Philosophie, économie et démocratie

 
  • Errare humanum est, sed persevare diabolicum (vérité et démocratie) 
Pour les hommes de pouvoir (politiciens, techniciens ou chefs d'entreprise) l'homme n'est souvent que le perturbateur au regard de l'efficacité technique, rèvant d'un homme parfait plutôt semblable à un robot. J'ai consacré mon Café philosophique[1] à montrer, au contraire, que l'Erreur est au fondement de la liberté, qu'il n'y a pas de coïncidence à soi, pas de victoire décisive, ni finale (ennui), ni protégeant jamais de l'erreur. La Liberté est errance, délibération, précipitation et non calcul mécanique. La vérité n'est pas objet (éternel, pour tous) mais sujet (processus particulier historique, discours effectif - Ce qui limite le vrai c'est l'insignifiant. René Thom). Plus on s'approche du phénomène humain, plus on doit faire sa place à l'erreur et à la liberté. C'est vrai pour l'informatique, dont l'objet principal est bien les bugs et erreurs de saisie, c'est vrai pour la théorie de l'information, dont les protocoles de transmission traitent l'erreur (parité, CRC). Mais les erreurs interviennent aussi à tous les niveaux de la vie : mutation des gênes, sexualité, lutte/jeux, imagination, langage, philo-sophie (pas sagesse), démocratie. La communication est d'abord malentendu. La race qui est la première tentative de clonage est une création de l'homme, une technique d'élevage (canin, bovin, chevalin, aryen, ...) alors que l'évolution préserve la créativité génétique par la sexualité et les mutations génétiques, la vie ne gardant de promesse d'avenir que dans la diversité. L'Erreur contient, bien sûr, la possibilité de nier l'erreur. Il n'y a même pas d'erreur qui ne se prenne d'abord pour la vérité. C'est Persevare à ne pas corriger ses erreurs qui est le mal même, diabolicum. Il n'y en a pas d'autre (le diable c'est se prendre pour Dieu, le péché originel, s'imaginer un savoir sans réplique). Mais reconnaître ses erreurs c'est déjà pardonner aux autres (la paille et la poutre dans l'oeil), être tolérant et humble. La critique est nécessaire autant que facile, la matière ne manque pas, mais pour être bénéfique le reproche doit nous rapprocher, être déjà retrouvailles complices de notre " inhabileté fatale " comme dit Rimbaud. Les plus grands créateurs sont humbles devant la distance qui sépare le projet de l'objet réalisé, devant l'insuffisance de nos forces. S'il y avait des sages supérieurs à qui l'erreur était épargnée, ils nous dirigeraient comme un troupeau soumis. L'histoire nous a appris que les " meilleurs " sont capables du pire, c'est donc à chacun de corriger l'autre et d'assumer sa part de responsabilité, de citoyenneté. C'est à chacun d'apporter sa part irremplaçable de clairvoyance, à son niveau propre, de participer à la vie démocratique. 
 
  • Le Citoyen et l'économie 
La Démocratie est fondée depuis Aristote sur la capacité de se tromper, sur l'inexactitude de la raison pratique. Il est plus douteux d'en trouver le fondement chez Descartes qui faisait du bon sens la chose du monde la mieux partagée. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il faut supposer une autonomie au citoyen, à sa parole. Est-ce possible encore ? Ne sommes nous pas réduit, dans cette société marchande, au statut inférieur de salarié ? On ne croit plus aux grands hommes mais la supériorité ne se mesure plus qu'en dollars. L'homme efficace, supérieur est celui qui produit de l'argent, à qui les portes des banques s'ouvrent et à qui se porte la reconnaissance sociale de ceux qui pourraient tirer profit de ses ressources. La concurrence exacerbée durcit les rapports humains. Celui qui n'est pas assez efficace est un poids pour ceux qui doivent fournir un effort supplémentaire. Ici, pas de démocratie, pas de citoyen et c'est la production même qui en est diminuée. Il faut dire non à ces rapports inhumains, réintroduire le politique dans l'économique. Chaque personne doit trouver sa place, c'est ainsi qu'elle donnera le meilleur d'elle-même et sera utile, à sa manière (on a toujours besoin d'un plus petit que soi), et non pas sous la pression de la menace abjecte. L'efficacité économique n'est qu'une petite partie de nos capacités, on ne peut se priver de tout le reste. Devant la réduction du citoyen à l'employé soumis ou au chômeur méprisé, on ne peut que refuser cette soi-disant production de richesse. On ne peut que se mettre en grève. Comme disait Confucius " Si un Etat est gouverné par la raison, la pauvreté et la misère sont honteuses ; si ce n'est pas la raison qui gouverne, les richesses et les honneurs sont honteux ". Un pouvoir fort n'a pas besoin de la force pour tirer de chacun le meilleur (Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme pas sa force en droit, et l'obéissance en devoir. Rousseau), c'est la conscience de sa faiblesse, voire de son illégitimité qui réduit le pouvoir à la force de l'oppression. C'est lui-même qu'il rassure en exerçant sa domination et se persuade de sa valeur en rabaissant les plus valeureux qui doivent s'incliner devant lui. Pourtant chacun s'applique, à sa mesure, de réaliser ce qui lui est donné comme projet. Que chacun soit respecté et les vaches seront bien gardées. 
 
 [1] Café philosophique tenu à Figeac de 10/96 à 02/97



 
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