Du souci de soi au souci du monde

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La maîtrise du réchauffement et de notre écologie est l'affaire du siècle, et plus encore des 30 années qui viennent. Vouloir en faire une question individuelle ou morale est absurde quand il est question d'organisation collective et de système de production ou de distribution, donc d'une question à la fois éminemment politique mais planétaire (et non pas nationale) dont l'individu ne décide pas. S'il y a des différences individuelles dans l'évaluation de l'urgence et plus encore dans les réponses qu'on y donne, l'urgence, elle, n'a rien d'individuel ou de subjectif, étant objet de sciences. Nous avons plutôt affaire au choc de deux extériorités matérielles, contradiction entre l'économie et l'écologie dont les réalités massives nous dépassent largement et nous confrontent même au désespérant constat que le nécessaire n'est pas toujours possible pour autant. Plus que jamais nous avons besoin d'une intelligence collective, trop souvent absente hélas, mais qui ne peut être que le fruit de recherches scientifiques, indépendantes des individus, là aussi.

Cependant, même si ces enjeux écologiques ne dépendent pas de l'individu, contrairement à ce qu'on nous serine, on va voir qu'ils en modifient profondément son être-au-monde. C'est un peu comme une guerre mobilisant les jeunes malgré eux le plus souvent mais modifiant soudain l'ambiance générale et forgeant ainsi l'unité d'un peuple (on ne dépasse jamais les divisions intérieures qu'au nom d'une opposition extérieure). La nouvelle figure de l'individu qui émerge paraît en tout cas aussi différente de l'individu religieux que de l'individu libéral car, sans se réclamer d'un fondement dogmatique ni d'un acte de foi, il n'est plus délaissé par l'absence de tout fondement éprouvé depuis la mort de Dieu, et ne se réduit pas non plus au seul fondement moral du rapport aux autres. En effet, la destinée de l'individu est devenue inséparable d'une communauté de destin planétaire qui donne sens à nos vies, lui donne un cadre, qu'on le veuille ou non. Au-delà de l'éthique comme rapport à l'autre, existe aussi le rapport à la totalité, au global et à l'histoire.

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