Malgré le matraquage publicitaire, la leçon de notre époque pourrait être qu'on n'est pas fait pour le bonheur individuel, pas autant qu'on le prétend en tout cas. En dépit de toutes nos dénégations, nous avons, semble-t-il, bien plus besoin de nous battre ou nous engager dans une grande cause pour justifier notre existence. C'est du moins ce que je ressens, comme d'autres, ne comprenant pas trop les jouisseurs hédonistes contents d'eux-mêmes et de leur petite vie au milieu du désastre. Le bonheur comme bien suprême est à vomir.
Pour ma part, la situation désespérante du moment avec l'accumulation de mauvaises nouvelles m'a replongé dans une dépression que je ne trouve pas tellement inappropriée mais bien plutôt que tout le monde s'en foute ! Il y a sans aucun doute une part de faiblesse personnelle dans la dépression qui voit tout en noir, et les raisons qu'on croit objectives de désespérer ne le sont pas tant que cela en général. On en est même tout étonné lorsqu'on sort de l'état dépressif, étonné de ne pas être aussi sensible qu'on l'était aux malheurs du monde, qui existent pourtant bien réellement et nous fendaient l'âme non sans raisons.
Tout de même, la période accumule les menaces et il n'y a rien à espérer du politique que le pire (même s'il n'est jamais sûr), le plus insupportable étant de ne pouvoir rien y faire étant donné l'état de dispersion de nos forces - où l'archaïsme le dispute à l'utopie pour nous réduire à l'impuissance alors que nous devons faire face à la conjonction de risques écologiques qui pourraient devenir irréversibles et de dérives politiques continuelles à cause du terrorisme ou de l'immigration. Avec la perte de l'espoir en toute alternative désormais (sauf locale), il n'y a vraiment pas de quoi rire même si tout ne va pas toujours dans le même sens et qu'il y a aussi des signes encourageants comme la chute spectaculaire des morts violentes, le retour de la question des inégalités, l'accélération (encore insuffisante) des énergies renouvelables, etc.