On a les moyens de s’en sortir !

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La situation semble complètement bloquée, présageant du pire. Une étincelle suffirait à tout faire exploser et on a du mal à voir comment cela pourrait s'arranger, la montagne de dettes accumulées devant être détruite d'une manière ou d'une autre, le plus probable étant par l'inflation (un nouveau cycle de Kondratieff). La décision prise de bloquer les dépenses n'est pas seulement le contraire de ce qu'il faut faire mais elle est tout bonnement impossible.

Avec toutes les autres crises qu'il faut affronter (écologique, géopolitique, technologique, anthropologique), il y a vraiment de quoi paniquer. Et pourtant, largement grâce à l'intervention des Etats et aux protections sociales, tout semble continuer comme avant et on a le plus grand mal à imaginer un désastre prochain. On peut penser que c'est folie mais on peut y voir aussi un acquis du sauvetage du système financier renforçant la certitude d'avoir les moyens de sortir de la crise. Or, cette certitude elle-même peut constituer un facteur aggravant dans un premier temps tout en précipitant malgré tout la réorganisation du système et l'intégration mondiale dans un deuxième temps.

Il faut le répéter, la période est plus dangereuse qu'on ne croit. La désintégration pourrait être totale à commencer par la zone Euro, ce qui ne serait que le début d'une réaction en chaîne. On n'évitera pas, en tout cas, effondrements et affrontements, même s'il est difficile d'évaluer la gravité et la durée, car la seule chose dont on est sûr, c'est que dès que la situation s'améliore un peu, on ne peut plus rien changer !

La résolution de la première phase, financière, aura ainsi certainement un rôle dans la rechute mais elle pourrait accélérer aussi la résolution finale, dans l'évidence que ce n'est pas l'économie réelle qui est en cause mais uniquement les flux monétaires gérés par les Etats, et que, donc, "on a les moyens de s'en sortir" !

La politique ne peut pas tout, le XXème siècle l'a trop démontré, mais ce que cette crise a démontré tout autant, dans sa première phase du moins, c'est que l'entente des Etats pouvait gérer des crises mettant en jeu des sommes astronomiques dépassant le sens commun. Il y a beaucoup de choses qu'on ne peut faire, mais rien d'impossible à gérer la monnaie. On ne comprendrait pas qu'on ne puisse résoudre des désordres qui ne sont à l'évidence que monétaires et n'affectent pas la compétitivité des économies. Il ne s'agit pas de se persuader qu'on y arrivera, mais seulement que la certitude s'impose qu'on aurait les moyens de s'en sortir.

La certitude que les Etats peuvent sauver l'économie a d'ailleurs déjà des effets dans la reprise de la spéculation des banques qui se savent protégés d'une crise systémique qu'elles peuvent désormais provoquer sans grand risque. C'est ce qu'on appelle l'aléa moral, résultant du sauvetage des banques, qui rend l'économie encore plus folle et instable. On a cette situation paradoxale où, en dépit du fait que l'unification du monde soit loin d'être achevée, nous vivons déjà dans l'après où le gain de sécurité augmente le niveau des risques ! Il faut dire que c'est justement le défaut d'unification qui est visé dans l'attaque des Etats dont l'autonomie est devenue une fiction tout comme l'autonomie des marchés qui n'est plus possible quand il faut y injecter des sommes qui dépassent les capacités nationales.

L'affaire de la Grèce est représentative de la sous-évaluation du risque systémique, de la tentative d'en faire un cas d'espèce, façon de refuser qu'on puisse être soi-même inquiété alors qu'après la Grèce, il n'y a pas seulement le Portugal et l'Espagne, mais tout autant le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Japon, la France... Le danger est bien de croire, au niveau européen comme planétaire, pouvoir s'en sortir tout seul et laisser les pays faire faillite un à un, comme si on pouvait être épargné soi-même. La faillite de Lehman Brothers a démontré le contraire. C'est la nouveauté de la situation. Une fois la mondialisation technique et marchande achevée, impossible de détricoter l'écheveau. Il faut sentir le vent du boulet pour bouger, avons-nous dit, mais le résultat de l'immobilisme actuel, c'est qu'on parle de plus en plus d'éclatement de la zone Euro alors que son coût serait tel que le bon sens devrait imposer assez rapidement un gouvernement économique européen, présageant sans doute un gouvernement mondial, bien qu'on pourrait s'attendre à ce qu'il soit précédé d'affrontements violents.

Il faut savoir ce que voudrait dire un gouvernement économique européen. Ce serait l'occasion peut-être de sortir du dumping social ou fiscal et de l'idéologie libérale qui a présidé au marché commun. Le contraire est possible dans un premier temps mais ne serait sûrement pas durable. En tout cas, cette situation, comme celle d'un gouvernement mondial, nous rapprocherait des Etats Unis d'Amérique et sonnerait la fin du mythe de la démocratie comme auto-fondation (Castoriadis), devenue simple gestion de son territoire. Cette post-démocratie a des caractères inquiétants, autoritaires avec la version chinoise, appelée par certains une démocratie participative (!) en tout cas gouvernement éclairé héritant d'une longue tradition contaminée par la philosophie occidentale à travers l'apport marxiste. La version italienne, de Berlusconi, est moins présentable avec son provincialisme affairiste, son abrutissement médiatique et sa xénophobie décomplexée mais elle pourrait être plus représentative de notre avenir, tout comme elle avait inventé le fascisme avant que d'autres ne lui donnent une allure moins bouffonne et bien plus meurtrière.

Malgré les tentatives actuelles de mettre le web en coupes réglées, le réseau reste le meilleur espoir de sauvegarder dans ce contexte une autonomie devenue indispensable dans le travail immatériel et qui manque trop à la Chine justement mais on sait que ce n'est jamais gagné d'avance, la liberté s'use quand on ne s'en sert pas et doit toujours être défendue. C'est malgré tout une autonomie qui n'est plus la même que celle du citoyen-soldat voire du citoyen-révolutionnaire, moins abstraite sans aucun doute mais qui réduit la politique au local dans un système sans dehors.

La marge de manoeuvre n'est pas négligeable pour autant et la relocalisation peut constituer une alternative globale à plus long terme mais rien ne se fera tout seul et il faut attendre du reflux du libéralisme le retour plutôt de tendances fascisantes qui rendront plus difficile, mais plus urgente, la défense des libertés. La sortie de crise ne sera pas aussi favorable aux révolutionnaires que certains l'imaginent, plutôt aux "révolutions nationales", aux démagogues, aux régimes autoritaires contre lesquels on n'est pas sans atouts mais qui risquent de prendre le dessus d'abord à l'occasion de l'aggravation de la crise.

La post-démocratie elle-même pourrait ainsi participer au chaos qui s'annonce, il sera donc bien difficile d'éviter le pire, mais il devrait être de plus en plus évident malgré tout qu'on en aurait les moyens. C'est le paradoxe et moins un message d'espoir que notre nouvel horizon, la contradiction à laquelle nous allons être confrontés désormais : c'est seulement l'effondrement qui nous donnera les moyens de l'empêcher !

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21 réflexions au sujet de “On a les moyens de s’en sortir !”

  1. sur le gouvernament économique comme en parle l'ump ou le ps , il est vidé de toute substance , la bce restant indépendante : c'est juste une sorte de FMI européen .

    moi je trouve que la crise de la zone euro donne raison aux euroseptiques de tout poil ( ceux qui on voté non au traité de maastrich et non à la réforme de la constitution européenne en 2005) . dans ce contexte un retour au franc n'est pas impossible , malgré son coup . reste à départager les souverainistes non démocrates , comme le FN et les autres ( gaulistes , chevènementistes , communistes, ... ) . sachant que cela pourait peut être constituer l'electrochoc dont l'europe à besoin pour sortir de l'ornière .

    pour l'europe il me semble que cela dépênd en grande partie de la vitesse de la propagation de la crise . plus cela sera rapide et mieux ça vaudra sans doute , pour que tous s'accordent dans le même moment à aller dans le même sens .

    si on en passe pas par là c'est clair que c'est un boulevard pour les fascismes

  2. vous dites:

    "La décision prise de bloquer les dépenses n'est pas seulement le contraire de ce qu'il faut faire mais elle est tout bonnement impossible"

    __en quoi c'est impossible ?__

    "la fin du mythe de la démocratie comme auto-fondation (Castoriadis), devenue simple gestion de son territoire"

    je ne suis pas sur de comprendre ce que ça veut dire .

  3. Il est impossible de bloquer les dépenses car il va y avoir de plus en plus de chômeurs et que l'économie va de nouveau rechuter. En 1932 aussi on avait voulu bloquer les dépenses en pensant que la crise était finie, il a fallu déchanter. En fait, c'est la guerre qui a permis d'injecter des sommes bien plus importantes dans l'économie, ce qui n'est pas rassurant. Il serait assez logique en tout cas que les Grecs, entre autres, refusent l'austérité et de payer pour une crise où ils ne sont pour rien.

    Pour l'auto-fondation, c'est la définition que donnait Castoriadis de la démocratie, contre la tradition et la pensée héritée, mais si on a une économie planétaire unifiée (ou simplement un gouvernement économique européen), on appartient à un système qu'on n'a pas choisi, qui n'est pas fondé démocratiquement mais "hérité" par subsidiarité, la seule chose qui reste à la démocratie c'est de gérer son territoire. Bien sûr il peut quand même y avoir auto-fondation de communautés et "groupes en fusion", la démocratie locale est assez riche aux USA, mais les enjeux ne sont plus les mêmes.

    Le fait qu'on perde cette dimension métaphysique de la démocratie ne me semble pas un mal, tout ce qui nous sort de l'idéalisme est une bonne chose, mais cela reconfigure les idéologies, renforçant l'évidence qu'il n'y a que des alternatives locales dans une économie plurielle (je ne fais que reprendre ce que j'ai dit dans des textes précédents comme "le renforcement du système" et "un seul monde, plusieurs systèmes", ce texte-ci insistant simplement sur l'acquis de la crise qu'on sait qu'on a les moyens de s'en sortir).

    Bien sûr que la crise actuelle donne raison aux critiques de l'Europe actuelle basée sur la séparation de l'économie et de la politique favorisant le dumping social, mais les crises ont toujours fait avancer l'Europe. Il est certain que la vitesse de la crise m'a toujours paru déterminante mais hélas on constate sa redoutable lenteur qui donne le temps au pire de se développer.

    Je suis prudent sur la tendance fascisante qui me semble indéniable et logique après l'échec du néolibéralisme qui pousse le balancier dans l'autre sens mais cela sera très différent du véritable fascisme, comme les exemples de la Chine et de l'Italie le montrent.

    En fait, l'écologie pourrait tout-à-fait mener à des régimes autoritaires et servir de dernière idéologie totalitaire, c'est un risque aperçu dès l'origine, par Gorz notamment. L'important, c'est de ne pas prendre ses désirs pour des réalités et ne pas croire que la crise va dans notre sens sous prétexte qu'elle fragilise l'ancienne idéologie dominante et le capitalisme.

  4. On reste en général malheureusement toujours dans une logique de divergence plutôt que de convergence. Cela est frappant dans le rapport Nord ("riche") / Sud ("pauvre"), mais aussi en interne dans les revendications salariales au Nord qui prônent à chaque fois l'augmentation (et par suite la divergence) plutôt que le partage et la convergence.
    Si on a vraiment le souci du partage, alors il faut accepter un relatif appauvrissement du Nord au bénéfice d'un rééquilibrage du Sud. En clair, il faut admettre qu'une augmentation des salaires au Sud passe par une diminution des salaires au Nord.
    Si l'économique n'est pas un jeu à somme nulle, et cela parce que son essence est de faire des économies ou d'économiser sur les dépenses (seule façon d'obtenir un "gain" - et pas en créant soi-disant de la "richesse" supplémentaire par un travail fétiche), la finance quant à elle semble bien un jeu à somme nulle, dans lequel richesse et pauvreté ne sont jamais que des valeurs relatives, comparatives et pas absolues, la richesse de l'un n'étant que le pendant de la pauvreté de l'autre.
    Mais c'est cette finance et sa relativité qui impacte l'économique et finalement en décide. Le relatif gouvernerait l'absolu.

  5. C'est un peu rapide de dire que la finance ne crée pas de richesse, elle peut permettre un gain réel sinon toujours une économie en permettant des investissements. Il est vrai qu'elle détruit aussi beaucoup de richesses mais les jugements trop généraux sont inutiles, tout comme les condamnations morales. S'il s'agissait de choisir entre l'accumulation et le partage, entre être gentil ou méchant, ce serait simple (et c'est effectivement comme cela que la situation nous apparaît). Il faut comprendre les forces matérielles à l'oeuvre dans un système de production qui s'impose par sa productivité, pas pour des raisons idéologiques ni par quelque mystérieuse hypnose. On est dans un processus matériel organisé avec des flux de matière et d'énergie contrôlés par le flux d'informations.

    Enfin, sur la notion de partage, tout dépend de quels salaires on parle. Il est certes facile quand on est à l'aise ou retraité de se soucier du sort des Chinois plus que des travailleurs pauvres d'ici, mais le rééquilibrage en cours doit être modéré par une certaine dose de protectionnisme pour ne pas peser sur les plus faibles. Le partage est trompeur en tant qu'il est statique, comme s'il y avait un trésor à partager, alors qu'on est dans un système dynamique et qu'on parle de production. Répartir la richesse n'est pas répartir les capacités de production et donc ne supprime pas les inégalités réelles. Dans les faits, c'est un travail de longue haleine et difficile, ce pourquoi les progrès en sont lents et que la gauche est complètement désorientée ne sachant quoi faire.

  6. C'est bien là le schisme, on veut du partage parce que l'on a un coeur dégoulinant d'amour narcissique. Alors que le problème c'est de redistribuer pas pour un monde idéal mais pour un monde vivable. Dans ce sens la théorie économique est plus réaliste, elle parle de meilleurs revenus pour pouvoir acheter des Ford par exemple. Malgré ses lacunes elle apparaitra encore pour un bout de temps la plus réaliste et donc bénéfique.

    Je dois avouer que mes dernières lectures d'Edgar Morin me laissent coi dans ses appels à l'élévation, comme si c'était pas une réédition inutile de ce qui a échoué et continue ainsi.

    De toutes façons, athées ou croyants, alors que des athées sont assez croyants et que des croyants sont pas mal sceptiques, usent quotidiennement de ce procédé. On ne va
    pas réinventer l'eau chaude...c'est fait depuis longue date.

    Quand on en appelle in fine au spirituel, c'est que tout a échoué. De même pour la guerre après l'échec de la diplomatie. Pas réjouissant.

    Mais il n'est pas exclu que l'agencement des diverses contraintes actuelles mènent à une issue autre qu'une guerre sinon vitrificatrice, du moins très destructrice.

    L'histoire a possiblement inscrit des leçons qui peuvent nous faire éviter ça.

    Ce qui bloque sa contradiction utile, c'est l'immobilisme des bons sentiments affranchis ainsi intrinsèquement de la complexité des processus d'échanges.

    Mais ça fait partie de l'histoire que de nier ses démonstrations.

    Là où je rejoindrais Deleuze, même si une bonne part a du m'interloquer, c'est la notion de ritournelle. Chez Freud c'est mieux dit sous forme de refoulement qui entraine la répétition.

  7. il n'y a pas très longtemps j'ai été amené à regarder le contenu du programme présidentiel du FN . j'a été un peu surpis du copie collé que l'ump ou le ps en font , notamment sur le travailler plus pour gagner plus ( qui semble une idée de le pen ?) et le RSA. en plus au FN un programme social ( pleine emploi , augmentation de 200 euros des salaires , ....) garanti par un retour de la souveraineté monétaire ( qui est nationale si ce n'est pas possible au niveau européen . ). bien entendu cela se paye de solutions vraiment radicale et dégueulasses pour les étrangers ( non fils ou fille d'un père et d'une mère française , malades mentaux , homos , drogués, ...) . c'est clair qu'avec ça c'est le premier parti populaire de france . si les prolos français ne pensent qu'à leur gueules ils ont toutes les bonnes raisons du monde de voter FN . même pour les gens qui veulent simplement de la sécurité le fn se donne vraiment les moyens de cette politique .

    berlusconi en italie à bien dans son gouvernement des ministre radicalement d'extrême droite . qu'est ce qui empêche sarkozy ... vous voyez ce que je veux dire.

  8. @olaf : Oui, les appels à l'amour d'Edgar Morin ou Patrick Viveret m'effraient car il n'y a rien de plus égoïste que l'amour, l'amour justifie tous les massacres. Eux, ils croient qu'il faut répondre à la demande émotionnelle des foules sentimentales pour qu'elles tombent dans le bien et le partage plutôt que du côté obscur de la force et l'égoïsme individuel, sans voir qu'ils renforcent ainsi l'égoïsme de groupe sûr de son bon droit. Ce qui est le plus étrange c'est qu'on puisse croire encore à ces conneries millénaires. Si ça devait marcher, sûr que les religions et notamment chrétiennes auraient dû y arriver. D'ailleurs si on était aux USA dégoulinants de bons sentiments et d'extases collectives, ces prêches n'impressionneraient personne qui sont l'ordinaire d'une société chrétienne, d'un capitalisme avec du coeur et de grandes institutions de charité.

    Ceci dit, là où ils ont raison, c'est qu'il faut trouver un discours capable de renverser l'ordre existant et faire advenir une organisation plus adaptée et démocratique préservant nos libertés et réduisant les inégalités. Pour cela, il me semble qu'on a besoin surtout de raison mais qu'il faudra convertir en récit commun où les bonnes intentions pourrons s'exprimer, avec de quoi combler notre narcissisme par une meilleure image de nous-mêmes, et une atmosphère plus aimable pour un temps au moins (menacée par la niaiserie et l'hypocrisie, si ce n'est bien pire). Il est certain qu'on a besoin d'un soulèvement social et d'une refondation de nos solidarités mais le sentiment ne suffit pas, il faut savoir quoi faire, défendre un projet politique viable.

    J'y reviens toujours mais la seule véritable question est celle de l'alternative concrète et de la relocalisation, question sur laquelle il n'y a aucun accord, notamment sur la faisabilité. Dès le moment où il n'y a pas de solution, l'action des individus est complètement vaine. S'il s'agissait juste de devenir gentil, ce serait plus facile mais on voit bien qu'on est sujets plus qu'acteurs de l'histoire dès lors qu'on voit venir la répétition de la crise et qu'on ne peut l'empêcher, tout comme on voyait venir la guerre dans les années 1930 sans pouvoir l'empêcher...

  9. @brunet : Ce qui est frappant, c'est la réversibilité de la gauche et de la droite depuis l'affaiblissement du marxisme. Le fascisme est explicitement la version de droite du communisme, avec une forte composante sociale, ce n'est pas juste un régime autoritaire. Beaucoup d'écologistes qui se croient de gauche sont proches de l'extrême-droite sans le savoir. Il y a des époques où la droite est à la mode, d'autres où c'est la gauche mais aujourd'hui elle n'a rien à dire, trop discréditée, ne faisant que reprendre les politiques de droite un peu atténuées. C'est ce qu'on disait des politiques démocrates du temps de Bill Clinton, leur seule différence avec les républicains, c'est qu'ils les faisaient avec des remords...

  10. @brunet :

    Le retournement des valeurs socialistes ou écologistes en valeurs faschistes, voire nazi ne devraient pas nous étonner, d'autant plus que nazi signifie socialisme national, donc pas si méchant dans son appellation, même si on peut tiquer sur national.

    La sémantique dialectique des termes et de leur signification étymologique est très oscillante...toujours en recherche de ses fondations.

  11. @Jean Zin :

    l'amour, on veut nous faire croire que c'est ce qui nous manque, alors que c'est l'inverse, on en a trop, en demande comme en proposition, on s'y noie dans la haine pour en finir d'une telle exigence. Voilà le constat. Mais je reste surpris que bien des couples durent malgré cela... Sur quoi se fonde leur lien ?

  12. Je ne sais pas qui peut désigner l'on qui veut nous faire croire qu'on manque d'amour, mais c'est un fait, All you need is love, ce qui ne veut pas dire que ce soit un manque qu'on puisse combler ni qu'on ne refuse pas l'amour qu'on nous offre (dans ce sens, de l'amour, il y en a trop) préférant celui qui est inaccessible et nous prouverait qu'on peut être aimable. Rien de plus névrotique que l'amour et la jalousie.

    Cependant, ce n'est qu'une face. Ce serait facile si on pouvait se dire que l'amour n'existe pas et n'est jamais possible, simple illusion. Seulement, non seulement il y a des couples qui tiennent et s'aiment jusqu'à la fin de leur vie (à l'exemple de Jacques Robin ou André Gorz notamment), mais chacun a connu des moments, plus ou moins fugaces, de grand amour complètement comblé, ou même d'amour familial ou amical, au moins de grande tendresse. Comment ça tient sur la durée ? Il y a plein de livres qui essayent d'en donner des règles mais cela reste l'exception et très étonnant. Il y a souvent une part névrotique sans doute et des complémentarités parfaites mais le mystère reste entier qui fait partie du jeu. On n'est pas à l'abri du bonheur même si tout le monde est malheureux tout le temps comme le chante Vigneau ! C'est bien là que le relatif gouverne l'absolu. En tout cas, on n'est pas dans le champ du concept mais dans le flou et l'improbable voire dans la séduction et le mensonge, la vie quoi...

  13. La liaison de l'argent à la sentimentalité paraît en effet bien étrange… Si on creuse un peu, on remarque que l'argent est surtout un facteur de distanciation; l'argent est la condition de possibilité d'un maintien des distances, donc du contraire d'une sentimentalité fraternelle ou fusionnelle. Si on lie l'argent à la sentimentalité, c'est alors plutôt comme son autre, c'est-à-dire comme non-sentimentalité.

    Cas classique : la piécette donnée au chanteur du métro, pour qu'enfin satisfait, celui-ci s'éloigne au plus vite et arrête de vous casser les oreilles avec ses beuglements ou sa musique éraillée. Autre cas, même principe, mais plus subtil car moins direct : la publicité. Les consommateurs se mettent à acheter le produit, en espérant que la firme, enfin satisfaite avec la remontée du chiffre d'affaire, cesse de les importuner avec cette publicité vulgaire et tonitruante qui leur casse les oreilles.

    L'argent c'est la non-sentimentalité donc. C'est qu'en dehors de la prison, l'argent est le représentant ou le moyen par lequel le tribunal dit le droit. Loin de l'idéal de justice, tel que peut le ressentir en son for intérieur, comme une absence insupportable, le quidam qui vient de perdre son procès au tribunal, loin donc du droit en puissance des idées, le droit en acte du tribunal vise somme toute à l'équidistance entre les quidams. Le droit en acte instaure une limite, une frontière entre les quidams, tout le contraire donc de la fusion fraternelle, et cette frontière c'est concrètement l'argent. Mais si cette frontière est mal distribuée, on obtient alors la "fraternité" des riches versus la "fraternité" des pauvres. Tandis que l'argent également partagé est la condition de possibilité du droit en acte. Un droit en acte qui permet alors de fuir la "fraternité", pour plus de liberté et d'égalité.

    En effet dans la devise "liberté, égalité, fraternité", c'est le dernier terme qui empêche que cela marche. Cette fraternité vire en effet à chaque fois au "copinage", le plus souvent malsain : copinage des élites qui se cooptent entre elles; copinage des membres de sociétés plus ou moins secrètes et qui se favorisent les uns les autres en passant au-dessus des circuits officiels; copinage de tout groupe qui ne peut se constituer que sur le dos d'un bouc - exercice dans lequel excellent ceux-là même qui ont perpétuellement en bouche le mot "mon frère"; bref l'abjection relationnelle, c'est la fraternité. D'autant plus que cette "fraternité", pour ainsi dire par définition, ne peut jamais se constituer comme meurtre du père. En effet, que serait une "fraternité" sans père? C'est pourquoi la fraternité est par définition toujours sous la coupe d'un père, elle est infantile.

    Ainsi est-il sot de donner de l'argent aux sous-développés, car cela ne fait que les infantiliser dans la fraternité obéissante au père. D'ailleurs on sait que tous ces dons consistent en ce que les pauvres d'occident donnent aux riches des pays sous-développés. C'est évidemment de l'argent jeté par la fenêtre, et le carême de partage est d'autant plus une ineptie que le responsable de la quête en profite à chaque fois pour détourner une partie de l'argent récolté vers ses propres poches.

    Mais dans le fond, il y a donc bien convergence plutôt que divergence, par exemple entre la fraternité de gauche et la fraternité de droite : le toujours plus pour soi. Seulement la surface ou le discours peuvent diverger : plutôt hypocrite à gauche, plutôt cynique à droite.

    Le programme de la gauche ressemble un peu trop à être calife à la place du calife.

    Le fond est le même, ce qui explique que rien ne peut changer. Seule la surface (miroitante?) diffère.

    Il vaut donc mieux se fier aux principes. La loi du système : celui-ci étant à la fois synthèse et analyse, l'un n'allant pas sans l'autre, la synthèse (ou la convergence) y domine.

    Convergence de la divergence, donc (convergence dans le "chacun pour soi"). Sans doute jusqu'au degré entropique maximal, entraînant une implosion avec un nouveau "big-bang"?

    Aucun sentimentalisme fusionnel à l'arrivée là-dedans évidemment. C'est bien vrai d'ailleurs qu'il vaut mieux en général éviter de projeter ses propres fantasmes sur les autres, dépassement du narcissisme oblige… Toutefois ne pas lire dans le discours d'autrui ce qui ne se trouve que dans sa propre pensée est effectivement un exercice difficile, sinon impossible, pour tout le monde, moi y compris.

    Ainsi la position de l'intellectuel, notamment critique, quant au regard qu'il porte sur le travailleur, manuel par défaut, n'est peut-être pas innocente. Car l'intellectuel, qu'il soit chercheur ou professeur ou autre "cadre", est surtout un rentier des travailleurs, étant entendu que le véritable travailleur est l'ouvrier et pas l'intellectuel. Dans le trio : rentier, profiteur, travailleur ou : prêtre, guerrier, artisan, cet intellectuel endosse la place et donc le regard du rentier ou du prêtre. Donc on peut soupçonner que la façon dont cet intellectuel voit le travailleur et son travail, dans la continuité de l'assujettissement et de l'esclavage (notamment mais pas seulement comme travail salarié compté en heures plutôt que comme forfait par exemple), cette façon de voir donc, et de discourir, recoupe presque parfaitement le point de vue du grand propriétaire de terres et d'esclaves, point de vue qu'endosse également l'intellectuel. On reste alors dans une perspective du travail comme assujettissement et esclavage. Et donc, dans cette façon de voir le travail et le salaire, gauche et droite convergent.

    Bref la défense des travailleurs, dans le chef d'intellectuels dédiés au discursif - et qui par ailleurs ne sont jamais véritablement confrontés eux-mêmes à la pénibilité du travail manuel ni aux réalités des milieux de travailleurs manuels ou non (collègues fainéants et/ou incompétents et/ou carotteurs - sans compter les chefs, chaque degré hiérarchique amplifiant les phénomènes) - , cette défense des travailleurs donc, semble bien ambivalente pour ne pas dire plus… Pour comprendre cela il faut avoir été bien évidemment un travailleur bas de gamme, et l'être resté malgré les diplômes et les tentations d'écrasement d'autrui qu'aurait autorisé la montée en grade à la poursuite de toujours plus d'argent. C'est pourquoi rien de plus douteux que l'expérience de travailleurs s'étant finalement révélés carriéristes comme n'importe quel premier venu de droite, le salaire étant si on veut un indicateur du degré de "valetude de système" du salarié concerné.

    Notons que cet intellectuel critique tout entier dédié à la discursivité n'a de cesse habituellement de promouvoir le physique, la matérialité, bref le travail musculaire suant, et d'invoquer par suite la réalité du réel ou la matérialité de la matière, alors que lui-même, en tant qu'intellectuel, ne fait qu'arpenter en long et large le discours, ce discours qu'on devrait considérer alors en fait comme la seule et unique "réalité" ou "matérialité" de l'intellectuel. Surtout s'il se traduit en une "brique" vendue dans le commerce? Mais déjà que le discours soit plus "réel" qu'une chose ou que la matière, il suffit de se mettre à injurier quelqu'un pour s'en rendre compte. Les coups reçus en retour feront sentir à quel point le discours peut être "réel".

    Loin de moi de vouloir toujours tout réduire à des formules simplistes. C'est qu'évidemment l'entretien du discours mérite bien quelques sacrifices… Et comme on dit, il faut "bien" entretenir le discours. Mais une fois n'est pas coutume. Donc aussi en respectant le lecteur, c'est-à-dire en évitant dans la mesure du possible de lui faire perdre son temps. D'où cette habitude, peut-être malvenue, d'être par trop elliptique.

    Le narcissisme c'est un peu comme l'anthropomorphisme ou la subjectivité. On ne peut pas vraiment en opérer un dépassement qui l'évacuerait. Il faudrait au contraire reconnaître qu'on n'y échappe pas, tout en sachant qu'on échappe toujours à soi. Cette valorisation de soi-même qui passe par autrui ne serait qu'un miroir aux alouettes. L'humain n'est sans doute qu'une étape dans un plan qui le dépasse, et lorsque l'heure aura sonné, cet humain disparaîtra de l'univers, comme un insecte qu'on écrase.

  14. Il y a des choses bizarres comme le fait d'acheter un produit pour en arrêter la publicité !!! Je ne donne pratiquement jamais à ceux qui font la manche mais je n'en suis pas si fier, le faisant moi-même sur internet (avec un résultat minable d'ailleurs, et même tout-à-fait nul ce mois-ci). Il faut se méfier des positions dogmatiques sur le sujet, un texte de Defoe est particulièrement cynique "donner l'aumône n'est pas faire la charité".

    Il est certain que l'argent est un facteur d'objectivation et donc de déshumanisation si l'on veut, mais qui réduit les coûts de transaction, facilite les échanges et surtout procure une autonomie par rapport aux liens sociaux (les femmes en savent quelque chose). Là-dessus, il faut lire Homo aequalis de Louis Dumont qui montre qu'on n'a le choix qu'entre la dépendance des choses ou des personnes... C'est bien sûr dans l'entre-deux qu'il faut naviguer et non sur des positions extrêmes. Pour l'aide aux pays pauvres, là aussi il ne faut pas trop généraliser mais étudier chaque cas séparément même si la question est structurelle effectivement.

    Pour Freud la fraternité résulte du meurtre du père, en tout cas, c'est souvent une fraternité de combat. Il est certain qu'il y a convergence, homogénéisation, mais qui ne va pas sans nouvelles différenciations, voire l'exacerbation des partis pris et du narcissisme de la petite différence à mesure qu'on se rapproche.

    Ce qui distingue la dialectique (Hegel) de la confusion des opposés (antinomies de Kant), c'est qu'il y a évolution (progrès bien qu'il ne soit pas toujours positif) dans l'interaction avec le réel et avec l'histoire. S'il y a effectivement des discours dogmatiques, universels, abstraits qui n'ont qu'un lointain rapport avec la réalité, il y a des énoncés plus sensés et nuancés qui se confrontent au réel et se transforment par l'expérience. De même, on ne peut plus parler de travailleurs manuels et intellectuels comme avant dès lors que l'intellectualité est requise dans la grande majorité des emplois du fait que les machines rendent inutiles la "force" de travail (devenue "inemployable").

    Il est certain qu'on ne peut se débarrasser du narcissisme, même à vouloir le fuir (fuyez le naturel...), on peut tout au plus ne pas faire preuve de trop de complaisance, ne pas trop frimer, ce qui n'a rien de facile dans la compétition perpétuelle des égos et le désir de séduction de l'Autre.

  15. J'ai vu l'entretien de Filoche sur arrêt sur images.
    L'animatrice du débat est très utile.

    On y évoque la réduction du temps de travail, j'en suis partisan en tant que réduction du temps de présence au travail.

    Je parle de là où je suis, pour moi le temps de présence au travail est une arriération, je travaille ou réfléchit en dehors de mon temps de présence au travail.

    Ici ou je vis en Allemagne, j'ai en partie cette flexibilité des horaires qui m'est indispensable.

    Soit, on pourrait dire que je fais partie des privilégiés car on m'a reconnu de la créativité que j'ai montrée et qui n'a jamais été reconnue en France, d'où des actions en justice, par ailleurs onéreuses.

    Filoche, parle de la créativité qui n'est pas un vain mot, mais un vrai départ.

    Alors j'œuvre modestement dans ce domaine. Je montre comment on peut faire des choses utiles en contournant des brevets et en démontrant la liberté d'exploitation( freedom to operate ) d'idées existantes depuis longtemps. C'est lié à l'information, voir comment utiliser l'information est important. Les brevets et la divulgation d'informations nécessaires, car on en trouve gratuitement de très utiles, justement parce que le deal brevet est basé sur la notion de publication de connaissances, les moyens informatiques ont accru cet avantage, vorteil en allemand, c'est un domaine intéressant pour dire la liberté plus que pour dire la protection et le monopole.

    Mais bon, comme peu s'intéressent à l'économie du brevet, je parle sans doute dans le vide.

  16. @olaf :
    Moi aussi, je suis pour la réduction du temps de travail, mais à beaucoup moins que 32 heures, comme le veux (vieux?) Filoche. D'ailleurs, 32 heures, ce n'est pas anodin, cela correspond à 4 journées de 8heures. Mais pourquoi diable toujours des journées de huit heures! Moi personnellement, je serais plutôt pour des journées de 6 heures, donc pour des semaines de 24 ou 30 heures...
    Ceci étant dit, et peut-être est-ce dommage que le plateau n'est pas tenu compte de la post-face de Jean en l'invitant lui ou quelqu'un de son avis, la réduction du temps de travail ne suffit pas. On voit bien d'ailleurs, que le discours de Filoche, qui est nécésaire, porte ses contradictions, car si le travail peut-être épanouissant, pourquoi se limiter à la réduction de son temps?
    La présentatrice, Judith Bernard, que j'aime beaucoup, est radicale! Elle est vraiment sur la même ligne que Lafargue: supprimons le travail! Faut dire qu'elle est vraiment à la gauche de la gauche, ce qui me surprend toujours venant d'une première de la classe...

  17. Oui, 8 heures de présence au travail, je trouve ça ennuyeux parfois. Pour ce que je fais, 6 heures suffisent largement car ce n'est pas un problème de temps mais plutôt d'intensité de réflexion. Je ne travaille pas à la pièce mais à l'idée, ce qui est très différent, des fois ça vient, des fois pas, il y a pas de bouton précis sur lequel appuyer.

    Effectivement, Judith Bernard a du punch et j'ai été surpris de ses interventions qui tranchent avec les animateurs habituels.

    Filippetti a l'air sympa, mais un peu caricaturale quand elle réduit l'activité aux pôles travail ou femme au foyer.

    J Bernard a bien repris l'affaire en élargissant la réflexion.

    Je pense que le travail peut apporter un épanouissement mais comme le dit Filoche, ça concerne peu de gens, voilà pourquoi il opte pour une réduction du temps de travail.

    En fait, il serait mieux que les gens puissent avoir une activité qui leur plaise, mais on en est loin pour beaucoup. J'y suis un peu parvenu, mais après des années de luttes et d'errance et ma situation n'a rien de garantit, je reste vigilant et près à la mobilité, seule issue pour bien d'entre nous. Pas mal d'amis et anciens collègues sont dans la même situation nomade. Ca n'est pas un choix mais une nécessité d'ordre stratégique que de ne pas être coincé et ficelé à un employeur ou à un lieu.

    Là on est loin de l'économie locale, plutôt dans une logique de mercenaire ou de corsaire. Mais il se trouve que les premiers systèmes d'assurance sociale ont été tentés chez les pirates de Madagascar au XVIII ème siècle si je me souviens.

    Comme quoi !

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