Jacques Robin, 10 ans après

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L'événement de l'information
Je ne peux pas, en ce jour anniversaire, ne pas penser à Jacques Robin qui est mort, il y a tout juste 10 ans le 7/7/7 et qui m'aura sollicité en permanence de 2002 à 2007. Même si mon rôle était essentiellement critique, ce qu'il m'a apporté a été décisif, non seulement par son estime mais de m'avoir ouvert aux sciences, ce que je n'aurais jamais osé tout seul et qui est bien sûr fondamental. Le plus important pourtant, c'est incontestablement son insistance sur l'information et sur la rupture qu'elle produisait avec l'ère de l'énergie, avertissant sans cesse qu'on était en train de "changer d'ère". L'étonnant, c'est que 10 ans après, cette rupture reste encore relativement méconnue, déniée ou du moins minimisée alors que l'accélération technologique affole tous les repères. Cela donne la mesure de son avance, et du retard d'une époque sur sa conscience d'elle-même.

L'information a mauvaise presse, elle est trop sordide par rapport à la haute opinion que nous avons de notre esprit. Le langage est incontestablement un objet bien plus noble et représentant de notre humanité, au-delà d'un matérialisme réducteur. Le tournant linguistique de la philosophie ne s'intéressait pas du tout à l'information sinon pour s'en distinguer : la parole ne se réduit pas à l'information (elle s'adresse à l'autre et toute phrase est un fantasme, elle construit un monde). Sauf que, l'information, c'est la vie et que nous sommes vivants, pas seulement humains. La place de l'information dans l'inversion de l'entropie est absolument cruciale mais avait été complètement ignorée par les grandes philosophies jusqu'ici. Ce qui peut étonner, c'est que pratiquer l'informatique (comme je le faisais) ne suffisait pas à comprendre l'information et son importance. L'insistance de Jacques Robin était donc bien indispensable, dans sa répétition même, pour nous rendre sensible l'événement de l'information.

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Le capitalisme de réseau

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Le capitalisme numérique n'a rien à voir avec le capitalisme industriel, on peut même dire que c'est le contraire puisque dans l'industrie, le capital est un préalable à l'investissement dont la réussite est sanctionnée après-coup par le marché alors que dans le numérique l'argent vient après, pour amplifier une réussite et consolider son monopole. Effectivement, dans un monde connecté, "l'effet de réseau" favorise les monopoles car la valeur d'un réseau, pour un utilisateur augmente avec le nombre d'utilisateurs en ligne. Du coup, c'est le premier qui rafle tout et la valeur des "licornes" explose créant des fortunes immenses presque du jour au lendemain.

Un article de décembre (que je ne découvre qu'aujourd'hui) montre comme la blockchain associée au crowdfunding pourrait exploiter cette propriété des réseaux pour le capital-risque en permettant de distribuer aux premiers investisseurs des "jetons" destinés à prendre de la valeur avec le développement de la start-up. C'est ce qu'on appelle ICO (Initial Coin Offering) :

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Revue des sciences avril 2017

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Pour la Science

Physique, espace, nanos

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

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Pas mal de choses finalement ce mois-ci. Ce qui m'a le plus intéressé, c'est une étude sur le sens de l'évolution qui maximiserait l'utilisation de l'énergie et augmenterait les ressources disponibles. A part ça, ce sont les raisons d'inquiétude qui dominent, en particulier le climat bien sûr, d'autant plus que les extinctions sont beaucoup plus rapides que l'émergence de nouvelles espèces. Sinon, en dehors du bioterrorisme et du transhumanisme, on apprend qu'on pourrait greffer sur des hommes un oeil dans le dos (ou autre organe) ! Plus probablement, une interface dans notre cerveau nous permettra d'interagir directement (dans les deux sens) avec nos appareils numériques (cette externalisation pouvant mener à une réduction du cerveau). Non seulement les robots nous ressembleront de plus en plus (revêtus de chair humaine) mais ils devront parfois nous désobéir ou nous contrôler et, combinées avec les blockchains, les conditions seraient sur le point d'être remplies d'avoir des intelligences artificielles autonomes et devenues inarrêtables ! Ce n'est quand même pas pour tout de suite et n'est sans doute pas aussi grave que la destruction de notre environnement mais il est sûr que nos modes d'existence vont profondément changer. Sinon, on peut citer, le projet fou de la Nasa de rendre Mars habitable en recréant son champ magnétique, ou l'hypothèse douteuse que les extraterrestres propulseraient leurs vaisseaux par des ondes radio. Dans les technologies, on a des impressions 3D de bactéries pour produire des matériaux ou bien des liquides autopropulsés, qui se déplacent tout seuls (grâce à des microtubules de cellules), ou encore le taxi volant autonome d'Airbus qui prend forme, etc.

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Ne passez jamais au https !

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La politique de Google est incohérente, proclamant qu'il faut privilégier le https mais ne gérant pas automatiquement le passage du http au https sous prétexte que cela pourrait être un autre site ! Un minimum de vérification suffirait pourtant à faire au moins soupçonner que c'est bien le même.

[En fait, c'est même pire, on n'a pas le droit d'avoir le même site en http et https, considéré comme "duplicate content" !! Vraiment aberrant]

Le résultat, c'est que passé à Noël en https, c'est comme si je venais d'ouvrir un nouveau blog et j'ai (presque) disparu depuis (2 mois) de Google où j'étais très bien référencé jusqu'ici, faisant bien sûr chuter la fréquentation cependant, le plus embêtant, c'est qu'on ne peut plus se servir de la recherche sur le blog, ce qui est vraiment utile étant donné le nombre de textes (plus de mille).

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Le code est la loi ?

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Blockchain, libertarisme et régulation
ethereumIl y a un événement important qui vient d'avoir lieu et qui ne concerne pas seulement l'avenir de la blockchain mais le fantasme libertarien d'une monnaie sans Etat, comme le Bitcoin, préservée de toute intervention d'une quelconque démocratie, où seulement le code serait la loi.

La technologie de la blockchain inaugurée par le Bitcoin consiste dans une sorte de registre public enregistrant des transactions que tout le monde peut lire et que personne ne peut effacer, sans avoir besoin d'un tiers (notaire, banque) pour certifier ces opérations qui se font sur un mode complètement décentralisé et anonyme, en P2P (au prix d'une importante capacité de calcul et consommation d'énergie). Cette technologie est en plein boom actuellement (on parle d'explosion cambrienne des blockchains), intéressant de nombreux acteurs comme les assurances. Le plus grand avenir lui est promis bien qu'on en soit encore aux expérimentations.

Or, la blockchain vient de rencontrer son premier véritable accroc, mettant en pièce son idéologie libertarienne pour corriger un bug et récupérer de l'argent volé, cela au nom de la grande majorité des utilisateurs. Tout-à-coup, on est revenu sur terre avec tous les problèmes qu'on connaît bien, de police comme de régulation des marchés. Que le libéralisme soit beaucoup plus productif que l'étatisme n'implique absolument pas que les marchés ni la monnaie pourraient marcher sans Etat et la prétention d'une loi immuable se heurte rapidement au réel. Comme disaient les anciens Grecs "les lois sont comme des toiles d’araignées qui n’attrapent que les petites mouches mais laissent passer les guêpes et les plus gros bourdons". On ne peut faire barrage aux puissances réelles, ce dont la blockchain vient de faire l'expérience.

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Quel chômage technologique ?

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Il est indéniable qu'il serait nécessaire de se préparer aux évolutions futures et pouvoir planifier la transition au lieu de laisser faire et d'en subir violemment la sauvagerie. Seulement, pour cela, il faudrait s'entendre sur notre futur, ce qui est loin d'être le cas. Le problème cognitif est primordial car il conditionne nos capacités de réactions. Il ne suffit pas de courir sur tous les plateaux pour inciter à l'action si on ne porte pas le bon diagnostic, notamment sur ce sujet central, qui agite la société, des transformations du travail.

Comme à chaque grande crise on nous prédit la fin du travail (Keynes, Duboin après 1929), vieille rengaine qui croyait pouvoir s'appuyer sur une étude de chercheurs d’Oxford (Carl Frey et Michael Osborne) concluant que 47% des emplois étaient « à risque » aux Etats-Unis au cours des dix à vingt prochaines années. C'est ce que l'OCDE (pdf) tente de réfuter en montrant que ce n'est pas si simple et ramenant ce taux à 9%, soit quand même 2 millions de chômeurs ! Il n'y a aucune garantie que ce soit l'OCDE qui ait raison, le nombre de créations d'emplois par poste de haute technologie est surévalué (et ce sont souvent des petits boulots) mais ses arguments méritent d'être discutés. Des innovations comme les camions autonomes peuvent affecter gravement toute une profession plus qu'ils ne pensent. Il devrait y avoir un impact social fort qu'il ne faut pas minimiser, pas plus que la tendance à sortir du salariat, mais ce n'est pas la même chose qu'une "fin du travail". Il est crucial en tout cas de faire les bonnes évaluations.

J'ai déjà rappelé que dans la crise actuelle, "Non, les robots ne sont pas la cause du chômage" et que, de toutes façons, ce n'est pas le travail qui manque, c'est l'argent pour le payer, mais les transformations du travail posent de grands problèmes, exigeant notamment une refondation des protections sociales. Il est intéressant de voir que la nécessité d'un revenu de base est de plus en plus reprise comme moyen de compenser la baisse des revenus (et déjà presque mis en place avec la prime d'activité). Par contre je suis un peu étonné que la réduction du temps de travail soit évoquée, qui me semble ne pouvoir être appliquée qu'à un petit nombre d'emplois salariés. Ce qui est encore plus étonnant, c'est qu'ils supposent qu'une réduction du temps de travail compense les suppressions de poste, ce qui est l'argument de ceux qui voudraient lutter contre le chômage par la RTT et qui s'est avéré faux (sauf éventuellement au niveau d'une entreprise voire d'une branche). Je ne peux qu'encourager la réduction du temps de travail partout où c'est possible, jusqu'au mi-temps lorsqu'il n'y a pas de contrainte de continuité de service (ce qui est rare), mais il y a déjà trop de contrats ultra-courts et je ne comprends pas qu'on puisse croire encore que cela pourrait être efficace globalement, sauf un peu sur le court-terme et sans commune mesure avec les millions de chômeurs (de toutes façons malgré les 35h, les salariés travaillent toujours 39h, quand ils ne continuent pas à la maison avec leur portable). Il est encore plus incompréhensible qu'on s'imagine qu'il y aurait une chance que cela se fasse (en dehors d'un certain nombre d'usines ou de services) ! On est là dans le pur théorique si ce n'est dans la simple posture.

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Avant-première : rajeunir, fin d’Uber, boom des renouvelables

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Il m'a paru intéressant de faire part en avant-première de trois nouvelles qui me semblent importantes, témoignant de l'accélération technologique, mais qui risquaient d'être noyées dans la Revue des sciences :

On connaît la puissance de la nouvelle méthode d'édition de gènes CRISPR qui pourrait tomber dans de mauvaises mains mais ce qui n'était pas prévu, c'est qu'elle aurait la possibilité de, non plus seulement réduire le vieillissement mais bien de nous faire rajeunir ! Ce n'est pas pour tout de suite mais des expériences sur des petits animaux en ont montré la possibilité.

Il faudrait expérimenter ces 65 gènes différents dans différentes combinaisons pour voir si nous pouvons reproduire l'inversion du vieillissement que nous avons observé chez les petits animaux.

Nous ne savons pas ce que l'inversion d'âge signifierait en termes d'années humaines. Les animaux ont eu leur durée de vie prolongée par des facteurs de deux à 10. Cela semble trop beau pour être vrai pour les humains.

La blockchain utilisée par le Bitcoin est une technique permettant d'effectuer des transactions publiques infalsifiables sans intervention d'un tiers (banque, notaire, Etat). On pourrait assister ainsi à la fin d'Uber avec la blockchain ? Pour se passer de la centralisation et du prélèvement d'un pourcentage, il suffirait en effet de passer par la blockchain, qui va révolutionner de nombreux autres domaines et pourrait donc annoncer la fin d'Uber dont la chute serait alors aussi rapide que son ascension. Sauf à offrir un service en plus ou à pouvoir s’équiper rapidement de voitures autonomes...

Enfin, alors que l'économie est atone un peu partout, même en Chine, il se pourrait malgré tout qu'on puisse être à la veille d'un nouveau boom économique lié au développement encore bien trop timide des énergies renouvelables qu'il faudrait accélérer par des politiques publiques et de meilleures réglementations. Cela fait plusieurs années que Michel Aglietta plaide pour une telle sortie de crise. Les conditions en seraient désormais réunies malgré la baisse du pétrole et bien qu'une aggravation de la crise ne peut être exclue (les raisons n'en manquent pas), mais l'effondrement n'est pas absolument inéluctable.

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Et si tout ces bouleversements finissaient par s’arrêter ?

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   Vers la fin de l'histoire
Les transformations s'accélèrent sur tous les plans. On ne sait jusqu'où ça peut aller, ayant tant de mal à suivre le rythme, mais, en fait, ce qui se passe, c'est plutôt qu'un monde s'écroule et qu'un autre le remplace. L'accélération technologique n'est peut-être que passagère (et manifestant déjà un certain ralentissement ?), non que les progrès techno-scientifiques puissent jamais s'arrêter mais ils pourraient perdre de plus en plus leur caractère "disruptif" bouleversant l'organisation sociale à mesure qu'une nouvelle organisation se met en place.

L'argument de Francis Fukuyama contre une fin de l'histoire qu'il avait proclamée de façon un peu trop précipitée, c'était que le progrès technique l'empêchait. Ce qu'on peut contester. Certes, nous sommes effectivement très loin encore d'une fin de l'histoire qui n'arrivera pas avant une véritable unification du monde, l'Etat universel et homogène qui est en route depuis la fin du communisme mais est loin d'être achevé (on peut encore en voir des vertes et des pas mûres d'ici là). Préparant cette unification, nous devrions cependant connaître assez rapidement, sur la Terre entière, une adaptation au numérique qui, une fois effective, sera sans doute très durable. Au début tout est à inventer mais une fois les monopoles en place, ils sont presque impossibles à déboulonner et figent les positions. C'est le paradoxe qu'il faut souligner que puisse succéder à notre période de transformations accélérées une longue période de stabilité - un peu comme après la mise en place du Néolithique - et non une singularité exponentielle. Ainsi, notre révolution permanente actuelle ne serait pas forcément le lot de la modernité pour toujours mais seulement du basculement dans l'ère du numérique, du passage de l'ère de l'énergie à l'ère de l'information.

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L’agrégation hiérarchisée au principe de l’abstraction dans le cerveau

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- L'agrégation hiérarchisée au principe de l'abstraction dans le cerveau

Ce travail d'observation de l'abstraction dans le cerveau (IRM) comme agrégation de sensations de plus bas niveau m'a paru assez important pour en faire une brève, essayant d'en restituer les conclusions qui confirment largement pour une fois nos intuitions sur le sujet.

La fonction cognitive et la pensée abstraite viendraient de l'agglomération de plusieurs sources corticales allant du cortex sensoriel aux zones beaucoup plus profondes du connectome (diagramme du câblage des connexions du cerveau).

Cela démontre non seulement le principe de base de la cognition mais que tous les comportements cognitifs suivent une hiérarchie qui part des comportements les plus corporels, tangibles, comme un tapotement des doigts ou la douleur ressentie, et va jusqu'à la conscience et les pensées les plus abstraites comme la nomination des choses ou des concepts. Cette hiérarchie d'abstraction reflète la structure du connectome de l'ensemble du cerveau humain.

L'observation semble établir que la structure hiérarchique du connectome révèle un continuum de la fonction cognitive, une abstraction fonctionnelle progressive en fonction de la profondeur du réseau, ce qui serait une caractéristique fondamentale du cerveau qui s'observe aussi dans les réseaux artificiels.

Les régions les plus profondes du cerveau représentraient ainsi les fonctions les plus abstraites. Le degré de connectivité d'une région avec les entrées sensorielles se trouve bien corrélé à l'abstraction des fonctions cérébrales effectuées par ces régions, avec des fonctions concrètes figurant dans les zones les plus connectées à des entrées sensorielles et des fonctions abstraites apparaissant dans les zones les moins connectées aux entrées ou enfouies plus profondément dans le cortex.

Notre définition formelle de la hiérarchie (ou la profondeur du réseau de la théorie des graphes) a simplifié les phénomènes de récurrence en un continuum statistique de connectivité avec les entrées sensorielles. Cette notion de hiérarchie était essentiellement probabiliste, la profondeur étant supposée influer sur la probabilité des connexions neuronales, plutôt que les nécessitant. Nos méthodes ont débouché sur une structure pyramidale du connectome humain, avec à la base de la pyramide les entrées sensorielles alors que le sommet de la pyramide se trouve au plus profond du réseau cortical.

Plus précisément, les résultats illustrent deux constatations interdépendantes: 1) une structure de réseau hiérarchique sur la base de l'architecture corticale qui part du cortex sensoriel et se prolonge jusqu'à des régions éloignées moins reliées aux entrées sensorielles, 2) une hiérarchie correspondante des fonctions cognitives qui vont des sensations primaires jusqu'aux fonctions cognitives supérieures. Enfin, les résultats de l'étude indiquent que notre hiérarchie cognitive basée sur la profondeur du réseau correspond bien à nos intuitions en matière d'abstraction de l'information.

Les éléments comportementaux impliquant les zones du cerveau les plus connectées au monde extérieur, à la base de la pyramide, étaient liées à des perceptions simples, au traitement sensoriel ou des actions physiques. Par contre, les éléments comportementaux sollicitant les zones du cerveau les moins connectées au monde extérieur, au plus profond du réseau, dans la partie la plus éloignée des entrées sensorielles, étaient bien liées à des concepts et des symboles plus abstraits. Par exemple, "l'humour" est apparu comme l'élément comportemental le plus abstrait.

L'abstraction est définie comme suit: un processus de création de concepts généraux ou de représentations extrayant ​​les caractéristiques communes de cas particuliers, où les concepts englobants sont dérivés de situations réelles, concrètes, littérales, de l'observation ou de premiers principes concrets, souvent dans le but de compression du contenu d'information d'un concept ou d'un événement observable, en ne retenant que les informations pertinentes pour un objectif ou une action précise.

La structure hiérarchique par agrégation est très robuste, résistante aux perturbations puisque l'agrégation élimine les détails, et elle est de même nature que ce soit à partir de la vision, des sons ou des odeurs. Cette structure hiérarchique qui part des entrées sensorielles expliquerait de plus le rôle de l'insula dans la conscience (ou l'anesthésie) comme plaque tournante des sens, servant à l'intégration multi-sensorielle.

Avec un siège présumé de la conscience ou de l'attention positionné structurellement dans un endroit qui lui permette d'être le coordinateur des entrées sensorielles et de la cognition, ces études pourraient modifier nos conceptions de la conscience, de l'apprentissage automatique et de l'intelligence artificielle.

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L’uberisation de l’économie locale et solidaire

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uberLes péripéties qui occupent notre actualité peuvent avoir de graves conséquences (guerres, misère, etc.) mais derrière le bruit et la fureur, ce qui se joue malgré tout et auquel on manque tout autant, c'est de nous adapter à la nouvelle donne numérique d'une façon qui ne soit pas trop indigne, préserve nos territoires en retrouvant l'initiative locale, et surtout fonctionne assez bien pour durer et assurer sa reproduction. Plus la crise dure et plus notre retard sur la technologie devient manifeste, la pensée tournée vers un passé plus ou moins lointain, au lieu d'un futur devenu impensable, et vers un Etat top/down vidé de sa substance au lieu des collectivités locales et des initiatives de la base. Alors qu'on subit la crise de plein fouet, on est très loin d'une politique qui déciderait de l'avenir ! Pourtant, plus qu'on ne croit, la plupart des enjeux de l'écologie comme du numérique passent par une prise en charge locale, sur les lieux de vie et de travail, qui peut paraître dérisoire mais que personne d'autre ne peut faire pour nous.

Nos principales limitations sont cognitives, incapables de comprendre ce qui se passe et de s'accorder sur les solutions, intelligence collective qui brille par son absence même si on peut espérer que le numérique finisse par améliorer un peu les choses sur ce plan. Le spectacle qu'on a de nos jours persuaderait plutôt qu'on s’enferre obstinément dans l'erreur mais il faut croire, qu'à la longue, les idées progressent malgré tout. Revenu garanti et monnaies locales, deux des trois dispositifs qui m'avaient semblé être effectivement devenus indispensables à l'ère de l'écologie et du numérique globalisé, deviennent un peu plus audibles avec le temps et commencent même à s'expérimenter un peu partout. Les coopératives municipales n'ont par contre rencontré aucun écho ou presque. Cela peut être dû à son caractère apparemment trop archaïque par rapport à la numérisation de toutes les activités. Or, il faudrait tout au contraire s'approprier les technologies numériques qui sont notre avenir, qu'on le veuille ou non. Des coopératives municipales sont avant tout des institutions du travail autonome, un soutien à l'autonomie individuelle (autonomie produite socialement) un peu comme la création de pépinières d’entreprises ou le coworking, voire un statut comme celui d'entrepreneur salarié. Il devrait être clair que la formation et le développement humain sont au coeur de la nouvelle économie immatérielle et collaborative dont la fonction principale devient la valorisation des compétences et des potentialités de chacun. Le fait de lier ces institutions locales à la commune vise à les ancrer dans la démocratie locale, assurer leur pérennité et y inclure tous les habitants. Cela ne veut pas dire qu'il faudrait tout étatiser ni reproduire des entreprises hiérarchiques ou fonctionnarisées quand d'autres modèles émergent, qui posent certes des problèmes qu'il faudra résoudre mais semblent bien inéluctables et dont on ne pourra se passer dans le soutien au travail autonome - quitte à ce que ce soit hors institutions.

Il semble qu'il y ait ces temps-ci un début de prise au sérieux des transformations du travail (15 ans après!) avec le succès rencontré par Uber et les questions que cela pose au droit du travail entre autres. Ce qu'on appelle l'uberisation de l'économie n'est cependant rien d'autre que le fait de tirer parti de nouvelles possibilités apportées par les mobiles, et notamment la géolocalisation, pour optimiser les déplacements et la rapidité du service rendu (la rencontre de l'offre et de la demande), avec pour conséquence le développement du travail indépendant (sans protections) au détriment du salariat (protégé) et des entreprises (l'entreprise, c'est Uber selon la justice californienne). Une des fonctions de l'entreprise, selon Coase, serait de réduire les coûts de transaction (ce n'est pas la seule, il y a aussi la coordination des acteurs, l'organisation, la formation, etc.), or les nouvelles technologies annulent ces coûts de transaction et donnent un accès instantané à certains services en dehors de l'entreprise. Il ne sera pas possible que ces potentialités ne se généralisent pas à l'avenir même s'il y aura toujours des entreprises. La résistance ne pourrait être que de courte durée. On peut même y voir un nouveau service public à développer sauf que, dans le numérique, l'intérêt d'être une entreprise privée, c'est de pouvoir attirer des capitaux considérables (qui ne sont pas là au départ, particularité de ce capitalisme), plus qu'un Etat pourrait y dépenser, permettant des investissements massifs même si la société ne fait que des pertes pendant de longues années. Il faut bien dire qu'on ne voit pas vraiment ce qu'apporterait de plus un service public ici (à creuser).

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Comment l’esprit vient à la matière avec le numérique

Temps de lecture : 13 minutes

La question se pose de l’enseignement du numérique à l’école, entre simple apprentissage de son utilisation ou initiation à la programmation. J’avais émis l’opinion à Antonio Casilli, qui m’avait pris pour un débile, qu’il faudrait enseigner les rudiments du langage machine pour comprendre l’interface entre hardware et software, comment l’esprit venait à la matière, dissiper enfin le mystère de nos appareils numériques en même temps que celui de la pensée.

En effet, rien mieux que le numérique ne rend visible le dualisme de la pensée et de l’étendue, de l’esprit et du corps qui ne sont pas « une seule et même chose » comme le prétend Spinoza, le programme n’est pas l’envers de la machine, leurs existences sont à la fois distinctes et liées (mais pas inséparablement). Les conséquences philosophiques du numérique me semblent complètement négligées tant on rechigne à réduire « Les lois de la pensée » à une algèbre booléenne. Le risque de réductionnisme existe si on n’y introduit pas le langage narratif au moins et le mode de fonctionnement des réseaux de neurones ou du machine learning qui n’ont rien à voir avec un programme linéaire, cela ne doit pas empêcher de savoir par quelles procédures le numérique se matérialise, une pensée s’incarne (comme dans l’écriture) et les instructions s’exécutent (« comment l’esprit meut le corps »).

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La fin programmée de l’humanité

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Trouble dans le genre humain
la-planete-des-singes-les-origines-affiche-cinemaL'humanité a le chic pour se créer de faux problèmes, qui la détournent des vrais, et s'effrayer de sa propre disparition mais non pas pour des raisons écologiques, qu'elle néglige au contraire beaucoup trop, alors que cela pourrait faire de très nombreux morts. Non, ce qui est redouté, c'est la probable fin de notre espèce comme telle, à très long terme et sans faire aucune victime, par la faute de la génétique, des robots ou de l'intelligence artificielle (comme, pour d'autres, ce serait la faute du féminisme, de l'homosexualité ou autre transgression des normes) ! On ferait mieux de s'occuper des êtres humains qui partout sont en souffrance, mais non, on s'inquiète de l'Humanité avec un grand H, comme avant de la race des seigneurs!

Aux dernières nouvelles, il est effectivement certain que les frontières de l'humanité ne sont plus aussi assurées, ce n'est pas une raison pour s'en inquiéter outre mesure mais pour réinterroger nos catégories. C'est sûr que ce serait exaltant de se croire engagés dans un conflit hollywoodien de dimensions cosmiques où nous serions du côté des humains contre les machines, mais il faudrait se demander si on ne donne pas ainsi dans une bêtise trop humaine, en effet, à voir les déclarations récentes de quelques sommités faisant preuve d'une singulière peur de l'intelligence qui nous menacerait, fichtre ! Je croyais le contraire...

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Ecologie, intermittents et travail immatériel

Temps de lecture : 7 minutes

Interview par Ingrid Merckx pour Politis
politis

Quels rapports voyez-vous entre les revendications des intermittents et l'écologie politique ?

La connexion avec les "intermittents" se situe à plusieurs niveaux : 1) La sortie du productivisme capitaliste, c'est-à-dire du salariat, au profit du travail autonome, d'un travail choisi plus épanouissant mais moins productif - ce qui nécessite revenu garanti et coopératives municipales, institutions locales du travail autonome et du développement humain qui sont la base d'un nouveau système de production non productiviste et plus adapté aux nouvelles forces productives. 2) En effet, le passage de l'ère de l'énergie (industrielle) à l'ère de l'information (post-industrielle) fait passer de la force de travail, dont la production est proportion du temps passé (ou temps machine), au travail immatériel dont la productivité est non linéaire, non mesurable par le temps comme Marx le pressentait dans ses Grundisse, se rapprochant du travail artistique et créatif, travail par objectif beaucoup plus précaire et aléatoire que le salariat industriel.

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Revue des sciences mai 2014

Temps de lecture : 69 minutes

Physique, espace, nanos

Climat, énergie, écologie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

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Permanence et fonctions des hiérarchies

Temps de lecture : 18 minutes

hierarchie_ca_suffitLa contestation des hiérarchies en tant que telles est stérile et même contre-productive quand ce qu'il faudrait, c'est les alléger et les démocratiser! C'est ce qui fait toute la différence entre d'inutiles utopies et le véritable progrès social. Il s'agit de comprendre les nécessités de l'organisation et la fonction des structures hiérarchiques pour bien distinguer les hiérarchies opérationnelles des systèmes de domination et avoir la capacité d'en réduire l'hétéronomie ainsi que l'infériorisation des acteurs, c'est-à-dire tout simplement remplacer la contrainte par l'information.

Ces idées ne sont pas nouvelles puisqu'elles ont été à l'origine de la formation du GRIT (plutôt "le groupe des dix" à l'époque), portées surtout par Henri Laborit, notamment dans "la nouvelle grille" comme on le verra plus loin. Tout ce mouvement venait de la théorie des systèmes et de l'écologie (des écosystèmes, inspirant notamment le rapport de Rome sur les limites de la croissance. Voir aussi le Macroscope de Joël de Rosnay avec son dernier chapitre sur l'écosocialisme). Ce mouvement devait hélas, comme toute la "cybernétique de deuxième ordre", un peu trop s'engluer ensuite dans une auto-organisation informe qui inspirera une bonne part du néolibéralisme (sous le nom d'ordre spontané). L'auto-organisation a une place certes irremplaçable, qu'il fallait intégrer, mais bien plus réduite qu'on ne l'a imaginée (comme si la sélection naturelle en était restée aux bactéries au lieu d'organismes de plus en plus complexes).

Les choses sont moins immédiates et bien plus subtiles (dialectiques) que les mots d'ordre politiques, devant combiner l'organisation collective et l'autonomie des acteurs - d'autant plus à l'ère du numérique. Il n'y a pas de truc miraculeux pour cela même s'il y a quelques dispositifs utiles, le plus important étant de garder un point de vue critique sur les pouvoirs et de chercher à réduire les dominations sans refouler les rapports de pouvoir ni le fonctionnement effectifs.

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Revue des sciences mars 2014

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Pour la Science

La Recherche

Physique, espace, nanos

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

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L’accélération technologique

Temps de lecture : 11 minutes

nbicLa critique de la technique fait partie des fondements de l'écologie depuis Ellul mettant en cause le système technicien ou Illich les monopoles radicaux de la mégamachine et plaidant pour des outils conviviaux. Avec Gorz, la critique se fait plus politique d'un nucléaire incompatible avec la démocratie et de techniques hétéronomes opposées à celles qui nous donnent plus d'autonomie (passant d'une critique de la technique à une critique du travail et de la subordination salariale). Après-coup, on ne peut que constater à quel point cette critique de la technique a pu être assez souvent exagérée mais surtout qu'elle a échoué sur toute la ligne, ne parvenant pas à infléchir en quoi que ce soit une évolution technique qu'on subit entièrement et dont nous sommes beaucoup plus spectateurs qu'acteurs.

Le rattrapage actuel de la Chine rappelle l'échec de la Révolution Culturelle à suivre sa propre voie, avec ses propres techniques, d'avoir oublié les principes d'un matérialisme historique si dénigré alors que le progrès technique bouleverse les rapports sociaux comme jamais et s'impose très matériellement au système de production comme, en son temps, la machine à vapeur à l'industrie. En fait, ce qui rend désormais si tangible le caractère impersonnel et inéluctable de l'évolution technique, c'est bien son accélération dont on n'a encore rien vu, étant donné ce qui nous attend dans les prochaines années. Ce déferlement incessant suscite inévitablement une levée des résistances individuelles et ce qui devient simplement une critique des nouvelles techniques soumises à des comités d'éthique absolument sans autre effectivité qu'un très léger retard dans leur adoption. Il n'y a pas à s'en étonner, la résistance à l'évolution fait partie intégrante de l'évolution, de sa robustesse, mais sans autre effet qu'éphémère et très localisé. On peut empêcher localement des infrastructures, interdire des OGM (mais importer du soja modifié), tenter de sortir du nucléaire, réglementer à tour de bras mais pas empêcher partout dans le monde ces techniques d'être employées et perfectionnées, jusqu'à devoir s'y convertir malgré nous.

Il est en effet impossible d'oublier ce qu'on a appris, notre histoire étant celle d'un savoir cumulatif dans les sciences et techniques. L'évolution technique est largement darwinienne, guidée dans l'après-coup par l'information, l'extérieur, le milieu et non par les individus qui l'explorent, prenant ainsi véritablement le relais de l'évolution génétique qu'elle accélère déjà. Au même titre que l'évolution de l'espèce, mais pour des temps nettement plus réduits, l'état des techniques constitue le marqueur d'une époque et de notre être-au-monde, des transformations auxquelles nous sommes confrontés dans notre existence historique concrète et singulière, le vrai passage du temps qu'on ne rattrape jamais. Il vaut mieux le savoir et savoir que ça n'est pas près de s'arrêter, que nous ne pourrons ni sauter du train en marche ni faire barrage de notre corps à la vague qui nous engloutit.

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Le plaisir du travail

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la valeur travailDebord considérait que son acte le plus subversif avait été d'écrire sur un mur "Ne travaillez jamais" et Rimbaud disait avoir "horreur de tous les métiers". Rien ne paraît plus réactionnaire que de vouloir valoriser le travail en soi, simple justification d'une exploitation éhontée et de la soumission passive au devoir comme à la peine (travail, famille, patrie).

Il y avait incontestablement quelques bonnes raisons, depuis notre exil du paradis des chasseurs-cueilleurs, d'identifier le travail à la peine et la contrainte, punition divine sinon forme d'esclavage. Il se pourrait cependant qu'à l'ère du numérique et de l'automatisation, le travail se dépouille de sa pénibilité physique pour ne plus consister en simple dépense d'énergie, comme dans la thermodynamique originelle, mais bien plutôt comme l'inverse de l'entropie ce qui n'est pas exactement la même chose et moins fatiguant à s'appuyer, tout comme la cueillette, plutôt sur l'information (comparable au démon de Maxwell triant les molécules les plus rapides au lieu de les accélérer). Sur cette face, on peut dire le travail "immatériel" du fait qu'il n'exploite pas une "force de travail" mais mobilise des subjectivités avec leurs compétences particulières pour l'exécution d'une tâche au service d'un objectif commun.

Dans ce contexte, il faut montrer en quoi l'autonomie est essentielle pour sortir de l'aliénation salariale mais aussi qu'il ne s'agit absolument pas de se délivrer du travail comme du royaume de la nécessité pour un royaume de la liberté qui se révèle bien vide et livré en général à de si piètres divertissements. Il ne s'agit pas de s'éviter toute difficulté, ni même d'épargner les corps mais de passer du travail forcé au travail choisi, du travail souffrance ("désutilité") au travail plaisir voire au travail passion, il s'agit enfin de rendre le travail désirable autant que faire se peut. Ce qu'il est déjà d'une certaine façon, si l'on en croit les sondages et malgré de nombreux contre-exemples, d'autant plus convoité sans doute qu'il manque (il faut voir comme les salariés défendent leur emploi). Il y a encore de grands progrès à faire pour qu'on puisse s'en satisfaire, notamment à gagner un peu plus en autonomie, mais ce qui pourrait passer raisonnablement pour de simples voeux pieux semble malgré tout confirmé par les évolutions en cours.

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Revenu garanti vs revenu de base (vidéo)

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Dans le cadre d'une vidéo intitulée "Un revenu pour la vie" (et qui a besoin d'être financée), Les Zooms Verts ont insisté pour venir me voir le 20 octobre dernier afin de filmer un échange avec Frédéric Bosqué sur les différences entre revenu garanti et revenu de base.

Je ne suis pas télégénique ni un bon orateur et ce n'est que l'enregistrement brut de la conversation, avec des longueurs et des raccourcis douteux, bref c'est un peu pénible et bien trop long mais il me semble que la discussion est assez éclairante sur le sujet, notamment par la différence des arguments mobilisés. On aborde aussi les questions du travail, du don, des coopératives municipales ou des monnaies locales ainsi que la nécessité que je défends d'une approche matérialiste et systémique, à l'opposé d'un volontarisme politique vanté de toutes parts mais qui n'est que le symptôme de notre impuissance. Curieux comme on se croit obligé de promettre le bonheur et de croire à des rêves alors qu'il ne s'agit que de faire face (difficilement) aux nécessités.

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Revue des sciences décembre 2013

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Pour la Science

Physique, espace, nanos

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

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