La tentation du pire

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La politique rend fou. Ce n'est pas une nouveauté mais toujours aussi effrayant à chaque fois que les camps adverses se mobilisent et qu'on ressent la pression de la foule. J'avais moi-même dénoncé la folie de se croire majoritaire et de refuser les alliances quand on ne fait même pas 15% des intentions de vote mais il n'est pas sûr pour autant que cette folie générale relève d'une analyse psychologique, encore moins d'une analyse sauvage comme s'y est risqué bien imprudemment Jacques-Alain Miller - le normalisateur du lacanisme - qui prône le vote utile dès le premier tour.

Critiquant une "analyste en formation" ayant déclaré : "Pour ma part, je préfère être vaincue que dupe", il croit, en effet, pouvoir dénoncer son narcissisme de la cause perdue, ce qui est tout autre chose que de se faire des illusions, mais surtout, après une réponse musclée de la dame, il en rajoute une couche en invoquant tous les modes de négation chez Freud : Verneinung, dénégation (se rencontre dans la névrose, et chez tout le monde) ; Verleugnung, déni (propre à la perversion) ; Verwerfung, forclusion (dans la psychose). Cette façon de répondre met profondément mal à l'aise, tout comme d'ailleurs de faire croire par une pétition d'analystes qu'on soutient une position politique en tant qu'analyste.

Je sais bien que Lacan a cru pouvoir dire en 1967 que "L'inconscient, c'est la politique", semblant prolonger "Psychologie collective et analyse du moi", mais il ne désignait ainsi que "ce qui lie les hommes entre eux" et cela n'empêche pas que ce soit un slogan critiquable lorsqu'il gomme la séparation radicale de l'individu et du collectif (ce que ne fait pas Freud). Le rapport de l'inconscient au politique doit être repensé. Même s'il est incontestablement très tentant de donner une interprétation psychologique à la division de la gauche qui la mène stupidement à la défaite, c'est juste vouloir ignorer les causes réelles de la situation. On pourrait accuser en retour ce psychologisme de refoulement (si ce n'est de forclusion) au profit d'une vision très naïve de la politique et de sa supposée rationalité, vision qu'on peut dire bourgeoise de la défense de l'ordre établi et du service des biens. C'est une position qui est assurément très raisonnable. Sauf que le réel est insupportable.

Ce qui rend fou, c'est la foi, comme en toute religion, la croyance dans un salut possible, à portée de main (ou de vote). Si le communisme était possible, nous délivrant du pouvoir de l'argent, s'il pouvait être ce qu'il voulait être, comment donc ne pas considérer tout anti-communiste comme un chien ? Si on s'imagine que le programme de son candidat pourrait être appliqué et tout changer (en sortant de l'Europe, en abolissant la dette, etc.), on comprend la hargne des militants contre tous ceux, bien plus nombreux, qui n'y croient guère et sont bien plus lucides sur les chances de succès. C'est l'occasion d'observer des manifestations, certes psychologiques, d'exaltation, d'enthousiasme ou d'agressivité mais qui ne sont pas pour autant des phénomènes individuels, chacun avec sa névrose particulière participant à la folie ambiante. Que les idéologies soient, tout comme les religions, des instruments de méconnaissance n'en font pas pour autant exactement la même chose que les mécanismes de refoulement (d'un savoir). La vérité qui serait refoulée n'a pas en politique le caractère de l'objectivité bien connue, au contraire, la vérité est ici l'objet de luttes féroces qui nous renseignent sur les limites cognitives de l'époque et de l'intelligence collective, ce qui constitue notre contexte intellectuel de par l'impossibilité même de s'accorder sur le diagnostic comme sur les remèdes - chacun restant persuadé connaître la bonne solution ! Or, la réalité, c'est qu'on ne sait jamais très bien ce qu'il faut faire, ce qui va marcher, les politiques agissant toujours un peu à l'aveuglette jusqu'à se cogner au réel.

Il ne faut cependant pas trop croire aux discours. Que la politique se structure sur les débats du moment, les indécidables, les fractures idéologiques, et se croit obligée de promettre la lune à chaque élection, n'empêche pas que derrière s'y jouent des intérêts bien réels, des forces sociales, des puissances matérielles et des positions de pouvoir institutionnelles. Ainsi, la division catastrophique de la gauche s'explique très bien par la recomposition à venir, post-élection, si elle ne peut s'expliquer par l'élection elle-même. Les militants les plus sincères sont toujours les plus dupes à la fin !

Il est bien vrai que les gens sont fous, qu'ils veulent croire passionnément que leur vie de misère pourrait avoir une fin. Il y a dans le volontarisme politique une négation du réel qui n'est pas raisonnable car promise à l'échec. Tout cela est vrai mais ne suffit pas à justifier la continuation de l'état présent et il ne faut pas trop se fier à la raison humaine. Du point de vue subjectif, la jouissance de la rupture voire du désastre est certes une jouissance mauvaise mais elle est indéniable, expliquant le plaisir que pas mal de gens ont pu éprouver à l'élection de Trump. Il se pourrait, de plus, qu'il soit nécessaire objectivement de passer par le pire pour rebattre les cartes et s'adapter à un monde qui a tellement changé. Les guerres, que nous n'avons pas connues, avaient cette fonction de nous confronter au réel, au Maître absolu, faisant ressentir le vent de l'histoire et le sérieux de l'existence. Elles servaient aussi à la refondation des solidarités sociales et la réorganisation économique. Sinon, dans le train-train quotidien du service des biens, l'imagination ne rencontre pas d'obstacle et perd tout ancrage au réel. Le besoin de tester ses limites est fondamental. Ce côté de l'errance humaine, s'ajoute à l'inertie des structures sociales et des positions acquises pour que beaucoup finissent par trouver désirable la politique du pire à défaut de la révolution de nos rêves. Il vaut mieux le savoir que le dénier.

On peut donc tout-à-fait comprendre la tentation Le Pen, y compris pour des électeurs d’extrême-gauche et même s'il y perdent, plutôt que la continuation de la situation présente. Certains arriveraient même à vous convaincre que le vote utile contre Le Pen serait la renforcer car seule une politique de rupture pourrait en détourner ! On peut arguer aussi que ce serait une façon de crever l'abcès et de voir qu'ils ne valent pas mieux que les autres, dégageant le terrain pour la gauche (c'était le slogan des communistes allemands devant la montée du nazisme !). Le Front National est très loin du nazisme et n'a pas les troupes de ses ambitions mais heureusement, on devrait en éviter l'épreuve car on peut dire que l'abcès est déjà crevé avec le Brexit et Trump qui commencent à faire la preuve qu'ils ne mènent à rien. Le populisme se dégonfle et la reprise qui s'annonce devrait moins le favoriser. L'appel au vote utile semble donc prématuré. Tant que les sondages nous assurent qu'une victoire du FN est impossible, on peut bien voter pour qui on veut, cela n'a guère d'importance dès lors que la division de la gauche la condamne à jouer les spectateurs et qu'on ne se fait pas d'illusions sur le résultat. Le problème n'est pas de préférer un parti à l'autre mais de se croire majoritaire et de croire qu'on pourrait appliquer son programme ! Bien sûr, tout est toujours possible car Macron peut très bien s'effondrer pour une raison ou une autre, et des attentats peuvent retourner l'opinion, mais pour l'instant, l'élection de Marine Le Pen n'est pas du tout probable à un mois du premier tour (il faudra être très vigilant entre les deux tours). Après l'échec aux présidentielles, son parti risque même de se marginaliser avec un retour de la ligne dure. Surtout, si l'Allemagne passait à gauche, l'Europe pourrait devenir moins haïssable ?

La "raison" devrait donc l'emporter encore une fois, restera la nécessité d'une rupture, qui pourrait prendre des formes plus libertaires (espérons-le), nécessité aussi d'une refondation des protections sociales (qui a peu de chances de se passer bien). Il n'est pas temps sinon de vouloir faire la leçon et sortir les grands mots, montrant un peu trop qu'on profite du système en place. Si le danger devient réel, on sonnera l'alarme en tentant de calmer la tentation du pire, en attendant il est très déplacé d'insulter les électeurs de sa science supposée toute ébahie que la politique ne soit pas vraiment rationnelle et qu'on puisse trouver le réel assez insupportable pour précipiter sa perte...

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45 réflexions au sujet de “La tentation du pire”

  1. "Or, la réalité, c'est qu'on ne sait jamais très bien ce qu'il faut faire, ce qui va marcher, les politiques agissant toujours un peu à l'aveuglette jusqu'à se cogner au réel."
    A partir de là on peut effectivement , à partir d'un poste d'observateur éclairé sur les limites humaines , voter Macron. (vote utile )
    Moi qui ne vote plus depuis un moment et suis opposé aux primaires privées des partis politiques , suis allé donner une voix à Hamon , espérant sans trop y croire , un pacte Hamon Mélenchon .
    Ces deux là ayant décidé d'être à eux seuls la sixième République , ils pourront se brosser pour avoir ma voix.
    On voit au travers de ces élections l'obsolescence de ce système politique ; on voit aussi que tous les candidats s'en satisfont et rêvent d'une "victoire"....
    En fait ,si l'on part de la réalité , à savoir l'impossibilité de se mettre d'accord , tout système politique qui ne se fonde pas sur ce principe ,en terme d'organisation , est un cirque . Qui effectivement ne peut conduire qu'au pire.
    Le système politique actuel évite soigneusement cette réalité de nos limites cognitives et divergences d'intérêt en plaçant le jeu politique et la démocratie sur le principe d'une alternance au "pouvoir" . Or ce système d'organisation ne "peut " plus rien .
    C'est bien sur ce constat d'impuissance qu'il faut s'attarder et sur cela même qu'il faudrait refonder nos organisations. Ou voter Macron . Ce que je ne ferai pas.
    Par contre , actuellement je rencontre les nouveaux élus de la nouvelle intercommunalité locale pour les persuader de mettre en place un outil transversal d'animation et développement territorial , outil qui s'appuie sur nos diversités , divergences et difficultés cognitives pour mener des projets concernant le territoire local.

    • Il y a heureusement une multiplication des initiatives locales et des villes sont de plus en plus actives, compensant localement l'impuissance nationale mais il faudrait que ce soit décuplé...

      Il n'y a dans l'état actuel des choses aucun vote utile. Voter Macron n'aurait de sens qu'à barrer la route à Fillon qui s'est enfoncé tout seul. Tant qu'il n'y a pas le feu, l'abstentionnisme devrait témoigner de la réprobation de tout ce cirque.

  2. Je crois bien que cette question des foules est indissociable de notre capacité de suggestion qui entre en jeu dans l'hypnose. Je me souviens avoir été frappé par ce sujet avec le livre de Jean Teulé: "Mangez-le si vous voulez" qui raconte de façon romancée le lynchage d'un noble, une personne très serviable et appréciée de tous jusqu'ici. Un petit groupe perçoit la folie (ou y est insensible, tout à fait comme un petit pourcentage de la population n'est pas ou peu sensible à la suggestion) et essaie, en vain de défendre ce pauvre noble qui finit sur un bucher et dont certains vont même jusqu'à récupérer sur du pain la graisse qui fond et la manger. Ensuite, le lendemain, les meneurs sont tout penauds et ne comprennent pas ce qui leur est arrivé, ce qu'ils ont fait. Tout à fait comme s'ils avaient été sous l'emprise d'une suggestion, d'un conditionnement de leur imaginaire plus fort qu'eux. C'est vraiment apparenté à un phénomène d'hypnose ou d'autohypnose collective.

    • C'était un Allemand, pas un noble. Il y a effectivement des folies collectives bien documentées, des lynchages, des visions, etc. Freud met bien en rapport la psychologie collective avec l'hypnose mais la différence, c'est que le collectif a sa propre histoire, sa propre nécessité, sa propre fonction. On y perd son individualité justement, pour intégrer un processus extérieur et prendre parti dans un débat qui n'est pas tranché.

      Reconnaître cette dépersonnalisation n'est pas s'en extraire. J'ai moi-même connu les extases mystiques quand j'étais enfant de choeur, j'ai répété tous les slogans de Mai68 au début de mon adolescence, j'ai été exalté par l'affrontement aux CRS... On ne peut pour autant se détourner de la politique qui nous concerne dans notre être, on ne peut pas s'abstraire des discours qui nous traversent (dont la politique n'est qu'un champ particulier). Il faut du moins en mesurer la difficulté.

      • Si, si, c'était bien un jeune aristocrate:
        "L'action se passe à Hautefaye (Dordogne) durant la guerre de 1870 : pris pour un Prussien à la suite d'un malentendu sur ses propos, un jeune aristocrate, Alain de Monéys, est molesté par des habitants du village, puis torturé et mis à mort dans des conditions de brutalité inouïe."

          • J'ai lu le site wikipedia à propos de cette affaire horrible que je ne connaissais pas. Il y a sans doute une combinaison de folie collective et de vengeance contre un bouc-émissaire. Nous sommes autant peut être dans le registre de Freud que celui de René Girard. De là à mettre sur le même plan de l'explication psychanalytique ces folies criminelles avec les manifestations de mai 68, me paraît un tantinet exagéré. Pour en revenir à l'extrême droite, c'est précisément le sacrifice du bouc-émissaire qui constitue l'un de ses fondements. J'irais jusqu'à dire un sacrifice qui peut être nourri de mesquineries et de jalousies sociales. Mais l'on se garde bien de s'en prendre aux puissants, on s'attaque à celui qui se trouve juste au dessus dans l'échelle sociale, à portée de main ou de fusil. Le mimétisme des affects de jalousies sociales fondées sur la rumeur est l'une des caractéristiques de la prégnance de l'idéologie d'extrême droite, en tout cas, elle prépare le terrain. Même l'affaire Fillon révèle en creux cette dépolitisation des enjeux et mesquineries des jalousies sociales, puisque ce qui choque l'opinion n'est pas que celui-ci défend un système inégalitaire et injuste, mais qu'il ait reçu en cadeau des costumes à quelques dizaines de milliers d'euro. Lorsque d'aucun dénonce par exemple la fuite fiscale qui se chiffre en dizaines de milliards d'euros, cela ne semble pas émouvoir l'opinion publique. Ce qui l'émeut, ce sont des faits portant sur les chiffres qu'elle peut mesurer en terme de pouvoir d'achat concret (un objet de luxe) et non pas les quantités abstraites et dématérialisées qui circulent à travers les réseaux informatiques. Ces dernières sont pourtant au coeur des problèmes de nos sociétés.

          • Je ne crois effectivement pas mériter la peine de mort! mais dans ces moments là, on ne s'appartient plus, on n'est plus vraiment responsable de ce qu'on fait qui peut vite déraper. Il ne s'agit justement plus de psychanalyse mais d'une constante sociale qui va assez rarement à ces extrémités (qu'on a retrouvées au Rwanda entre autres) mais qui procède de notre être collectif tout comme les fêtes et moments d'enthousiasme.

            Tout ramener au bouc émissaire est un peu court et il ne devrait plus être possible d'en accuser seulement l'extrême-droite alors que l'extrême-gauche aussi pendrait bien les banquiers, les policiers, etc., qui ne sont pourtant que les agents d'un système. Le bouc émissaire est le symptôme d'une impuissance qui cherche sa cause dans un Autre (un complot) pour ne pas en reconnaître l'impossible et reconstituer son unité contre l'ennemi commun (sauf que l'épuration ne s'arrête jamais).

          • @Fab,
            je crois que ça vaut la peine de se pencher sur les phénomènes d'hypnose. Nous avons cette capacité d'être sensibles (plus ou moins) à la suggestion, cad que notre imaginaire prend le pas sur la réalité et la raison dans ces moments là. C'est peut-être un élément qui a aussi participé à notre survie par la force collective que ce phénomène peut procurer, quand il s'agit d'hypnose collective.

  3. C'est vrai que la politique pourrait être un moyen de refoulement d'une réalité insupportable mais aujourd'hui elle en est beaucoup plus le moteur que le frein.
    C'est elle qui empêche les évolutions sociétales nous entraînant dans la régression mais cela n'est pas que négatif, des citoyens se prennent en main et organiseront des bureaux d'abstention le jour des élections présidentielles: votez utile, votez blanc!
    https://www.facebook.com/abstentiongenerale/

  4. "J'avais moi-même dénoncé la folie de se croire majoritaire et de refuser les alliances quand on ne fait même pas 15% des intentions de vote"

    Ils sont souvent pas loin d'être majoritaires sur quelques thématiques, mais leur concurrents défendent les mêmes thématiques à peu de choses près et se croient donc tout aussi majoritaires.

    Les thématiques majoritaires d'un parti ne définissent pas la majorité d'un parti.

    • Le principe du majoritaire est certes indispensable pour pouvoir décider ; mais en faire le seul principe de gouvernance( une majorité succède à l'autre) est suicidaire ; si ,aujourd'hui on a tant de difficulté à constituer des majorités , c'est parce que les problématiques sont globales et complexes et que les solutions le sont aussi .

      Au lieu de partir de la réalité qui est notre difficulté à gérer la complexité , réalité angoissante, on préfère se re diviser en chapelles ou construire une unité nationale factice , ni droite ni gauche .Cela ,alors qu'il faudrait modifier et adapter la gouvernance à une réalité mondialisée qui ne peut pas se contenter d'outils de gestion .
      A moins de nouvelles péripéties , Macron sera élu , ce qui nous fera reculer pour mieux sauter , sans aucunement résoudre ce problème de fond qui est notre difficulté à nous gouverner.

      • La proportionnelle changerait peut-être la donne, si cela ne rend pas ingouvernable ?

        Sinon, il peut encore se passer pas mal de chose d'ici le second tour, outre le fait que Macron est un amateur et qu'il est bien fragile, je dois dire que je crains pour ma part un attentat entre les deux tours (ce serait l'intérêt de Poutine et on n'a plus de ministère de l'intérieur!).

        • La "donne" n'est pas encore mûre ; si le système politique actuel est bien à bout de souffle , sa refondation n'est pas encore dans les tiroirs ; pour la raison simple que c'est encore à partir du système existant que nous raisonnons; nous proposons ceci ou cela , telle ou telle mesure , sans prendre en compte que tout est imbriqué et que l'organisation politique correspond à l'organisation générale de la société. De ce fait effectivement le processus de changement sera long à accoucher , et il sera douloureux ; peut être au point de faire re surgir le pire ?
          Démocratie cognitive participative au niveau national et menée de projets au local sont les deux pistes qui introduisent le global et la complexité ; qui nous réunissent par la recherche et par l'action au sein même de nos différences.

  5. Salut Jean,

    Ce commentaire a l'air peut-être hors sujet, mais je voulais te partager cette méditation qui concerne tes travaux sur la question.

    Le recueil de poésie une saison en enfer d'Arthur Rimbaud est une source sûre pour comprendre votre thèse sur le phénomène dialectique "Un se divise en deux" (votre réponse à Jacques Robin).

    Je pense que l'évolution naturelle en est la responsable (Charles Darwin). En effet, sans doute que l'évolution naturelle a un caractère systémique inconscient qui expérimente toujours, même à travers les hommes (et leur culture) de nouvelles potentialités naturelles (la délectation de l'être vivant à travers toutes ses infinis structures possibles). Je voulais te faire part de cette théorie évolutive.

    Toutes découvertes de stabilités naturelles dans l'écosystème engagent dans l'inconscient systémique naturelle de nouvelles potentialités à exploiter par la nécessité et la contingence de l'évolution naturelle...

    • Oui, je me réclame de Rimbaud, à la fois de sa recherche d'absolu et de son aveu d'échec. Il faut aller partout où l'on croit trouver des trésors avant de revenir bredouille peut-être mais plus riche de l'expérience d'un réel rugueux qui nous est bien étranger. Il ne s'agit pas de rendre les armes sans livrer combat mais de reconnaître sa défaite pour repartir dans une autre vie au lieu de rester fidèle à nos erreurs passées et leur flamboyance perdue, continuer d'explorer le monde. Savoir qu'on est parlé plus qu'on ne parle allège la conscience. Je est un Autre, non pas seulement que notre identité soit politique ou mimétique mais, plus intimement, que notre désir soit désir de l'Autre (c'est le sens du sens).

      Rien ne se fait sans passion dit Hegel, et de cette agitation hasardeuse surnage ce qui marche, ce qui reste de nos illusions et qui est malgré tout un progrès de l'histoire (de l'évolution ou de la technique) mais notre situation à l'Anthropocène change complètement la donne, du moins le devrait, impossible là-dessus de se contenter d'y échouer, il faut tenter de renouer les fils (mais comment?).

    • "la délectation de l'être vivant à travers toutes ses infinis structures possibles"

      Et la Schadenfreude fait partie de ces stimulants hormonaux incontestables délectables. En témoigne, par exemple, entre autres, le terrorisme actuel islamiste, qui propose une vision d'un monde idéal comme objectif stratégique soutenu par l'outil tactique de la jouissance de la pulsion de mort comme un passage initiatique à un au delà, sorte Captagon fort de son immanence transcendentale.

    • La reprise économique semble effective (faut pas rêver non plus) même si on n'est pas à l'abri d'une nouvelle crise (Trump profite de la reprise mais peut la couler). Pour la forme de rupture plus libertaire, je prends un peu mes désirs pour la réalité, ce n'est pas impossible non plus, si le chômage baisse le côté libertaire du numérique pourrait s'exprimer mais je ne prétends pas prédire l'avenir, ce sont juste des impressions datées.

      • En tous cas, c'est la grande confusion avec les accusateurs de l'obsolescence programmée, qui par ailleurs maintient ou crée des emplois, et les mêmes partisans de la taxe sur les robots pour éviter de détruire des emplois.

        C'est cocasse, car la lutte contre l'obsolescence programmée devrait conduire à des produits plus robustes durant plus longtemps et susceptibles à leur tour de détruire des emplois pour ensuite subir une nouvelle taxe proche de celle anti-robots destructeurs d'emplois.

        • Oui, l'opinion comme l'inconscient ne connaît pas la contradiction. La défense de l'emploi est en soi absurde - il faut à la place défendre le travail choisi, donner les moyens de valoriser ses compétences, ce qui n'est pas exactement la même chose. Retrouver des produits durables est une exigence écologique, et d'un travail bien fait, pas un souci économique.

          L'histoire de la taxe sur les robots est encore plus absurde. Si une taxe sur les machines, aussi absurde, aurait été relativement praticable, il est impossible de définir un robot. Tous nos appareils numériques sont des robots et il suffit de livrer une machine sans logiciel pour que ce ne soit pas un robot (on peut taxer le logiciel ensuite mais il peut être gratuit). Il faudrait bien sûr, au contraire, encourager la robotisation (tout comme lutter contre l'obsolescence). Je suis étonné qu'on trouve quelques économistes favorables malgré tout à une telle taxe pour ralentir le phénomène. Ceci dit, cela pourrait se faire sur des automatismes ciblés (comme les caisses automatiques) mais l'appliquer à l'industrie, c'est la couler encore plus (les pays qui ont le plus de robots ont le plus d'industries).

          C'est de nouveau un domaine où l'on n'arrive pas à se comprendre, où nos limites cognitives précipitent notre perte (plus de démocratie n'y changerait rien). Ce qui va menacer nos emplois dans les années à venir sera d'ailleurs le travail à distance (par des pays pauvres très peuplés et francophones) plus que les robots ici.

          • Dans mon job actuel, le problème est bien le traitement de l'information réglementaire, proche du juridique, qui est en inflation exponentielle, les moyens numériques ne suivent pas du tout la cadence, c'est très technique, rien à voir avec pondre une revue de presse par un journaliste robot.

            Les fameux bull shit jobs de Graeber.

            Toutes les nouvelles réglementations de précautions nouvelles, bretelles et ceintures de sécurité, entraînent un gigantesque travail de rédaction de documents que le numérique est complètement incapable de faire tout seul.

            J'ai tout juste quelques béquilles informatiques branlantes sous Word customisé ou autres systèmes incapables de traiter les problèmes sémantiques et autres sans mon apport à la petite semaine.

            Ça rejoint complètement cet article :

            http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2016/11/01/we-dont-need-no-innovation.html

            Les domaines juridiques, normatifs, brevets, réglementaires, FDA, TÜV, ANSM, dans mon cas de la santé, sont des quasi trous noirs de l'information où des sommes colossales et jamais suffisantes sont engouffrées, y compris mon salaire suisse pas mauvais.

            Il n'y a plus de crédits pour l'innovation quand il faut sécuriser tout, voire n'importe quoi n'importe comment, que presque plus personne ne comprend dans les grandes lignes ou les détails.

            C'est devenu une jungle totale réglementaire quasi ingérable où chacun se passe la patate chaude.

          • Il me semble que l'inconscient connaît la contradiction. Je n'en suis pas certain, mais je crois même que les contradictions inconscientes sont à la base du mal-être, qu'elles font souffrir. Il me semble que des conditionnements inconscients créent des contradictions qui nous perturbent. Il me semble que l'émancipation vis à vis de ces conditionnements de notre imaginaire apportent une libération apaisante, un certain bien-être. On peut y prétendre par la démarche psychanalytique, mais il me semble que c'est l'objet principal de l'hypnose éricksonnienne qui a rompu avec l'hypnose directive qui ajoutait une couche de conditionnement aux conditionnements préexistants de notre imaginaire.

          • Il me semble, effectivement, qu'il vaudrait mieux parier sur la motivation personnelle à faire un travail que d'obliger en force à la Schlague. Il y a là un enjeu d'ordre systémique et civilisationnel à l'ère du numérique.

            Faire travailler les gens au fouet devient ridicule, en plus d'être désagréable... et toxique. C'est une forme de politesse humaine que souhaiter y parvenir.

            Mais ça va demander du temps pour mettre en place cette nouvelle conception du travail devenu non seulement "productif" au sens comptable étriqué, mais motivant et possiblement thérapeutique qui évite toutes les externalités de santé et "d'ordre public" psychiquement déproductives, dans tous les sens du terme, avec les dérives sociétales de délinquances d'individus en déshérence existentielle, faute de mieux.

            J'ai rencontré un ferronnier, en statut d’autoentrepreneur, aujourd'hui pour réparer une pièce en acier d'un de mes meubles. Eh bien, il m'a très bien dépanné et fait un excellent boulot. Je lui ai donné en retour quelques conseils pour améliorer son activité d'artisan.

  6. Je suis peut-être sous l'emprise d'une suggestion, mais je pense voter Macron. Ma planète, c'est le solidarisme libertaire et c'est lui qui me semble le plus proche, bien qu'assez éloigné. Et je n'ai aucune envie de me retrouver avec un second tour Fillon-Le Pen. Si entretemps Bookchin venait à se présenter, je reverrais ma position 🙂

    • Demandez vous si votre vote est un choix libre dicté par le solidarisme (celui de Macron me semble un solidarisme envers le capitalisme financier) ou vous subissez vraiment la dictature des sondages, cette forme d'hypnose collective fabriquée par les médias.

      Par ailleurs, Macron est le prototype même de politicien qui sert de marche pied au FN, parce qu'il s'inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs (tout aussi "solidariste libertaire" que lui).

      Bien sur, M. Zin dira aussi eut être qu'il n'y a pas d'alternative au vu du choix politique, que le réel impose ce choix du moins pire ou de l'abstention etc.

    • Je pense aussi que Macron vaudrait quand même mieux que Fillon bien que je m'en méfie et qu'il soit très inconsistant. Sa position de favori est un peu une énigme et ressemble à une hallucination collective - sans doute bien aidée par des puissances d'argent. La seule chose qui m'intéresse chez lui, en dehors de son côté "libéral en matière de mœurs", c'est sa volonté de donner des protections sociales aux auto-entrepreneurs au lieu de vouloir les supprimer.

      Pour l'instant je ne crois pas aller voter (ou voter Poutou?) mais il est trop tôt encore pour évaluer la situation. Les sondages ne se trompent pas tellement mais il y a tant d'indécis que tout est possible et peu changer jusqu'au dernier jour. L'élection de Le Pen ne me semble pas complètement impossible à l'occasion d'un mouvement de dernière minute, bien que quand même très peu probable, par contre je ne crois pas du tout que si Macron passait cela la ferait élire en 2022, persuadé plutôt que le populisme a fait son temps et qu'il devrait régresser (bien sûr je peux me tromper lourdement, mais c'est mon analyse actuelle).

      En particulier la révolution numérique devrait s'intensifier et changer la donne, on aura encore plus besoin de modernisation au lieu d'un impossible retour en arrière. On peut même rêver que l'élimination de la gauche (aux législatives aussi) fasse reculer les passions politiques et les espérances utopiques pour se replier sur le local, mais ça, j'en suis moins sûr. Comme le dit le billet, un mouvement de rupture reste nécessaire (à l'occasion d'une nouvelle crise systémique?) mais qui ne passera pas forcément par les urnes, et dépassera sûrement les frontières nationales.

      • Sachant que Macron est un ovni politique, il y a de fortes possibilités que les sondages le surestiment fortement, car ils n'ont aucun historique permettant de corriger certains biais. Sa cote est probablement à +/- 6% d'incertitude et il a baissé récemment de 3 points.

        Tandis que Mélenchon a monté de 7 points en 2 mois, et d'autres estimations que les sondages, comme les analyses de requêtes sémantiques ayant prévu Trump, confirment cette tendance.

        Un second tour FN/Mélenchon me semble tout à fait possible à un taux de 3 sur 10.

      • Corcuff soutient que voter Macron en 2017, c'est dégager la route pour Le Pen en 2022. Je ne le crois pas non plus.
        Son article me semble reposer sur un homo individualis capable d'autogouvernement sans soutien structurel, ce qui me semble être une utopie à massacrer d'urgence, utopie partagée par une grande part de la planète libertaire. D'autant que cet homo individualis est placé en préambule d'une conception libertaire de la démocratie. "La tyrannie de l'absence de structure" de 1970 de Jo Freeman me semblent toujours un texte d'actualité. Travailler à domestiquer les processus d'intelligence collective me semble beaucoup plus faisable et pas du tout aveugle aux phénomènes de luttes des places et à tous les mécanismes des champs/capital symbolique... exposés par Bourdieu.

        • Voter Macronéou, c'est au moins maintenir le FN à son niveau, ce qui est une performance en soit.

          Macron me fait penser au vice-président de mon secteur, dans mon job en Allemagne, qui a été parachuté de nulle part et qui a motivé mon départ de cette boite allemande, une espèce d'ectoplasme prétentieux et imbécile infantile, une sorte de bébé biberonnant son gros salaire grâce à ses courbettes de cireur de pompes.

          Je vous trouve amusant d'avoir donné dans Nouvelle Donne, ce gadget politique, pour vous investir dans le nouveau gadget politique Macron stipendié par le MEDEF. Autant de naïveté est admirable. Chapeau !

          Ce même Macron qui, pour les dépourvus d'une mémoire de poisson rouge, mettait stupidement et insolemment en avant l’illettrisme prétendu d'ouvrières, le manque d'envie de devenir milliardaire des jeunes, et le manque d'ardeur à l'ouvrage pour ceux qui devraient ainsi s'acheter un costume, toujours le costume-cravate à la con, même chez les promoteurs franchouilles de start up.

          Ce type a aligné des déclarations plus connes les unes que les autres comme des perles, inspiré la politique de Hollandréou, et le voilà tel un évangéliste ralliant les âmes si inspirées, c'est digne de Monty Python ou Kaamelott.

          • Mais c'est du Poutou cette tirade !

            Pour ma part ,je reste sur du Jean Zin , même si c'est douloureux et que cela me prive des envolées et faux espoirs.
            Bien sûr que je suis pour l'agriculture paysanne , bien sûr que je suis pour plein de choses du programme Mélenchon ..
            Mais on ne change pas les choses par décret et une constitution ne se rédige pas avec une partie des gens seulement ;
            quelques mesures structurelles importantes m'aurait suffit : des mesures qui permettent d'avancer vers le souhaitable ; par exemple pour aller vers une sixième , un outil public de réflexion et de travail , doté de moyen média et animation , avec un déploiement au local aussi m'aurait largement suffit ; j'ai assisté mercredi au conseil communautaire de ma nouvelle intercommunalité locale ; eh bien !pour faire avancer tout ça , ce n'est pas le décret , ou la révocation de tous les élus locaux en place qu'il va falloir ! mais du boulot lent , au jour de jour, qui produise de l'humain sur le territoire.

      • Ces discussions de comptoir électoral ne sont pas très intéressantes sinon qu'elles témoignent d'une incertitude au plus haut (on peut comparer l'élection à la physique quantique où la mesure par le vote fixe une réalité fluctuante et des superpositions improbables).

        Je ne crois pas que Mélenchon puisse être au second tour, même si j'ai entendu des sondeurs évoquer même l'hypothèse d'un second tour Macron-Mélenchon (tout est toujours possible), mais si on avait un second tour Mélenchon-Le Pen, bien sûr que je soutiendrais Mélenchon, seulement je ne suis pas si sûr que ce ne soit pas la meilleure chance pour Le Pen d'être élue. Cela paraît sans doute impensable à ses partisans, mais que Mélenchon puisse réunir une majorité de suffrages contre le FN n'est pas gagné (contrairement aux autres seconds potentiels).

        Bien sûr on préfère croire qu'un grand enthousiasme va se lever (il y en a toujours dans les présidentielles mais dans plusieurs camps à la fois et ça ne fait pas une élection). La gueule de bois des élections après Mai68 avait été sévère, rien à voir sinon qu'on tombe de haut.

          • Oui, la charge est forte, d'autant plus qu'ils ne citent pas les quelques points plus positifs mais ce n'est pas pour rien qu'il dit qu'il n'est pas de gauche. J'ai toujours dit que la position de Macron me semble fragile et que lorsqu'il sera l'homme à abattre, il n'est pas sûr qu'il tienne le coup. Il y a d'ailleurs une vidéo de LCI (censurée depuis) avec des communicants qui le descendent et ne croient pas du tout à sa campagne (mais, selon les commentateurs, il aurait réussi son émission du lendemain) :

            https://youtu.be/O10pECbvQsE

            Il reste quand même le favori pour l'instant (et vaudrait mieux malgré tout que Fillon qui devrait remonter sur la fin) mais, effectivement, je ne prends pas très au sérieux les programmes, y compris le sien. On le voit avec Trump, il ne suffit pas d'être volontariste pour avoir les moyens de faire ce qu'on avait dit. D'autant plus qu'il aura du mal à avoir une majorité à l'Assemblée et gouverner par décret n'a qu'un temps.

          • Je trouve Hamon le plus honnête, voir crédible sur l'approche de la question de sa réforme européenne moins va-t-en-guerre que celle de Méluche, malgré quelques hésitations sur le revenu de base et une taxe robots absurde soutenue par la meuf de Piketty, Julia Cagé, qui est sympathique malgré tout.

            Jorion, quant à lui, a fait une fixette grave sur les robots taxables qui contamine les esprits crédules.

          • Hamon au moins ne s'y croit pas, c'est sa dignité et aussi sa faiblesse dans le cirque électoral. Voter pour lui serait une façon de supporter le revenu universel même s'il l'a assez mal défendu mais le fait qu'il représente le PS lui nuit.

          • J'ai discuté avec un collègue sympathique, la trentaine, bien diplômé de ma boite, eh bien ce sera pour lui Fillon, car FF a su résister malgré toutes les affaires qui l'accablent.

            C'est un bon résumé du franchouille de république bananière qui vote pour l'homme fort providentiel, peu importe ses casseroles.

            Les gars du pays de la révolution en sont toujours à l'homme fort, le chef, le parrain, le guide, tandis que les portugais, grecs, allemands, espagnols, italiens sont vaccinés de cet infantilisme du maître car ils ont payé cher l'expérience du gourou de la nation.

            Si Méluche monte, c'est qu'il joue sur cette fibre affective paternalist et c'est tout le problème.

  7. Rapprochement inattendu dans mon cheminement de réflexion philosophique/politique. Je prends conscience de la convergence de recherche de liberté de quelques éminents personnages, bien qu'ayant des approches et des envergures différentes: Freud, Jiddu Krishnamurti , Milton Erickson, Gerard Endenburg, et quelques autres. Le point commun, c'est la libération de l'imaginaire, souvent colonisé par des injonctions, des conditionnements, qui viennent heurter la liberté de notre esprit, souvent à notre insu conscient, mais jamais à l'insu de notre corps qui souffre et témoigne des conditionnements, des aliénations ordinaires.
    Sur le plan politique, que leur programme semble bon ou pas, j'ai un faible pour ceux qui nous proposent le risque de la liberté, qui ne nous promettent pas que l'état peut tout, ou qu'ils peuvent tout, et parmi ceux-ci ceux qui n'oublient pas que nous formons un collectif, que nous avons besoin de structures, de favoriser l'intelligence collective. Il ne reste plus grand monde.

    • Moi, ce qui me frappe, surtout après avoir entendu les émissions de France-Culture sur Debord, c'est comme le fait de surinvestir la liberté, d'en faire un idéal et non une nécessité, mène à des contraintes encore plus fortes. C'est toujours en faisant appel à la liberté de l'autre qu'on le convainc de rejoindre sa secte et de croire à des oxymores sans aucun sens. En voulant une vie authentique, un rapport direct à l'objet, à l'autre, à la vie, aux autres, débarrassés de la représentation, des injonctions sociales, des rôles sociaux, de la culture, les situationnistes s'enferment dans un rôle encore plus contraignant, encore plus faux, jouant une liberté absente ou réduite à la transgression.

      Cette contradiction est bien connue des taoïstes et bouddhistes zen, raison pour laquelle il n'est pas si simple d'accéder à la part de liberté que la vie nous laisse, prendre effectivement ses distances avec les injonctions sociales sans se croire obligé d'en prendre le contre-pied ni d'adhérer aveuglément aux idéologies contestataires.

      Les contradictions de la liberté et de l'authenticité se manifestent surtout dans les rapports humains qui ne sont pas si fameux en général et supportent assez mal la vérité - mais qu'on supporte et avec lesquels on se débrouille comme on peut.

      Au lieu de poursuivre une liberté mythique, désir vide de celui qui ne sait pas quoi faire, il vaut mieux s'interroger sur ce qu'il faut faire, passer ses objectifs à la critique pour mieux les choisir et mieux les atteindre.

      • Oui, d'accord avec ce commentaire, je ne suis pas du tout sur la longueur d'onde de la destruction des normes sociales.
        Il y a pourtant des injonctions inconscientes, ou le résultat d'injonctions inconscientes, des conditionnements, que nous subissons, qui nous font souffrir, et dont il me semble utile de pouvoir se débarrasser. C'est par exemple le cas avec des faits très communs comme les phobies. Des angoisses qui conduisent au bruxisme. Ce sont des choses aliénantes ancrées dans notre imaginaire qui sont à l'œuvre.
        Dans le cas de Freud, Krishnamurti et Erickson, leur travail relève du développement personnel. Dans le cas d'Endenburg, il s'agit d'une approche collective de régulation de la liberté, une régulation qui réduit considérablement le poids des conditionnements dans un groupe.

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