Principes d'action politique écologistes

 
  1. L'écologie-politique

  2. L'écologie-politique est la pensée politique de la mondialisation achevée, conscience de nos ressources limitées et de notre responsabilité collective envers les générations futures. Opposée à l'individualisme irresponsable, l'écologie est autant opposée à tout totalitarisme, tout globalitarisme qui voudrait homogénéiser des milliards d'individus et détruire l'équilibre et la richesse du tissu local. Toute action locale doit ainsi tenir compte de son contexte global mais toute action globale doit tenir compte des spécificités locales par des processus de médiation.
     
  3. Élus et militants, réformistes et radicaux

  4. On ne peut opposer, comme on le fait ordinairement, élus et militants, réformistes et radicaux. Il n'y a pas de place pour un parti réformiste environnementaliste, n'importe quel parti a déjà son "écologiste". D'un autre côté, des militants radicaux présents dans les luttes mais absents des élections ne sont pas très efficaces.

    L'écologie n'est rien si elle n'est pas radicale et ne cherche pas à s'attaquer aux véritables causes, si elle ne veut pas changer le monde et se contente de le rendre plus supportable en supprimant ses nuisances les plus visibles. Mais, d'un autre côté, l'attention à la vie réelle, aux nuisances effectives oblige à considérer tout progrès réformiste comme un acquis bénéfique. Notre diversité doit être une complémentarité. Il y a des réformistes qui se passeraient bien des radicaux pour gérer tranquillement leur petit domaine, ne souhaitant que gagner quelques places dans l'oligarchie des notables. Ce parti de notables écologistes n'est pas crédible et se fondra très vite dans le PS. La pure radicalité est aussi vaine la plupart du temps. Le seul parti écologiste viable est un parti ayant un programme radical mais qui cherche à être présent à tous les échelons de la "démocratie".

    La différence entre un élu radical et un politicien est la différence entre le discours de Voynet au début de son ministère, appelant à la critique, à la poussée populaire et militante, et puis la culture de gouvernement qu'on nous refile, maintenant qu'il faut défendre quelques réalisations bien modestes : on ne peut pas faire mieux, il ne faut pas demander plus. Si pour faire ce qu'ils feraient sans nous, nous devons accepter le conservatisme du PS, autant s'y dissoudre immédiatement.
     

  5. National, régional, groupes locaux

  6. Choisir de garder des élus et notre radicalité implique d'en accepter les conséquences et d'abord d'accepter de vivre ensemble réformistes et radicaux, ce qui ne va pas toujours de soi. Les radicaux doivent accepter le réformisme des élus, mais les réformistes ne doivent pas imposer les méthodes douteuses qui déconsidèrent la démocratie. Avant de vouloir améliorer la démocratie par la parité ou le tourniquet, il faudrait que soient respectées chez nous les règles élémentaires de la démocratie, la simple honnêteté ainsi que le respect de la diversité des lieux et des personnes. C'est cela la méthode écologiste. S'il y a une politique différente, elle est là.

    Concrètement cette politique écologiste est décentralisatrice et défend les droits de la minorité. Ni le national ne peut imposer leur conduite aux régions, ni les régions ne peuvent se conduire avec les groupes locaux comme une autorité supérieure mais, au contraire, comme l'instrument de la coordination de nos forces fédérées. Il faut ajouter nos forces et non pas nous détruire nous-mêmes. Les décisions concernant les départements ne peuvent être imposées contre la volonté des intéressés mais doivent être élaborées en commun avec les porte-paroles et non plus à la discrétion des manipulations d'un négociateur auto-proclamé (02/98).
     

  7. Base sociale et politique écologiste

  8. Il est frappant de constater comme s'impose désormais, même chez les intellectuels et philosophes les plus progressistes, la thèse du nazi Carl Schmitt réduisant la politique à l'opposition ami-ennemi. Or, si Aristote, par exemple, fait référence à cette opposition, très réelle en son temps, c'est pour rendre compte de la défense de la cité contre ses ennemis potentiels, mais surtout pour faire de l'amitié (philia) le but de la politique, d'une cité bien gouvernée. La logique nazi d'opposition aux autres peuples est certes encore bien vivante dans les guerres locales d'aujourd'hui, puisque toute identification (d'un peuple, d'une race, d'un pays) ne peut se constituer qu'en opposition aux autres. Cependant, depuis la Révolution française et son droit universel, l'État démocratique ne se définit plus en opposition aux autres peuples, pas la France en tout cas. Les démocraties libérales (capitalistes) ne se définissent plus par leur opposition aux autres États comme le montre bien la domination des multinationales (et la mondialisation). Désormais, on le sait depuis Marx, l'opposition ami-ennemi s'est transférée en division intérieure entre classes, entre groupes sociaux. La grande différence est que l'État ne représente plus l'unité de la nation mais les intérêts de la classe dominante, bien qu'il se réclame toujours de l'idéologie de l'unité, de la volonté générale et de l'intérêt national mais de moins en moins convaincant. Dès lors, il devient évident pour la pensée sociologique et marxiste que la politique consiste dans la lutte entre différents groupes sociaux, différents "lobbies", entre des intérêts opposés. Chaque parti représente sa base sociale (principalement petite bourgeoisie ou salariés) et, bien que tous aient la prétention de représenter l'intérêt général, c'est bien l'absence d'unité, de cohésion sociale qui dégénère en lutte des classes institutionnalisée*, en clientélisme, en corruption et, enfin, en désintérêt pour la politique.

    Les écologistes se distinguent justement en restituant la fonction du global, de la totalité, avec pour conséquence de n'avoir pas vraiment de base sociologique puisqu'ils s'adressent à tous ceux qui respirent, à tous les habitants de la planète. La base sociale actuelle est bien celle de la "classe universelle", celle des fonctionnaires qui ont en charge le bien public, mais cela ne doit pas rester leur seule base et attentifs au négatif, aux déchêts de la croissance, les écologistes s'intéressent d'abord aux plus faibles, aux exclus, aux chômeurs. Cette "faiblesse" à court terme est pourtant ce qui fait la valeur et la force de l'écologie pour l'avenir. Cela implique de ne plus pouvoir raisonner sous la forme de l'opposition ami-ennemi. Le point de vue de la totalité inclut la diversité (pas l'identité) et les droits de la minorité, préférant la coopération à la hiérarchie ou aux rapports de force, etc. Mais aussi, cela oblige à ne pas séparer les moyens et les fins comme les arrivistes à la course médiatique ; il ne s'agit pas de prendre le pouvoir, mais de redonner à tous pouvoir sur leur vie.

    L'écologie ne doit pas servir simplement à limiter les dégats mais elle doit être la réappropriation de la vie, pour tous, la négation d'une économie séparée de la société, et l'affirmation de notre communauté humaine. Le revenu d'existence réclamé par le mouvement social pourrait être la première marque d'une économie moins productiviste que le salariat, retrouvant la dimension humaine et la dignité du citoyen (08/98).
     

  9. Politique alternative globale et réaliste : le revenu d'existence

  10. Une politique écologiste alternative doit se juger à ses résultats effectifs. Il faut ainsi distinguer court et long terme, objectif à atteindre et réalité présente. Il ne sert à rien de raisonner dans l'abstrait au nom de principes, ce n'est pas non plus une raison pour s'en tenir à ce qui existe mais si on veut prendre ses désirs pour des réalités, il faut d'abord les réaliser.

    Raisonner concrètement à propos de la loi sur les 35 H, par exemple, c'est constater que c'est une mauvaise loi qui ne fait qu'introduire la flexibilité dans les entreprises alors que l'idée de la réduction du temps de travail et la campagne des Verts pour les 32 H restent des bonnes idées à défendre.

    Ainsi il faut afficher notre volonté d'un ralentissement de la croissance dans les pays développés, comme but à atteindre. Ce n'est pas une raison pour soutenir aveuglément des restrictions budgétaires qui profiteront aux privilégiés et toucheront durement les plus démunis, nous devons au contraire dénoncer le caractère destructeur et inhumain de ce système économique. Comment on s'en sort concrètement ? Il ne peut être question pour des écologistes de défendre des politiques keynésiennes de croissance, qui sont pourtant raisonnables dans la logique de l'économie productiviste actuelle. Ce n'est pas une raison pour combattre simplement la croissance, sans souci pour les effets sociaux et sans examen du contenu d'une politique de rigueur. Il ne s'agit pas de soutenir les intérêts des rentiers, souvent les plus irresponsables et destructeurs, sous prétexe d'une limitation abstraite de la masse monétaire. Nous devons défendre notre modèle global de décroissance écologique et non pas approuver les fluctuations d'un productivisme sous prétexte qu'il n'est pas toujours orienté à la hausse

    L'écologie ne doit pas être une contrainte supplémentaire mais une libération. Combattre la croissance doit profiter à tous pour cela il faut exiger d'abord une meilleure répartition de la richesse, et du traitement de l'exclusion et ne pas condamner une croissance qui profite aux plus faibles si, à court terme, aucune autre solution n'est envisageable (il ne faut pas être dogmatique), tout en maintenant l'objectif de décroissance à long terme qui est une meilleure gestion de nos ressources.

    L'important est de voir qu'on ne peut raisonner que dans le cadre d'une politique cohérente, globale. Aucune mesure ne suffit en elle-même, il faut que le résultat global soit assuré par une cohérence qui peut donner sens à des écotaxes, etc. Ce n'est pas une mesure isolée, qui emmerdrait simplement tout le monde, qu'il nous faut défendre, mais une amélioration globale de la qualité de la vie par une meilleure gestion de nos ressources pour parler comme les économistes. Nous devons avoir une stratégie de passage d'un état de l'économie à un autre moins productiviste (plus durable), et non pas nous satisfaire d'un supplément d'âme, d'un petit effort expiatoire pour montrer nos bonnes intentions.

    Il faut aussi distinguer les croissances. La production immatérielle prenant une place prépondérante dans la civilisation informationnelle, il n'y a aucune raison écologique de limiter la croissance de l'éducation par exemple (c'est plus discutable pour les activités juridiques et financières). L'embêtant est que cet argument sert à couvrir un productivisme beaucoup plus destructeur, valoriser la croissance quantitative c'est rentrer dans la logique du capitalisme. Il vaut mieux s'en tenir encore à l'anti-productivisme et lutter pour la société et non pas pour la croissance.

    Le revenu d'existence est ce que le mouvement social a trouvé de mieux pour dépasser le salariat et son productivisme. On ne peut raisonner comme si on pouvait instituer le revenu d'existence sans changer profondément tout le reste. Les prélèvements devraient être modifiés et le versement à tous pas obligatoire car de toutes façons récupéré par l'impôt sur les revenus élevés. Ce n'est pas une mesure isolée d'aide sociale, c'est l'affirmation de notre communauté humaine, l'intendance suivra...



* Marx s'est opposé aux philanthropes et semble prendre le parti de la lutte des classes, comme actuellement le "dialogue social" institutionnalisé, la CGT et le PC. Mais c'est plutôt une conception romaine des tribuns défendant les intérêts du peuple contre la classe dirigeante. Pour Marx, son engagement d'intellectuel auprès du prolétariat se justifiait, au nom des conditions de la vérité et de l'idéologie, uniquement en ceci que le prolétariat était pour lui l'abolition des classes, la négation de la division des classes et non pas une catégorie sociale dont il fallait simplement défendre les conditions de vie matérielle. Marx a remplacé la Fin de l'histoire idéaliste de Hegel par l'abolition concrète des classes. L'écologie est, en tout cas, l'exigence de l'unité par delà les divisions sociales, et sans les ignorer pour autant.
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