Du dualisme à l’écologie

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Les questions métaphysiques les plus abstraites peuvent avoir des enjeux politiques décisifs. Une métaphysique critique mettant en cause non pas la réalité du monde mais nos représentations et croyances théologico-politiques, n'est pas un obscur jeu de l'esprit, elle a bien plutôt une visée pratique immédiate dans l'opposition entre idéalisme (de la volonté) et matérialisme (des possibles) qui remet en cause le rôle central supposé de l'Homme dans l'histoire et fait toute la difficulté du passage à la prise en charge de notre écologie.

Pour la plupart des philosophes, la philosophie commence avec Parménide et l'affirmation de l'unité de la pensée et de l'Être, beaucoup prétendent même que toute philosophie est forcément idéaliste - ce que le marxisme avait voulu démentir sans y avoir vraiment réussi (le matérialisme en échec mettant paradoxalement tous ses espoirs dans une hégémonie idéologique voire une révolution culturelle!). On peut malgré tout soutenir aussi bien que toute philosophie est dualiste et part de la discordance de la pensée et de l'Être comme de l'opinion et de la vérité, même si elle prétend la dépasser. Le dualisme peut prendre d'ailleurs de nombreuses formes différentes, que ce soit celui de l'éternité et du devenir chez Platon, du signifiant et du signifié pour le stoïcisme, de la pensée et de l'étendue chez Descartes, de la représentation et de la chose en soi chez Kant ou, encore, de l'infrastructure matérielle et de la superstructure idéologique chez Marx.

Ce qui est vrai, c'est que le dualisme n'est constaté en général que pour le renier et retrouver l'unité perdue (abolition de la lutte des classes dans le commun). Contre toute la tradition idéaliste, voire mystique, il y a nécessité pourtant de comprendre et maintenir le dualisme de l'esprit et du corps, de l'idée et du réel comme du software et du hardware. On peut appeler matérialisme ce qui n'est rien d'autre que la distinction radicale de la pensée et de la matière, extériorité sur laquelle la pensée se cogne, transcendance du monde livré à notre exploration et qui n'est pas négation de la pensée mais son Autre, sans espoir de réconciliation finale.

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