Ecrits sur l’entropie

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Une discussion ces jours-ci sur mes critiques des conceptions de l'entropie de Leonard Susskind m'a fait replonger dans les textes que j'y avais consacrés depuis un certain temps, ce pourquoi je les ai regroupés.

L'entropie est sans doute la loi la plus fondamentale de l'univers et d'une certaine façon la plus simple mais aussi une des plus mal comprise, faisant en tout cas l'objet de grandes polémiques entre physiciens, étant reliée à l'irréversibilité du temps et à l'information.

Il y a effectivement une contradiction à la base : si l'entropie ne peut qu'augmenter il devient difficile d'expliquer son point de départ supposé d'entropie minimale, problème auquel se heurtent par exemple les théories du Big Bang comme rebond d'un univers précédent ou d'un trou noir. La difficulté, c'est que l'entropie est relative (et si on peut fixer arbitrairement le minimum d'entropie au zéro absolu figeant les mouvements, il n'y a pas d'entropie maximum juste des situations d'équilibre) mais c'est aussi que la source principale de l'entropie n'est pas une loi déterministe, seulement probabiliste, la réduction de l'entropie n'étant pas impossible, simplement très rare (ou par l'apport d'énergie).

Il ne me semble pas cependant que cette entropie thermodynamique soit la seule forme d'entropie. Il y a aussi une entropie dans l'interaction, la transformation de l'énergie et la décohérence au moins ou l'effondrement de la fonction d'ondes.

Ce sont ces questions que j'examine dans les textes rassemblés.

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L’utopie communautaire

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Martin Buber, Ancienne et nouvelle communauté (1901)
Martin Buber n'est pas assez connu en France. J'avais lu avec intérêt son livre principal "Je et Tu" qui caractérise l'existence humaine par la rencontre de l'Autre, ce dont on peut dire que Lévinas fera une lecture extrémiste (substituant une responsabilité supposée infinie, asymétrique, à la réciprocité) mais cette constitution du moi par l'autre pourrait être rapprochée aussi de Lacan (l'inconscient comme discours de l'Autre, le désir comme désir de l'Autre).

La publication récente d'un recueil des textes de Buber sur la communauté montre comme ce décentrement du sujet le mène à identifier la vie en communauté à la vraie vie, ce qui en fera un des théoriciens des kibboutz et du sionisme au tout début du XXè siècle. On peut être consterné de voir comme ces hautes aspirations des premiers sionistes ont pu être dévoyées par ses gouvernements d'extrême-droite et par la colonisation, détruisant tout le crédit d'Israël - ce qui pourrait à terme conduire à sa disparition pure et simple (comme à la remontée de l'anti-sémitisme).

Le plus intéressant pour nous, c'est de retrouver, notamment dans la conférence de 1901 (Ancienne et nouvelle communauté) qui ouvre le volume, presque la même idéologie que celle de Mai68 et du mouvement des communautés qui a suivi, y ajoutant la liberté sexuelle (qui restait marginale malgré tout). Une des principales conséquences de Mai68 a été, en effet, cette prolifération de communautés libertaires, qu'on a apparemment oubliées, rejetées aux poubelles de l'histoire car elles n'ont pas résisté au temps, ce qui n'a pas été le cas des kibboutz dont Buber parlait en 1945 comme "Une expérience qui n'a pas rencontré l'échec" (p135). Tout de même, s'ils persistent encore, c'est sous une forme très éloignée du projet initial.

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La transition écologique

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Les risques d'effondrements sont réels et peuvent avoir des allures d'apocalypse, mais ils ne sont ni aussi assurés, ni aussi proches, ni aussi définitifs que nous le présentent les catastrophistes, et surtout on peut en éviter certains une fois bien identifiés. L'exagération est une tendance très répandue, comme on prétend qu'une guerre nucléaire détruirait la planète ! Cela n'empêche pas évidemment qu'il faut absolument éviter une guerre nucléaire, qui serait absolument catastrophique même si elle reste localisée. Vraiment pas la peine d'en rajouter ! Les avertissements des catastrophistes ne doivent pas être pris à la légère, juste avec un peu plus d'exactitude et de souci de mesures efficaces, tenant compte du possible effectif et de nos moyens limités au lieu d'en rester à de vaines protestations. Rien de pire que cette délectation de la fin du monde qu'on entend trop souvent et qui procure l'illusion d'être les derniers hommes, vivant un moment exceptionnel, celui de la fin de tout !

Si l'optimisme n'est pas de mise face à des menaces réelles et des catastrophes que nous ne pourrons pas toutes éviter, l'examen des données actuelles laissent penser qu'on a les moyens de s'en sortir malgré tout, aussi incroyable cela puisse paraître aux yeux des écologistes. Ce n'est certes pas gagné d'avance mais la transition écologique est déjà engagée sur la plupart des points, et ceci sans avoir à sortir de la société de marché, ce qui ne se fera pas de toutes façons au niveau planétaire même si on est persuadé que ce serait nécessaire. Il n'y a rien à changer sur les principes de base de l'écologie et d'une vie la plus écologique possible. Tout ce qui va dans ce sens est à encourager avec l'espoir d'en faire un mouvement de masse, mais les villes ne vont pas retourner à la campagne et il n'y a pas de sortie du capitalisme ni de l'évolution technologique en vue. Après toutes ces années, continuer à y croire serait du pur déni, le capitalisme ne recule pas mais continue à s'étendre. Ce qui est étonnant, c'est que même dans ce contexte qu'on peut dire anti-écologique (productivisme, société de consommation, financiarisation), le minimum qui reste possible pourrait nous permettre malgré tout de passer le cap du pic de population. Ce n'est pas sûr, mais pas impossible non plus - sauf à se croire plus savant que les savants.

L'écologie-politique n'a plus aucune chance à ce jour de changer la société, ce qui n'invalide pas les raisons de défendre une écologie municipale qui finira peut-être par s'imposer, mais comme on en est loin, il faut se convertir en attendant à des actions réalistes et ciblés, en soutenant aussi bien les ONG que les alternatives locales ou les ZAD et leurs expérimentations, cependant, à l'évidence, ce qui reste le plus important matériellement, le plus efficace, ce sont encore les lois et mesures que peuvent prendre des gouvernements et leur ministère de l'écologie. Même insuffisantes, il faut les soutenir au lieu d'affaiblir notre ministère qui fait ce qu'il peut. Un écologiste ne peut être extrémiste, ce qui est gagné est gagné, et pourra être amélioré à l'avenir. Or, ce qu'il faut montrer, c'est que ce n'est pas rien et que ça va dans la bonne direction, même si ce n'était pas la nôtre. Quand on fait un survol des politiques menées, on voit bien que nous sommes déjà rentrés dans la transition écologique sur plusieurs plans, certes à petits pas et avec ce qu'on doit bien appeler une écologie marchande.

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L’erreur de prospective d’Homo Deus

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La prospective impossible

L'accélération technologique nous a rendus plus sensible à quel point la technique est notre destin et ne dépend pas de nous, contrairement à ce que les écologistes ont voulu croire (jamais la critique de la technique n'a arrêté le progrès). Cette simple constatation nous oblige à passer de l'utopie à la prospective, tout comme on essaie d'évaluer l'augmentation future des températures ou de la population. Que la prospective soit nécessaire ne veut pas dire cependant qu'elle soit vraiment possible. C'est la première chose qu'il faut apprendre, constituant la limite de l'exercice. Il n'est donc pas si certain que nous puissions faire preuve de clairvoyance ni que notre clairvoyance soit tellement utile, qu'elle ait le pouvoir de modifier nos comportements par l'information, car s'ajoute à la difficulté le "putain de facteur humain" qui n'incarne certes pas l'intelligence de l'homme mais bien sa connerie dévastatrice (nationalisme, fanatisme, démagogie) dont la prospective n'est pas épargnée.

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Revue des sciences juin 2018

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Pour la Science

La Recherche

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

Une hypothèse séduisante pour l'histoire de notre planète et de la vie prétend que la tectonique des plaques serait plus récente que supposée jusqu'ici et aurait provoqué la "Terre boule de neige" puis favorisé l'explosion cambrienne, qui a pris 40 millions d'années et suit de peu la fin de cette glaciation généralisée, profitant de l'apport par la tectonique de nutriments dans les mers. Une hypothèse plus sensationnelle (mais beaucoup moins crédible) prétend que les pieuvres auraient intégré des gènes extraterrestres par des virus venus d'autres planètes ! Moins farfelue, mais à confirmer quand même, la possibilité dont on avait déjà parlé de transférer une mémoire entre deux organismes. Ce qui mérite le plus d'attention sans doute, c'est qu'on pourrait bientôt tous porter un casque pour la stimulation électrique du cerveau aussi bien que pour la lecture des pensées et le contrôle de nos appareils, de jeux ou de films, éventualité qui ne nous effleurait pas l'esprit mais devient de plus en plus probable. Le passage de la génétique à la programmation épigénétique n'avait pas non plus été anticipé et devrait être de grande conséquence. Sinon la réalité virtuelle pourrait être adoptée grâce aux vidéos familiales 3D. Enfin, l'ère des taxis volants se rapproche un peu plus avec la mise au point par la Nasa et Uber de la régulation du trafic aérien nécessaire.

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