Une existence digne de ce nom

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WPBanksy-life-is-beautifulLa remise en cause de notre existence est à la fois la chose la plus banale et la plus embrouillée. Difficile d'en tirer les fils sans s'y perdre, marché florissant des sagesses, des religions comme du "développement personnel", sinon des philosophes médiatiques qui prétendent nous donner les clés du bonheur et nous apprendre à être nous-mêmes ! S'il y a tant de charlatans, c'est malgré tout que la question de l'exigence d'une "existence digne de ce nom" se pose et n'est pas de celles dont on se débarrasse si facilement même si elle n'a pas forcément de réponse (ou alors plusieurs).

Ce serait une erreur de réduire la philosophie à cette question de la vie bonne, comme beaucoup le font dans la confusion entre la passion de la vérité et le souci thérapeutique (ou les technologies du bien-être). Il n'empêche que la question se pose à laquelle tous les philosophes sont confrontés, s'empressant d'y répondre en général par le plaisir de la connaissance et de la contemplation ainsi que par le mépris des autres plaisirs, trop éphémères et bestiaux à leur goût - avec le souci, au nom du gouvernement de soi et de l'auto-nomie, du détachement des passions et de nous délivrer du singulier par l'universel, autant dire nous délivrer du souci de l'existence, tout au plus nous apprendre à mourir (consolation de la philosophie). De ne pas situer la vérité hors de la vie ni la réduire aux plaisirs du corps, l'existentialisme introduit une toute autre exigence d'intensité, de créativité, de prise de risque qui est sans aucun doute sa part d'irrationalisme mais peut-être pas aussi fou qu'un rationalisme qui se croirait dépourvu de contradictions (alors qu'il en vit) et resterait insensible au vécu individuel. Pour Sartre, l'existentialisme est un humanisme, ce que récusera Heidegger, mais c'est incontestablement pour l'un comme pour l'autre, une nouvelle éthique plus qu'une ontologie, dans le rapport à soi-même au lieu d'une morale du rapport à l'autre et sa liberté (comme l'avait cru Gorz). Mon récent retour sur les premiers cours de Heidegger m'a semblé en tout cas l'occasion de se confronter à cette exigence de vérité dans l'existence qui nous met face à notre liberté et à nos choix.

On peut aborder la question de la vie bonne de mille façons, par les petits plaisirs de la vie, ceux qui sont le plus liés à l'environnement matériel et social, ou par les grands plaisirs de l'amour, de l'ambition, du jeu, de l'histoire, de la religion, des arts ou des sciences. On peut viser les jouissances les plus immédiates et transgressives ou la satisfaction de l'oeuvre accomplie, du parcours d'une vie, du récit qu'on peut en faire. Dimensions qui se mêlent et dominent tour à tour. Il semble cependant que, même à changer facilement d'avis, la plupart des gens ont une opinion bien tranchée sur ce que doit être une bonne vie, quitte à nous imposer d'en suivre la norme, que ce soit une vie "naturelle" (repli sur la famille, retour à la terre, hygiénisme), la réussite sociale (gloire et richesse) ou bien, au contraire, le dévouement aux autres si ce n'est au socialisme ou à une quelconque religion. Il y en a aussi, depuis toujours, qui défendent une vie ascétique ou une "simplicité volontaire", mais ils sont beaucoup plus minoritaires. "Choisir une philosophie" ne veut dire la plupart du temps rien d'autre que choisir une de ces orientations en l'opposant aux autres. Chaque sorte de vie a incontestablement ses bons côtés qui peuvent se succéder mais s'excluent mutuellement la plupart du temps, ne se totalisant pas dans un bien suprême platonicien (ce que montre Aristote au début de son Ethique), ce qui n'est pas une raison pour se priver de leur diversité au service d'une voie unique dès lors que tout bien ne peut que rester partiel.

Le socialisme avait tenté d'aborder rationnellement l'organisation de la vie sociale et de la production, supposés assurer le bonheur du plus grand nombre dans une logique intégralement utilitariste. On a vu comme le rêve s'est mué en cauchemar, confisqué par une bureaucratie, mais aussi ce que le projet lui-même pouvait avoir d'inhumain à limiter ainsi le champ des possibles. Il se pourrait que certains rechignent à ces chemins tout tracés, ce qu'on appelait des psychopathes en URSS refusant cette normalisation sociale et trouvant un peu trop insipide la soupe servie. On peut même dire que c'était une insulte à notre humanité et notre part de folie vitale - bien que ceux qui l'ont dénoncée, l'aient fait souvent au nom d'un idéal religieux, il faut bien l'avouer (la guerre au communisme était habillée en guerre contre l'athéisme). Pour autant, ce n'est guère mieux du côté capitaliste valorisant exclusivement la réussite individuelle et financière, à condition de suivre les bonnes filières et ne pas avoir trop de morale. Le psychopathe ici, c'est le pauvre, l'assisté, celui qui ne rentre pas dans la compétition. On peut vouloir pourtant une vie de passion au lieu d'entrer dans la carrière, on peut vouloir croquer la vie à pleines dents ou vivre en poète, en aventurier. Il faut certes en avoir les moyens - ne pas être obligé de se vendre - mais si la liberté et la faculté de se créer soi-même caractérisent bien notre humanité (l'existence précédant l'essence) comme le soutenait déjà Pic de la Mirandole, impossible de nous réduire à nos besoins qu'ils soient biologiques, psychiques ou sociaux (et dont une prétendue écosophie devrait assurer l'équilibre). Si l'existence, c'est la liberté, il n'est pas si facile de savoir qu'en faire.

N'étant pas des plantes, il ne suffit pas pour s'épanouir de cultiver nos talents plus ou moins innés, nos potentialités déjà là et données à notre naissance par quelques fées bienfaisantes. Il est nécessaire d'opposer à ces contes pour enfant la négativité de l'esprit qui dit non dans une histoire en construction. "Ainsi l’esprit s’oppose à lui-même en soi ; il est pour lui-même le véritable obstacle hostile qu’il doit vaincre ; l’évolution, calme production dans la nature, constitue pour l’esprit une lutte dure, infinie contre lui-même" (Hegel). S'il y a bien une pluralité des fins légitimes, c'est surtout que l'enjeu de l'existence va au-delà du service des biens et des plaisirs du corps, ou même des relations humaines. Ce sont effectivement les autres qui nous font vivre, nous sommes tissé de liens personnels, mais ce n'est pas pour cela qu'il faudrait simplement retrouver les relations humaines derrière le fétichisme de la marchandise, comme si les relations humaines étaient si satisfaisantes, comme s'il suffisait de remplacer la compétition par la coopération ou l'égoïsme par l'altruisme alors qu'il y va plutôt de la vérité et du désir (vérité du désir, désir de vérité), jusqu'à vouloir, "posséder la vérité dans une âme et dans un corps", comme disait Rimbaud.

 

L'existence n'est pas facile à saisir dans sa pluralité, sa singularité, sa liberté mais il n'y a pas seulement notre inadéquation à l'universel, il y a aussi l'inadéquation du récit à la vie réelle qui aplatit tout et peut nous aveugler sur nous-mêmes. Le langage narratif nous plonge en effet dans deux grandes sources d'illusions : donner existence à des mots et nous faire croire aux histoires qu'on raconte, point de vue extérieur n'ayant qu'un mince rapport avec le vécu en première personne et la confrontation à la durée effective. On en vient à croire au personnage qu'on est censé incarner, à y tenir plus que la vie même. Notre expérience existentielle effective est pourtant plus fragile, indécise, exploratrice et superposant des temporalités multiples qui peuvent être reconstruites après-coup de toutes sortes de façons (notamment sur la face triomphante ou celle des humiliations). Il a été montré par exemple que l'humeur variait dans une journée et ne correspondait pas forcément à l'impression générale (de même que les Français peuvent être heureux individuellement et malheureux collectivement). On suit plusieurs fils, pris dans différents discours et processus collectifs avec une certaine constance mais aussi des ruptures et une pluralité d'identités bien affirmées. Le sens se superpose au réel qu'il unifie à chaque fois en dépit de ses contradictions qui en font pourtant toute la dynamique et pour tout dire le caractère vivant.

Impossible de sortir du langage et de ses injonctions mais prendre conscience de l'illusion narrative devrait permettre de comprendre qu'il ne s'agit pas tant de se réaliser ni même d'atteindre ses objectifs que de vivre, tenir dans la durée et réagir aux événements, pris dans l'actualité qui n'est pas aliénation de notre part d'éternité mais l'existence même dans son incarnation temporelle (son avoir-lieu). Dénoncer l'idéalisme des mots et l'anachronisme du récit n'est pas se soustraire pour autant à tout devoir-être ni à la question de ce qu'on doit exiger de soi et de la vie. La vérité vient au langage par la narration qui peut être mensongère. L'expérience de la mauvaise foi qui en découle est à l'origine de l'aspiration à une existence authentique, constituant une extension de l'exigence de vérité à l'existence elle-même, de même que l'exigence de justice est une extension de l'exigence de vérité au social. Vérité du savoir, authenticité de l'être et justice sociale seraient donc constitutives de l'être parlant et de sa responsabilité envers ses interlocuteurs.

 

Que peut vouloir dire une vie authentiquement vécue ? Les réponses varient beaucoup dans ce qui définit l'aliénation dont il faudrait se délivrer, le faux qu'il faudrait remplacer par le vrai. Chez Hegel, l'aliénation dans l'objet ou dans le droit n'est qu'un moment de la dialectique historique. Pour Marx, c'est l'exploitation qui dépouille le travailleur du fruit de son travail. Dans la lecture de Lukàcs du fétichisme de la marchandise, l'aliénation devient réification, consistant à réduire les processus à des choses inertes sur lesquelles nous ne pouvons pas agir et qui dissimulent les rapports sociaux derrière des rapports entre choses. L'aliénation, c'est donc la passivité qui ravale le sujet au statut de chose. A la même époque Heidegger verra dans l'affairement pratique, dans la fausse sécurité et le besoin de certitude ce qui constituerait la non-vérité de notre vie quotidienne avec sa rationalité instrumentale, avant même de mettre en cause le monstre froid de la technique. La vraie vie, ce serait l'angoisse de la mort, l'inquiétude, le risque, l'incertitude, la décision enfin qui engage l'être. Il faudrait se défaire pour cela de tous les discours pour revenir aux choses mêmes, dans une confrontation directe à l'altérité du monde, avec ce que l'existence peut avoir de réel et qui ne soit pas déjà vécue, recouverte de préjugés et de sens commun. On sait comme ce souci de l'originaire a pu mener au massacre. Bien qu'un certain nombre d'écologistes se réclament de Heidegger, on est quand même loin de l'imaginaire écolo d'une vie naturelle supposée harmonieuse (comme si la nature n'était pas si souvent cruelle ni ne dévastait régulièrement les récoltes et le travail des hommes) mais pour les technophobes aussi les foules aliénées ont perdu toute humanité ne méritant à peine de vivre. Il faut s'en persuader, aussi étonnant cela puisse paraître : l'authenticité, c'est l'extermination.

S'il y en avait qui prétendaient "savoir vivre" et vivre eux-mêmes une vie authentique, dans la vie quotidienne, ce sont bien les Situationnistes, en faisant une exigence politique bien que du côté de la transgression cette fois et de la résistance aux pouvoirs. Le nom de situationniste revendique en effet un constructivisme actif qui s'oppose à la passivité d'une authenticité "naturelle" comme la poésie peut s'opposer au réalisme le plus prosaïque. Il faut dire que la lecture de l'Internationale Situationniste donnait bien la pêche à nous persuader qu'on pouvait décider de sa vie sinon du monde lui-même, mais ce qui a fait la valeur de l'expérience, c'est surtout l'intransigeance de Debord qui a mené son souci de vérité jusqu'à la dissolution et sa solitude finale. S'il n'a pas reconnu sa propre impasse, on peut dire qu'il l'a démontrée en acte, faisant preuve de la sincérité de sa démarche et du progrès accompli d'en avoir éprouvé les contradictions malgré les évidences premières des avant-gardes artistiques qui se sont révélées puériles. Il faut dire que la comédie de l'authenticité a commencé avec les pro-situs apparus surtout après Mai68 et qui se sont multipliés extraordinairement depuis, simples petits frimeurs des milieux libertaires. Tout cela devait sombrer dans l'élitisme réactionnaire de l'Encyclopédie des nuisances cultivant la nostalgie d'un mode de vie aristocratique et raffiné qui troquera la dialectique hégélienne de Debord contre l'heideggerianisme au petit pied d'Anders. Rien de plus juste, à la base, que la critique de la séparation et du spectacle mais cela n'empêche pas que la vraie vie est absente. Il ne suffit pas de reconnaître à quel point on peut vivre dans l'illusion pour avoir accès à l'être lui-même, suprême illusion ! Ce n'est pas le "traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations" de Vaneigem qui aura fait le plus de mal dans sa grande naïveté mais il vaut mieux se méfier de ceux qui croient savoir vivre alors qu'on ne sait pas trop quoi faire souvent et qu'on peut toujours changer de vie (avoir des habitudes pour pouvoir en changer). On n'est pas obligé en tout cas de se donner en modèle et de jouer toujours le même rôle de jouisseur ou de révolutionnaire (Debord est devenu ridicule à la fin de sa vie à se prétendre encore révolutionnaire professionnel quand il ne l'était plus depuis longtemps. Ce n'est pas que le léopard meurt avec ses taches mais qu'il en reste un peu trop captif).

Leur critique de la vie quotidienne garde sa pertinence, de même que le fait de vouloir vivre en artiste ou en poète, ce qui est le modèle sous-jacent. Sauf que pour Debord comme pour Isou la notion d'oeuvre disparaît pour se réduire à l'artiste lui-même, un peu trop magnifié. Sauf que la vie d'artiste ne témoigne certainement pas d'un savoir vivre, souvent plutôt lamentable sur ce point, au contraire de ces petites élites intellectuelles en rupture familiale. Un artiste comme Brel fait preuve d'une bien plus grande authenticité à témoigner de son douloureux manque de savoir-vivre et de son dur travail sans rapport aucun avec l'expression naturelle de l'authenticité (ni un art qui serait fait par tous). La chanson est écrite avant d'être jouée sur scène, la comédie est manifeste, la vérité n'est pas celle de l'interprète, dont l'authenticité est ostensiblement feinte d'incarner sous son masque un autre personnage que lui-même. S'il y a une vérité de la chanson, elle est dans son texte (et sa rengaine) chaque fois répété, et non dans la présence vivante en sa spontanéité immédiate (ce qu'on pourrait dire de l'improvisation, que je pratique exclusivement, si elle n'était répétitive).

Heureusement d'ailleurs qu'il n'y a pas de savoir-vivre. Rien ne serait plus déprimant que de n'avoir plus rien à apprendre, plus rien à attendre de la vie (même si ce sont le plus souvent des déceptions, hélas), qu'appliquer toujours les mêmes recettes ou attitudes. Le pire n'est pas tant de rater son objectif que de ne plus en avoir, le plus terrible est de n'avoir envie de rien et sombrer dans l'ennui, cette "temporalité vide et insensée" (Pascal, 132) qui est une dimension essentielle de notre être au monde et qui gagne à mesure du recul de la nécessité au point qu'on peut effectivement penser que notre condition humaine consiste à passer de la souffrance à l'ennui ! L'expérience du chômage de masse indemnisé a permis de mesurer à quel point notre exigence première n'était pas la vacuité de l'otium mais bien plutôt d'être occupé, inséré dans la vie sociale et le monde humain, à défaut d'être assez passionné par quelque chose pour se projeter dans l'action historique avec une stratégie destinée à atteindre cet objectif. Comme le disait Aristote, le plaisir est dans l'activité plus que dans la satisfaction (aimer vaut mieux que d'être aimé). On peut trouver douteux les récentes valorisations de l'ennui contre le déferlement numérique, ennui censé nous mettre face à nous-même et nous rendre plus créatifs, ce qui est à voir. Ce que l'ennui dit de notre condition comme désir de désir est bien plus fondamental sur notre besoin d'affairement qui n'est pas aliénation en soi, même si toutes les occupations ne se valent pas et qu'il faudrait pouvoir choisir son travail - liberté suprême.

 

Le phénomène des pro-situs met en évidence comme la lutte contre l'aliénation peut devenir aliénante et la revendication d'authenticité mener à une totale hypocrisie. Avant de prendre au sérieux la question de notre liberté et de son devoir-être, il faudrait d'abord en déjouer les pièges qui sont ceux du désir et de l'identification. La véritable psychanalyse, loin du biologisme d'un Reich, permet de mesurer, en effet, à quel point le désir n'a rien de naturel, n'étant pas de l'ordre du besoin mais plutôt "désir de l'Autre" jusque dans son narcissisme. L'être n'est qu'un signifiant qui renvoie à son énonciation et l'aspiration à l'être, c'est-à-dire à un plus d'être, à un au-delà de soi-même, de l’existentialisme ou de toutes sortes de mystiques pourrait renvoyer à de simples rivalités (principalement masculines?). L'exigence d'intensité de l'existence relève en effet largement de ce que Lacan appelait le "plus-de-jouir", ou bien de la jalouissance, jouissance supposée de l'Autre qu'on cherche à s'approprier, identification au Maître ou au Phallus comme contrepartie d'un manque à être justement ou d'un rejet dans l'indignité. Ce qu'on prend pour le plus authentique est pris dans une opération de séduction, n'étant le plus souvent qu'un rôle que l'on incarne à se donner l'apparence de la liberté sous un grand conformisme effectif des codes (le conformisme transgressif de l'art moderne en est un exemple frappant). Contrairement à ce que l'on croit, le surmoi c'est ce qui ordonne la jouissance qu'il désigne par l'interdit et par l'identification à l'idéal du moi, en cela c'est bien le surmoi qui fait de l'existence un devoir-être et nous rend coupables de ne pas être à la hauteur de nos prétentions comme de nous laisser aller au sort commun.

 

Tous ces pièges qui nous égarent comme à loisir ne suppriment pas pour autant la question qui nous est posée par le langage, la conscience de soi et de notre liberté, question de nos choix de vie, si ce n'est du choix de la vie elle-même. Il est un fait qu'à ne pas trouver notre vie vivable, on peut toujours se suicider, conséquence première de la conscience de la mort. C'est ce que la modernité semble dénier, on se suicidait effectivement beaucoup plus dans les temps passés où ce n'était pas aussi mal vu d'échapper ainsi à l'indignité. Je suis très étonné d'entendre pas mal de gens dire n'avoir jamais pensé au suicide (même quelqu'un comme Léo Ferré). Preuve sans doute que Darwin avait raison et que la sélection naturelle élimine bien ceux qui ne sont pas assez heureux dans leur environnement (ainsi tous les animaux ne peuvent être domestiqués). Il n'est pas sûr pour autant qu'on puisse étendre ce principe sélectif aux êtres parlants conscients de toute la misère du monde et de la distance entre notre vie et ce qu'elle devrait être, entre la réalité et l'idéal (fut-il trompeur). Si la biologie intervient incontestablement sur l'humeur, notamment pour nous permettre d'oublier les mauvaises nouvelles, elle n'est normalement qu'une conséquence de la situation, de la représentation qu'on s'en fait, de la pensée donc. Un bonheur est une chance, une bonne surprise par définition momentanée, il y a un paradoxe a vouloir être heureux indépendamment des conditions, sorte d'addiction qui nous rend indifférents aux choses comme aux gens. Devant la mauvaise humeur et le malheur, on peut dire qu'il y a un choix éthique qui se présente, du moins quand la souffrance le permet, soit la voie thérapeutique qui est celle de la normalisation et d'une psychologie de la soumission (dans l'identification au maître), soit une philosophie de la liberté privilégiant la lucidité sur le bien-être, la vérité sur le biologique ou le social.

On avait vu qu'on peut déterminer un "sens de la vie" comme réactivité et inversion de l'entropie, de façon toute extérieure à partir de sa provenance biologique (information/néguentropie, langage/technique) mais il s'agit désormais de passer de l'anthropologie à l'existence en première personne. Il se peut bien que la vie ne soit pas faite pour nous faire plaisir, hélas, mais cela n'empêche pas de se poser la question de continuer à vivre, que ce soit au moment du plus grand bonheur aussi bien que dans le malheur le plus noir ou un profond ennui. Pourquoi vivre, en effet, et pourquoi se poser la question ? La rose n'a pas de pourquoi, elle n'a pas besoin de raisons de vivre alors que le sale gamin reproche à ses parents de l'avoir mis au monde sans le justifier par sa propre satisfaction (on retrouve cette idée d'avoir été "jeté" dans un monde qui n'est pas le nôtre). On n'a certainement pas la vie ni la société qu'on mérite et pas de raisons de vivre bien solides (toujours contestables) à part la vie elle-même et son improbable miracle qui ne veut pas retourner au néant. C'est une des raisons de la religion, non pas tant la crainte de la mort peut-être que le besoin de sens, que le monde transcendant ne nous soit plus si étranger et nous accueille. Voilà encore un cas où la passion de la vérité, de la bonne foi et d'une existence authentique mène au résultat inverse et l'existence la plus fausse qui soit. Les religions manifestent à quel point l'intime intériorise les discours extérieurs jusqu'à faire l'expérience la plus personnelle de ses figures mythiques. Il en est de même des idéologies du temps qui modèlent complètement nos représentations, de sorte que les raisons de vivre apparemment les plus individuelles changent avec les époques, relevant d'une situation historique plus que de valeurs qui nous seraient propres, les suicides eux-mêmes pouvant être corrélés à l'état de la société.

 

Il se pourrait donc que le sens de la vie et les raisons de vivre nous viennent des autres plus qu'on ne croit. L'altérité du monde, c'est d'abord les autres, leur désir, leur amour qui nous manque et nous fait souffrir. Le Réel, c'est quelqu'un ! Il ne s'agit pas d'idéaliser les rapports humains qui peuvent être aussi terribles que merveilleux mais la faiblesse de l'existentialisme réside bien dans le fait de ne pas voir comme le sujet se fonde dans l'Autre et sa reconnaissance, comme l'individu procède du collectif et parle en son nom. "La coexistence précède l’existence" dit très justement François Flahault. On existe pour un autre et la pensée va du collectif à l'individuel. C'est pourquoi, en dehors de l'amour, exister, c'est exister politiquement, ne pas être exclu de la communauté des hommes, ne pas "perdre la face". Or, politiquement, le problème d'une existence digne de ce nom se pose tout autrement, sur un mode pratique beaucoup plus assuré qui est celui des droits de l'homme et n'est pas pris dans les mêmes contradictions (il y en a d'autres). La notion de développement humain tel que définie par Amartya Sen comme développement des capacités d'autonomie donne la bonne orientation. Il s'agit à la fois de préserver nos conditions de vie, d'en réduire la précarité (par un revenu garanti), d'encourager une citoyenneté active et d'organiser l'harmonie sociale, la vie commune, en y faisant régner la justice autant que faire se peut. Rien là qui suffise à rendre bonne sa vie, sinon d'en donner les moyens. Il ne peut être question en effet d'imposer ses propres critères de ce que serait une vie équilibrée et conforme à l'idéologie dominante. Il ne faut pas confondre bonheur individuel et bonheur social. Le politique ne peut offrir que les moyens d'une réussite extérieure, ce qui ne veut pas dire que ce serait un signe de réussite intérieure.

Cette approche trop raisonnable ne suffit pas à ceux qui voudraient traiter la question de façon plus radicale et définitive, au service exclusif d'une seule des multiples finalités légitimes, par une prise de parti délibéré. Les bonnes intentions normatives au nom du bien public se caractérisent d'ordinaire par leur unilatéralité de sorte que le problème n'est pas de savoir comment réaliser l'utopie mais bien qu'elle ne soit pas du tout désirable malgré les apparences. Le plus effrayant, c'est que les utopies les plus rebelles au temps présent puissent être pourtant l'appel à la soumission totale à l'ordre idéal futur, réalisation supposée de la justice ou d'un ordre naturel. Le monde réel qui nous détermine plus que nous ne le déterminons ne se pliera jamais à nos quatre volontés et restera toujours traversé de contradictions.

La politique ne peut pas tout et notamment promettre le bonheur, ses moyens sont bien plus limités même s'ils sont décisifs pour une existence digne de ce nom qui doit être son objectif principal (l'individu autonome comme finalité collective). Il faut s'en persuader contre tous les démagogues, nous n'avons pas la main. Ni dans le domaine spirituel, ni dans le domaine matériel nous ne décidons d'une évolution dont nous sommes plutôt sujets. Il est tout aussi impossible de prévoir le prochain paradigme scientifique que de s'abstraire des modes intellectuelles ou de prendre conscience de ses points aveugles, tout comme il est impossible de se soustraire au progrès technique, aux mouvements de population, aux conséquences écologiques du développement économique... Ce qu'on appelle l'histoire de l'homme dépend de nombreuses évolutions sur lesquelles nous avons peu de prise. Dans son altérité et ses injustices, le monde dans lequel nous sommes nés nous parait bien étranger. Cela n'empêche pas qu'il s'humanise, fruit de la lutte et du travail des hommes. Cela n'empêche pas que ce soit notre monde, non pas tant de façon originaire que par une dialectique autopoïétique entre le monde et nous. Admettre ce monde comme celui où nous vivons, et qu'on n'en a pas de rechange, n'est pas prétendre qu'il n'y aurait pas une pluralité de mondes ou qu'un autre monde ne serait pas possible ni qu'on ne pourrait améliorer les choses sur de nombreux points. Pour cela il faut arriver à mobiliser, que ce soit pour la guerre ou la solidarité, ce qui dépend de phénomènes de masse et de rapports de force qui nous dépassent mais avec lesquels il faut bien composer.

 

Peut-on choisir sa vie ou bien vivre n'est-il pas plutôt découvrir étonné un avenir qui n'est pas écrit d'avance, un monde qui nous échappe ? Ce n'est peut-être pas si simple car, d'une part c'est le non-sens premier qui donne valeur à notre existence, à devoir l'inventer ou le soutenir, mais d'autre part le sens ne peut s'appuyer que sur le sens préexistant, les longs mouvements de l'histoire et les diverses déterminations matérielles ou sociales qui le rendent en partie prévisible. Autant il m'aurait été insupportable d'avoir un destin tout tracé d'avance, autant on peut dire que je suis devenu malgré tout à peu près celui que je voulais être, après un parcours assez erratique. En tout cas, la question d'une existence digne de ce nom est un question à laquelle on ne peut se passer de répondre en son propre nom, ce qui en change pas mal la portée, et, pour moi, il ne fait pas de doute que, même à le relativiser, je recherche bien malgré tout la vie la plus authentique au détriment de mes intérêts matériels, ce qui implique apparemment une certaine solitude. A la question de ce qu'il faut faire, je ne peux en aucun cas répondre autre chose que ce que je fais effectivement, alors même que je suis conscient que cela ne peut être généralisable. Un mode de vie doit-il être universalisable, comme le stipule la maxime kantienne ? Le mien ne l'est pas à l'évidence sur de nombreux plans et, pourtant, je ne peux en vouloir d'autre. Il se pourrait quand même que la vie solitaire soit notre avenir, favorisée par la vie moderne, et que le numérique change complètement ce qu'on ne peut plus appeler une vie d'ermite désormais, même à être si loin de tout. Non, ce qui est le moins universalisable, c'est plutôt cette injustifiable passion pour la vérité incompatible avec toute vie sociale (je ne parle même pas d'une carrière politique). Il est amusant de constater à quel point la préconisation la plus constante de la philosophie est absolument impraticable !

Il vaut certainement mieux une diversité des modes de vie plutôt qu'une trop grande uniformité mais dans ma conception de l'authenticité de l'existence, je m'écarte de la norme sur bien d'autres points (les drogues notamment). Le plus incompréhensible sans doute pour les autres, c'est cette étrange obstination à toujours prétendre ne rien savoir (même en musique) malgré une longue pratique qui fait qu'on peut m'attribuer les plus grandes compétences dans différents domaines, mais c'est que j'en connais trop les limites bien réelles, les erreurs passées, l'étendue de la connerie humaine et tout ce que j'ignore encore à vouloir couvrir un trop grand nombre de domaines (ou dont j'ai déjà perdu la mémoire). Cela ne m'empêche pas de réfuter fermement les fausses opinions de plus ignorants que moi mais pas jusqu'à leur faire la leçon, du moins jusqu'ici. Il y a sans doute quelque chose qui paraîtra encore plus pathologique et peu conforme en tout cas aux canons en vigueur, c'est de refuser systématiquement les positions de pouvoir et vouloir rester du côté de l'homme souffrant et dépourvu de tout, pas de la grande santé et de l'individu satisfait, du winner, de l'homme triomphant et dominateur, séduisant toutes les femmes. On peut y voir un héritage chrétien mais qui engage pour moi la vérité de l'homme et de sa condition (l'esclave est la vérité du maître). On peut considérer comme un péché que cela m'ait fait devenir tellement dépendant des autres pour survivre, ce que je déplore évidemment mais c'est le cas de beaucoup d'autres hélas. Pourquoi faire un choix si défavorable et contre-nature ? N'est-ce pas pousser le souci d'authenticité, si contestable comme on l'a vu, un peu trop loin au détriment de mon autonomie ? Ce n'est pas tant la fermeté d'une conviction cependant qu'une impossibilité totale de rentrer dans le jeu commercial notamment, ressenti comme une insupportable prostitution. L'obligation morale relève plus ici de l'inhibition (un peu comme le démon de Socrate) voire de la pulsion suicidaire plutôt que de se compromettre dans un rôle qui n'est pas le mien et me désidentifierait (ce qui pourrait être tout autant une raison d'en tenter l'épreuve). Il est incontestablement paradoxal de prétendre que vivre pleinement pourrait ne pas se résumer à l'abandon aux plaisirs des sens ni au culte d'une joie idiote ou de la "pensée positive" mais à la confrontation aux démentis du réel, à la négativité ; non pas à la jouissance du consommateur passif, mais aux risques de la pensée critique comme aux raisins amers de la désillusion. On ne pourra nier une certaine dignité d'oser regarder la vérité en face, qu'on peut trouver parfois un peu dure à porter mais dont le choix est plus forcé que libre me semble-t-il, notamment en fonction de nos capacités de résistance qui ne sont pas infinies et finiront bien un jour par craquer.

Je me garderais bien de parler là-dessus pour d'autres que moi, comme si j'avais des leçons à donner sur la vie qu'il faut mener. La vie idéale, c'est bien sûr pour moi celle que je me suis faite mais ne saurais dire si ma vie est vraiment bonne pour autant, ni qu'elle serait si désirable. Difficile à trancher car cela dépend des moments, avec parfois de grandes joies, parfois un profond désespoir. Ce qui est sûr, c'est que je ne voudrais pas en changer tant que mes forces et mes ressources le permettent, moins sûr que j'y trouverais toujours assez de désir de vivre (qui dépend tellement des autres) étant à la fois très heureux de faire ce que je fais, et de vivre où je vis, sans que cela m'empêche de tant manquer d'énergie et d'être trop souvent suicidaire, ce qui peut être mis sur le compte de la maladie et de la dégénérescence des corps même si les problèmes d'argent (bien peu reluisants), l'ambiance extérieure et l'impuissance politique y participent aussi à l'évidence.

Il ne suffit pas, en effet, de rêver de nature sauvage et d'expéditions lointaines pour des jeunes en pleine santé alors que la question d'une vie digne d'être vécue se pose avec acuité pour les malades, les handicapés, les vieux, sans parler des longues agonies. Les critères ne sont plus les mêmes tout-à-coup pour aménager des conditions pas trop indignes dans ce qui constitue une perte insupportable d'autonomie et de facultés. Le niveau de nos exigences baisse soudain radicalement. Ce qu'on trouvait insignifiant hier suffit désormais à nous passer le temps sinon à nous émerveiller, accroché à une vie qui s'en va - ou pas. A la première rémission se repose à nouveau comme un devoir-être insistant la question de ce qui serait assez excitant encore à mesure de ces forces retrouvées ? Ce qui vaudrait le coup d'être vécu à nouveau ou simplement la hâte de revenir dans l'agitation générale, replonger dans le bain familier du quotidien et de ses petits plaisirs. Notre existence n'est pas monolithique mais prise au moins entre trois pôles formant une sorte de triangle entre un désir actif et singulier (projet tourné vers le futur), une évolution passive et extérieure (héritage du passé), enfin l'état du corps et de l'esprit (présence au monde). Il ne peut y avoir de principe intemporel qui vaille dans ce qui dépend du contexte et d'une conjonction de causes toujours singulière.

On n'aura pas répondu dans cette longue méditation à la question de ce qui fait qu'une existence est digne d'être vécue car toute existence a sa dignité mais cela n'empêche pas qu'on peut y attenter malgré tout et que chacun reste juge pour lui-même de ce qu'il en exige comme de l'écart avec ses idéaux qu'il peut supporter. En dehors de la politique qui doit en assurer les conditions matérielles, prétendre donner un critère de la dignité, ce serait rejeter dans l'indignité toute une part de notre humanité. Même la recherche de la vérité ne saurait définir les hommes, tout au plus les philo-sophes (et encore!), ce qui ne serait qu'un tout petit nombre. Cela n'empêche pas que la question en reste posée à chacun dans son quotidien jusqu'à pouvoir changer complètement de vie, rien n'étant définitif tant qu'on n'est pas mort.

Les Grecs qui s'en souciaient tout autant, disaient qu'on ne pouvait juger d'une existence qu'à son terme, une fin tragique et trahie par les siens pouvant sembler annuler tous les honneurs passés et bienfaits précédents. Une autre façon de croire résoudre la question, c'est de vouloir juger d'une vie à ses fruits, à ses capacités de création et de transmission. Ne dit-on pas qu'il faudrait "avoir planté un arbre, fait un enfant, écrit un livre" pour participer pleinement à l'aventure humaine ? On voit cependant que ce sont des critères qui non seulement réduisent encore indûment le nombre d'élus mais se situent justement en dehors de l'existence, dans une objectivité, pour les autres, sinon pour Dieu, et non pas des critères internes à l'existence elle-même qui ne peut être bonne ou mauvaise dans sa globalité alors qu'elle connaît seulement de bons ou mauvais moments. Il n'y a pas de jugement dernier, nous détournant de notre existence dans sa quotidienneté, la figeant dans une figure immobile, sous un regard divin, et ne faisant que repousser à plus tard une issue incertaine quand nous sommes toujours installés dans le provisoire et sommés de choisir, là, maintenant, dans la plus grande désorientation et qu'il faudra peut-être s'en mordre les doigts, changer son fusil d'épaule, redresser la barre au dernier moment, et que c'est cela vivre, l'exception plus que la règle, avec tous ses ratés, existence toujours digne d'être vécue comme expérience du monde - du moins tant que la souffrance n'en devient pas trop insoutenable - et quelque soit son vide apparent, comme inoccupé souvent, temps gagné sur la mort, arraché au néant, sans autre sens qu'elle-même dans sa singularité.

Tout à la joie de notre commun secret
Qui est de savoir en tout lieu
Qu'il n'est pas de mystère en ce monde
Et que toute chose vaut la peine d'être vécu.
(Fernando Pessoa, L'enfant nouveau, Le gardeur de troupeaux).

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62 réflexions au sujet de “Une existence digne de ce nom”

  1. "Il ne fait pas de doute que, même à le relativiser, je recherche bien la vie la plus authentique au détriment de mes intérêts matériels mais cela implique apparemment une certaine solitude"

    Cf. ce que tu écris de l'authenticité à la fin de ton paragraphe sur Hegel / Marx / Lukacs / Heidegger ? 😉

    Sinon, n'hésite pas à préférer davantage la graphie "censé" à celle de "sensé" (lapsus calami ?)

    • Oui, je trouve très dangereux de rechercher l'authenticité mais en même temps incontournable, en tout cas je ne peux pas nier que je le recherche pour moi-même ("même à le relativiser") tout comme on ne peut pas ne pas chercher la vérité mais sans m'imaginer y atteindre ni en faire un critère pour les autres, seulement une pathologie personnelle... Je ne cherche pas à nier la contradiction (ce n'est pas si simple), plutôt à la travailler.

      Sinon, merci, j'ai corrigé sensé en censé (une faute que je fais très souvent, il y a un côté censeur dans censé!).

        • Toute vie vit de ses contradictions mais c'est bien parce que l'existence procède du collectif qu'il faut s'en détacher pour sortir de la pensée de groupe (du bouc émissaire, etc.), ce qui était connu depuis Platon au moins (le philosophe devant être marginal, souvent hors de la cité comme Héraclite ou Démocrite - mais pas Platon et Aristote!). J'ai souvent dit qu'on pouvait être solitaire et solidaire, tout comme on pouvait être individualiste et très social (le cas des commerciaux notamment). Ce qui n'était pas contradictoire, que j'ai cru fermement, mais s'est révélé tout simplement faux et impraticable, c'est l'idée que notre caractère d'être social impliquait qu'on serait le plus heureux en vivant en communautés (ou qu'il pouvait y avoir un dialogue entre intellectuels, que la vérité pouvait se partager, etc.). Dans la réalité, tout cela est bien plus difficile, contradictoire et dialectique.

          Il ne s'agit pas non plus de faire de l'isolement une valeur. Comme je le dis : je ne survis que par les autres. Si je n'avais pas reçu des soutiens tout au long de mon parcours, je n'existerais pas mais ils ont été toujours peu nombreux bien que de qualité souvent (un des problème étant que j'ai perdu coup sur coup mes principaux interlocuteurs). Si les idées que je défends étaient soutenues par un plus grand nombre, je serais moins isolé. La solitude est un résultat que j'ai découvert après des années d'actions collectives (Mai68, communautés, Les Verts, les EGEP, le GRIT, etc.) et après avoir constaté à quel point les idées dominantes (les partis politiques existants) étaient bien dépassées et la plupart des idées minoritaires délirantes.

    • du mauvais côté de la corde ; du mauvais côté d'la porte !! hard-core, mon kif : ce qui nous brule quand la chouette de minerve , cette salope!! , hulule au crépuscule !! laser amer toi tu t'assoupis quand le système de la hyène organise en douce les funérailles de tes groupies !

      .......................................pour que le local soit désirable il faut , et c'est le secret de la santé d'une bonne cité ( où on a tous une bonne vie ) , que l'on préfère y être pauvre ici que riche partout ailleurs !! ................................................................................................................................................pour que le local soit désirable , il faut viser la belle ironie de l'UN-TOUT-SEUL !! pour les pauvres donc pour les riches dans une stratégie botton up ! tout seul ivre avec une balle , je chante dans la nuit en faisant tourner méticuleusement le barillet !! et incha'allah ça joue , ça jouit
      cabré sur la verticale prendre les chemins de traverses , tenter des convergences inédites !! une révolution se fonde aussi sur des malentendus et beaucoup de chose que l'on peut finalement faire à son insu : comme une compétence précaire qu'on acquière sur le tas , dans la palpitation de nos élans et l'acidité de nos relents , une épaisseur de l'esprit et une joie d'être là !! déchirer le voile et l'hymène de la présence pour laisser advenir la transformation de nos désirs en évènements !! ?? et faire du temps , son temps dans toute notre anormalité et notre animalité ..... vandale loufoques , animaux politiques , intifada verbale : les pirates !! peut être les seuls à rester crédible quand on est cernés par les cibles !! et j'ai aussi 8 secondes pour vous dire que la barre ovomaltine c'est de la dynamite !! le grand jeu une diététique de l'effort spirituel pour rallumer les étoiles quand des diadèmes roulent sur le macadam : le slam est là pour trouver patiemment la formule !! quand on sort pour la nuit du formol ... et que l'on part pour trinquer à l'eau de la vie , une putain de guignole à la gnôle , sortis direct de derrière les fagots !! et t'inquiètes si t'as la dalle j'envoie le teushi et les fayots !! dans le chocolat chaud de nos palpitations quand la vie c'est une putain de baston: esquive l’abîme les HP et les zonzons !! c'est juste un petit free-style pour ceux qui veulent briser les chaines !! une féérie hip hop , assommée frère sous de trop lourd sommiers , punk intellect défoncé à la skunk, comme dans Matrix !! il faut à nouveaux des intellectuels de combat !! La BASTOS de la part du ghetto; à la hyène !!

      • Laissez le singe tranquille : fumer baiser grailler , rire et danser !! laissez le choir à loisir et regrimper tout en haut de l'arbre en s'accrochant branche par branche

        L’hélium glacé de la vérité c'est quand tu te réveilles dans le coma à l'HP !! Ma main pousse les chrysanthèmes par dessus de parapet de mes pensées ! Un café bien corsé dans le cornet !! De tous les connards j'en ai rien à branler !!! Le cœur léger !!! Avec tout ce monde attroupé à mon chevet, comme pétrifié !! Délire chronique avec sentiment de persécution t'inquiète tôt où tard, couze saint front, tu me suceras le fion !!! le nez dans ton caca nauséabond en guise de baston !! Et moi hilare sur mon pieu je t'attends avec une cagoule et un canon. Non t'inquiètes je finirai pas en zonzon, sauvage comme l'étalon ... drôle de vie perdue à la gagner, je laisse les foules aveugles se faire bien moutonner !! Tremblant de froids, le cul nu dans la nuit de l’Histoire, je peine à dire tout ce que je peux percevoir ! On a du couper des ponts sur les chemins de nos souffrances sans mots !! On réfléchit dans l'instant et on s'efforce de trouver ça beau !! Code bar zélé !! Ivre de ciment !! Bastos verbale pendant que tout le monde ment effrontément !! Mais c'est pas grave !! On s'en bat les couille ... le dissensus appelle au voies du militant! Férocité ludique dans ma périphérie incarcérée, la force des luddites souviens toi c'est d'avoir su triompher du gros temps tel des flibustiers !!! Du génie dans les poings et de la fièvre dans le regard, ici et maintenant les gros cons on les pointe comme le snipper sur le boulevard !!! Un teint blafard, identité vernaculaire en crescendo, c'est l'émergence d'un peuple tout entier de type qu’on a mis sou HO, de travelo de taulard de toxico et de génies cramés dans l'encre de mes mots !!! Anonyme et bien loin de la com. et de la frime !! Firmament étincelant dans cet hiver finissant, comme un feu d'artifice dans la nuit de l'enfer !! Code bar zélé fait la nique à tous leurs cerbères, frère !!! Des bourreaux des sans cœur des financiers souvient toi bien qu'on en a rien à branler !!! C’est juste une invite à l'avenir pour un face à face direct entre nos carcasses de paumées errant sur goudron ou pavé ! Sortir de l'enclos et déranger l'troupeau , c'est si beau !! Histoire d'esquiver cette putain de malédiction, des sorciers du grand capital!! Vous, surtout ne capitulez pas mais laissez vous enivrer de combat !! Esquivez les coups bas quand eux veulent nous exterminer comme des rats !

        Avec tout ça maître kanter brasse le langage à gros bouillon quand je pisse ma bière sur toutes les salopes de la terre !

    • dans ces écritures déroutantes ( plastiques ) on peut dire que plus que jamais la langue ne nomme rien : elle appelle, elle désigne ( un point de l'esprit et du monde ) , elle fait sentir (affecte ) , car on ne communique au final que des ordres , je veux dire un peu que l'opinion ça se travaille et on nous manipule: qui tient les miroirs , gouverne !! ...

      curieux d'avoir ton avis là dessus ( c'est très court) https://www.facebook.com/disensus bien à toi et vœux d'à bientôt antyphon
      c'était à 33 bordeaux
      Dissensus: sisi mon pto , ma gribouille amère c'est de toi que je parle ! et maintenant on va tenter de dire la vérité , le cul nul dans la nuit de nos songes : on se branle dans le caca nazi de l'histoire qui appartient résolument au spectres du passé ! mes bras tremblant peine à dire tout ce que je peux percevoir ! quand on nous tisse une camisole en guise d'étoile !! olé !!

      • si il faut un pays et une monnaie, il faut aussi un NEW AGE ? quand la chouette de minerve , dans la nuit de l'enfer , fond sur sa proie dans la neige !! la vérité au plus profond du Sarko-phage : convulsif et intense !! une communauté distante du dialogue ( correspondances )

        • l’intérêt de ces petits déroulés c'est pas de le lire , mais le travailler voilà pourquoi c'est à l'écrit , ça ne se lit pas ( où on comprend rien ) , une tentative bien désespérer sans doute , par impossible , de redonner la palabre : déclencher les choses plutôt que les prémâcher , c'est se situer d'emblée dans une situation de non savoir . il n'y a pas de honte à ne pas comprendre , le système éducatif en fait une tare alors que c'est probablement le début de la sagesse ...

          une petite immolation pas le feu et sur internet !! quand la vie c'est un putain de casse tête , on porte à tes yeux le feu sacré des banlieues , ghetto neurone ,, féérie hip hop quand la vérité a un gout dégueu de capote , le vice anti matrice et geoges dantec dans le sarkozome !!

          nous on bosse pas pour la NSA , mais pour la NASA !! mise à feu , paré au décollage ; mon capitaine !!

          https://soundcloud.com/dj-psy-k-bal/blast

          accord multi latéral sur l'investissement : AMI , un curieux ami qui avance masqué comme toutes les brouteuses d’Afrique et d’ailleurs : le test de Dracula , un vaste projet de libre échange entre les états unis et l’Europe .... le vampire refait surface et se réveil publiquement sans que ça dérange personne ... alors qu'a l'époque dans la ligné du mouvement des chômeurs de 98 et du retour des luttes anticapitalistes cela avait déclenché la foudre dans le milieu alternatif et le milieu alternatif à l'université bordeaux II victoire mais aussi partout en France , mais ce coup ci, 15 ans après l'AMI , il semble que le vampire ne craigne plus la lumière : car il met de la crème solaire et des Rébanes ..... c'est le propre du spectaculaire désintégré où la hyène fait son streap tease avec ma queue et ma tise comme deux pingouins sur la banquise !! mais ce spéculaire/ spectaculaire qui n'est que le spectacle de son désastre ce spectaculaire désintégré et hautement cybernétisé n'avance plus à visage masquée , c'est une nouvelle évidence seul l'hypothèse communiste peut barrer la route à cette nouvelle idéologie dominante et idéologie devenue planétaire ( et surtout en occident !!! ) c'est le signe que la désorientation est générale la panique intérieure complète , qu'on ne vit plus ce dont on parle , qu'on ne parle pas encore ce qu'on vit , sachant assez rarement ce qu'on fait !! sauf dans certain moment de crise du capitalisme avancé et cancérisé ! comme aujourd'hui et à la rentrée !! ???? un organisme entièrement cancérisé s'effondre en peu de temps !! confiance le moment opportun approche astiquons pour l'occasion quelques palimpsestes !! une mise en bouche et en circulation ....

          nous sommes au temps de Byzance et des dernières querelles sur le sexe des anges !! il faut tout déchirer ! je croyais , j'ai vu j'ai vaincu et maintenant je sais !!
          LE ROI EST NU ET LA CITADELLE EST ASSIEGEE plus rien ne tient, presque tout est n'importe quoi : c'est le moment de parler et philosopher ( correspondre ) il est temps d'essayer de sauver notre cohérence !!

          • **

            mais moi aussi le monde m'écorche ..

            **

            le monde m'écorche , le monde et les autres , mais c'est pas grave , car depuis quelques années , je préfère la compagnie de mes chiens à la plupart de mes semblables ( les charlatant du sentiment : ceux qui viennent vous voir car ils ont besoin de vous , mais qui vous laissent crever le reste du temps , crever dans l’exclusion (ou dans l'asile et la prison ) , ceux qui abondent partout , même à la marge ). )

            oui tout est en crise on ne sait pas quel fil saisir . rien ne se règlera en une seule fois , peut être à la rentrée et en automne qui sait ... mais même pour un mouvement populaire , je ne m'attends à des miracles , on ne consomme plus ce qu'on produit , on ne produit plus ce qu'on consomme , comment bloquer le processus de l'histoire présente qui correspond semble t'il pour les mecs aux manettes à la stratégie du choc ?? l'homme n'est plus le grand perturbateur des usines taylorisées mais le gisement de richesse de l'économie de la connaissance . reste, en guise de guerre civile , la grève humaine et la sécession , ce qui est le vécu intime de tous les dépressifs mais même cela ça ne va pas très loin il faut s'attendre à une économie du désastre les monnaies locales sont encourageantes ( pour dynamiser les échanges locaux et régionaux , l'idée des jardins (privés et collectifs ) aussi , on en est peut être pas loin du moment où il faudra re systématiser une société duale ( une subsociety ) par le bas et par le local ..

            le transhumanisme c'est qu'on va vers le cyborg , mais on y est déjà , la post humanité c'est déjà une société de vieux et d' handicapés , qui ne tiennent comme moi que par toute sorte de prothèses , chimique , informatiques et autre .. je comprend qu'on puisse trouver décourageant l'étendu des problèmes à dimensions planétaire , mais si on peut avoir prise sur les événement c'est au niveau local que cela semble le plus possible . après il peut y avoir des grèves au niveau national et européen mais ça ne bloquera jamais l'économie , juste dans les médias un signe de protestation massives , ce qui n'est déjà pas rien ??? sinon le local est aussi très impraticable et la démocratie locale plus qu'improbable ... ça peut changer à l'avenir , mais il faudra sans doute se heurter la la dureté du choix de revenir à un capitalisme nationale ( peut être avec mélanchon et le pen réunit comme en 2005 pour la victoire du NON au référendum ) ce qui est plus que dans l'air du temps ... je laisse le reste dans le silence !! olé !!! salam mes ami(e)s au plaisir !!!! encore ...

  2. J'aime bien ce texte qui accorde une place un peu plus importante que d'habitude à l'autre, aux autres, en particulier dans ce paragraphe:
    "Il se pourrait donc que le sens de la vie et les raisons de vivre nous viennent des autres plus qu'on ne croit...."
    Le mouvement convivialiste naissant, qui ne me semble pourtant pas pouvoir aller bien loin, a écrit un manifeste d'interdépendance prenant en compte notre dimension collective incontournable.

    Pour ce qui est de notre humanisation, il me semble intéressant de sortir de notre cadre de pensée naturaliste et de se replonger dans les cadres cosmologiques proposés par Descola. Je reviens de Chine où la vue de chiens à l'étal m'a un peu remué. On ne mange pas ses "frères" (ceux dont nous partageons les intériorités dans notre imaginaire) sans leur accord et après un protocole précis comme le font les animistes. Le côté "analogiste" des chinois ne les contraint pas à plus de manières avec les chiens ni avec aucun autre animal. J'ai ainsi pu réaliser l'énorme distance qui sépare le taoïsme qui ne s'offusque de la consommation d'aucun animal du boudhisme qui est végétarien.

    • Ce n'est pas d'aujourd'hui que je parle du désir comme désir de l'Autre, ou que je dis que ce sont les autres qui nous font vivre, l'originalité n'est que d'en parler lorsqu'on s'interroge sur la dignité de sa vie, de montrer sa place dans la question, mais on aura remarqué que je n'ai pas la même conception naïve de l'altruisme que les convivialistes que je trouve très sympathiques et avec lesquels je partage beaucoup mais pas le moralisme et l'idéalisme de leur démarche. C'est positif d'arriver à regrouper des intellectuels si différents (y compris ce crétin de Michéa !) sur des positions si proches des miennes. Je pense qu'il faut plutôt s'appuyer sur les dynamiques effectives mais d'une certaine façon, ils en font partie sauf que leur utopisme risque de dévaloriser des propositions pourtant très réalistes. Il y a des gens du GRIT et pas mal de gens que j'ai croisé quand j'étais moi-même un peu plus idéaliste. Mon abord est très différent et je dois à Jacques Robin d'insister bien plus sur la mutation numérique (comme ne le fait plus que René Passet), sur les évolutions qui ne dépendent pas de nous. Il n'y a pas que les autres, il y a du réel tout autant et il faut que cela fasse système, il ne suffit pas de prêcher de bons sentiments (je suis bien sûr pour le convivialisme mais je ne suis pas moi-même très convivial).

      Le taoïsme est issu du chamanisme qui ne s'offusque pas de la chasse car c'était vital mais pris dans toute une ritualisation et un ordre cosmique. Le Bouddhisme fait partie des religions "révélées" marquées par l'écriture et qui s'opposent à ce passé "naturel", font coupure. La Chine avait gardé un côté chamanique mais la Chine moderne est comme le prétendu Occident en rupture avec sa tradition au profit de l'universalité des sciences et des techniques. Les différences culturelles restent mais comme une survivance, un fantôme du passé. Ceci dit je ne prétendrais pas pouvoir parler de la Chine que je ne connais pas et même si mon nom peut tromper des Chinois à me croire des leurs.

      • "je est un autre !!" (Rimbaud, pris dans les filet , ivre et adolescent d'une langue et d'un père quand maitre kanter brasse le langage à gros bouillon et qu'on pisse notre bière sur toutes les salopes de la terre !! rézo anti pute : tous des groupuscules et des étoiles , rien à péter !! ) ... donc nous lirons les livres à l'envers pour les écrire à l'endroit , la vie est en héritage et en rature ( méritez d'hériter quand la généalogie fait défaut , parole aux magrébins de jacques Derrida ) , entre rage métaphysique et héritage simiesque , ascèse voir politesse et esprit de gang ...

      • "...on aura remarqué que je n'ai pas la même conception naïve de l'altruisme que les convivialistes que je trouve très sympathiques et avec lesquels je partage beaucoup mais pas le moralisme et l'idéalisme de leur démarche. "
        C'est un point que je partage avec vous et que vous avez fortement contribué à consolider, par exemple avec votre texte sur "le massacre des utopies", mais aussi dans tous vos autres textes fortement ancrés dans le matérialisme. Les illusions se paient de la gueule de bois et si vos rasades de réalismes sont parfois rudes à avaler, elles ont le fort mérite de ne pas nous engager vers des lendemains qui déchantent.

        • C'est à cause de cet idéalisme de Morin et Viveret, entre autres, que le GRIT s'est dissous (à cause notamment du fait que je ne pouvais y adhérer, le trouvant même ridicule). Je trouve quand même ce manifeste un peu moins fumeux et Alain Caillé a un rôle proche de celui de Jacques Robin à pouvoir réunir un nombre impressionnant d'intellectuels (autour du MAUSS), ce qui peut avoir des effets. En passant de l'anti-utilitarisme (qui a une force critique mais est une impasse) au convivialisme, il passe du négatif au positif, ce qui est un progrès mais reste de l'ordre du whisful thinking. En fait, je trouve la pensée d'Alain Caillé assez faible en général mais il a une passion pour la recherche intéressante et qui produit des résultats. J'avais fait connaissance avec lui au moment où je commençais à m'intéresser au revenu garanti qui avait fait l'objet d'un très bon numéro du MAUSS et j'étais assez admiratif de son concept "d'inconditionnalité faible" qui me semble très utile sur ce sujet (il avait aussi à l'époque réussi à faire une synthèse intéressante entre revenu garanti, RTT et tiers secteur, regroupant déjà un certain nombre de ces intellectuels pourtant si différents - ce dont Gorz s'émerveillait).

    • J'ai lu depuis le compte-rendu de leurs séances qui étaient aussi improductives que les dernières tables rondes organisées par le GRIT et ne débouchaient sur rien qu'un catalogue de bonnes intentions et des propositions dispersées voire antagonistes. On dirait des discussions de théologiens à la Sorbonne discutant sur le sexe des anges, persuadés que le monde dépendrait de leurs bonnes intentions ou de leurs convictions profondes, comme si on les avait attendu pour vouloir supprimer la misère, protéger la nature (les communs) et prêcher l'amour sur Terre ! Cas typique de surévaluation du pouvoir de l'esprit et du leur. Ceci dit, j'espère que cela aura quand même un certain écho étant donné les convergences objectives. En tout cas, j'ai été récompensé par une formule de François Flahault "la coexistence précède l’existence" que j'ai intégrée dans le texte !

  3. Après le bas Moyen-âge, pris dans l'obscurantisme religieux, a eu lieu un surgissement de la première modernité fondée sur un fantasme de la Grèce antique. De la même façon, nous vivons aujourd'hui dans la « basse modernité » livrée à l'obscurantisme marchand, et ce qui se trame est sans doute une seconde Renaissance fondé sur un fantasme de l'antiquité chinoise. Les gens du XVIe siècle croyaient imiter les Grecs et ils inventaient autres choses - l'autonomie du sujet. Une minorité active du XXIe siècle croit imiter les Chinois anciens et ils sont en train d'inventer autre chose qui passe par une appréhension du laisser être taoïste. Les premiers inventaient l'indépendance d'esprit qui, aujourd'hui saturée, se mue en autisme. Les seconds se donnent les moyens anthropologiques d'évoluer vers un authentique esprit de partage. D'où ma proposition terriblement « punk par le haut » : l'héroïsme aujourd'hui consiste à soutenir une initiation. Un processus initiatique, c'est une traversée du miroir, du fantasme, par lequel on assume le vide à la base de l'expérience humaine ; on se défait ainsi de toutes sortes de liens imaginaires. Un processus initiatique, ça peut être une psychanalyse, l'apprentissage d'une technique de soi orientale, mais aussi la traversée d'une maladie grave, le deuil d'un proche ou - pour les plus chanceux - un grand voyage ou une grande rencontre.

    http://mehdibelhajkacem.over-blog.com/article-nouvelle-interview-de-nassif-82791491.html

      • C'est marrant ce décret de nullité à peu près arbitraire selon les normes de la réaction. C'est comme en justice parfois, un trou du cul se réveille des hémorroïdes et balance coulos une condamnation de derrière ses fagots, sans fondement référencé.

        Un gus qui s'imagine la liberté sans compte rendu de ses conclusions tout en condamnant l'arbitraire.

        • Mes décisions sont arbitraires et irrévocables. Voilà donc Philippe Nassif condamné à l'indignité pour l'éternité par la grâce de mon jugement définitif sur mon blog (ce monde est décidément injuste et cruel).

          Pour les hémorroïdes, ça va, pas de problèmes en ce moment !

          • Ce monde est décidément injuste et cruel, c'est son sel et son piment. A défaut, il serait possiblement chiant d'ennui meurtrier. Les hémorroïdes sont une image symbolique, si c'est possible que le symbole forme une effectivité.

            L'injustice reste toujours à circonscrire selon des règles de droit toujours remises en cause par ses fervents défenseurs auxquels il faudra rappeler certains principes du droit dont ils abusent.

            L'ayant fait en France avec un réel succès, voilà qu'un procureur allemand me casse les bollocks selon son pouvoir arbitraire d'intimidation. Je riposte avec les jurisprudences allemandes et mon avocat. Les procureurs sont souvent très cons, et j'estime que je pourrai le démontrer outre Rhin. Après 4 procès gagnés en France, je peux envisager gagner des procès en Allemagne par accumulation d'expérience.

            Tout cela m'éloigne de ces crétins et pas mal de crétines du dévoilement personnel qui sont souvent très cons et connes.

  4. François Mitterand avait déjà des prétentions écologistes quand aujourd'hui les écologistes sont au gouvernement ou dans les entreprises... mais qui connait leur programme?
    Je me demande vraiment pourquoi je continue à les soutenir!!!

  5. Life is beautiful, comme si une image de jolie métisse pleine de réconciliation et de bonne humeur allait le faire. C'est limite niaiseux de publiciste à boutons. La life is beautifull, c'est pas pas une jolie femelle métisse en plein soleil avec sa vulve en prime, c'est le regard d'un handicapé marchant sur le bord d'un chemin d'hiver un jour de pluie froide, un abattu encore debout avant le bout de sa vie qu'il n'a pas méritée, ni déméritée. Un regard pas si triste et pas si gai, un regard là qui ne va que dans l'élan de sa chute probable et dont il se fout pour terme du contrat.

    • L'illustration est plutôt du genre "ceci n'est pas une pipe" le slogan publicitaire étant écrit sur un mur de prison et supposé chanté par une chanteuse de blues. Si on ne le prend pas du côté critique, on peut effectivement le rapprocher de la chanson Jeff de Brel, par exemple, où le désespoir de Jeff fait briller les trésors d'amitié de celui qui veut le consoler.

      J'ai entendu une belle citation de Françoise Sagan aujourd'hui : "peut-être faut-il, comme je l'ai toujours fait, haïr la vie dans le fond pour l'adorer sous toutes ses formes".

      J'ai tendance à penser que ce n'est pas de l'ordre d'une doctrine intellectuelle ni d'un récit émouvant mais largement une question d'hormones et de dopamine. Il faut voir comme on est conquérant lorsqu'on est dans une phase maniaque ou qu'on prend des amphés ou de la coke. La production de dopamine dépend bien sûr normalement de la situation, notamment d'une amélioration après des moments dificiles, mais avec une grande variabilité selon les individus et leur passé jusqu'à devenir déficiente dans la dépression (ou excessive dans les psychoses). Je donne beaucoup d'importance au récit, mais en ce qu'il nous trompe, le biologique permettant de s'en détacher en portant l'attention sur l'énonciation, le locuteur, ce qui ne veut pas dire qu'on pourrait tout réduire au biologique ni se passer du récit de sa vie (et trouver vrai qu'un moment de grâce sauve tout le reste) mais qu'on reste dépendants de nos humeurs animales malgré tout.

      • Comme quoi le regard est sélectif, je n'avais même pas remarqué qu'en second plan, ou plutôt en support graphique, c'était une prison... J'avais pensé à un petit commerce avec des barreaux pour éviter les cambriolages.

        Ça change effectivement le sens.

      • Pour la dopamine, même le sport peut être addictif :

        Il semble qu'un ensemble de facteurs psychologiques, environnementaux (stress répétés) et biologiques, concourent à l'émergence de la dépendance. Chez l'homme, il semblerait que ces facteurs externes soient renforcés par une prédisposition génétique dans la disponibilité à la dopamine, suggérant que certains individus seraient plus vulnérables que d'autres à la dépendance au sport d'endurance. Ainsi, un cerveau faiblement disponible en dopamine serait plus exposé à la pratique addictive.

        http://www.theweb.ch/articles_sport/20080709_course_pied_drogue.php

      • "on reste dépendants de nos humeurs animales malgré tout."

        Oui et non... Nos pensées, leur "coloration", dépendent largement des hormones, notamment la dopamine mais aussi la sérotonine, l'ocytocine (hormone de l'amour quel qu'il soit) mais encore l’épinéphrine (hormone de la douleur) et des prostaglandines, etc. mais nos pensées génèrent aussi la synthèse de ces substances ! Ainsi un animal (supérieur, pas une moule...) stressé par son environnement aura des symptômes de souffrance mais il n'aura pas de problèmes existentiels, il ne génèrera pas lui-même par ses pensées sa propre souffrance. Donc nous dépendons d'un substrat animal dont nous sommes indissociables mais ce n'est pas notre nature animale et nos humeurs qui sont la cause initiale de cette souffrance, elles en sont le moteur, pas le conducteur.

        Cela marche aussi dans l'autre sens : ce qui procure des pensées positives favorise la synthèse des hormones responsables de la bonne humeur, etc. J'ai failli écrire "heureusement" mais là, c'est beaucoup plus discutable parce que ces pensées peuvent n'être positives que pour le sujet qui les vit mais négatives pour les autres. C'est responsable de l'euphorie des mystiques qui y voient une cause divine et de l'aveuglement de ceux qui se font sauter "dans la joie", etc.

        • Vous avez raison mais seulement relativement. Je cite les cas de dépression ou de psychose (ou de drogues ou de fatigue) qui perturbent le fonctionnement normal où effectivement c'est l'esprit qui est supposé déterminer le corps lorsque la santé se caractérise par le silence des organes, ce qui n'est pas toujours le cas et même assez courant.

          On peut même dire que les variations génétiques (par exemple de disponibilité en dopamine) dessinent des caractères (comme ceux de Le Senne dont les composants peuvent être reliés à des neurotransmetteurs) dont on dit qu'on ne change pas de toute la vie, en tout cas chez les animaux, et qui modulent bien notre perception du monde. La pensée n'est pas souveraine, elle est dépendante du corps, entre autres (culture, famille, groupe, techniques, contexte). Entre le monde et sa perception, il y a le récit, la mémoire et le corps qui fonctionnent normalement de concert mais pas sans que ça coince souvent (de façon plus flagrante quand on vieillit et qu'on fait plus d'erreurs).

          Les problèmes existentiels ne sont pas d'ordre biologique mais leur dramatisation ou leur exaltation est très influencée par la biologie du corps. Les drogues ont valeur sur ce point de démonstration pouvant changer instantanément l'humeur et donc la perception, le point de vue, du bon comme du mauvais côté. Notre existence est bien corporelle, nous n'appartenons pas au monde des essences et ne pouvons nous réduire aux beaux discours ni aux situations prometteuses. De façon gnostique on peut dire que la pensée est enfermée dans un corps. L'existentialisme a beau dépasser le biologique, il ne peut se passer du corps, de ses besoins, de ses faiblesses, corps malade qui se rappelle à nous malgré qu'on en ait et qu'on ne peut réduire à une métaphore psychosomatique ni au symptôme.

          • Le corps biologique est une mémoire à engrammes, les tissus cellulaires, sorte de carrosserie enveloppant les organes, dont les glandes endocriniennes, sont amenés à se révéler déterminants dans divers processus physiologiques. Sur cette voie d'investigation, l'élastographie ultrasonore, échographie plus fine, pourrait bien révéler ce rôle du filet topologique des tissus de soutien, plus ou moins rigides, et de nouvelles approches de la biomécanique "molle", comme la montre de Dali dans La Persistance de la Mémoire, dans laquelle nous sommes encastrés comme une poutre flexible à un mur.

  6. "Malheureusement il y a aujourd'hui bien trop d'énergie fossile disponible pour sauver le climat mais il n'y en a plus assez pour sauver l'économie Européenne."
    Dit autrement pour rester dans le sujet :
    "Malheureusement il y a aujourd'hui bien trop d'énergie fossile disponible pour sauver le climat mais il n'y en a plus assez pour mener une existence digne de ce nom en Europe "

    http://www.youtube.com/watch?v=xxbjx6K4xNw

    "Je ne connais pas d'exemple historique où on a pu demander un effort collectif à tous sans proposer un projet sexy "
    Dit autrement "sans vision collective proposant une vie digne de ce nom .
    Dommage que Jancovici soit si cabotin et jean si "raide" : j'aimerai un débat de fond fouillé sur ces sujets.

    • Le débat sur ces sujets objectifs devrait être mené par les spécialistes, ce que je ne suis pas, et non par l'opinion démocratique. Jancovici est un spécialiste des questions énergétiques mais qui se révèle peu fiable, il n'est par contre pas un spécialiste d'économie sur laquelle il dit des conneries. Il a raison de dire qu'il y a trop d'hydrocarbures mais tort sur tout le reste. L'idée qu'il faudrait un "projet sexy" me semble faire partie des conneries qui se disent un peu partout, ce n'est pas le problème, l'histoire ne s'est jamais faite comme ça, c'est un peu plus compliqué et pas une question d'ingénierie sociale (foutre tous les étrangers dehors doit paraître assez sexy à beaucoup). Pour demander des efforts, jusqu'ici on n'a rien trouvé de mieux que la guerre. On peut dire que ce que je propose est sexy, mais cela ne le parait pas assez, c'est cependant, je crois, ce qu'on sera obligé de faire.

      "Sauver l'économie européenne" est une autre affaire, il faut savoir ce que ça veut dire. Une étude du Boston consulting group prévoit un bel avenir à l'économie américaine certes en partie grâce aux gaz de schiste mais avec une baisse des salaires au niveau chinois, ce qui risque d'être la même chose en Europe...

        • C'est une illusion de croire que ce serait si différent de la Chine aux USA dirigés par la finance ou en Europe, à part le droit de dire n'importe quoi. Les illusions sur la démocratie se dissipent, ce qui ne veut pas dire qu'il y aurait mieux que la démocratie mais qu'elle n'a pas les super pouvoirs qu'on lui prête bien légèrement. Il ne s'agit bien sûr pas d'accepter une expertocratie, les experts se trompent ou trichent mais il y a différents experts qui sont seuls aptes à évaluer les erreurs des autres, sans qu'on puisse décider entre les opinions sinon par l'expérience ou la mesure. Ainsi va la science et plus on s'y connaît moins on est assuré d'avoir raison. Contrairement à ce qu'on prétend, l'individu n'est pas tant la base de la démocratie que sa finalité (développement humain comme développement de l'autonomie individuelle par les institutions publiques).

          Par contre, oui, je conchie ceux qui nous assomment de leurs convictions et ne s'abreuvent qu'à une unique source, religieux quelconques, complotistes, négationnistes du réchauffement comme catastrophistes de l'énergie, technophobes, etc. Moi, je n'ai pas de convictions, je suis simplement les études qui sortent sur le sujet et qui peuvent être contradictoires mais s'affinent avec le temps. Ce ne sont pas choses qui se décident par un vote majoritaire (comme disait déjà Socrate dans le Lachès) au contraire des impôts notamment.

        • Le problème c'est que les experts se font aussi chier dessus plus qu'à leur tour par des individus remplis de leur certitudes ignares sous prétexte de se poser comme individus, non dividus. Pour avoir une expertise dans un domaine particulier, je peux témoigner de la connerie du mythe de l'intelligence collective et "démocratique". Comme si une assemblée d'ignares majoritaires pouvait avoir raison parce que majoritaire. Il se trouve que tous mes pronostics furent vérifiés et j'en fut d'autant plus blâmé et rejeté malgré les apports de mes remarques. Non, ce n'est pas drôle d'avoir raison contre la majorité des individus ignares et fainéants du neurone. Ca coûte même très cher.

          • Mais le problème, mes chers petits dictateurs en herbe de l'expertocratie dialectico-scientifique, ce n'est pas de laisser les plus "intelligents" (sic) choisir pour tous, mais de donner aux gens les moyens de décider la manière dont ils veulent vivre. L'agriculture biologique est sous-optimum, mais elle vous emmerde profondément ! L'expert est un nain vivant au-dessus de ses moyens.

            Le problème n'est pas de trouver le modèle optimum de résolution algébrique, mais d'avoir le putain de droit d'envoyer se faire chier la perfection et l'efficience au nom du droit, bien individuel, à ne pas être dépossédé de sa vie.

            Alors je conchie à mon tour ces intellectuels qui au nom de leurs lectures et de leur passe-temps s'imaginent avoir le droit de décider du monde : retournez dans les placards de l'histoire stalinienne, arrêtez d'emmerder le monde en vivant d'aides sociales au nom d'un intellect qui trouve assez bon sa position dans le temple de la dialectique. C'est à croire que <<l'histoire de l'URSS n'aura servi à rien>>. Ou L'idéologie froide, Kostas Papaioannou.

          • Je ne vis d'aucune aide sociale, cher conchieur, et je vis de mes revenus d'expert, voyez vous. Pour l'instant, mon employeur ne s'en plaint pas, et est même plutôt satisfait.

            En matière de bio, il y a aussi des experts, même si ça vous défrise. Il y a aussi des ayatollahs...

          • Bien sûr, là on ne peut que s'incliner devant un tel aigle de la pensée qui va nous sortir de là avec des principes aussi affirmés. Pas besoin effectivement se s'interroger sur la démocratie, l'URSS, etc. Je m'efface (ce n'est certainement pas moi qui décide pour les autres). Débrouillez-vous sans moi, cela ne devrait pas être très difficile, les choses sont tellement évidentes et le réel ne devrait pas résister à d'aussi fermes convictions malgré tous les démentis de l'histoire. On se demande vraiment pourquoi de telles convictions ne sont pas partagées par tous. Le diable peut-être ? (je ne vis moi non plus d'aucune aide sociale pour l'instant - la retraite dans 2 ans normalement !)

        • On voit que Cochet a perdu toute crédibilité et que personne ne l'écoute. C'est dramatique car il dit un certain nombre de vérités mais de telle façon et avec une telle dramaturgie qu'elles en deviennent fausses, l'appel à la décolonisation de l'imaginaire (ou les couplets contre la soi-disant idéologie de la croissance) étant la même déconnade qui ne fait que renforcer notre impuissance. Je ne parle pas du fait que paraît-il la finance était gagée jusqu'ici sur la richesse réelle comme si les krachs de la dette n'étaient pas répétitifs dans l'historie (et même cycliques). Après ça, les propositions raisonnables qu'il fait à la fin n'ont aucune chance d'être entendues.

          Sinon, le blog reprend ses théories identiques à celles de Jancovici sur la réduction de la crise à l'énergie, quand d'autres mettent en cause uniquement l'automatisation ou la mondialisation, etc. Il ne manque pas de causes "uniques" qui se multiplient plutôt tant on a besoin de simplisme ! Notre bêtise est étalée sur la place publique, notre totale désorientation et impuissance. C'est cela qu'il faudrait surmonter et il n'y a pas d'autres voies que celles des sciences (tout aussi impossible de déterminer quelle théorie a raison en dehors de l'expérience, ce n'est pas une question de force de conviction ni de charisme personnel).

  7. Le gros défaut de jancovici mais aussi celui de tous les spécialistes d'un ou plusieurs domaines n'est pas de se tromper , ça tout le monde le fait , mais d'être orgueilleux et de mépriser les autres ; c'est d'être enfermé dans un pseudo réalisme qui explique tout et pense que ce qui s'est déjà produit se reproduira , par exemple que c'est la guerre qui permet l'effort collectif.
    On en était resté à l'humilité du non savoir dont le déploiement pratique est la démocratie cognitive participative : le débat ouvert à tous, spécialistes et non spécialistes, dans ce qu'il a de plus positif.
    Même si c'est une illusion en ce sens qu'il n'est ni formaté ,ni revendiqué , ce mode de gouvernance est à promouvoir ; le reste est complètement à côté de la plaque ; en ce sens un vrai débat entre Jean Zin et jancovici , mais bien sûr entre nous tous dans un cadre politique organisé , au national , au local et au delà , reste un objectif bien plus intéressant que des jugements péremptoires sur blogs ou conférences ou commissions parlementaires ......
    Je ne vois pas d'autre issue pour le changement que de permettre en l'organisant l'interrogation collective ; qu'est ce que l'emploi , le travail , la compétitivité , la croissance , la nation etc etc comment organiser le monde qui vient ?
    Même si le mur à franchir est très haut , si l'eau et la nourriture sont derrière ......

    • C'est certainement ce qu'il faudrait mais l'expérience montre qu'on n'arrive pas à se mettre d'accord ni sur les dieux, ni sur le réchauffement, ni sur l'économie. Des débats sur le travail par exemple j'en ai fait à m'en dégoûter, il y a des conceptions délirantes de la monnaie qui ont un grand succès. Quelqu'un comme Jorion a bien compris le rôle des rapports de force dans la constitution des prix mais ne veut rien savoir de la valeur comme coût de reproduction, etc. Il a bien fallu que je me rende à l'évidence que mes analyses n'étaient pas entendues et que tout le monde répète toujours la même chose. La démocratie cognitive est une nécessité mais ne peut se construire que sur ce constat d'échec, sur l'absence d'intelligence collective, sur tout ce qui s'y oppose et il ne faut vraiment pas surestimer nos moyens sur ce plan. Hélas, notre connerie est tenace. C'est pourquoi ce sont les événements qui décident plus que nous. Comme je le dis dans le texte, nous n'avons pas les manettes même s'il le faudrait pourtant, même si on s'en persuade.

      • Il faut peut être se méfier de ses propres expériences ; ce que nous n'avons pas su faire ,à nous user jusqu'à la corde , un nouveau venu peut sans pour autant savoir pourquoi déclencher le processus .Dans la balance , il faut sans doute savoir mettre l'équilibre en le réalisme qui nous contraint totalement et le possible qui à tout instant peut ouvrir un horizon , même si on ne comprend pas ce qui se passe .
        De toute manière sans oxygène on ne peut pas respirer .
        C'est pourquoi je pense que temps qu'on le peut mieux vaut désigner et rechercher l'impossible s'il est complètement nécessaire que de nous contenter de ce qui de toute manière est perdu d'avance , même si un chemin en apparence plus aisé.
        Nous n'avons vraiment pas besoin de sachants et de solutions.
        La rencontre consentie et organisée de nos conneries tenaces me semble une belle ambition .

      • "La démocratie cognitive est une nécessité mais ne peut se construire que sur ce constat d'échec, sur l'absence d'intelligence collective, sur tout ce qui s'y oppose et il ne faut vraiment pas surestimer nos moyens sur ce plan."
        Aucune piste "positive" pour avancer concrètement sur ce chemin d'une démocratie cognitive?

  8. Une existence digne de ce nom n'est peut être pas une existence avec sa famille et amis en bonne entente, mais une existence confrontée à la souffrance physique, morale de ce monde, face à cette réalité parfois ou souvent ignoble, sans détourner le regard.

    Être serait affronter du regard l'horreur infâme du monde et de ses marionnettes. Rien de bien attirant, mais si près du réel.

    Promesse que de vie de combats et de souffrances, aucun Eden à l'horizon.

    • Je ne suis pas sûr qu'on puisse réduire l'existence à son caractère tragique mais c'est sans doute effectivement ce qui nous fait accéder à l'humanité et la compassion, non pas la réalisation de ses rêves mais éprouver leur caractère illusoire. C'est le thème déjà de Gilgamesh, la confrontation à la finitude de la vie humaine, de la mort de ses proches et du non-sens du réel auquel il faut donner sens. En rester là, cependant, serait sans doute trop valoriser la mort et la souffrance au détriment de la vie, dans la tradition saint sulpicienne ou des cultes d'Attis. Il faut sauvegarder le côté positif de la liberté à mesure même du négatif qu'elle rencontre. Comme toujours, aux réponses données, il faut répondre le contraire (négation toujours partielle qui n'annule pas la négation précédente).

      http://jeanzin.fr/2009/04/30/gilgamesh/

      • Bien sûr que la vie n'est pas que mortifère, je pense qu'elle est effectivement une contre réaction à l'entropie avec l'ivresse de cette entreprise quand elle réussit, toujours temporairement, ne pouvant jamais s'assoir sur ses lauriers de victoires éphémères.

        Le plaisir du funambule qui travaille sans cesse son art fin de l'équilibre comme l'artisan ses outils.

  9. C'est peut être aussi tout bonnement vivre ce que l'on est et ce que l'on fait , bref tout bêtement être soi même , sans être dupe mais en s'acceptant .
    Ce qui n'est pas digne de ce nom c'est tout ce qu'on subit des autres ou de soi même de négatif. Ce qu'on fait subir aux autres aussi.
    @Michel Matin
    Le constat d'échec est en soi positif : c'est bien la première marche ; nécessaire et non suffisante , mais la première marche.
    Je crois en la possibilité de cette démocratie là sans connaître le jour et l'heure ; je crois aussi que nous pouvons participer à son avènement . Si j'ai le temps et l'inspiration j'essaierai à l'occasion de préciser un peu un comment de cette participation.

    • Les Japonais en proie à une menace non achevée s'excitent autour de leur candidature gagnée aux JO; argent et énergie vont donc couler à flot comme la radio activité de Fukushima ; est ce là une existence digne de ce nom ? Celle qui ne sait pas relier les choses de la vie entre elles , celle qui est bien éloignée de cette démocratie cognitive dont on parle ?

    • "tout bêtement être soi même"

      Etre soi même, c'est pas si clair que ça le voudrait, c'est comme le connaitre soi. A la limite, le deviens qui tu es de Nietzsche est moins sombre, bien que ça ne dise rien.

      De fait, une possibilité d'être soi même se réclame une possibilité d'être hors d'une forme de soi même. Il y a différents soi même sociaux ou existentiels, sans même se revendiquer de la schizophrénie dans ses sois.

    • La question de l'identité n'est pas si simple. Je est un Autre et on passe sa vie à vouloir se changer. L'existence est plutôt de l'ordre de la confrontation à l'actualité qui ne se résume pas à notre quotidienneté et notre activité immédiate mais comporte plusieurs temporalités ou extensions avec des conflits de priorité. On pourrait peut-être dire que l'existence est l'expérience de la contradiction, du réel qui résiste à nos désirs - encore faut-il qu'il y ait désir plutôt que de s'accepter tel qu'on est. Il faut être fier de ce qu'on est, autant que possible, ne pas céder sur notre dignité, cela ne signifie en aucun cas être satisfait et ne pas être conscients de toutes nos insuffisances.

      • Le nombre de fois que ma mère me disait qu'il fallait que je change et d'autres ensuite, ce qui me révulsait. De quel droit ils se permettaient de telles injonctions. Tout gamin, je me rebiffais.

        Cette idée de changement d'un individu comme on changerait des pièces d'un moteur n'a aucun sens. Le deviens toi toi même est moins absurde, ou plutôt redevenir soi même, ce qui nécessite toutes sortes d'évolutions sinueuses qui font que l'on est soi même sans être le même qu'avant à l'identique.

        Les aléas des priorités connexes rythment ce mouvement parfois peu perceptible.

        Phänomenologie des Geistes gilt ihm die dialektische Bewegung als das eigentlich Spekulative, „den Gang des Geistes in seiner Selbsterfassung.

        http://de.wikipedia.org/wiki/Dialektik

    • Je ne lirais sûrement pas son livre, non qu'il ne soit pas intéressant, Thomas Piketty est un bon travailleur et fiscaliste, mais je ne crois pas (dans l'état de mes informations) que ce soit très nouveau par rapport à ce que je connaissais déjà de ces courbes (qu'il n'a pas inventées) qui sont bien évidemment à la base d'une théorie des cycles. Je ne crois pas qu'il suffise de montrer les inégalités (bien connues) pour les réduire, ni même de fiscalité quoique cela passe par là, mais qu'il faut prendre plus en compte les transformations du travail et les caractéristiques d'un nouveau mode de production et d'accumulation.

  10. Un texte intéressant sur l'obsolescence du système actuel qui évoque l'essaim mais pas les coopératives :

    Évidemment, beaucoup d'intérêts investis résisteront à ce changement. Les syndicats de travailleurs, en particulier, le détesteront malgré le fait qu'enfin cela «libère le travailleur des menottes du capital», comme ils le diraient dans leur idéologie. La raison pour laquelle les syndicats de travailleurs le combattront bec et ongles, c'est que ce changement les rendra instantanément obsolètes. Lors des dernières décennies leur propre pouvoir leur est devenu plus important que de parvenir leurs buts. Voyons si les Knut contemporains peuvent ordonner à la marée de ne pas monter...

    http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20130910trib000783964/le-revenu-minimum-pour-tous-pour-que-des-milliers-d-entreprises-innovantes-essaiment.html

    • Le fait qu'on parle de plus en plus du revenu garanti alors que l'idée parait si folle est en soi la preuve qu'il s'impose aux nouvelles conditions de production et que défendre des idées incomprises au début n'est pas vain (contrairement à la défense des avantages acquis) quand elles sont guidées par les besoins des nouvelles forces productives qui ne cherchent que l'occasion pour changer les règles (mais on peut attendre très longtemps parfois).

      Il y aura toujours besoin de syndicats pour les salariés mais il est vrai qu'ils ne représentent pas les chômeurs et seulement les salariés les plus protégés, ce qui leur fait jouer un rôle réactionnaire voué à l'échec. Il manque surtout la force sociale organisée pour s'y substituer.

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