayant que faire de nos bonnes intentions, seul compte le résultat bien peu sensible de ces petits sacrifices personnels. La capacité d'action de chacun est vraiment très limitée, avec un impact exclusivement local qui peut d'ailleurs être important à ce niveau mais est absolument insignifiant au niveau global. Privilégier cette vision libérale et culpabilisatrice de l'écologie est une impasse en plus d'être réservée à ceux qui en ont les moyens.

Ce constat déjà ancien m'avait convaincu de la nécessité d'un changement radical de système de production mais, comme j'ai dû l'admettre, qu'il soit nécessaire ne suffit pas hélas à le rendre possible, en tout cas pas assez rapidement pour constituer une solution à court terme alors que c'est maintenant qu'il nous faut réduire drastiquement nos émissions. Pour avoir un effet notable, il reste indispensable d'agir sur l'organisation sociale (production, distribution), comme on l'a fait avec le tri sélectif par exemple, organisation collective sans laquelle les actes individuels n'ont aucune portée. On ne peut plus rêver cependant d'une révolution planétaire instantanée, seulement d'une assez lente transition écologique, effectivement en cours depuis peu bien qu'à un rythme très insuffisant encore, et qui prendra donc pas mal de temps à produire des effets même si on travaille à l'accélérer.

Dans l'immédiat, le plus urgent serait de prendre conscience de l'étonnant petit nombre d'entreprises et d'acteurs globaux qui sont responsables de l'essentiel des pollutions. Ainsi, 70% des émissions de gaz à effet de serre seraient imputables à seulement une centaine d'entreprises, parmi lesquelles 20 entreprises sont responsables d'un tiers des émissions ! Il s'agit surtout de pétroliers, de cimentiers et d'industries métallurgiques ou minières mais c'est à l'évidence sur ces entreprises qu'il faut mettre la pression pour arrêter l'hémorragie en abaissant radicalement leurs émissions de CO2 ou de méthane avec un effet massif et rapide cette fois, sans commune mesure en tout cas avec le fait de baisser son chauffage - ou d'augmenter le prix de l'essence pour ceux qui ne peuvent réduire leurs déplacements.

Les mesures à prendre contre ces entreprises qui menacent l'humanité entière peuvent être variées (normatives, politiques, économiques, techniques) : interdiction des torches de gaz, obligation de colmater les fuites et de capturer le CO2, quotas d'émissions en diminution constante, taxe carbone élevée (taxe utile pour l'industrie qui peut investir pour en réduire le surcoût au contraire des particuliers).

Ce n'est sûrement pas si facile à faire mais peut-être pas complètement impossible avec une mobilisation de la jeunesse mondiale, certes encore insuffisante pour l'instant. Je suis peut-être de nouveau trop optimiste mais c'est seulement une fois qu'auront pu être taries les sources principales de gaz à effet de serre qu'il sera temps de s'occuper de notre propre empreinte carbone sans aucune commune mesure avec ces monstres - et qui n'est pas la même pour tout le monde, selon l'endroit où l'on vit et son niveau de pauvreté ou de richesse. En attendant, s'il faut militer pour des mesures concrètes, pour des protections écologiques et sociales, pour la transition énergétique et une relocalisation économique, l'urgence serait de mettre en accusation ces grandes entreprises ultra-polluantes, les mettre sous tutelle mondiale (ONU) pour engager au plus vite une véritable décrue de nos émissions sans laquelle tous nos autres efforts seront absolument vains.

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2 réflexions au sujet de “Se concentrer sur les plus gros pollueurs”

  1. La réduction devenue prioritaire des émissions de méthane illustre la prise de conscience qu'il faut obliger à colmater les fuites et s'en prendre au petit nombre des plus gros émetteurs :

    https://www.bloomberg.com/graphics/2021-methane-impact-on-climate/

    Historiquement parlant, la majeure partie du méthane émis provient de l'agriculture (riz et vaches), l'énergie et les déchets mais dans les 50 dernières années, les fuites d'infrastructures liées aux combustibles fossiles, en grande partie le gaz naturel, sont également devenues un contributeur de grande envergure.

    La lutte contre le méthane commence par l'industrie pétrolière et gazière, où jusqu'à 85 % des émissions de méthane pourraient être atténuées d'ici 2030, en particulier en Chine, Russie, États-Unis où cinq régions sont responsables de plus de la moitié de toutes les fuites de méthane des infrastructures énergétiques.

    De même, si 10% du méthane d'origine humaine provient des décharges, cinq régions génèrent 45% des émissions mondiales de méthane à partir des déchets.

  2. j'aime bien cet article car c'est juste à ce moment que l'on parle d'écologie et d'énergie dans la campagne présidentielle.. et tout est fait pour culpabiliser les consommateurs c'est à qui sera le plus écolo mais même les verts sont très décevants .. je ne parle pas de jadot qui importe des idées de droites dans une primaire de gauche , mais même Sandrine rousseau parlait de rétablir l'écotaxe pour l'essence, d'augmenter le prix de l'essence de 6 à 8 centimes par an… alors que si c'est vrai que 100 multinationales sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de sert , nos sacrifices personnels sont de peu de poids … et tout ça laisse un zéro à la place du soleil comment c'est possible d'être aussi nul et aussi complaisant pour tous ses salauds de super riches qui polluent la planète en toute tranquillité … l'influence des médias est bien sur colossale, et la connerie des gens , comme des élites tout aussi bien ...

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