Le désir plus que la vie

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Ethique vs politique du désir
Toute la raison humaine ne serait rien sans son grain de folie car il faut inévitablement être sa propre dupe de quelque façon, attachés au désir plus qu'à son objet, plus qu'à la vie même. C'est pourquoi nous ne serons jamais sages, tout au plus philo-sophes dans notre quête obstinée de vérité. Nous sommes des chercheurs d'impossible, il n'y a pas d'homme ni de femme qui ne recherche le Graal, le Bonheur, l'Amour, la Vérité jamais possédée ou quelque nom qu'on veuille lui donner. Nous vivons inévitablement dans une course éperdue et l'illusion de l'espérance qui nous projette dans l'au-delà d'un avenir rêvé. L'ensorcellement des mots, leur poésie est bien ce qui nous fait humains et notre désir plus qu'animal, désir de désir et d'y croire avant même d'être désir de l'Autre, du simple fait de notre qualité de parlêtres qui se racontent des histoires et prétendent donner sens au monde.

Nous sommes d'une race future, imaginaire, utopique, non advenue encore, toujours en devenir. Il serait suicidaire pourtant d'en rajouter dans l'utopie, comme si on ne devait pas composer avec le réel ni faire le partage entre l'idéal et le possible tout comme entre l'éthique individuelle et les politiques collectives qui ne sont pas du tout sur le même plan. Maintenir ces dualismes est essentiel pour comprendre comment on va du désir à la raison et du non-sens originel à l'histoire du sens. Il n'y a pas continuité entre le privé et le public, pas plus qu'entre les fluctuations microscopiques et la stabilité macroscopique. Il faut faire la part des choses et avancer pas à pas, ne pas vouloir se projeter directement dans les étoiles, d'autant que l'idéal lui-même n'en sort pas indemne. Il n'y a pas que l'ignorance, l'erreur, les préjugés, alors que notre jugement est avant tout brouillé par le désir, par son intentionalité comme par les mots. La vérité qu'on découvre est rarement celle qu'on attendait, qui se heurte aux démentis du réel, nous engageant dans une dialectique implacable qui est la vie même.

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