Philosophie et psychanalyse (Sartre et Lacan)

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Dans la lignée de mon texte précédent, il s'agit de défaire la totalisation hégélienne qui va de l'existence individuelle à l'histoire, non pour réduire à rien la dialectique, qui reste si éclairante en de nombreuses occasions, mais pour montrer comme les différentes dimensions ont leur autonomie et leur propre logique, ne pouvant s'unifier en dépit des penchants totalitaires de la pensée, ce qu'ont pu confirmer encore les tentatives calamiteuses de traduction politique de l'existentialisme.

Il n'y a pas continuité de la subjectivité (singulière) aux sciences (universelles) ni au politique (particulier). La raison, qu'elle soit logique, calculante, technique ou cognitive, a incontestablement de larges domaines de pertinence mais à vouloir tout recouvrir de son scientisme, on s'aperçoit qu'elle efface ce qui nous distingue des machines, la part irrationnelle de l'âme dont on peut soutenir qu'elle constitue notre humanité au moins autant que la part rationnelle ("Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point"). Contre la simple identification d'Homo sapiens à un animal rationnel et à la conscience de soi, il faudrait admettre que nous sommes surtout des êtres parlants pris dans des récits familiaux et des croyances collectives, que nous sommes tout autant des Homo demens et que ce n'est pas un détail négligeable. En dehors de capacités techniques impersonnelles, notre humanité se manifeste en effet d'abord par ses mythes et religions (qui sont des histoires à dormir debout), comme au niveau individuel par la folie, le rêve, le fantasme, l'amour, le désir, les symptômes, actes manqués, etc., toutes choses dont les robots et intelligences artificielles sont complètement dépourvus, même à les doter de capacités émotionnelles. Ce sont paradoxalement les épreuves de la vie, nos traumatismes et blessures narcissiques, nos fragilités, nos défauts, nos bizarreries qui nous donnent une profondeur humaine, voire quelques talents spéciaux. La rationalité philosophique se trouve ainsi forcée de reconnaître son dehors et l'opacité à soi-même, tout comme la politique doit renoncer à forger un homme nouveau entièrement rationnel et le cognitivisme ou l'Intelligence Artificielle revoir leur conception de la conscience.

Après avoir montré la séparation de la pensée et de l'être, avec notamment l'autonomie de l'évolution cognitive et technique par rapport au politique, c'est donc l'autonomie de l'inconscient qu'on va mettre en lumière, ce qui oppose la philosophie à l'autre scène, celle de la psychanalyse, de l'incidence du langage et de notre enfance sur nos existences, au-delà de nos projets conscients et de tout souci cognitif puisqu'on est ici plutôt dans le refus de savoir, où la résistance est à la mesure de la vérité qui blesse. La démarche philosophique, y compris sous la forme d'une psychanalyse existentielle, se trouve ainsi débordée par l'évolution technique d'un côté, et par l'inconscient de l'autre, le véritable monde de la subjectivité et du récit de soi, qui se distingue radicalement de celui de l'économie ou du cognitif.

Ce qui est intéressant dans la psychanalyse, ce n'est pas la théorie qui tente d'en rendre compte (ce n'est pas un dogme freudien ni une philosophie), mais uniquement le dispositif et ce que disent les analysants. La grande différence avec les autres thérapies, en effet, c'est qu'il ne s'agit pas d'un formatage, d'une "rééducation émotionnelle du patient" (p585), de l'application d'une théorie (il y en a plusieurs, chez Freud même). Il s'agit d'une parole "libre"... qui finit par dire toujours à peu près la même chose, retombant dans les histoires ennuyeuses de papa maman et de séduction sexuelle (si ce n'est de pédophilie). Chaque témoignage est certes singulier, mais il est d'autant plus étonnant d'y retrouver des mécanismes répétitifs qui étaient restés inaperçus (en dehors de la littérature) et dont on peut constater à quel point ils restent inacceptables aujourd'hui.

Il est bien clair que ce qui scandalise encore, c'est la place de l'inconscient (déresponsabilisant), l'importance de la sexualité (qui nous tire vers le bas), la fonction du phallus (du mâle dominant) et le complexe d'Oedipe (répressif) aboutissant à la castration (qui nous empêche de jouir), toutes choses qu'on s'acharne à dénier et dont il faut interroger l'universalité (y compris les extraterrestres?). Si les libertaires voudraient se débarrasser de l'Oedipe, les féministes du phallus et les religieux ou moralistes de la sexualité, c'est qu'on se trouve face à un réel qui n'est pas présentable, à l'opposé des représentations religieuses ou politiques comme des promesses publicitaires du développement personnel (dont les praticiens ne se soucient guère du transfert).

La différence radicale entre philosophie et psychanalyse apparaît assez clairement dans la comparaison de la psychanalyse existentielle de Sartre avec la psychanalyse freudienne mais il faut partir d'abord de ce qui peut rapprocher Lacan et Sartre, qui n'est pas négligeable bien que longtemps méconnu alors que cela saute aux yeux (Clotilde Leguil en a fait un livre en 2010 : "Sartre avec Lacan"). Il est vrai que Lacan ne parle presque jamais de Sartre, sinon pour polémiquer avec lui, et se réfère plus volontiers à Heidegger (dont il a traduit Logos) mais Sartre a marqué assez son époque pour avoir influencé même ses contradicteurs avec ses descriptions phénoménologiques. En tout cas, on peut voir des similitudes entre ce que Sartre appelle "projet fondamental", dont on pourrait difficilement changer (il prend l'exemple d'un complexe d'infériorité), et ce que la psychanalyse appelle le désir inconscient, le fantasme originel ou la structure névrotique comme rapport à la jouissance, l'idéal du moi y faisant office de projet. S'ils ne disent pas du tout la même chose, on va le voir, c'est à coup sûr de la même chose qu'ils parlent, et la conception du désir comme manque à être (qui n'est pas freudien) rattache incontestablement Lacan à l'existentialisme, même si pour lui, le manque à être est désir de désir, désir de l'Autre.

C'est pourtant bien l'être-pour-autrui qui rapproche le plus Sartre de Lacan, héritage de la lecture magistrale faite par Kojève de la Phénoménologie de l'esprit et du désir de désir, bien que Sartre ne semble pas avoir suivi ses cours avec beaucoup d'assiduité. En tout cas, le départ ontologique de l'Être et le Néant s'en inspire beaucoup (p574), voire du début de la "Philosophie de l'Esprit" (§382) dans "l'Encyclopédie des sciences philosophiques", qui ne laisse d'ailleurs à la dialectique intersubjective que la portion congrue (à peine plus de deux pages). L'être-pour-autrui est par contre absolument central pour Sartre, même si l'enfer, c'est les autres car ils nous aliènent, figeant sous leur regard notre libre pour-soi réduit à un simple en-soi (en fait c'est tout autrement qu'ils nous font souffrir la plupart du temps). Une des scènes du livre la plus frappante, et citée, c'est le surgissement du regard de l'Autre qui provoque la honte de celui qui regardait par le trou de la serrure. Si on peut y voir une des sources de la pulsion scopique et de l'objet a lacanien, ce n'est pas d'être regard (omniprésent en philosophie de Platon à Heidegger) mais comme regard de l'Autre, ce qui amènera Lacan à parler d'hontologie pour souligner que c'est l'Autre qui nous met en cause dans notre être. Plus étonnant, la constatation qui semble encore si audacieuse que "le rapport sexuel n'existe pas" est déjà ce que Sartre affirmait par l'impossibilité de posséder la liberté de l'autre - s'assurer de son désir le réduisant à un simple en-soi alors qu'on le désire comme pour-soi, amour libre à chaque fois remis en cause, la jouissance de l'Autre ne faisant pas preuve, et devant toujours reséduire à nouveau. Le sujet de la psychanalyse n'a certes rien de la conception éthérée du pour-soi (pur néant), de l'auto-engendrement d'un self made man, c'est un sujet au lourd passé, pris dans les discours et sa relation à l'Autre mais si Lacan corrige les descriptions que fait Sartre du sadisme et du masochisme, il s'en inspire beaucoup.

Ce qui leur est par contre tout-à-fait commun, c'est leur opposition au biologisme et le thème de la non-coïncidence à soi ("L'être qui est ce qu'il n'est pas et qui n'est pas ce qu'il est"). Au coeur du stade du miroir déjà (1936-1949), c'est ce qui motivera le combat de Lacan contre la psychologie du moi (l'ego psychology utilitariste d'adaptation à l'American way of life). Qu'on juge sinon de ce qui peut rester de sartrien dans ces formulations de Lacan : "le sujet ne désigne son être qu'à barrer tout ce qu'il signifie, comme il apparaît en ce qu'il veut être aimé pour lui-même" (La signification du phallus). "Le désir est ce qui [...] amène au jour le manque à être avec l'appel d'en recevoir le complément de l'Autre, si l'Autre, lieu de la parole, est aussi le lieu de ce manque" (p627). "Si le désir est la métonymie du manque à être, le Moi est la métonymie du désir" (p640). "Effet de rétroversion par quoi le sujet à chaque étape devient ce qu'il était d'avant et ne s'annonce : il aura été, - qu'au futur antérieur" (p808). On pourrait ajouter l'injonction de ne pas céder sur son désir (projet), etc.

Ce qui différencie Sartre et Lacan est malgré tout bien plus important que ce qu'ils ont en commun. Ce n'est pas tant que la psychanalyse existentielle se focalise (comme le coaching) sur les projets, tournée vers le futur et la liberté, alors que la psychanalyse freudienne serait tournée vers un passé lointain qui nous déterminerait complètement. Outre que Sartre mobilise bien le passé dans ses analyses et suggère souvent qu'on ne guérit pas de son projet fondamental, qui ne ferait que changer de forme (comme le symptôme), la différence est toute autre. Elle est d'abord dans le transfert et le rapport au savoir qui n'est pas du tout celui de la philosophie et se distingue radicalement de la prétendue neutralité instrumentale des thérapies cognitivistes ou comportementalistes qui prennent la subjectivité pour objet à redresser et dénient leur pouvoir de suggestion. La place du transfert est bien explicitée par la définition qu'en donne Lacan d'un "sujet supposé savoir", jusqu'à faire de l'analyse du transfert et de sa dissolution (la passe définie d'ailleurs comme désêtre) le seul but de l'analyse - à l'exact opposé de la suggestion et de l'hypnose pratiquées par Freud à l'origine. La cause de la liberté est bien de ce côté quoiqu'on dise (même s'il y a beaucoup trop de psychanalystes toxiques cultivant la dépendance et profitant de l'amour de transfert - mais les mauvais psychanalystes comme les charlatans ne prouvent rien contre la psychanalyse).

Ce n'est pas évidemment la seule différence. Le rejet de l'inconscient par Sartre, reprenant les arguments d'Alain, est typique de la philosophie, ne pouvant arriver à comprendre qu'on ne refoule effectivement qu'un savoir et une conscience préalable. L'inconscient ne désigne absolument pas tout ce qui est inconscient dans notre cerveau ou notre mémoire, l'homme neuronal, ni même l'inconscient structural (des systèmes de parenté) ou l'inconscient idéologique, mais uniquement un savoir auquel le surmoi ou notre narcissisme refuse la conscience ou qui n'accède pas à la symbolisation. Souvent, l'analysant qui le redécouvre dit qu'il l'a toujours su ! La raison pour laquelle ce n'est pourtant pas simplement de la mauvaise foi comme ils le prétendent, c'est tout simplement qu'on n'en a vraiment pas conscience ! C'est même ce qui fait de la vérité refoulée ce qui revient dans le symptôme. Il y a incontestablement de la mauvaise foi à foison, plus ou moins consciente, mais parler de mauvaise foi ne convient pas par exemple pour le refoulement d'une agression sexuelle dans l'enfance dont le souvenir ne revient que des dizaines d'années plus tard. On perd certes ainsi l'unité du sujet, mais on peut en vouloir à Sartre (et Alain) d'avoir ajouté une condamnation morale aux souffrances névrotiques par le refus de reconnaître cette division, les malades se trouvant accusés d'être responsables de leur maladie (refrain qu'on nous serine encore), ce qui est un comble [on pourrait le reprocher aussi à Lacan quand il prétend que, malgré tout, "De notre position de sujet, nous sommes toujours responsables" p858, qu'on peut entendre comme une finalité et non un fait, "là où c'était, le je doit advenir" ?].

Comme on l'a dit pour commencer, la plus grande différence cependant, c'est ce que résume le complexe d'Oedipe si mal compris - servant depuis Pompidou aux réactionnaires pour défendre la famille et la Loi du père, l'Oedipe devenant paradoxalement la garantie de l'accès au stade génital et à la normalité psychique, tout défaut à cet ordre préétabli étant sujet de plaintes irréparables ! Il y a toujours eu des psychanalystes au service de l'ordre social et de l'adaptation alors que si la sexualité occupe une place centrale, c'est par ses déviances, ses ratages, ses perversions, c'est parce qu'il n'y a pas de rapport sexuel justement ni de complémentarité. Le manque comme le péché est originel, ontologique, dont on cherche un coupable dans son histoire. La fonction du phallus comme signifiant l'objet du désir est attestée dans les cérémonies depuis la plus haute antiquité comme dans les fantasmes des analysants mais ce n'est qu'un symbole dans une structure, il est absurde d'en faire une perpétuation du patriarcat quand il expose l'homme qui le porte à la castration et qu'on désire "être le phallus" (être l'objet du désir) plus que l'avoir ! On peut dire que l'Oedipe ne fait que déployer dans un mythe la signification de l'interdiction de l'inceste désignant la mère comme interdite et la façon dont le désir se construit comme désir de désir et désir de l'Autre passant par l'objet supposé de son désir, la fonction du père et de la mère n'étant là aussi que paradigmatiques, les rôles pouvant être occupés par d'autres de même que les objets de nos désirs sont innombrables, le phallus n'en étant qu'un symbole ("il n'est rien d'autre que ce point de manque qu'il indique dans le sujet" p877). Il n'empêche qu'on peut s'amuser de voir comment Sartre met en scène son Oedipe dans Les mots tout en le déniant pour prétendre à une absence de surmoi le laissant entièrement libre !

Ce qu'il faut souligner, c'est à quel point on est loin de la rationalité philosophique, ou même du désir de reconnaissance, et plutôt dans la relation asymétrique de la petite enfance qui n'a rien d'un désir égalitaire ni du rapport à un semblable, une autre conscience. On n'est donc plus du tout dans l'ontologie, la signification solitaire du Pour-soi, mais dans la nécessité d'exister pour l'Autre, plus proche de la jalousie. Ce que dit l'Oedipe, c'est que notre rapport à l'autre passe par l'objet du désir et la rivalité imaginaire, au-delà d'un bête désir mimétique. C'est notre dépendance première à l'autre qui va se fixer sur l'objet de son désir et donner sens au monde. L'autre y est moins un semblable qu'un Autre énigmatique dont il nous faut capter le désir.

C'est très précisément la signification de la sexualité, dont la philosophie ne sait que faire, d'avoir affaire au tout autre. Un homme n'est pas une femme, découverte souvent traumatisante qui n'a rien à voir avec la promotion de l'hétérosexualité ou de la sainte famille, l'homosexualité elle-même reposant bien sur la différence sexuelle et chacun pouvant prendre la place de l'autre sexe puisque ce n'est finalement qu'un jeu de rôles qui supplée par le semblant au rapport sexuel qu'il n'y a pas - mais qui reste en général asymétrique (même entre homosexuels). La différence sexuelle est pure différence (réelle) qui sépare, elle n'a pas de contenu (on lui en trouve). Le phallus, supposé en être l'instrument, n'est ici qu'une représentation naïve, fétiche imagé comme ce qui remplit un manque, comble le désir mais sur le mode comique peut-on dire. Cette structure paradigmatique de signification du désir de l'Autre ne change pas, bien sûr, s'il n'y a pas de père, pas de phallus, pas de différence des sexes !

L'anti-Oedipe est un énorme contre-sens qui prétend valoriser contre la répression familiale un désir machinique supposé créatif et développement de notre essence, simple augmentation de notre puissance, déniant qu'il soit manque et désir de l'Autre. Rien de plus égarant que ces philosophies désirantes qui prétendent nous prescrire comment on devrait vivre mais c'est bien une façon de restaurer le discours philosophique (sur la Liberté et le Bien) en évacuant le réel inassimilable et inquiétant mis au jour par la psychanalyse qui ne peut promettre nul paradis, seulement de faire avec. L'Oedipe n'est pas une norme mais une structure signifiante et de toute façon le dispositif analytique n'est pas agencé pour normaliser ou rééduquer. C'est l'analysant qui se plaint de la norme, la transgresse, culpabilise, en rejetant la faute sur son analyste ou sur sa famille pour ce qui est un fait social, effet du langage et manque à être constitutif, malaise dans la civilisation ou injustice de la Loi.

On a souvent accusé la psychanalyse de détourner de la politique en modifiant sa position envers un réel insupportable au lieu de changer le réel lui-même, et il est vrai que dans l'après-68 pas mal d'anciens gauchistes y ont vu un recours à leur dépression suicidaire, mais c'est une vision très utopique et subjective de la politique de croire qu'elle dépend de nos souffrances psychiques ou de nos folies individuelles, même si les fous se font volontiers les porte-paroles des mouvements collectifs. La politique a sa propre autonomie, ses propres lois, dépendant de l'occasion et des rapports de force, pas des névroses individuelles même si elles peuvent disparaître le temps de grands bouleversements. Que la plainte soit politique n'implique pas non plus que la psychanalyse puisse soigner la politique. Les psychanalystes qui s'y sont engagé n'y ont pas fait preuve de moins d'aveuglement que les autres, les pires étant ceux qui voudraient rétablir la Loi du père (fouettard). Depuis Platon, les philosophes ne valent guère mieux en politique, promettant bien inconsidérément une réconciliation finale avec le réel (Sartre croyant encore à la fin de sa vie qu'après la révolution les rapports humains seraient transparents!). Pour autant, la philosophie reste liée à la politique, étant née avec Socrate pour guider la démocratie. Même si leur idéalisme produira souvent le pire et les éloigneront de la démocratie pour soutenir des pouvoirs autoritaires capables de réaliser leur idéal, les systèmes philosophiques peuvent difficilement éviter de comporter une philosophie politique. C'est que la philosophie est un élément du débat public, ce qui n'est pas le cas de la psychanalyse s'occupant de l'inavouable et du singulier.

Ce qui est inavouable notamment, aussi bien pour la philosophie que politiquement, c'est ce qui lie indissolublement la jouissance à la transgression de l'interdit et de la Loi, débordant par là toute conscience morale (sans l'abolir bien sûr, pour que cela reste transgressif). Il semble que l'interdit désigne l'objet de la jouissance et le charge d'imaginaire, exacerbant le désir à mesure qu'il est réprimé quand partout ailleurs le désir s'épuise dans une satisfaction trop rapide et déceptive, abandonné à l'ennui et la perte de sens (le platonisme voyait bien la jouissance de l'interdit et de l'amour impossible, mais pas jusqu'à la transgression - et Sartre non plus).

Car il y a de l'interdit et des mythes, des récits de soi, des mots surinvestis, dimension trop négligée de la subjectivité constituée d'un discours intérieur incessant qui n'est ni intentionnel la plupart du temps, ni simple flux de conscience et d'images, mais dialogues ou disputes imaginaires et reconstruction du passé, de notre roman familial souvent. Dans son souci d'universalité, la philosophie rationnelle, même quand elle se veut existentielle, affiche une exigence de transparence à soi qui doit faire abstraction du singulier et de la narration elle-même, le langage étant supposé relativement neutre bien qu'il puisse tromper (Hegel souligne que la mémoire est mémoire en mots plus qu'images mais n'en tire aucune conséquence). C'est tout le contraire dans la psychanalyse attentive aux injonctions du langage et à ses ratés, bien que sans doute pas assez à la mise en récit du "drame humain". L'importance du langage est invisible par nature ("Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend", L'étourdit) alors que cela va des histoires qu'on se raconte, aux règles des discours institués, aux normes sociales et au poids des mots, ce qui faisait dire à Barthes que "La langue est fasciste", langage qui sépare, classe, exagère les différences, ordonne. On est, avec cette réalité linguistique, très loin de la raison et de la communication mais au coeur de notre humanité, celle d'un être parlant qui est parlé plus qu'il ne parle et dont l'énoncé trahi l'énonciation et le rapport à l'autre, au-delà de son contenu manifeste - son désir au-delà de la demande.

C'est la limite de la rationalité (aussi bien de l'homo economicus que de la philosophie ou de la politique) qui doit bien admettre qu'elle n'est que la moitié du monde, dans l'impossibilité d'unifier les différentes dimensions spirituelles de l'existence. Il ne s'agit donc pas de substituer la psychanalyse à la philosophie mais de bien délimiter leurs domaines respectifs, comme on a séparé laïquement politique et religion, de reconnaître leurs logiques hétérogènes et leurs contradictions (même si ils sont imbriqués et interagissent mutuellement), réfutant une nouvelle fois l'ambition philosophique et politique de totalisation du réel, prise entre d'un côté l'évolution technique ou cognitive, d'un autre les rapports de force politiques ou puissances matérielles, et enfin la logique du fantasme - ce que le désir a d'irrationnel, ce que le sujet a de folie et d'indomptable que la philosophie ni la politique ne pourront domestiquer et contenir tout à fait (c'est le problème de l'éducation qui fait partie pour Freud des professions impossibles).

On peut en conclure que le malaise dans la civilisation a de bonnes chances de s'accentuer dans la société future de plus en plus rationalisée. Si la psychanalyse, dont le rôle a été décisif dans la libération sexuelle, pourrait donc conseiller de soulager les souffrances sociales non pas en renforçant la Loi ni en restaurant le patriarcat mais tout au contraire en allégeant les contraintes et réduisant les interdits (qui ont tendance à se multiplier), il y a peu de chance que cela influe sur la désorientation politique actuelle et ses tentations autoritaires mais ce serait certainement un progrès, et peut-être le sens de l'histoire, de reconnaître philosophiquement et politiquement la place de la marginalité, de l'errance et de l'imperfectibilité humaine, pas seulement sa finitude mais bien ses défauts les plus inacceptables, ses névroses et symptômes, c'est-à-dire la place déterminante de l'inconscient qui est peut-être tout ce qui nous distingue d'une machine intelligente après tout ?

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35 réflexions au sujet de “Philosophie et psychanalyse (Sartre et Lacan)”

  1. Je viens de traverser 8 mois d'enfer familial où je devais composer avec un père affaibli que j'ai tenté de remonter à bout de bras, sans succès car il est dès lors mort, une mère absente au combat, des sœurs furibardes, mesquines et revanchardes.

    A mon avis, il y a un continuum entre politique, économie, matérialisme, cognitivisme et psychanalyse.

    • C'est une croyance extrêmement répandue celle de l'unité du réel et de l'esprit, mais un idéalisme qui ne tient pas la route.

      Ceci dit, il faut sans doute répéter que, tout comme la séparation de la pensée et de l'être ne signifie absolument pas qu'ils seraient sans aucun rapport, il y a bien sûr de grandes influences du politique sur le subjectif comme le souligne le texte (les illuminés se font les porte-paroles des mouvements). L'importance du langage, des discours, des idéologies implique l'omniprésence du politique qui s'infiltre dans la vie comme dans l'inconscient, ce qui n'empêche pas que ce sont des ordres complètement différents et que ce n'est pas en tout cas le subjectif qui détermine le politique comme on voudrait s'en persuader mais des rapports de force très matériels qui passent par l'idéologie.

      C'est de là que je suis parti, de l'autonomie du politique sur lequel on se casse les dents (l'impuissance totale du mouvement social actuel aussi bien que des écologistes ne faisant que le confirmer).

      • Quand je parle de continuum entre ces différentes instances, c'est que je les discerne, leurs dynamiques propres, dans un premier temps.

        La présentation-narration des rapports de force comporte une forte partie subjective qui fait la différence dans les chemins suivis in fine, comme dans le cas des chemins thermodynamiques.

  2. S.Zizek "Le sujet qui fâche" est plutôt amusant là-dessus. (et notammant plus loin concernant le rapport à la Loi.)

    "...le pacte tacite conclu par tous les partis qui s'affrontent aujourd'hui dans le monde intellectuel: ces orientations ont beau se livrer officiellement une lutte à mort (habermassiens contre déconstructionnistes, scientifiques cognitivistes contre obscurantistes New-Age....) toutes sont unies dans leur rejet du sujet cartésien."

    "Nietzsche possédait un instinct infaillible qui lui permettait de discerner derrière le sage prêchant le renoncement à la Volonté de Vie le ressentiment de la volonté contrariée: Schopenhauer et ses semblables sont des figures comiques qui ont converti et élevé leur désir impuissant, leur absence de vitalité créatrice, en pose de la sagesse résignée. Le diagnostic de Nietzsche ne s'applique-t-il pas aussi, d'ailleurs, aux tentatives actuelles visant à dépasser le paradigme cartésien de la domination au moyen d'une nouvelle attitude holiste consistant à renoncer à l'anthropocentrisme, et à apprendre humblement auprès des cultures anciennes, etc..."

    Antoinette Rouvroy "Repenser le sujet de droit comme puissance" énonce les mêmes problématiques:
    https://www.youtube.com/watch?v=bNN3PMkMSfY
    ou l'Art de ne rien changer.

    **"Le gouvernement algorithmique se distingue notamment du gouvernement néo-libéral en ce que la docilité qu'il produit n'est pas l'injonction de productivité/jouissance, mais d'affectation-sur le mode du réflexe plutôt que de la réflexion- des comportement individuels et collectifs...*

    Le savoir, non plus produit mais immanent aux banques de données et découvert par les algorithmes, est particulier notamment en ce qu'il se dispense de tout type d'épreuve. Inductif plutôt que déductif, il s'écarte radicalement des ambitions de la rationalité moderne reliant les phénomènes à leur causes au profit d'une logique purement inductive, statistique.
    Il n'éprouve pas le monde sur lequel il porte et ne se laisse pas non plus éprouver par lui.

    ...Un gouvernement ...qui façonne l'advenir, qui affecte sur le mode de l'alerte et du réflexe, mais n'éprouve ni n'est éprouvé par aucun sujet a de quoi faire frémir, ne fût-ce que dans la mesure où il ne se laisse plus provoquer par la liberté humaine, alors même que cette provocation constante est précisémment ce qui occasionne du débat, de la délibération autour de la norme, et donc du projet collectif.

    *... ce pouvoir éprouve les individus en réduisant leurs dimensions inactuelles (spontanéité, potentialité), sans mobiliser pour autant leurs capacités d'entendement et de volonté, à la différence de la loi notemment."**

    • Zizek m'intéressait beaucoup au début car il avait les mêmes références que moi : Hegel, Marx, Lacan, mais il m'a vite fatigué et noyé dans sa logorrhée. Surtout, je me suis éloigné de Marx gardant le matérialisme contre la révolution et, comme on le voit avec les derniers textes, si je garde la logique dialectique, c'est contre la totalisation finale hégélienne. L'intérêt de ces textes pour moi est justement de revenir sur mes premières références et les auteurs que je connais le mieux. Il n'y a ici qu'un début d'explication avec Lacan, n'en gardant que le minimum (la psychanalyse n'est pas une théorie) sans toutes les subtilités ni les impasses d'une combinatoire signifiante à la mode du structuralisme régnant alors. Il faudra sûrement que j'y revienne. En tout cas, je suis on ne peut plus éloigné de Zizek avec son stalinisme de pacotille travaillant à entretenir un espoir caduc (on n'est plus au temps du communisme triomphant), ce qui ne l'empêche pas de pouvoir dire quelques vérités et d'être distrayant. Son erreur, de débutant, c'est de croire que le nécessaire est possible, confusion fatale, notre drame étant qu'il n'y a personne pour faire le nécessaire, ni même pour savoir ce qu'il faudrait faire ! Ce qu'il faut rendre public, c'est notre impuissance collective pour avoir une chance de la dépasser.

      Il ne faut pas se méprendre non plus sur la dénonciation du malaise dans le civilisation. Pas plus que Freud je ne crois qu'on pourrait revenir en arrière à la vie sauvage (qui n'a rien de désirable), je ne crois pas qu'on puisse échapper à la rationalisation de la société ni au progrès technique. Le gouvernement algorithmique est inévitable, déjà là, et la manipulation des Big data va s'améliorer, que cela nous plaise ou non. Ce monde n'est pas fait pour nous plaire, mais il n'y en a pas d'autre.

      Il y aura sans doute plus de malaise mais moins de traumatismes ? Un risque, évident, c'est le terrorisme mais la violence était tellement pire avant et le pouvoir n'a jamais été cette bonne mère qu'on nous présente. Rien n'est directement vécu pour un être parlant plongé dans sa culture capable de se mettre un os dans le nez et on sait bien que la science rompt avec l'intuition ou le monde vécu (impossible de se représenter le monde quantique). Je trouve tout ce baratin intellectuel dérisoire (dérivé du vitalisme) et preuve d'ignorance, essayant de faire exister ce qui n'existe pas comme un vulgaire curé, sans aucune effectivité.

      Le gouvernement algorithmique, en tant que régulateur de l'homéostasie sociale est incontestablement destiné à ne rien changer. Prétendre au changement, c'est parler en l'air, ne pas comprendre que c'est le monde qui change. Pour être révolutionnaire de nos jours, il faut ne jamais avoir tenté de changer. Pour comprendre le monde, il faut vouloir le transformer, dans la pratique, et comprendre qu'il résiste et n'est pas en notre pouvoir quoiqu'on dise sauf très localement, que l'intelligence collective est plutôt la bêtise de la pensée de groupe et des idées dépassées, des combats perdus d'avance et la nostalgie de l'autorité. Plutôt que se bercer d'illusions au nom de belles idées, c'est la dureté du réel qu'il faut affronter et ce n'est pas drôle (mais ce ne sera pas non plus la catastrophe subjective qu'on nous promet depuis toujours!).

      • J'aurais dû m'abstenir, mais j'étais en train d'essayer de comprendre la notion de bifurcation dont parle B.Stiegler.
        que je rapprochais du "vitalisme" dans le texte de Zizek.

        S.Z. m'intéressait pour rappeler que démocratie c'est aussi le meurtre, l'inceste....etc
        et accessoirement que le terrorisme ne dépends pas des Etats, (société du risque/incertitude.)
        soit une conduite irrationnelle des individus concernant la dérive autoritaire.

        • Le problème de la notion de bifurcation, chère aussi à Paul Jorion, c'est qu'elle sert à réécrire l'histoire, comme si on avait pris le mauvais chemin et qu'il fallait revenir en arrière pour prendre le bon, ce qui peut être effectif dans sa vie personnelle (ou celle d'une entreprise) mais ne l'est certainement pas sur le long terme à cause de l'après-coup et de la sélection par le résultat qui impose son chemin. C'est là où nous ne sommes plus cause mais sujets de l'évolution (cognitive, technique, économique). On se plaint de ne plus être acteurs de l'histoire à cause de la mythologie révolutionnaire alors que nous ne l'avons jamais été (au moins depuis l'Empire romain), même les révolutions échappant complètement à leurs acteurs. Quand on admet l'inconscient, il n'est plus possible de faire de la subjectivité (moralité ou passions humaines) la source de l'histoire. Ce qu'il faut comprendre dans une bifurcation, c'est donc l'avantage matériel qui l'a favorisée et non le choix contingent qui en a été l'origine.

          Le vitalisme n'est certes pas nouveau, pas plus que la critique de la bureaucratie, de la rationalisation ou de la technique, avec, entre beaucoup d'autres, Kierkegaard, Comte, Nietzsche, Bergson, Heidegger, Marcuse, etc. Ce qui n'a jamais rien changé. Les rapports humains authentiques qu'on voudrait retrouver ne peuvent être que des rapports de voisinage (local, au travail), où ils sont loin d'avoir disparus partout.

          • La bifurcation ne me semble pas complètement illégitime, ni même complètement contradictoire avec votre position. Par exemple, imaginons qu'a Bretton Woods, ce soit un choix issu du rapport de force momentané qui ait été fait quand au SMI. Si ce choix se révèle à moyen terme globalement objectivement plus néfaste à l'économie que bénéfique, il n'est pas impossible de revenir sur ce choix et de réussir à mettre en place un SMI plus sain pour tout le monde (par exemple qui résolve le dilemme de Triffin).

          • Ce que je critique dans la bifurcation c'est qu'elle soit justement une façon de réécrire l'histoire (c'est devenue une spécialité reconnue). Bien sûr qu'une politique désastreuse peut être arrêtée (sélection après-coup par le résultat) et bien sûr que les situations et rapports de force évoluent, que de nouvelles mesures peuvent sembler revenir en arrière, mais c'est parce qu'elles correspondent à un nouveau moment.

            L'enjeu de la critique de scénarios imaginaires c'est de sortir de l'impuissance. Il est accablant de voir comme on rêve encore à des solutions impossibles, subjectives, alors qu'on va dans des directions opposées. On préfère se voir en héros d'un futur radieux qu'en lamentables vaincus du sombre avenir qui s'annonce. On peut dire que paradoxalement, l'optimisme est à son comble ! Il faudrait plutôt prendre en compte l'impuissance de la loi du coeur pour se préoccuper des avancées objectives possibles et indispensables mais cela semble actuellement une tâche impossible. Il faut encore quelques défaites sans doute pour quitter le XXè siècle et se résoudre à des stratégies plus réalistes afin de parer au plus urgent au moins. Il ne s'agit absolument pas de ne rien faire mais de faire ce qui est faisable étant donné le contexte, pas de refaire l'histoire.

          • Il y a quelque chose qui me gène dans votre vision (qui me semble réductrice) de la bifurcation, dans votre insistance à définir implicitement les analyses des bifurcations comme des réécritures de l'histoire, ou comme si on pouvait réécrire l'histoire. Je poursuis sur Bretton Woods. Est-ce que le choix qui a été fait à l'époque était le seul possible, compte tenu des diverses réalités du moment? Quel a été le poids propre des négociateurs? Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une part non entièrement déterminée par les contingences matérielles, ou que pour les mêmes contingences matérielles, plusieurs choix sont possible. Un choix est fait, et il se peut qu'il soit très mauvais, ce qui peut appeler une rectification après-coup, si l'occasion se présente. Il s'agit de choix complexes dont on ne peut dire à coup sûr qu'ils soient bons sur le long terme. Mais s'il y a des choix meilleurs que d'autres, c'est bien qu'on a le choix, et que ces choix ont bien une influence sur le cours des choses. Je ne vois pas en quoi c'est se raconter des histoires ou réécrire l'histoire, que de tenter de percevoir ces bifurcations, sans pour autant surestimer les marges de manœuvres. D'autant qu'on ne se baigne en effet jamais deux fois dans le même cours d'eau!

          • Je suis dans un premier temps d'accord avec Michel, sauf qu'au moment des débats concernant la bonne bifurcation à prendre, eh bien souvent ça marche pas, c'est la pire des options qui est prise.

            Donc, je rejoins le réalisme de Jean Zin, ces débats sont des histoires d'amour qui finissent mal en général : https://www.youtube.com/watch?v=zLnHpe_drSU

          • Mais enfin, je ne dis pas qu'il n'y a pas de bifurcation, ni qu'on ne peut jamais revenir en arrière (il suffit de relire ce que je dis ci-dessus), encore moins qu'il n'y aurait pas de dialectique avec le réel ! Je critique l'usage actuel qui est fait de la bifurcation pour réécrire l'histoire comme trompeur. Ce qui est trompeur, c'est d'ailleurs surtout de détacher une bifurcation de son contexte.

            Si on prend l'exemple de Bretton Woods, il est clair que le choix qui a été fait n'était pas théorique. La proposition de Keynes était, elle, très théorique mais ce qui a décidé à la fin c'est l'intérêt des USA, leur puissance. Cette "bifurcation" ne les a pas empêché de changer complètement la donne par une nouvelle bifurcation avec la déconnexion de l'or quand ils ne pouvaient plus assurer la conversion. Les banques centrales qui sont en charge des questions monétaires continuent de faire évoluer le système quand il le faut (pouvant faire des choix mauvais comme Trichet, car il y a bien des choix à court terme). On peut changer une politique, revenir en arrière à une des grandes bifurcations n'a aucun sens. Il n'y a personne pour le faire.

            En dehors du côté abstraction complète de cette fixation sur une supposée bifurcation, ce qui est extraordinaire c'est d'avoir des idées sur la façon dont le système monétaire devrait fonctionner, comme si cela dépendait de nous ! Il paraît naturel à tout un chacun d'avoir des idées bien arrêtées sur ce qu'ils ne connaissent pas et alors qu'ils ne sont pas du tout en position de peser sur la question (plus on connaît, plus on connaît le peu de marges de manoeuvre qu'on a). Si une Banque centrale s'oppose à une autre sur un point, il peut y avoir sens à soutenir l'une contre l'autre, quoique ce soit le plus fort qui gagne à chaque fois, mais qu'un simple citoyen ou même un parti s'imaginent pouvoir changer les règles mondiales à leur guise est surréaliste alors qu'on arrive même pas à changer celles de l'Europe, en tout cas cela ne sert à rien (la Taxe Tobin aurait pu, si l'effet n'en était pas négatif et trop coûteux). C'est l'idéologie démocratique du cause toujours qui était d'ailleurs celle des Nuits debout.

            Certes, rien de plus naturel à notre esprit que de penser l'univers, nous petit roseau pensant, mais de là à croire pouvoir le refaire... (illusion délirante que j'ai longtemps partagé). On est dans la pensée magique non seulement de se croire toute puissante mais de croire savoir quoi faire en isolant un élément d'une complexité que personne ne maîtrise. Non seulement ces révolutions (bifurcations) ne sont pas possibles mais elles ne sont pas non plus souhaitables (peu importe ce qu'on en pense). Dans la dialectique hégélienne, ce moment qu'il appelle celui de la loi du coeur voulant imposer sa volonté au monde est suivi de sa négation qui identifie dans cette loi du coeur le désordre du monde, décidé désormais à l'effectivité. Si ces divagations sont condamnables, en effet, c'est qu'il faut absolument sauver ce qui peut l'être et avoir des stratégies réalistes pour obtenir le plus possible de la situation en fonction des forces disponibles, pas de nos belles idées et de notre sentiment de toute-puissance.

            PS : Je rajoute qu'il me semble qu'on peut définir le succès du thème de la bifurcation comme signifiant une révolution qui retourne en arrière, ne pouvant plus penser une révolution qui va de l'avant.

          • Personnellement, je suis bien conscient qu'à mon niveau de roseau pensant, je me contente la plupart du temps de me courber au gré du vent. Mais toutefois, je lis, j'écoute, je réfléchis, j'écris un tout petit peu, je vote (bien qu'aucun mouvement politique ne me semble satisfaire, au moins pour sa propre organisation, au minimum démocratique), j'essaie de participer concrètement au développement des techno de gestion de l'intelligence collective en ayant bien conscience de la difficulté dès qu'on a affaire à des groupes étendus, j'ai raté une occasion de lancer une coopérative municipale et maintenant c'est foutu parce que je ne connais plus d'élu avec qui le faire, j'essaie de pratiquer les connaissances de l'agroécologie dans mon jardin et ça au moins, ça marche (du coup, je fais très bien la différence entre bio et agroécologie). Je m'interroge sur la lutte acharnée du gouvernement contre les zadistes (culture individualiste=surtout pas de nouveau Larzac???), et pourquoi la France n'a pas un peu plus soutenu le seul mouvement vraiment démocratique du moyen Orient, je veux parler des Kurdes qui ont adopté le municipalisme libertaire?
            Plus loin sur le SMI, je me demande toujours pourquoi il ne serait ni possible ni souhaitable de relancer le plan du Bancor....

          • Le problème n'est pas de savoir si la modification du système monétaire serait souhaitable, mais pour qui. La modification viendra probablement de la Chine si les USA continuent à s'affaiblir. On n'est pas dans un monde purement rationnel, justement, ce sont les rapports de force qui sont décisifs (et la situation n'a plus rien à voir avec le monde du Bancor).

            Je redis sinon qu'isoler ce problème parmi tant d'autres n'a aucun sens, pure abstraction. On peut s'intéresser au problème théorique mais pour ne pas dire des bêtises il faut en devenir spécialiste et cela ne mérite sans doute pas l'effort puisque cela ne sert à rien. Sinon, on est dans le propos de comptoir, ce qui n'est pas le lieu.

            Ne pas voir qu'il nous est impossible de modifier le système international, que nous ne sommes pas en position de le faire, ne relève pas du rationnel mais de la croyance religieuse. J'y ai cru moi-même longtemps mais quand on perd la foi, on se demande comment on a pu y croire (c'est le contraire de la levée du refoulement et du sentiment qu'on l'a toujours su).

            C'est pourquoi la tâche principale que je peux me donner depuis, notamment avec la revue des sciences, c'est d'essayer de déterminer le possible (si insuffisant hélas) et le distinguer de l'impossible, de tous les combats imaginaires.

  3. Comment expliquer qu'il y ait plusieurs inconscients ? Comments expliquer que les termes de conscience, inconscient appartiennet à la novlangue (cf. bon, inbon, plusplusbon) alors que Freud s'y refusait ? Comment ne pas voir que le subconscient à l'oeuvre dans le refoulement est une invention de la psychologie ? Comment ne pas voir que nombre de patients de Freud comme l'homme aux loups n'ont jamais été guéris ? Pourquoi ne pas penser comme Roustang auter psychanalyste que le transfert pousse à l'acceptation de la répétition et non au changement (c'est vrai que Marie-France Garaud a mis 400 séances pour résoudre son problème de nom du père, ce qui ramené au tarif lacanien est cher) ? comment ne pas voir que Bernays a utiliser la psychanalyse à bon escient (ce qui serait une preuve de sa pertinence) ? Comment ne pas ? Comment ne pas prendre en compte les écrits de Jean-Claude Milner dans l'hoeuvre claire où il explique que ni l'objet a ni le mathème ni le noeud borroméen n'existe aux dires de Lacan ? Bon je ne vais pas aller jusqu'à citer Chomsky les arguments d'autorité extrapsychanalytiques n'ont pas de valeur. Pourquoi fait-on toujours l'amalgame entre les théories psychopatholiques puis postlinguistiques et la cure analytique qui ne peut être qu'une casuistique ? Comment prend en compte cette Remarque de Bachelard et de Castoriadis, un pro psychanalyse et un psychanalyste, que Freud n'avait jamais pris en compte l'imaginaire ? Pourquoi partir d'un milieu sabatéen ou frankiste autrement appelé la Vienne de l'Apocalypse pour élaborer des théories oiseuses sur la sexualité de l'enfant et la famille ?

    Bref comment ne pas voir que la psychanalyse est dans le déni de souffrance et dans la dénégation de sa propre pensée ?

    J'ai fait ce commentaire, cette fois-ci moins virulent, à Guy-Félix Duportail et il est mort quelques jours après ? La psychanalyse maintient-elle à ce point dans la culpabilité ? J'aimerai en rire.µ

    Bon je suis en peine de vous dire que j'ai eu un mauvais psychanalyste comme vous dites mais étant donner qu'il est capable de détruire un nombre conséquent de personnes, il me faut le souligner. Je n'ai jamais été un analysant, vu que je n'ai jamais payés pour quelque séance que ce soit. Juste le bougre ne sait pas que le transfert mène aussi bien à la suggestion qu'à la résistance.

    Bref la psychanalyse c'est de la merde ! Je pense à tous les névrosés dont Freud dit qu'ils virent paranoïaques ! Je pense à tous les atypiques ont Raymonde Hazan dit que la psychanalyse n'est pas faite pour eux ? Je pense à tous els parents d'entants autistes ? Je pense à tous ceux qui se sont séparés de leur milieu sur conseil de leur psychanalystes sous prétexte qu'il leur était nocif (là encore l'argument du mauvais psychanalyste est valable)

    Un que j'aime bien c'est le psy de Beckett, qui lui a fait une schizoanalyse avant l'heure en lui conseillant de partir pour Londres, bref d'avoir des projets et de ne pas être sujet barré dans sa tête. Pour lui il n'y avait pas de distinction entre conscience et inconscient !

    Pauvres Janet et Wundt, et tous les autres qui ont permis à Freud de se faire passer pour un grand découvreur. Il l'a été pour le déni, la dénégation, le déni pervers qu'applique mon "psychanalyste" !

    • Il y a des gens qui sont traumatisés par la psychanalyse, il y a effectivement des analystes toxiques, ceux justement qui entretiennent le transfert au lieu d'aider à le dissoudre. Tout cela n'empêche pas que le dispositif lui-même est fait pour sortir de la suggestion et il est quand même paradoxal de vouloir remplacer le transfert par l'hypnose quand on met en cause la dépendance à l'analyste (qui n'a pas à donner de conseils, ce n'est pas un directeur de conscience). Toute relation duelle peut devenir perverse et sera différente d'un analyste à l'autre, cela ne contredit en rien le dispositif et montre simplement qu'il est fragile. L'échec de l'analyse est loin d'être marginal, on peut dire que les sociétés de psychanalystes en témoignent organisées en réseaux de transfert quand ils sont supposés s'en être débarrassés. Encore une fois, ce n'est pas un argument contre l'analyse du transfert mais pour !

      Les arguments contre Freud n'ont aucune portée car la psychanalyse n'est pas l'application d'une théorie et Freud a tâtonné toute sa vie pour simplement rendre compte de ce que disaient les analysants. La guérison est plus douteuse comme il le notait dans son dernier texte sur l'analyse interminable. Ce qui n'est pas douteux, c'est la disparition spectaculaire de certains symptômes. On peut dire tout le mal de Freud, cela ne change rien à l'existence de l'inconscient et des symptômes (dont le neurologue Freud a juste compris qu'ils avaient un sens et n'étaient pas neurologiques - contrairement à l'autisme pourrait-on ajouter - et il n'y a de sens que du langage).

      Qu'il y ait plusieurs inconscients ne fait aucune difficulté (sans parler du fait que l'inconscient "freudien" ne connait pas la contradiction), qu'il y ait plusieurs consciences serait plus problématique puisqu'elle est l'unité de la personne. Dire que la psychanalyse ignore l'imaginaire est juste une bêtise (ici, c'est Hegel qui rejette la mémorisation par l'image), tout comme le prétendu déni de la souffrance.

      Bien sûr personne n'est obligé de faire une psychanalyse. Lacan disait qu'il ne fallait prendre que ceux dont le désir était bien décidé à le faire (pour les en guérir) ! La psychanalyse ne porte aucune promesse contrairement aux autres thérapies promettant le bonheur et la réussite. Il m'arrive comme à tout le monde de dire "tu devrais faire une psychanalyse", mais ce n'est qu'une insulte. Je conseille de ne pas faire de psychanalyse, surtout avec le risque de mal tomber. Et si on est mal tombé, il faut arrêter ou changer de psychanalyste, il n'y a nulle obligation ou contrat. Lacan lui-même considérait qu'il était mal tombé gardant contre son analyste un transfert négatif (contre la psychanalyse normative à l'américaine).

      Une mauvaise expérience n'est certainement pas un argument, les arguments contre la psychanalyse sont très faibles et haineux, relevant de ce transfert négatif, et n'ont aucune portée alors qu'une critique de la psychanalyse est hautement nécessaire, sans laquelle la pratique se dévoie vite. Tout dispositif de libération peut devenir asservissant. On peut comparer avec un marxisme libérateur se muant en dogmatisme autoritaire, cela ne rend pas moins nécessaire de se libérer. En tout cas, je ne défends même pas la pratique analytique, j'en tire juste les conséquences philosophiques, notamment en opposition à la psychanalyse sartrienne, tout le mal qu'on peut dire des analystes n'y changera rien.

      • Je n'ai aucune mauvaise expérience, juste je déteste la psychanalyse profondément. La critiquer m'a coûté la vie de mon père, si je dois élaborer un noeud compliqué.

        Il n'y a pas d'inconscient où sinon vous ne pouvez expliquer le non-conscient cellulaire à l'origine des cancer ( baisse de fiabilité dans la résolution du milliard de mutation épigénétique, dû une bonne moitié du temps ni à substance toxique ni à des parasite comme pour ce prix nobel raté de médecine dont j'ai oublié le nom).

        il n'empêche que j'ai mis le même type de commentaire, plus virulent, parce que la personne était naïve, sur la seul vidéo de Duportail, naturellement Paris 1 a censuré mais je ne sais pas si elle est la cause ou pas du trouble qui a emporté Guy-Félix Duportail. C'est histoire de rajouter à l'hystérie. Mais même Pierre Klein sur idixa.net en parle de cette dénégation de la psychanalyse.

        Juste ce qui est refoulé par l'oubli subconscient ne peut pas être élevé en substance, bref en un inconscient. C'est nie l'importance des cellules. Regardez juste les femmes qui ont un mari volage et qui meurt d'un cancer à 50 ans. Si le coeur n'envoie pas son eurythmie il se produit un cancer... (la femme d'Onfray, mais des tas d'autres). Quelque chose de chrétien se jour au sens où le "corps" s'exprime. J'écoute les gens et je vois depuis mon plus jeune âge.

        Celu que j'ai appelé mon "spy" est simplement un docteur folamour que j'ai comme directeur de thèse depuis 12 ans !

        L'inconscient est bien une théorie. Sinon pour Freud en donne une définition et Lacan une autre. Partout il est question d'idée latentes et d'idée exprimée, j'aimerai me planter, mais c'est une marque d'idéalisme. Je ne dis pas que l'inconscient freudien n'existe pas chez certaines personnes, celles qui sont vouées à la répétition simplement cette configuration qu'on nomme aussi appareil psychique n'existe pas chez toues les personne. Je n'ai pas appareil psychique, juste un appareil affectif de guetteur. Je n'ai pas subi d'attouchement ou de coup comme pour les "sabbatéens" que Freud a pris en analyse. Ce n'est pas ma faute si des Juifs croisant un faux messie (puisqu'il ne leur pas rendu le temple, ni le Royaume, ni ne connaissait les 613 commandemnts), leur a fait croire qu'on ne pouvait ne plus honorer ses enfants. Cela se retrouve aussi chez les Doumnehs dont Ataturk, Valls ou le compagnon de Macey-Scaron).

        Le but de Freud après l'hypnose était de guérir par suggestion, puis il a découvert le tranfert et la résistance à celui-ci qui fait comme il le dit dans la dynamique du transfert que l'on ne peut dès lors plus guérir.

        Lacan s'en foutait, il voulait créer des maîtres de soi.

        Jamais je n'irai dire tu devrai faire une psychanalyse !

        • C'est n'importe quoi. On peut détester la psychanalyse si on a des raisons psychanalytiques pour cela mais bien sûr, rien à voir entre les cellules et un savoir refusé et cela n'empêche pas l'inconscient d'exister. L'inconscient n'est pas une théorie mais un fait, dont on rend compte comme on peut mais il est vrai qu'il n'est pas Un, ce n'est pas le double de la conscience, ce n'est pas une substance mais un caviardage, le travail de la censure. Il y a certainement trop de théories qui recouvrent l'expérience mais l'Oedipe donne bien la structure du désir comme désir de désir (le coeur).

          La cause des cancers est le plus souvent, pas toujours, un affaiblissement des réponses immunitaires qui a souvent des raisons psychiques, dépressives, il est bien plus rare que ce soit un symptôme névrotique ciblant son organe et lui donnant sens. Il n'est pas question de prétendre que tout est langage, qu'il n'y a de maladie que psychosomatique, qu'il y aurait un inconscient qui contrôle tout, ce qui est pur fantasme alors qu'il est dans les ratés. Le langage n'est pas de l'ordre du biologique, ce monde de l'esprit immatériel existe hors des corps (dans le social, dans les livres) et produit ses propres pathologies, qui affectent diversement les corps et la mémoire. Freud ne le savait même pas, son tout dernier livre, "l'abrégé de psychanalyse" est lamentable de biologisme.

          • J'ai beau lire tout Freud, je ne vois pas une once d'inconscient. Encore une fois je crois au non-conscient d'Hartmann et de Bergson dont Freud dit qu'il n'est pas suffisant.

            Votre "c'est un fait" me semble bien dogmatique. Etrangement je ne valide pas cette évidence.

            Vous avez raison langage et corps sont liés ils appartiennent à une épistémé chrétienne. Je m'appuie sur les dernières avancées de l'antiphilosophie à savoir Badiou.

            Je vous promets de me centrer sur psychopathologie de la vie quotidienne, sur l'interprétation des rêves et sur le mot d'esprit, pour l'instant j'ai parcouru plusieurs volumes mais je n'ai trouvé que des reprises de Wundt et de Janet, qui plus est il ne dit jamais que Janet est l'inventeur du subconscient.

            La plus grande partie de la pensée consciente d’un philosophe est orientée secrètement par ses instincts. Nietzche NzBM°3.

            La notion d'inconscient n'est pas une découverte psychanalytique, mais l’invention du terme l’est à la suite de Leibniz, Schopenhauer, Wagner Bethoven, avec sa substantification* et sa stratification théorique en différentes topiques. Par instinct on ne retient que les hyperboles affirmées, Newton et Hugo dans leurs funérailles nationales prouvent qu’il faut savoir appuyer le trait, pour passer à la « postérité » et que, pour remporter un titre, il faut savoir renchérir. Soulignons que la philosophie et la psychologie avaient été traitées abondamment dans la littérature française et allemande avant même que Freud et la psychanalyse ne s'emparent de l’« inconscient », donnant autant d’importance par là à la névrose qui consiste à voir autre chose dans la conscience qu’un outil de communication et de formulation. Dans les écrits allemands, on peut penser à Edouard von Hartmann et sa Philosophie de l’Inconscient — l’autre disciple de Schopenhauer après Wagner auquel se réfère Nietzsche, souvent pour le fustiger. Comme le remarque encore Jean-Philippe Ravoux dans son livre : Neurologue formé auprès de Carl Claus et ensuite d'Ernst Brücke, Sigmund Freud avait été rejeté par l'Université et par la Société des médecins viennois. Il fut dans l'impossibilité après son séjour chez Jean Charcot, d'accéder aux laboratoires de recherche. S'il n'avait pas été, de ce fait, écarté des domaines propres à la science et poussé à chercher d'autres méthodes que celles de la science, s'il n'avait pas, dès lors, succombé à son goût pour la spéculation philosophique — il suivait les cours de Brentano — plutôt que de s’intéresser à la neurophysiologie, il aurait sans doute discerné que ces questions renvoient à celle de la mémoire, à celles de la constitution, de la rétention et de l'évocation des souvenirs. Freud ne se serait pas résolu à l'idée que ses théories ne puissent s'expliquer en termes de structures et de fonctions du cerveau RavSF. N’étant pas scientifique la théorie de Freud sur l’inconscient est de l’ordre de la croyance et n’est donc pas réfutable — mais quelle théorie ne l’est pas ? — c'est ce qui fait d'ailleurs la force de la psychanalyse, puisque l'on est dans le domaine de la croyance et des affects. On pense de suite à Popper : le critère de la scientificité d'une théorie réside dans la possibilité de l'invalider, de la réfuter ou de la tester, Popper ajoute, quant à Freud, Une grande partie de ce qu'il avance est décisif et tout à fait susceptible de trouver une place, ultérieurement, dans une psychologie scientifique se prêtant à l'épreuve des tests. ... en revanche... les observations cliniques dont les analystes ont la naïveté de croire qu'elles confirment leurs théories ne sont pas plus en mesure de le faire que les confirmations que les astrologues croient, quotidiennement, trouver dans leur pratique. Pour Popper une théorie n'est donc pas absurde ou sans intérêt même si elle n'est pas scientifique.

            Formé comme neurologue auprès de Carl Claus puis d'Ernst Brücke, Freud est ensuite envoyé à Trieste pour étudier l'hermaphrodisme des anguilles. Celles-ci lui font dire, après 400 dissections, qu’il est loin de penser que le psychologique flotte dans les airs sans fondement organique Lettre à Fliess, du 29 sept. 1898, in La naissance de la psychanalyse. Freud n’est donc pas sans penser que, si théories il y a, elles ne sont pas sans s’appuyer sur les fonctions du cerveau, ce qu’il appellera l’« appareil psychique ». Mais il n'y a pas d'appareil psychique, pas d'esprit. Même si, après son séjour chez Jean Charcot, il ne parvient pas à poursuivre une carrière scientifique et universitaire, il n’abandonne pas pour autant la dimension neurologique de sa formation. La psychanalyse est contrainte de chercher une voie non-scientifique qui fera dire à Kafka que Freud ne fait que perpétuer 5 000 ans de tradition interprétative juive. Dans son Abrégé de psychanalyse, Freud fait du cerveau le lieu de l’action psychique c’est-à-dire l’organe somatique FdAP_3 de la « vie psychique » auquel il ajoute « nos actes conscients ». Tout ce qui se trouve entre ces deux extrêmes nous demeure inconnu FdAP_3. C’est dans cet intervalle que l’on place l’« inconscient » autant que les instincts et les découvertes des neurosciences. L’appareil psychique est un postulat qu’il appartient à la philosophie de discuter FdAP_3 valable pour les animaux supérieurs qui ont avec l’homme une ressemblance psychique FdAP_6 et la vie psychique est la fonction d’un appareil auquel nous attribuons une étendue spatiale et que nous supposons formé de plusieurs parties FdAP_3-6. Ainsi Freud placerait aujourd’hui le « ça » dans la zone englobant l’hypocampe et l’hypotalamus (nous donnons à la plus ancienne de ces provinces et instances psychiques le nom de ça) comme il place le « moi » dans la couche corticale originelle. Il convient d’admettre l’existence d’un surmoi partout où comme partout où comme chez l’homme, l’être a dû subir, dans son enfance, une assez longue dépendance. La localisation devient plus floue. Freud redonne ailleurs sa topique en ajoutant : La subdivision de l'Inconscient est liée à la tentative de se représenter l'appareil psychique à partir d'un certain nombre d'instances ou de systèmes et de rendre compte des relations qu'ils entretiennent entre eux dans un langage spatial, ce qui n'implique nullement qu'on cherche à la mettre en connexion avec l'anatomie cérébrale cf. Contribution à l’histoire de la psychanalyse, in Sigmund Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse. C’est ce langage spatial ou apollinien qu’il faut remettre en cause comme seule explication métabolique possible : Freud fait une topique et non une anatomique. Comme il existe plusieurs symbolismes, il existe plusieurs métabolismes comme les physiologistes allemands du xixe nous l’ont appris MxTŒ. Même la « résistance » et « l'amnésie » sont des notions reconnues par les philosophes depuis Platon, de la même manière qu’une « activité psychique inconsciente » est admise depuis Leibniz. C’est une évidence pour Descartes l’irrationaliste BaiVD 971, qui tire ses évidences névrotiques de ses rêves. Schopenhauer insiste, quant à lui, sur la part non-consciente de notre pensée et sera repris par son disciple Wagner dans son Beethoven. La notion d'inconscient doit beaucoup à Carl Gustav Carus, professeur de zoologie à l'université de Vienne, qui écrivit en 1850 un livre intitulé Das Unbewusste (l'inconscient) où il soutient que les animaux savent, mais ne savent pas qu'ils savent. À ne pas confondre avec Carl Claus, le professeur de zoologie de Freud. En 1869, Von Hartmann, disciple de Schopenhauer, publie La philosophie de l'inconscient où il distingue l'inconscient dans la vie corporelle et l'inconscient dans l'esprit humain, même si l'esprit humain est avant tout la conscience. À partir de ce courant d'idées fortes inspirées par Schopenhauer et Nietzsche, de nombreuses thèses furent soutenues pour défendre le concept d'inconscient cf. notamment E. Colsenet, Etudes sur la vie subconsciente de l'esprit, 1880. La culture dominante attribue à Freud le fait d'avoir réuni sous une même notion ces intuitions éparses. Il fut surtout celui qui a mis en avant l'inconscient du refoulement ou inconscient freudien. On retrouve dans la correspondance de Freud, le fait que quelque jours avant une conférence devant des spécialistes, il s’est refusé à employer le terme d'inconscient, mais le jour où il devait soutenir ses thèses, ne trouvant meilleure dénomination, il s'y est résigné. Ce refus du néologisme se retrouve plusieurs fois dans l'œuvre de ce grand complateur. Il doit s’être douté que désigner sous le terme d’« inconscient » une flopée de processus, allant de la division cellulaire à la communication interneuronale, relève de la gageure. Leur seul point commun : notre conscience n’a pas de prise directe sur ces processus. Les neuropsychiatres, sous l'influence de ce qu'on appelle avec trop de sérieux sciences cognitives, ont été obligés d'inventer un second inconscient : on peut penser à Kihlstrom cf. The cognitive unconscious, in Science n° 137, 18 sept. 1987. Ce second inconscient serait donc l'inconscient dit « cognitif » qui se surajouterait à l'inconscient du névrosé — né du refoulement subconscient freudien. Ils reprennent ainsi la voie initiée par Von Hartmann et celle laissée de côté par Freud, faute de connaissance suffisante à l'époque en neurobiologie cf. Psychologie à l'usage des neurologues, in La naissance de la psychanalyse. S'il est une définition de l'inconscient on pourrait dire, en suivant Lacan, que c'est ce qui ne consent pas à se taire : ceci nous rapproche de l'inconscient vu comme une machine par Deleuze et Guattari. Nietzsche dirait volontiers que l’inconscient, qui n’admet pas la retenue, est une notion des époques démocratiques alors que les instincts eux peuvent être dressés. Les Grecs nomment ces instincts, orgai, et les associent aux habitudes assumées avec goût et avec entrain qui conduisent au tranchant de la décision, prise de manière souple et « naturelle ». Freud nomme les manifestations subreptices de ces instincts comme le lapsus, l’acte manqué, le rêve, l’hystérie, les manifestations de l’« inconscient ». Schopenhauer, que Freud avait très bien lu, met déjà bien a mal les théories de l’Inconscient avec un I majuscule, car il est le premier à repérer différents types de mémoire : la mémoire des habitudes, des pratiques et des savoir-faire (mémoire-habitude), que l’on situe dans le bulbe rachidien, la mémoire épisodique ou traumatique, que l’on situe dans l’hippocampe voir Pour la science n°359, sept. 2007, celle sur laquelle insiste le plus Schopenhauer et la mémoire que les neurologues appellent sémantique : mots, concepts, règles d’une part, les connaissances de la culture générale, artistique et technique d’autres part. La mémoire épisodique est assimilable à l’inconscient. Ce qui fait que notre cerveau est avant tout affectif ce sont des glandes comme l'hypophyse ou l'hypothalamus qui produisent une majeure partie des hormones. Ces glandes sont déjà présentes dans le « cerveau reptilien ». Les derniers spiritualistes comme Bergson, ont cherché à affirmer que le mental est plus que le cérébral, ce que le « cerveau » du cœur confirme en tant que « génie du cœur 938 » : c’est là avant tout une question de nervosité et de confrontation à la détresse de feu l’esprit qui se retourne bien souvent en vengeance. Là où Bergson admet, pour tenter de sauver sa « mémoire absolue » et donc le dieu monothéiste, une mémoire-habitude inscrite dans le cerveau, plus précisément le bulbe rachidien — parfois caricaturé sous l’expression de cerveau reptilien —, il ne cède pas sur le reste pour conserver l’avantage spiritualiste de sa métaphysique. C'est quelque part vrai que la pensée n’est pas réductible à l’organe qu’est le cerveau. Bergson le justifie ainsi, le cerveau est une image, une découpe dans la réalité, comment une image pourrait-elle contenir toutes les images, notamment les souvenirs. Un grand ironiste dirait que c’était avant que la théorie des ensembles ne soit inventée mais suivant le raisonnement de Bergson, le cerveau ne contient pas nos souvenirs, c’est la prétendue « Mémoire en soi » qui les conserve. Or les récentes découvertes scientifiques énoncées plus haut sapent ce préjugé métaphysique nécessaire à la défense de l’esprit. L’énoncé métaphysique qui veut que dans le virtuel se conserve le passé DzP s’annule. Il n’y a pas là de matérialisme, ni de présupposé de « matière », mais une mise à mal du spiritualisme et du « virtuel en soi », par le fragmentaire dans un premier temps, puis par le « dividualisme » 937. Si le passé se conserve en soi comme le veut la théorie de la double répétition chez Deleuze DzDR_378+, alors il y a toute la place pour une théorie de la réminiscence du sens ou des idées.

            Schopenhauer qui s’est interrogé sur les origines de la folie (suite à la crise de démence de son père) pense que la folie provient d’un passage mal opéré entre la zone de conscience et celle de la mémoire (zone d’inconscience ou d’inattention). Schopenhauer considère que la mémoire est avant tout individuelle et que cette caractéristique repose chez l’homme sur sa capacité à utiliser le langage. Une théorie sur la mémoire et sur les instincts peut complètement se substituer à celle de « l'inconscient ». La théorie d'Arthur Schopenhauer sur l’importance de la mémoire et de l’affectivité et leur influence conjuguée sur nos instincts apparaît aussi crédible que l’hypothèse de Freud. Mais elle a l’avantage de ne pas substantifier un inconscient. Dans l’œuvre de Schopenhauer, on retrouve principalement les théories superposables à celle de l'inconscient dans ces passages :

            Le paragraphe 36 du Livre III du Monde comme volonté et comme représentation, où il dit la genèse de la folie.
            Le chapitre XXXII des Suppléments, chapitre intitulé De la folie dans lequel se trouve la page que Otto Rank fait lire à Sigmund Freud, où il explique les mécanismes de la folie.

            Différentes personnes ont émis leur réticence quant au terme d’Inconscient. Freud lui-même au moment de sa formulation (dans la nécessité d’une contingence : une conférence) au final a cédé en trouvant une dénomination pour expliciter ce qu’il développerait sous la forme des deux topiques. Lacan aussi, dans un entretien largement diffusé, s’insurge puis consent au couperet de la désignation. Arrêter le mouvement de sa propre pensée pour la rendre communicable est sans doute une erreur en ce sens, mais c’est un mal nécessaire dirait-on. Chez les philosophes, il n'y a pas, de discours sur un substantifique Inconscient, Sartre le nie, Merleau-Ponty se questionne, Deleuze, Guattari et Castoriadis le mettent en avant le recouvrant par les processus de fabulation ou d’imagination : Freud … réussit l’exploit de parler à travers toute son œuvre de ce qui est en fait l’imagination sans en prononcer une seule fois le nom CstFF_229. Pour les scientifiques, l’hypothèse de l’inconscient rentre dans un cadre où elle pourrait être réfutée selon la méthode de l’observation scientifique. Pourtant, si elle relève plus d’une topique aristotélicienne que d’une anatomique, elle n’est pas remise en cause par les résultats des expériences qui se font aujourd'hui en neurobiologie. Il ne s’agit pas pour autant de faire de Schopenhauer un précurseur de Freud, mais de souligner l’importance des instincts, de l’affectivité et de la mémoire qui se jouent tous sous le terme d’Inconscient qui quelque part les recouvre. Bien avant cela, Otto Rank aurait fait lire à Freud l’œuvre de Schopenhauer en 1906 et Freud l’aurait oubliée. Il y serait revenu entre 1914 et 1917. Dans plusieurs passages Freud fait directement mention de l’influence de Schopenhauer. Dans Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique (1914), Freud écrit: À coup sûr, lorsque je conçus cette doctrine du refoulement, mon indépendance était entière. Aucune influence, que je sache, ne m'avait incliné vers elle. Je tins donc mon idée pour originale jusqu'au jour où Otto Rank me montra, dans le Monde comme volonté et comme représentation, le passage où le philosophe s'efforce d'expliquer la folie. [...] Ce que, dans le texte que me montrait Otto Rank, Arthur Schopenhauer, dit de la manière dont nous nous raidissons pour refuser d'admettre une réalité pénible, est rigoureusement superposable à ma théorie du refoulement. Dans Une difficulté de la psychanalyse (1917), Freud écrit : d'éminents philosophes peuvent être cités pour ses devanciers (de la psychanalyse), avant tout autre le grand penseur Schopenhauer, dont la volonté inconsciente équivaut aux instincts psychiques de la psychanalyse. C'est ce même penseur, d'ailleurs, qui, en des paroles d'une inoubliable vigueur, a rappelé aux hommes l'importance toujours sous-estimée de leurs aspirations sexuelles. Il n’y a pas lieu de se poser la question de savoir si Freud a lu ou non l'œuvre de Schopenhauer. Freud reconnaît lui-même les larges concordances de la psychanalyse avec la philosophie de Schopenhauer : il n'a pas seulement soutenu la thèse du primat de l'affectivité et de l'importance prépondérante de la sexualité, mais il a même eu connaissance du mécanisme du refoulement. Les convergences des deux penseurs ne sont pas pour autant dues à la fréquentation de Schopenhauer par Freud, et leurs théories se valent tout autant à cette différence près de la « substantification* ». L'inconscient est superposable à l'une des quatre mémoires que nous allons rapidement retracer, mais nous vous invitons à lire les passages du livre de Jean-Philippe Ravoux RavSF_73-75 :

            Si l'analyse faite par Arthur Schopenhauer évoque toutes les mémoires, elle porte principalement sur la mémoire épisodique qui joue, dans la conception qu'il nous donne de la folie, le rôle dévolu à l'Inconscient par Sigmund Freud. ... Il est alors possible d'envisager l'Inconscient dans une perspective neuro-anatomique : le souvenir refoulé n'est plus alors qu'un souvenir dont les connexions synaptiques ont été détruites après la mise en mémoire. C'est cette conception que nous trouvons chez Arthur Schopenhauer lorsqu'il explique comment et pourquoi la rupture de l'enchaînement continu des souvenirs entraîne la folie RavSF_73.

            Est-ce Freud qui fait un usage abusif du terme « Inconscient » en substantifiant et en hypostasiant des processus épars dans le cerveau, en alliant émotions et remémorations puis en ramenant le tout à l’« appareil psychique » ou bien ses disciples ? C’est certainement Lacan qui a dérangé par son mi-dire ce que les Lacaniens élèveront en vérité, en faisant d’une hypothèse une théorie avérée dans le langage, Freud cherchait absolument à ne pas hypostasier par le langage ce qui deviendra avec Deleuze et Guattari les machinaitons de l’Inconscient. Dès lors on a plus tenu compte des métabolismes de la myriade des cellules, de ce que Sri Aurobindo 823 appelle leur « conscience ». Les instincts du névrosé sont regroupés sous le terme d’« inconscient » qui n’est que le symptôme de cette décadence analytique à partir de Lacan alors qu’il n’était qu’une hypothèse avec Freud. La meilleure manière de sortir de sa névrose est donc de parler en terme de mémoire et non pas d’utiliser des termes viennois. Le névrosé et son double, le refoulé, n’est autre que l’homme supérieur devenu incapable, sous le dressage de la civilisation judéo-chrétienne. L’une des conséquences de ce symptôme est ce que Freud diagonstiquera comme Malaise dans la civilisation.

            Bibliographie thématique. — La charge contre Freud n’est pas sans importance, on peut indiquer un certain nombre d’ouvrages : Jean-Philippe Ravoux, De Schopenhauer à Freud : l'inconscient en question RavSF, Paris, Editions Beauchesne, 2007 pp. 67-73. Sur la question des rapports entre Freud et la philosophie, Jean Philippe Ravoux rassemble les références suivantes Jean-Bernard Paturel, Introduction philosophique à l œuvre de Freud, Ramonville, Erès, 1990 pp. 57-75 et 68, Jérôme Deshusses : Délivrez Prométhée, Paris, Flammarion, 1978, pp. 285-313, chap. VI à VIII, Lancelot White, L'inconscient avant Freud, Paris, Payot, 1971, Alasdair Mac Intyre, L'inconscient, analyse d'un concept, PUF, 1984, André Fauconnet, Schopenhauer précurseur de Freud, in Mercure de France, 15 XII, 1933, p. 70 et enfin Paul-Laurent Assoun, Freud, La philosophie et les philosophes, Paris, PUF, « philosophie d'aujourd'hui », 1976.

            L’inconscient est un imprudent qui ne parvient à taire ce qu’il pense, dixit Pseudo-Denys.

          • Tant que je serai en vie je combattrai la psychanalyse. Mais il est possible que ce combat soit de courte durée. Etant donné que la résistance au transfert pousse au suicide.

            je ne nie pas les découverte de Freud sur le déni et la dénégation. Le déni pervers n'est peut-être pas de lui (mais il est à l'origine de ma nausée psychanalytique). Les tâtonnements de Freud comme vous les appeler relèvent avec le recul de l'irresponsabilité. Je ne vois absolument pas ce que la psychanalyse a apporté en France ou en Argentine, ses terres d'élection, sinon la désolation et de l'eau au moulin des réductions théoriques.

            Cela n'empêche pas que je vous respecte (cf. mon post très inquiet quant à la disparition de votre site dimanche dernier). Mais je combats tous les idéalismes (même mon "déçu") : cela veut dire Freud le théoricien, Hegel le dialecticien qu'on veut me faire passer pour un philosophe d'extrême gauche (vous, Chaigneau, Clouscard, Paganini). Je ne suis pas chrétien, juste plus que juif.

  4. Il est certain que le terme d'inconscient est beaucoup trop vague recouvrant tant de choses (car presque tout est inconscient), il faudrait trouver autre chose (le néconscient?) car là, on voit bien dans cette accumulation qu'on mêle tout et n'importe quoi, des instincts à la cellule, pour réfuter une conception imaginaire qui personnifie l'inconscient, lui donne une substance (confondu avec le projet fondamental sartrien). L'inconscient freudien est pourtant quelque chose de très précis et qui découle de Charcot d'un côté et de la talking cure inventée par Breuer de l'autre. On peut dire que Freud n'est l'inventeur de rien, il n'a fait qu'essayer d'expliquer les mécanismes qu'il découvrait, en se contredisant, pas du tout comme un dogmatisme (une philosophie cohérente) se développant, abandonnant au contraire ses premières théories, modifiant sa topique et imaginant jusqu'au bout un possible substrat biologique.

    La psychanalyse ne s'apprend pas comme une pensée mais comme une expérience, ce n'est pas l'application d'une théorie comme on persiste à se l'imaginer. L'inconscient freudien qui découle de cette expérience ne recoupe qu'un autre inconscient, celui de l'hypnose et des hystériques de Charcot, c'est-à-dire du fait que le symptôme n'avait rien à voir avec la physiologie mais seulement avec le sens, à son insu, Freud constatant ensuite que la parole pouvait (parfois) le guérir (ou faire changer le symptôme). Ce que Freud a pu écrire à partir de là (et du fait de ce que racontaient les analysants), est plein de défauts (il a sans doute substantifié l'inconscient) mais ce n'est pas si important, ce n'est pas un homme qui a changé le monde par ses propres idées, c'est la littérature qui s'y est reconnue.

    Il n'est pas sûr que la psychanalyse soit un bien, elle n'apporte pas le bonheur en tout cas même si elle a favorisé la libération sexuelle, mais elle touche au vrai, ce qui a de quoi écoeurer effectivement, ce n'est pas drôle et certes un peu irresponsable (dire la vérité en société, pas seulement sur le sexe, est l'irresponsabilité même). C'est l'anti-Deleuze qui nous bourre le mou et voudrait nous faire croire à la jouissance. Il n'y a certainement pas de théorie psychanalytique à laquelle il faudrait croire (pour normaliser la société) quant il faudrait plutôt reconnaître nos limites et le malaise de l'existence auquel la théorie ne peut apporter remède, sans parler du soupçon sur le désir qui n'est pas un gain de puissance, un acte de création sublime, mais désir de désir, où le rapport sexuel échoue (comme le disait Sartre aussi pour d'autres raisons).

    • Bref il n'y a pas d'inconscient mais des éléments refoulés (et encore... chaque cellule ne va pas demande la permission pour telle ou telle chose a=à votre "conscience"). Il n'y a pas plus de conscience (laquelle aurait toujours un objet et par là ne pourrait être consciente totalement de l'objet, donc elel est pur illusion, pure chrétienté). Car vous présupposé cela dans ce que je vous dis. Oui "tout" est subconscient, non-conscient même si vous aurez l'illusion de consicence alors que ce sont vos mots et votre entourage qui vous permettent de forger une pensée plus ou moins orginiale, plus ou moins écartées de la "conscience de soi" qui rend si banal, si réflexif (depuis la Mirah juive, le miroir)... Les Grecs n'avait pas de conscience... Pas chrétiens les bougres !!!
      Vous voulez sortir du substrat biologique (peut-être entendez ), mais une phrase maladroite dans ses termes dit pourtant ceci "la nature est toujours plus riche qu'on pense".
      Le jour où vous arrêterez avec votre idéalisme (hégélienà nous avancerons, si je puis me permettre (la dialectique ne produit pas d'avancées en elle-même, elle n'est que langage sauf chez Marx et Nietzsche, mais nous y reviendrons. Et pour en revenir à Freud,a théorie des stades de l'enfant chez Freud ne provient pas d'une cure analytique...

      J'ai pourtant beaucoup d'estime pour vous.

      • Tout comme la perception disparaît dans le perçu, l'inconscient hypnotique disparaît dans la conscience (qui n'est pas toujours fiable, on le sait bien, mais qui est surtout rare, la santé étant le silence des organes. Laborit identifiait la conscience avec un manque d'information). Si on vous dit sous hypnose de remplir un verre à ras bord et le boire juste après le réveil, vous aller le faire et si on vous demande pourquoi, vous répondrez parce que j'avais très soif en niant toute sorte d’inconscient jusqu'à ce qu'on vous montre la vidéo de votre hypnose - et de dire alors qu'en fait, vous le saviez ! L'hypnose, c'est l'inconscient expérimental (qu'il faut abandonner pour analyser son propre inconscient, ce dont on peut se passer).

        Les Grecs avaient une sacré conscience de soi, bien avant Socrate, même si elle n'était pas tellement détachée du groupe. De même qu'on peut mettre dans l'inconscient tout et n'importe quoi, de même on peut nommer conscience des choses très différentes (attention, perception, savoir, représentation, compréhension, localisation, réflexion, question, projet). Plusieurs textes récents essaient de situer notre conscience au regard de l'Intelligence Artificielle notamment. Ma conclusion rejoint celle d'Alain (et Kant), ce que nous appelons notre conscience est notre conscience morale comme dans le langage courant (l'inconscient étant immoral). On admettra qu'une telle conscience n'a aucun sens pour une cellule et seulement dans l'interaction avec les autres.

        Je pense effectivement que le monde de la culture se sépare du biologique, il lui est extérieur, non sans interactions incessantes, mais constituant un niveau supérieur avec ses propres lois. La question reste celle de l'extériorité (au corps, à la conscience), la causalité n'est pas interne (biologique) mais externe (sociale, relationnelle, culturelle, après-coup). Ce qui rend problématique de revendiquer mon "matérialisme", c'est qu'il intègre sciences et techniques, l'esprit objectif. Il n'empêche que j'objecte à Hegel justement son dernier pas idéaliste pour maintenir la primauté de l'extériorité qui ne se résorbe pas dans son acceptation. La pensée reste opposée à l'être, l'esprit qui dit non même si c'est la matière qui a le dernier mot. Un texte très récent là aussi insiste sur "les causes matérielles : écologie, économie, technique" mais la primauté de l'extériorité est en fait une conséquence de l'information.

        Pour la même raison, je ne fais pas de Hegel un penseur d'extrême-gauche même s'il a été révolutionnaire dans sa jeunesse. J'ai même réfuté l'hégélianisme de gauche (dans "la débandade de l'avant-garde"). Plus généralement, critiquer comme je le fais la façon dont il clôture à chaque fois la contradiction reconnue par une supposée réconciliation me distingue pas mal de son conservatisme libéral. Ceci dit, je ne suis plus du tout à l'extrême-gauche. Je suis devenu un écolo-défaitiste "conscient" de la nécessité de beaucoup plus d'effectivité (et d'alternatives municipales) plutôt que l'idéalisme de la critique et de vaines utopies révolutionnaires.

  5. Je vais vous décevoir mais il n'y a pas de conscience. Il n'y a jaamis eu de conscience chez les Grecs. Tout ça est très chrétien...

    Vous faîtes de la novlangue et vous ne le percevez même pas... La perception disparaît dans le perçu, l'illusionné, la puissance du faux !

    Avec tout mon respect et mon amitié.

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