Le pluriel du futur

Temps de lecture : 22 minutes

On voudrait en finir avec le capitalisme comme on a cru en avoir fini avec le communisme. Rompre avec son passé, quel rêve ! Effacer ses traces sur internet ou brûler les livres autrefois adorés. Ainsi, la révolution culturelle voulait faire table rase de l'héritage confucéen, tout comme en 1989 les bibliothèques se sont vidées des oeuvres de Marx...

Ce que notre époque post-moderne devrait apprendre pourtant, c'est tout au contraire que rien ne se perd. Le passé ne disparait jamais complètement et laisse ses traces, ineffaçables. Nous sommes plutôt condamnés à l'éternel retour du même, aux résurgences de souvenirs oubliés, comme la religion orthodoxe en Russie !

Il faut se persuader en effet que toute négation étant partielle ne peut jamais faire que ce qui a été n'ait été et ne reste d'une certaine façon notre présent. On ne fait jamais qu'ajouter de nouvelles possibilités aux anciennes. Peindre notre avenir aux couleurs de nos rêves est aussi absurde que les visions cauchemardesques et si des révolutions sont encore bien nécessaires ce n'est pas pour achever l'histoire par la victoire contre le mal et la réconciliation des coeurs. Non, le futur ne sera pas homogène, ce sera un futur pluriel aussi bien pour les systèmes de production que pour les modes de vie, les idéologies ou les religions.

Reconnaître la division de la société tout comme la division du sujet semble bien notre tâche historique, tâche qui peut avoir l'air insurmontable mais qui est pourtant un préalable indispensable, on le voit bien, à sortir la gauche de l'impuissance et de l'éclatement, écartelée entre un idéalisme débridé et un simple réalisme gestionnaire à courte vue. Il faut revenir encore une fois à Hegel pour critiquer ce que la fin de l'histoire marxiste pouvait avoir gardé de religieux.

"Nous n'avons donc affaire, quand nous parcourons le passé quelqu'en soit l'étendue qu'à de l'actuel; car la philosophie en tant que se préoccupant du vrai, n'a affaire qu'à de l'éternellement actuel. Pour elle rien n'est perdu dans le passé, car l'Idée est présente, l'Esprit immortel, c'est-à-dire qu'il n'est pas passé et qu'il n'est pas inexistant encore, mais il est maintenant essentiellement. C'est dire que la forme actuelle de l'esprit comprend en soi tous les degrés antérieurs". (Hegel Ph Histoire 66)

"C'est seulement après avoir abandonné l'espérance de supprimer l'être-étranger d'une façon extérieure que cette conscience se consacre à soi-même. Elle se consacre à son propre monde et à la présence, elle découvre le monde comme sa propriété et a fait ainsi le premier pas pour descendre du monde intellectuel". p306

"En elle et au sein de son immédiateté, l'esprit doit recommencer depuis le début aussi naïvement, extraire de cette figure sa propre grandeur comme si tout ce qui précède était perdu pour lui, et comme s'il n'avait rien appris de l'expérience des esprits précédents ; mais la récollection du souvenir les a conservés. Si donc cet esprit recommence depuis le début sa culture en paraissant partir seulement de soi, c'est cependant à un degré plus élevé qu'il commence". p312 Hegel, Phénoménologie de l'Esprit, Aubier

On peut tirer d'importantes conséquences de ces quelques indications de la fin de la Phénoménologie. D'abord, le fait que le savoir absolu et la fin de l'histoire, à l'opposé de l'accès à un homme nouveau libéré de toute aliénation, serait plutôt le renoncement à l'illusion de pouvoir faire table rase du passé et d'extirper le mal en nous. Les leçons de l'histoire devraient nous amener en effet à reconnaître la réalité de ce que nous sommes, non seulement la part lumineuse et l'aspiration à la justice mais aussi la part du négatif et nos propres fautes envers l'esprit qui devraient nous faire abandonner un jugement trop sévère envers les autres au profit du pardon réciproque et de la plus grande des tolérances. La "fin de l'histoire" ici, c'est la fin de l'illusion que l'histoire pourrait basculer dans une toute autre direction et nous dévoiler une vérité toute autre, c'est la fin des religions de la révélation historique comme de la conversion individuelle, tout simplement par le constat qu'on en sait déjà beaucoup sur nous, et ceci bien qu'on soit loin de tout savoir ! La fin de l'histoire, c'est finalement de comprendre l'histoire comme processus infini d'apprentissage et d'évolution. On pourrait dire que la fin de l'histoire c'est comprendre que l'histoire n'a pas de fin, de même que le savoir absolu, c'est de savoir que tout savoir est limité d'être savoir d'un sujet situé historiquement.

S'il y a paradoxe, à l'évidence, c'est seulement parce que le savoir s'égarait à se croire divin, passant d'une certitude à la certitude contraire, et que la dénégation de l'histoire nourrissait des visions prophétiques de solutions finales avec l'illusion qu'on pourrait devenir tout autre que nous sommes par l'achèvement des temps nous restituant notre nature perdue. Au fond les 2 siècles qui ont suivi la Révolution française auront expérimenté avec l'affrontement des idéologies exactement le contraire de ce que Hegel croyait pouvoir conclure de notre historicité enfin reconnue et de l'expérience de la Terreur qu'on n'a pu que répéter à ne pas vouloir en tirer les leçons. Il est effectivement paradoxal que Marx ait pu nourrir une nouvelle eschatologie dont la Révolution Culturelle s'est voulue la réalisation, catastrophique, notamment par erreur sur la prétendue culture bourgeoise qu'il faudrait rejeter comme si elle était dépourvue de toute dialectique et historicité de même qu'une culture prolétarienne supposée pouvoir être immédiate et infaillible.

Tout cela était déjà relativement connu mais on n'a pas porté assez d'attention jusqu'ici à l'indication que chacun doit refaire à chaque fois le chemin et que, donc, chacun y occupe une place différente où se rejouent les figures successives de l'esprit. Autrement dit, nous ne sommes pas contemporains mais chacun réglé sur sa propre horloge, chacun à une étape différente de la réflexion, toutes les positions morales étant occupées en même temps. On voit que la conscience de soi, d'être forcément individuelle puisque c'est l'homme qui pense, n'est pas la conscience de tous où s'arrêterait l'histoire dans une révélation définitive et immobile (on a un peu la même opposition qu'entre Thomas d'Aquin et les Averroistes). Cela montre à quel point la fin de l'histoire n'est pas vraiment un concept hégélien, ce n'est que l'interprétation qu'en a donné Kojève d'un dimanche de la vie plus proche de la fin de l'histoire marxiste, de même que "l'Etat universel et homogène" abolissant les classes sociales alors qu'il ne devrait sans doute pas être si homogène que ça, malgré l'unification marchande, puisque devant conserver tout le passé d'une part et devenant d'autre part de plus en plus individualisant. On oublie trop facilement à quel point la lecture que fait Kojève de Hegel est une lecture marxisante (et même stalinienne).

Il est extrêmement difficile de ne pas imaginer une humanité future entièrement bâtie sur le même moule, mais la vérité, c'est qu'on n'en a pas fini avec les diverses religions, ni avec les communistes, ni avec les fascistes, ni avec les libéraux, sans compter les écologistes qui vont prendre de plus en plus d'importance ! On ne peut croire qu'en 1945 De Gaulle aurait réussi à transformer tous les Français en résistants, ni que le déclin du Parti Communiste puisse suffire à faire disparaître tous ses petits apparatchiks. Conclusion : les staliniens sont toujours parmi nous, tout comme les collabos ou les petits nazillons, la démocratie sera toujours aussi difficile mais les justes ne disparaîtront pas non plus, ni les quelques résistants au prix de leur vie souvent, de leur carrière presque toujours. S'il y a bien diversification des parcours individuels, ce qui change, c'est uniquement la structuration en blocs et en territoires qui tend à s'estomper pour retrouver une diversité équivalente un peu partout. En ce sens, il y a bien homogénéisation au niveau mondial, mais pas sans un accroissement de la diversification interne (l'entropie égalise jusqu'au désordre maximum et non jusqu'à l'uniformité totale).

Même s'il ne faut pas l'exagérer, la tendance à l'homogénéisation ne fait pas de doute et notamment des modes de vie (surtout pour la génération du numérique). Il y a aussi le totalitarisme indéniable d'un capitalisme dont la force irrésistible est de proposer des marchandises moins chères et des salaires plus élevés. Croire pour autant que cette homogénéisation serait totale et qu'elle se ferait sans différenciations serait fort peu dialectique, on le voit au moins dans l'exacerbation des différences de richesses mais les luttes minoritaires revendiquent explicitement ce nouveau droit à la différence au nom de la défense de son identité ! Il n'y a pas que l'Un, il y a l'Autre aussi ! Ce à quoi on assiste est donc bien à la fois une homogénéisation globale, avec les mêmes aéroports et marchandises partout, en même temps qu'une différenciation interne irréversible et le relâchement des normes sociales. Cependant, comme pour tous les empires, il faut s'attendre à leur dislocation après une expansion qui paraît sans limites, avec notamment l'approfondissement de différences significatives entre les différents capitalismes (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Asie, Pays Arabes, Afrique), tout comme entre les alternatives sans doute qui ne pourront être les mêmes en Europe et en Amérique latine. Il ne suffit pas de prolonger les courbes jusqu'à l'infini sans tenir compte des points de retournement et des oppositions temporelles ou spatiales.

L'altermondialisme qui défend la diversité des territoires ne peut prétendre à l'uniformisation interne (l'unité du peuple contre le reste du monde). Il faut en finir avec la passion de l'unanimisme, passion mortifère et liberticide. La liberté c'est la diversité et beaucoup trop de mouvements de résistance semblent vouloir s'opposer à nos libertés. Il est bien sûr indispensable que les antilibéraux réagissent aux excès de liberté des riches qui retirent toute liberté aux pauvres, mais c'est bien la liberté effective qu'il faut défendre et dont on ne peut se passer, La conclusion qu'on devrait tirer de cette incontournable diversification des individus et de leurs valeurs, c'est surtout la nécessité d'une économie plurielle (un seul monde, plusieurs systèmes), de la pluralité des discours et, donc, d'une limite à l'économie marchande. Ce n'est pas une question nouvelle puisqu'elle motivait déjà la réforme de Solon ainsi que "la grande transformation" des années 1930 analysée par Karl Polanyi. Rien d'impossible, même s'il ne s'agit pas d'en rester là, ce qui veut dire qu'il nous faudrait viser non pas la fin du capitalisme dans un grand enfermement mais à la fois sa domestication et des alternatives locales à la globalisation marchande permettant de sortir progressivement de la société salariale en construisant une économie du développement humain et du travail autonome (à l'ère de l'information et de l'écologie).

Evidemment tout cela pourrait sembler fort peu révolutionnaire, et même prononcer la fin de toute révolution possible dès lors que le savoir absolu pourrait se résumer par le constat inévitable d'un réveil brutal : Dream is over ! On comprend la contestation "unanime" contre ce verdict d'une fin de l'histoire qui nous priverait de toute prise sur notre destin, mais, c'est un fait, le verdict de l'époque condamne avec insistance toute révolution qui prétendrait nous apporter le paradis, et tous les efforts pour se pincer afin de se persuader qu'on rêve encore n'y changeront rien. Aucune chance, donc, qu'une révolution ne soit jamais possible si l'on désignait ainsi le bouleversement de tout l'univers et l'harmonie retrouvée. Cela ne signifie pas pour autant qu'on n'aurait plus aucun besoin de révolutions, non seulement pour changer les institutions mais surtout pour réaffirmer le lien social et les fondements de la république. C'est ce qu'on peut appeler le moment Castoriadis d'unité sociale et de refondation auquel succède inévitablement le moment Lefort moins drôle et beaucoup plus long de la division sociale et du débat démocratique.

Rien à voir avec le romantisme révolutionnaire, d'autant que pour reconstituer un rapport de force suffisant on a besoin de thèmes fédérateurs bien éloignés des tous les extrémismes. Les groupuscules carnavalesques qui se prétendent révolutionnaires ne sont guère plus que les symptômes d'une situation instable et d'une jeunesse qui ne manque certes pas de raisons de se révolter et de réclamer sa part de l'héritage commun. Ce qui effraie dans ces violences, au-delà de leur caractère intimidant, c'est la prétention de parler pour tous. Lorsque Lacan disait aux étudiants de Vincennes, qu'en tant que révolutionnaires ils cherchaient un maître, je trouvais que c'était bien trop caricatural et pourtant, de fait, une contradiction de ces activistes, c'est bien qu'ils valorisent les forts contre les faibles (les plus révolutionnaires contre les timorés), reproduisant inévitablement les mécanismes de domination en leur sein, ce qui est occulté par la croyance à une sorte d'unanimité dont le dirigeant ne serait que le porte parole. La diversité est justement ce que ces petits groupes ne peuvent supporter même, et d'autant plus, à prétendre le contraire en croyant favoriser l'expression des différents pour en faire de soi-disant "désaccords féconds". Le moment Lefort, celui de la démocratie pluraliste, exige de tenir compte notamment de la division de la société entre gauche et droite, d'oppositions irréversibles entre lesquelles il faut composer, de séparations entre les différents discours, de conflits d'intérêts et de valeurs, de pluralité des fins légitimes enfin.

Les révolutions ne viennent pas de l'exaltation de la jeunesse, même si elle y occupe souvent le premier rôle, mais de raisons matérielles profondes et de l'implication d'une partie significative de la population dans sa pluralité y compris politique, y compris une partie de la classe dirigeante (voir les phénomènes révolutionnaires). Même si les extrémistes qui s'expriment sur internet le font parce qu'ils s'imaginent qu'ils sont majoritaires, il devrait pourtant être impossible désormais de nourrir le mythe d'une volonté générale dès lors que la population a de plus en plus la parole sans qu'on en soit beaucoup plus avancé pour autant. Il n'y a pas de sujet de la révolution, c'est un sujet qui se constitue dans la révolution elle-même, en acte, révolution qui ne peut être permanente (cyclique plutôt) et doit déboucher sur son institutionnalisation, de nouvelles institutions pour augmenter nos libertés et nos pluralités de choix, jusqu'à devoir de nouveau réaffirmer notre unité. Le véritable sujet de la révolution, c'est sa nécessité matérielle qui se traduit souvent par une menace vitale. Cependant, si les révolutions doivent revenir périodiquement, elles ne peuvent plus constituer un point terminal, seulement une nouvelle phase de notre aventure collective, avec ses contradictions et ses errements. Plus besoin pour cela d'exiger que tout le monde soit pareil et conforme à notre idéal ! On voit tous les malentendus qu'il faudrait lever sur les causes et l'objet d'une révolution dont il n'y a encore aucune prémice pour l'instant mais que l'aggravation de la situation pourrait précipiter à condition que des réponses soient disponibles d'avoir été largement élaborées avant, plutôt que s'imaginer que tout se réglera tout seul dans le feu de l'action.

Tout est dans l'alternative qu'on propose et l'on peut bien s'énerver qu'on nous oppose qu'il n'y a pas d'alternative, c'est à nous de prouver le contraire sans attendre qu'un miracle se produise par je ne sais quelle émergence de l'intelligence des foules qui ont plutôt fait la preuve de leur folie constitutive. On ne peut dire qu'il ne pourrait rien naître de la pure destruction, ça c'est déjà vu pas mal de fois dans l'histoire mais en général ce qui suivait était plutôt pire. Bien sûr, tout le monde comprend l'envie de tout foutre en l'air, colère biologique ou négation purement verbale mais cette pathologie du langage est bien trompeuse car, répétons-le, toute négation est toujours partielle, c'est le secret de la dialectique et de l'évolution. La raison la plus fondamentale pour laquelle il ne peut pas y avoir une révolution qui change tout, c'est parce que nous devons construire sur les révolutions du passé pour essayer d'aller un peu plus loin. Il ne s'agit pas de revenir à une simplicité première, une nature originaire, mais il s'agit, au contraire, d'une complexification et, pour cela, on ne peut se permettre de tout envoyer promener alors qu'il faut construire sur l'existant. Le pas suivant s'appuie sur le pas précédent. Il s'agit plutôt d'ajouter de nouvelles possibilités que d'en supprimer, et donc, ce qui compte, c'est le projet qu'on défend plus que la force avec laquelle on le défend ou qu'on oppose à l'ordre établi.

Evidemment, on peut dire que les crises prouvent le contraire avec leurs "destructions créatrices" (Schumpeter), et si on n'abat pas l'ancien système, on peut être accusé de le soutenir, voire d'en reculer la fin (ce qui est très optimiste!) mais le jeu n'est pas si unilatéral. Certes, la contestation du système le renforce de le perfectionner (tout comme les crises) mais c'est la même chose pour la droite qui institutionnalise et consolide les revendications de gauche qu'elle veut contenir. De toutes façons, on n'a pas le choix car il n'y a aucun moyen d'abattre un système qui n'est pas centralisé mais qui est basé sur des acteurs autonomes (ce n'est pas un état naturel mais plus proche d'un état de guerre). Comment fera-t-on ? En supprimant l'argent ? et l'or ? Impossible, surtout au niveau mondial ! La seule solution est de se retirer du jeu, de se fermer au marché et de se couper du monde, ce qui peut vouloir dire ne plus pouvoir sortir de son trou, et cela sans empêcher le capitalisme de prospérer partout ailleurs. En fait, des monnaies locales permettent de se soustraire à la pression du marché sans ces inconvénients mais cela implique d'accepter de rester une société ouverte dans une planète limitée, ce qui comporte d'autres inconvénients qu'il faudra traiter car avouer qu'on ne supprimera pas le capitalisme de la surface de la terre pose de très nombreux problèmes, tout comme les menaces bien réelles de technologies devenues trop puissantes. Ne plus rêver de s'en débarrasser nous oblige à nous en préoccuper réellement. Aucun assaut contre le vieux monde, aucun raisonnement aussi hardi soit-il, ne supprimera la menace nucléaire ni la menace biologique. Quel pouvoir souverain pourrait bannir une technologie de par toute la terre jusque dans les grottes de pays inaccessibles ou dans les cuisines de biologistes fous ? Il vaut mieux le savoir pour s'en défendre comme on peut.

Tout cela n'a absolument rien d'optimiste ! Pas de bonne nouvelle pour les foules béates, encore moins de lutte finale, juste le besoin d'un sursaut citoyen et de nouvelles institutions, d'une refondation démocratique et d'alternatives locales, mais à ce pluriel du futur, il faudra appliquer une stratégie plurielle de convergence des luttes puisqu'on a besoin à la fois de réduire les inégalités, d'améliorer les protections sociales, de réguler le capitalisme, d'écologiser ses produits et de construire des alternatives locales. Il faudrait apprendre à s'ajouter plutôt que se diviser, c'est vital. On doit s'attendre au pire, en effet, avec les chocs successifs économique, monétaire, écologique, géopolitique, technologique, démographique, il faudra se battre sur tous les fronts à la fois. Bien normal que chacun cherche à y répondre par une solution unique (opposée avec mépris à d'autres solutions uniques) mais c'est ce qui ne se peut. On ne peut ni convertir le monde entier à nos croyances ou nos chimères, ni passer immédiatement à un nouveau système de production parfaitement ajusté. Malgré son productivisme insoutenable, non seulement le capitalisme ne va pas disparaître mais, paradoxalement, c'est l'écologie qui risque sans doute de le relancer avec le passage aux énergies renouvelables ou les économies d'énergie, ce qui rend d'autant plus indispensable sa régulation. Refuser aussi bien la régulation du capitalisme que le capitalisme vert est irresponsable mais surtout complètement vain ! Ce n'est pas une raison pour ne pas défendre une autre conception de l'écologie ni pour se soumettre à la loi du profit mais savoir qu'il faudra cohabiter et composer avec, au moins pour quelques décennies...

Il y aurait besoin d'un changement complet d'attitude avec l'époque précédente et les habitudes présentes, mais admettre que le futur puisse être pluriel est un véritable changement de paradigme, impossible à beaucoup et qui demandera du temps. L'alternative ne peut se réduire pourtant aux petits cercles de militants fanatisés mais doit s'ouvrir à tous et à la pluralité des modes de vie ou des religions, ce pourquoi le niveau communal semble le plus approprié même si ce n'est pas le seul, pour une écologie municipale et une démocratie de face à face avec tous les problèmes que cela pose. C'est dans ce cadre pluriel qu'il faudra préserver son habitation du territoire, améliorer nos conditions de vie et organiser à tous les niveaux, par tous les moyens à notre disposition, la décroissance des consommations matérielles et l'abandon des hydrocarbures. C'est dans ce cadre du passage de l'ère de l'énergie à l'ère de l'information qu'il faudra construire des alternatives locales avec toutes les institutions du développement humain et du travail autonome, permettant de sortir du salariat en abolissant la séparation du travail et de la vie comme de la production et de la consommation. Il y a différentes temporalités qu'il ne faut pas confondre, celle d'une révolution démocratique pour réaffirmer nos solidarités sociales, s'adapter aux nouvelles forces productives et permettre la sortie du productivisme, et puis celle de la construction de l'alternative qui prendra beaucoup plus de temps. En tout cas, même si rien ne l'annonce encore vraiment et que cela ne correspond guère aux rêves des révolutionnaires, une révolution de nos institutions reste absolument nécessaire qui ne se fera pas toute seule face aux profiteurs du système et devra pouvoir réussir pratiquement, en se prouvant véritablement durable.

2 724 vues

64 réflexions au sujet de “Le pluriel du futur”

  1. Monsieur Jean Zin,

    Vous dites qu'il ne s'agit pas de «tout recommencer», mais bien de prendre en compte «toute notre expérience passée». Il n'y a cependant aucune contradiction entre ces deux aspects, et nous pouvons très bien tout recommencer, en synthétisant pleinement tout le passé, sans l'oublier, mais s'en s'y attacher quand tant superficiel, limité, et généralement problématique, ce qui s'apparente généralement à une peur de la remise en cause et des changements globaux majeurs. Les problèmes sont massifs et partout. Leurs solutions sont massives et changeront beaucoup, des fondements au quotidien.

    Vous dites que nous en savons déjà beaucoup. Qu'elle est la cause des problèmes actuels? Qu'est-ce que le bonheur? Qu'est-ce que l'amour? Qu'est-ce que la société? Qu'est-ce que l'épanouissement? Qu'est-ce qu'être, qu'exister, et que vivre?

    Les solutions ne sont pas si loin que cela, mais c'est bien la peur de la remise en cause et des changements globaux majeurs qui nous bloquent, dans la finalisation, au moins certes sur les fondements, les principales idées, et de nombreuses idées, sur lesquelles on peut, bien évidemment, très pleinement conclure.

    Vous dite que «l'uniformisation» s'oppose à la liberté dans la diversité. Mais il n'y a pas non plus la moindre contradiction entre les deux, quand on considère bien «l'uniformité» comme le cadre de raison pure, absolue, et la diversité comme son application quotidienne, individuelle, dans l'expérience développée de la vie.

    Vous parlez des révolution comme d'un cycle. C'est cependant assez propre à cette société humaine actuelle, et le problème est bien de l'analyser profondément, pour découvrir les causes de ces «arrêts dans leur élan», puisqu'il ne s'agit bien que de cela. Les réactions de blocage et de rejet, de par la peur de la remise en cause et du changement, qui mènent à la prostration complète, et à «revenir» régulièrement à pire encore. Et bien évidemment, le fond de la «révolution» elle-même, ce qu'elle sait, ses possibles erreurs, ses possibles incertitudes, et ses méthodes d'application.

    Vous associez ainsi les changements globaux majeurs, aux «révolutionnaires qui pensent que tout se réglera tout seul dans le feu de l'action». Il n'y a cependant aucun lien entre les deux, ce que vous reconnaissez pourtant bien. Mais vous abandonnez quand même les changements globaux majeurs, au lieu simplement de dépasser les «révolutionnaires», dans des changements encore plus globaux et encore plus majeurs, développés massivement, sur une période de transition focalisée mondiale de plusieurs décennies. Un projet cependant certes bien à peu près complètement inconnu actuellement sur Terre, mais par la même logique, il ne s'agit pas de bloquer sur ce projet, mais bien de le rechercher, de le découvrir, et de le présenter enfin.

    Vous dites qu'on ne peut pas «abattre un système qui n'est pas centralisé mais qui est basé sur des acteurs autonomes». Cependant, ces acteurs ne sont pas autonomes, mais bien très hétéronomes. Plus encore, ils sont prostrés dans la terreur, dans l'insécurité, dans l'instabilité, dans l'incertitude, et crèvent tous d'un «mieux», hystériques à l'idée d'un quelconque épanouissement. Et c'est alors qu'on se rend compte qu'il n'y a tout simplement aucun système, mais simplement des individus qui recherchent frénétiquement la paix enfin, dans le désordre le plus complet, au milieu des préjugés, des tabous, et des ignorances, du stress, de l'oppression, de la frustration, et de la fatigue. Il n'y a rien à abattre, il n'y a qu'à construire enfin. Il y a à rassurer, pour ceux qui ont pu dépasser plus ou moins les premiers blocages de la prostration, et à avancer et diffuser massivement, pour que chacun puisse enfin construire lui-même, à commencer par se construire et s'approprier soi-même, tout en construisant ensemble la société, maintenant que nous pouvant enfin ordonner, de manière équilibrée, nos pensées et nos idées, jusqu'à l'idéal absolu.

    Vous dites qu'on ne peut «supprimer les menaces des terroristes et des fous». On peut pourtant bien comprendre pleinement les causes, et simplement les résoudre, ou au moins grandement les éviter et les limiter, rapidement, complètement, et définitivement. En l'occurrence, les principales causes sont la peur de la remise en cause et du viol de l'intimité, et la recherche basique de découverte et de contrôle du matériel et des mécanismes, et selon les cas la peur de la mort. Tout cela au milieu de tous les autres problèmes de la société actuelle.

    Vous parlez des problèmes des «solutions uniques». Or toute solution complète est par définition, unique. Elle peut être composée, il peut y avoir divers chemins, qu'on peut bien tous emprunter en même temps, mais la solution elle-même est unique. Le problème actuel n'est pas les «solutions uniques», mais bien les solutions limitées et superficielles, incomplètes, erronées, et encore pleines de préjugés, de tabous, d'ignorances, de blocages, de rejets, d'autocensure, de peurs diverses et inconscientes, etc.

    Vous dites qu'on «ne peut passer immédiatement à un nouveau système de production parfaitement ajusté». Tout d'abord, on peut y avoir une contradiction, alors que vous «niez» l'idéal absolu. Ensuite, vous parlez de «système de production», mais il peut être très simple et ouvert, dans le cadre, et c'est bien le plus important, d'une société et d'individus libres. Il s'agit ainsi bien de réfléchir à la globalité, au lieu de se concentrer sur le «système de production», sans même savoir ce qu'on veut en faire, puisqu'on ne sait même pas ce qu'est l'épanouissement, ce qui peut d'ailleurs facilement nous empêcher de développer un quelconque «système de production» vraiment équilibré, tranquille, et positif.

    Vous parlez de «futur pluriel» comme d'une addition. Cependant, c'est bien le manque de compréhension de l'unique absolu, qui pousse actuellement à tant de folie systématique, avec tant de préjugés, de tabous, et d'ignorances. La «spécialisation» qui nous coupe de la globalité, qui nous coupe des fondements, qui nous coupe et nous isole encore davantage, alors qu'on recherche bien frénétiquement cette «spécialisation», pour essayer de se protéger de la solitude face à la vision globale si terrible de la société actuelle. Dans l'inconscience, tous les conflits entre tous ces «groupes» généralement très superficiels et limités, pour s'accrocher au peu qu'il nous reste, tout en fuyant toujours davantage une quelconque globalité, une quelconque conscience globale.

    C'est quand on accepte la globalité de la société actuelle, qu'on peut voir et comprendre pleinement les causes, les effets, et les conséquences de tous les problèmes, dans toutes leurs interdépendances. Puisque le problème est bien ici. Vous parlez de diversité, mais ce que vous connaissez de la diversité, est encore limité par la société actuelle, et dans la société actuelle, il est très rare que cette diversité ne soit pas elle-même très limitée et superficielle, basée sur de très nombreux préjugés, tabous, ignorances, et peurs.

    Il ne s'agit pas de chercher à «préserver» la diversité actuelle. Il s'agit de la réfléchir, de la raisonner, de l'analyser, pour résoudre tous les problèmes, et ainsi, non pas, aucunement, se limiter, mais bien découvrir une diversité infiniment plus pure, infiniment plus vaste, infiniment plus libre, infiniment plus lumineuse.

    Et cette diversité, l'idéal, est bien profondément fondée sur l'absolu, et tout cela est par définition strictement unique.

    Monsieur Jean Zin, vous avez peur de remettre en cause «les modes de vie et les religions» actuels. Vous avez peur d'être accusé, d'être menacé, d'être attaqué. Surtout, vous cherchez à vous protéger de vos abandons, en cherchant à les «justifier». La véritable justification est cependant bien plus simple: la démotivation, le découragement, la démoralisation, le fatalisme, le défaitisme, face à tous nos problèmes, face à tout le stress, à toute l'oppression, à toute la frustration, à toute la fatigue, dans la société actuelle. La prostration face aux problèmes qui semblent si massifs et insurmontables, la procrastination, l'indécision, puis l'apathie, enfin, dans la négation de la vie, dans la négation de l'existence, jusqu'à la négation de l'être même. Il s'agit bien entendu d'un problème très global, puisqu'il touche à peu près tout le monde sur Terre, tout au long de notre vie, de la naissance à la mort, depuis des millénaires et des millénaires.

    Monsieur Jean Zin, vous parlez des «rêves des révolutionnaires». Qu'en est-il vraiment de la réalité du monde? La cherchez-vous encore?

    Acceptez-vous d'en discuter?

  2. Ah, les gens sont formidables qui vous regardent avec cet air compassé qui se voudrait amical et vous traitent de poltron ayant peur du changement, et qui en plus prennent leur voix doucereuse pour vous susurrer : "on peut en discuter si vous voulez!". On voit ça aussi bien chez les curés, les psychologues ou dans les sectes qu'avec le management du changement dans les grandes entreprises, et donc aussi chez quelques révolutionnaires qui ont reçu la grâce et qui, malgré leur ignorance abyssale, pensent qu'ils détiennent la vérité. Malheureusement ils sont plusieurs à ne pas défendre la même !

    Il ne s'agit pas de moi mais des arguments que je donne, et de l'impossibilité d'abattre un capitalisme mondial (ce qui n'empêche pas de construire des alternatives). Il ne s'agit pas de mon supposé découragement mais de l'absence réel de perspectives. C'est d'ailleurs ce que je remets en cause principalement, cet air béat de convertis que devraient prendre les révolutionnaires comme si tout dépendait de notre bonne volonté ! Moi je ne me prends pas pour un révolutionnaire, encore moins pour un modèle, je crois seulement que les révolutions sont nécessaires périodiquement. Sinon j'ai renoncé à tout depuis longtemps en vivant en ermite dans une nature magnifique mais assez dure tout de même et ne demande à personne d'en faire autant mais si j'ai été moi aussi un petit jeune plein d'illusions, il n'y a rien de glorieux à vouloir s'obstiner à refaire toujours les mêmes erreurs, "depuis des millénaires et des millénaires" qu'on prétend tout changer et que la foi est supposée déplacer les montagnes. Mieux vaut renoncer à ses fantasmes de toute-puissance infantile.

    Je n'ai absolument aucune peur de remettre en cause des religions que j'exècre, je constate simplement qu'on ne s'en débarrasse pas si facilement et tiens compte des leçons de l'histoire. Je suis certainement dans le déclin de l'âge plus que dans la poussée vitale mais s'il y a bien une chose à laquelle je n'ai pas renoncé, c'est à dire ce que je pense, au "courage de la vérité" et à l'expression du négatif sans me laisser impressionner par aucune intimidation mais je parle à partir de propositions concrètes pas de spéculations fumeuses.

    En tout cas, il y a déjà quelque temps que je ne cherche plus, je trouve...

  3. Un problème sérieux, c'est que tout exposé s'expose à être déconstruit par celui qui le lit. Par exemple quelqu'un dira  «quel prétentieux! », désinterprétant ainsi la conclusion de votre réponse à M.( «  En tout cas,il y a déjà quelques temps que je ne cherche plus, je trouve... ») Un autre pensera que vous reconnaitriez ainsi «  il y a déjà quelques temps, je trouve, que je ne cherche plus  en tout cas». Et quant à moi il ne me déplais pas que M.,votre réponse, il l'avait bien cherchée! Il vous a trouvé!
    Chercher, c'est tourner autour, aller et venir, avec des présupposés, un dessein, C'est espérer que les choses collent avec mon dessein, décisif ou indécis. Que le texte soit en accord avec le prétexte. « Cherche, cherche » dit le chasseur à son chien.
    Trouver, c'est rencontrer, et réagir dans cette rencontre avec le réel.Trouver c'est une réponse possible, inattendue à ma tentative de rencontrer la texture des choses à partir de ce qu'elles semblent être elles-mêmes. Sans prétexte ni de ma part , ni de la part du monde .« Eureka, j'ai trouvé »: espérance du savant, et du philosophe. Ou de l'artiste, du moins s'il envisage encore de faire lien avec le monde par la médiation d'une oeuvre, Comme lorsque Malévitch voyait dans le bateau une prothèse entre l'homme et la mer : « La rencontre de deux éléments naturels, de l'homme et de la mer, produit une réaction qui crée entre eux un nouvel organisme, une barque ou un bateau » Le bateau se trouve sans qu'on l'ai cherché à partir de quelque idéal platonique.
    Oui, n'ayons pas peur ...des mots. Le sens se peut trouver, et aussi se perdre.

  4. J'espère bien que les lecteurs déconstruisent ce que je dis ne prétendant à aucune autorité et je serais très content de voir surgir une idée nouvelle, ce qui n'arrive jamais malheureusement, que du très vieux.

    C'était évidemment une provocation de reprendre la formule de Picasso "je ne cherche pas je trouve", j'ai d'ailleurs failli rajouter "hélas", car ce qu'on trouve n'est pas ce qu'on cherche (en amour comme en physique) ! Je l'ai dit malgré tout parce que c'est vrai. Il y a eu toute une période, des années 1995 à 2005 surtout (même si ça a commencé avant) où je cherchais vraiment, notamment quel pourrait être l'introuvable alternative écologiste, en lisant énormément sur tous les sujets. Le passage au blog a coïncidé à peu près avec le moment où j'ai commencé à écrire plus qu'à lire et à répondre à des sollicitations de plus en plus nombreuses qui ne laissaient plus guère de temps à la recherche (il m'est devenu presque impossible de passer tout un mois à lire un gros livre de philo pour l'analyser en détail).

    Donc voilà, ce n'est pas si impertinent de dire que je ne cherche plus tellement parce que ce que je trouve n'est pas tellement reluisant. Si j'avais une bonne nouvelle à enseigner aux foules, j'occuperais toutes les tribunes, mais je ne promets que du sang et des larmes, des erreurs et des incertitudes immenses, autant rester chez soi. J'espère bien avoir tort et quand j'écris, je cherche le meilleur malgré tout, je tourne autour de nos aspirations, mais je trouve plutôt le pire ! Au milieu de ces sombres perspectives, il reste à espérer trouver le kairos, le moment opportun qui permettra d'éviter le pire justement en tirant parti d'une faille ou d'une configuration favorable, bifurcation qui n'est pas de l'ordre de la révélation mais de la fin de l'analyse comme guérison de la guérison (l'illumination c'est de comprendre qu'il n'y a pas d'illumination), d'attention au réel et d'expression du négatif (pour y remédier).

    Il y a aussi les bonnes rencontres et des trouvailles inespérées, ce sont quand même les exceptions, on ne peut dire qu'on baigne dans l'émerveillement et plutôt dans la désillusion (on est fait pour se cogner au réel comme une balle de ping pong, seule façon de l'explorer) mais allez dire cela à un amoureux...

    (Et pourquoi donc changer d'identité ?)

  5. Je trouve surtout que tous ces délires philosophiques, ces milliers de fantaisies constructivistes, de solutions à n'en plus finir, de trouvailles redécouvertes, etc., sont de simples délires solitaires d'esprits tout aussi désespérés que les autres. Et puis je n'aime pas les philosophe par profession, je leur préfère encore ces "groupuscule" un tantinet larmoyant dans leurs illusions déchues, mais qui ont au moins le mérite de tremper leur philosophie simpliste au contact de la réalité. J'ai fini par voir dans la philosophie un passe-temps comme un autre ( au même titre que la science, qui est toute entière une activité de substitution).

    Par contre votre Hegel à toutes les sauces commence à ennuyer. On dirait un disciple qui récite son bréviaire en s'appuyant sur le maître.

  6. Euh il y a un problème, la photo ce n'est pas moi. Elle est sans doute liée à mon prénom, je dois avoir le même que cette personne. Si vous n'utilisez pas un système de mot de passe / identifiant...

  7. J'ai supprimé l'ancien Mathias, ce n'est pas moi qui contrôle ce petit plugin assez merdique mais il n'y en a pas d'autre et je trouve que ça humanise un peu. Il faudra sans doute que j'y renonce mais si on veut changer la photo, il suffit de prendre une photo et de mettre son pseudo pour qu'elle apparaisse (toujours la dernière photo).

    Je suis bien conscient de ce que Hegel peut avoir de terriblement ennuyeux, c'est même pour cela que j'ai classé le billet en philosophie, pour faire fuir le chaland, mais ce n'est pas pour cela que je vais arrêter d'y puiser, même si je ne suis pas du tout un disciple, pas plus que de quiconque d'autre, car beaucoup vient de là et il est nécessaire que notre époque redevienne hégélienne pour le dépasser. Que tous ceux, innombrables, qui trouvent cela ennuyeux aillent donc voir ailleurs... L'idée que la pluralité venait du fait qu'on n'était pas aussi contemporains qu'on le croyait n'ayant pas le même âge ni les mêmes connaissances m'a paru intéressante pour réfuter l'unanimisme et la conception marxiste de la fin de l'histoire. Ce ne sont pas seulement des débats d'intellectuels mais comporte des conséquences pratiques.

  8. vous dites que nous sommes pour la plus part très différent , c'est sans doute vrai , incarnant tour à tour des figures succéssives de l'esprit . chacun devant refaire pour lui le chemin qui est décrit dans la phénomènologie de l'esprit.

    vous me disiez dans une lettre qu'on pouvait très bien se passer d'université ( voir d'éducation nationale ) . je n'y vois pas tellement d'objections. n'empèche si c'est le désir d'aprendre qui est fondamentale et que ce luxe est devenu bien rare aujourd'hui alors pourquoi je pas envisager la nécessiter d'un certain service publique de l'éducaution de la formation et de la recherche qui fasse ce travail de réanimation psychique et d'accompagnement pour chacun dans la progression dans la trame dialectique que hegel décrit ?

    est ce que ce n'est pas finalement ça être laïc ? prendre en compte cette diversité .
  9. Je ne crois pas qu'on puisse se passer d'université (même si je n'ai fait qu'y passer et que je me suis formé ailleurs), simplement je ne crois pas avoir le pouvoir de transformer l'université ni que la pensée critique ait vraiment sa place à l'université (qui marche au conformisme). L'expérience de Vincennes a montré que ça ne va pas loin la révolution culturelle à l'université.

    La pensée critique me semble être inévitablement une aventure solitaire. On croit généralement que la pensée critique est une affaire communautaire mais c'est plutôt sa transformation en pensée de groupe. Il sera toujours aussi difficile de prendre le risque de penser différemment des autres et de ce qui nous relie à eux, le risque étant celui de l'erreur en plus de celui de la rupture. On ne forme pas une pensée critique, elle se forme toute seule (avec les autres), de même qu'on ne forme pas à la créativité.

    Finalement, je parle sans doute trop de Hegel car il n'est pas du tout dans mes intentions de faire refaire à qui que ce soit le chemin de croix de la Phénoménologie, je me contente de le donner à lire ! Je ne veux être ni un guide, ni un éducateur, n'ayant aucun titre à rien, rien à vendre, pouvant juste rendre certains textes accessibles, témoigner de mon parcours, de ce que j'ai appris et pouvant juste essayer de répondre comme je peux aux questions qu'on me pose, apporter ma pierre à quelque projet collectif, trop attaché à ma liberté de penser pour devenir une autorité ! Si je peux être tenté par l'enseignement ou la transmission, c'est plutôt à titre privé, comme un défi à tenter pour moi si cela en intéresse quelques uns. Pour le public, je me contente de la fonction critique.

    La laïcité, c'est l'aveu qu'on se trompe tous (guerre des religions où aucune n'est vraie), comme la diversité est l'aveu qu'on n'a aucun accès direct à l'être, il n'y a pas de garant de la vérité, chacun pris dans sa propre histoire et ses retournements dialectiques. La poly-tique commence avec la reconnaissance de cette diversité que Lukàcs attribue avec raison au langage et l'arbitraire du signe détachant l'histoire de l'évolution génétique.

  10. " On ne forme pas une pensée critique, elle se forme toute seule (avec les autres), de même qu'on ne forme pas à la créativité."

    Je ne saurais mieux dire. Plus précisément, la pensée critique s'exprime de façon charnelle, donc avec les autres. La créativité est très charnelle quelques qu'en soit soient ses résumés cognitifs et théoriciens qui occultent les obscurités et les éclairs de la chair. On produit à partir de la boue, en toute obscénité.

  11. Commentaire sur «  on ne forme pas à la créativité »
    Il faudrait préciser ce qu'on entend par créativité. D'abord dire qu'il n'y a aucune commune mesure entre le «  créatif » ( habile aux performances rhétoriques, manipulatrices du chaland comme du nonchalant) et le créateur ( à qui il chaut d'exister par la médiation de l'objet de son activité). Ainsi Jean Zin n'est pas créatif, à indiquer inlassablement une voie de traverse dont il reconnait qu'il ne l'a pas inventée, etc...Mais il est créateur, en tant que présent-absent dont on perçoit la chair ( son caractère par exemple) dans l'obstination d'écrits qui, pour le moins qu'on puisse dire, constituent un média résistant au « bon sens » dominant. Et qui interpellent la conscience.
    Ma vie active passée( enseignement artistique) me donne une petite autorité pour confirmer qu'à prétendre former difficilement des créateurs, on produit facilement des créatifs. Développer l'aptitude à déplacer, transférer, condenser, transposer, des formes qui se trouvent « ici » pour les essayer « là-bas » , ou « autrement », fusse en contre-façon ou à contre-sens, c'est bien cultiver en chaque apprenant l'aptitude à s'approprier de manière autonome une capacité à créer, propre à l'espèce. Et il est vrai que du négatif de la paroi rocheuse ( ses failles) constitue le positif de l'alpiniste ( ses prises) Mais, comme dit Olaf, cette expérience de la paroi, c'est « charnel ». Et on ne devient pas grimpeur grâce à un catalogue des figures de rhétorique, même revisitées avec Photoshop. La créativité ne conduit qu'à du spectacle,du discours par phrases ou par icones.
    L'intervention de Brunet pose le problème : créativité et université ( formation, éducation). Toute institution éducative traditionnelle postule que l'apprentissage d'une discipline est réussi lorsque l'élève ou l'étudiant respecterait « l'ordre qui convient »à telle ou telle activité . On voit bientôt l'intérêt, d'abord pour faire prendre conscience de la nécessité des conventions, d'activités créatives qui les transgressent,qui les fragilisent pour les éprouver, et aussi qui les révèlent comme relatives, plus ou moins arbitraires , donc susceptibles d'évolution, La finalité serait alors de faire prendre conscience de «  l'arbitraire du signe ». Soit une révolution!

    Quand nous proposions cela dans le système éducatif contemporain, c'était perçu comme fauteur de désordre, dangereux, car contraire au « bon sens » qui n'est rien d'autre que l'ensemble des postures et usages les plus consensuels d'un groupe homogène. Le sens qui convient dans les différentes domaines de connaissance, ce n'est pas sans rapport avec le sens convenu en général, chargé d'histoire . Ce qui nous ramène aux citations de Hegel transcrites dans le billet de Jean, comme : « la forme actuelle de l'esprit comprend tous les moments antérieurs ».

    C'est dur en effet que Jean ne renonce pas à nous opposer Hegel comme ancêtre incontournable. Merci Jean.

  12. Qu'il soit bien clair que je ne prétends pas qu'un créateur n'aurait pas besoin d'être formé, ne serait-ce que du fait qu'à ne pas connaître l'histoire on ne fait que reproduire le passé, ce qui n'a rien de créatif. Non, je crois simplement que le créateur saura se former avec cet enseignement, en tirer parti pour travailler ses propres questions, mais que ce n'est pas la formation qui en fera un créateur car c'est une question de désir, de faille intime, voire de folie. L'enseignement doit être à disposition de tous et favoriser l'autonomie, il ne peut faire d'un chat un chien.

    Dans la création il y a le coup de génie qui relie ce qui était dispersé et le fait apparaître dans sa simplicité mais, de plus en plus, je crois que la véritable question est celle de la dissidence, de prendre le risque de la rupture. Ce coup de folie est celui de Newton ou d'Einstein, c'est celui de la plupart des artistes qui viennent de la marginalité. Il est très dur de penser contre les autres. De quoi faire éclater un groupe (comme le GRIT). De quoi décourager la pensée.

    On voit ce qu'on se prend quand on sort des clous, on se fait traiter de pleutre, de faiblesse de la cervelle, de traître. Le difficile pourtant est justement de contredire ses amis sans passer à l'ennemi. Plus souvent encore, ce qui n'est pas conforme est purement et simplement ignoré. On ne se rend pas compte à quel point ce sont toujours les mêmes discours qu'on répète en boucle comme pour s'en réassurer. Il faut donc être un peu fêlé pour oser innover en quoi que ce soit, et pas trop pour que ce ne soit pas n'importe quoi ! Sur ce plan, d'ailleurs, le rôle des drogues dans la créativité ne peut être ignorée.

    La plupart des grands créateurs passent par une phase d'incompréhension plus ou moins longue. Enseigner la créativité serait donc enseigner à suivre sa voie en dépit de la réprobation unanime, ce qui serait enseigner la folie. Impossible. La création dépendra toujours de la conjonction improbable d'un grain de folie obstinée avec beaucoup de travail et de raison.

    C'est un peu la même erreur que les critiques de l'aliénation qui croient qu'il y a un être authentique originaire, cet être sociable est supposé être créatif, autonome et en harmonie avec son milieu alors que tout cela est contradictoire. Il ne suffit pas d'une bonne éducation pour produire toutes les qualités possibles. C'est un peu plus compliqué, un peu plus psychanalytique...

  13. oui c'est très éclairant ce que tu dis jean .

    devenir créatif est sans doute très improbable , voilà pourquoi il y en a finalement si peu qui arrivent à tenir les 2 bouts . alors que beaucoup s'en réclame .

    passer par la marge , avec le meilleur mais aussi le pire , me semble un peu incontournable , même si la trajectoire se fait souvent critique et peu déboucher sur de véritables catastrophes la plus part du temps . le squat est très formateur , mais le harcelement avec les flics peu aussi déboucher sur la névrose traumatique . de même pour les drogues qui sont un chemin au mille pièges comme l'odysée d'ulysse .

    c'est vrai qu'il est difficil d'envoyer les gens à l'abbatoir. d'où peu être la nécessité d'une initiation qui balise un peu le terrain, donne une cartographie , signale les périls . cela n'empêchera pas qu'il y ai beaucoup de casse d'autant plus que bien souvent on ne choisit pas ceux qui veulent nous suivre . à l'inverse du chamanisme ( à ce que j'en sais) .

    mais si il y a des gens qui ne veulent surtout pas en entendre parler , il y en a d'autre qui n'ont pas d'autres choix que d'en passer par là . c'est pour ceux là qu'il faut se battre sans doute . question de santé ( publique). moi je vois bien la psychiatrie psychanalytique faire ce genre de boulot . mais pas seulement : le révolutionnaire , l'artiste , tous les singuliers en fait .

    si l'avenir est pluriel , pourquoi ne pas envisager aussi cette stratégie pour tous les détraqués et tous les atypiques ?

  14. je reviens quand même sur cette histoire de dissidence :je ne suis pas sûr qu'il ne soit pas possible de transmettre l'esprit de dissidence avec tout ce qu'on a pu dire sur la psychologie des groupes et la dynamique des groupes restreint ( max pagès). et dont un tas d'exemples qui abondent dans la littérature ( comme le cas de debord). l'option de la dissidence comme menace qui garanti que le groupe ne se referme pas sur lui même .... pour essayer de transformer les symptômes en conflits . c'est aussi une question de santé . et un travail interminable sans doute éprouvant .

  15. je dis cela en même temps je n'ai connu que des histoires de groupes qui ont finis par exploser assez vite . dès lors la dissidence devient une affaire entièrement solitaire et le plus décisif je crois , c'est justement d'apprendre à se construire une solitude , pour briser l'isolement .

  16. C'est paradigmatique ce problème de la créativité.

    Il me semble qu'il m'est advenu de me rendre compte que je suis créatif dans certains domaines, ce qu'on m'a dit de moi m'a permis de l'envisager, mais aussi ma propension à me prendre les pieds dans le tapis, mes maladresses et une certaine forme de ma bêtise m'ont orienté ainsi. Il me semble aussi que la créativité relève d'un désir et donc d'un manque que l'on se plait à combler sans fin, à part celle de la fin inéluctable. L'idée de Cyrulnik sur les résilients me parait fondée. Surmonter les duretés demande un surcroit d'interrogations et de réponses éventuelles.

    Il n'y a pas de doutes de mon point de vue que la créativité comporte d'une façon ou d'une autre une forme de dinguerie.

    A chercher des solutions hors toute rémunération ou allégeance, à s'affronter aux moules, à croire à son point de vue, à envoyer ballader les autres quand ils nous déplaisent trop longtemps.

    Moi quand j'étais pas comme tout le monde, très jeune, on ne me traitait pas de pleutre, mais d'insolent qui devait se soumettre, je ne suis toujours pas soumis, je suis toujours insolent, ce qui m'a valut des haines et m'en vaut toujours.

    Trop souvent, ou pas assez, on m'a considéré comme un extraterrestre, ou en moins bien, comme un débile social,
    un asocial, un caractériel, un autiste aussi...les insultes à caractère scientifique étaient prolixes comme neige en hiver sur le Mont Blanc.

    Alors j'ai fais tous les efforts possibles pour paraitre normal, sans aucun résultat.

    Je sais mieux faire avec maintenant, l'age épaissit le cuir et c'est tant mieux.

    On innove jamais assez, quand c'est considéré trop alors c'est qu'il n'y a pas d'innovation.

  17. @brunet :

    En fait le dogmatisme et la pensée de groupe commencent entre soi et soi ! Il y a à la fois ce besoin de communauté et l'inévitable solitude. On pourrait dire que depuis toujours, le penseur est solitaire mais il faut se méfier de ces considérations an-historiques. Je crois plutôt qu'il y a des moments de rupture idéologique où se reconstituent des communautés de pensée, et d'autres moments où il faut penser seul.

    On a besoin de faire groupe, c'est indéniable mais l'expérience situationniste s'est terminée par son échec. C'est un peu comme l'amour, on sait bien que ça se termine mal en général et que c'est plein d'illusions, mais mettre une croix dessus serait renoncer à la vie sous prétexte qu'elle a une fin. Nous sommes justement là où ça coince, dans le sentiment de l'absence de communauté, de la communauté qui nous manque. Il faudrait pouvoir distinguer cependant entre cette demande infinie et la réalité des rapports de force mais la question doit rester ouverte tant qu'on est en vie et même moi si solitaire je goûterais volontiers de nouvelles effusions collectives si elles n'étaient pas trop mal orientées. Le besoin de reconnaissance est un besoin de communauté en même temps que de liberté et d'individuation. Je n'ai pas le dernier mot de l'histoire mais le préalable c'est effectivement de reconnaître l'échec pour arriver peut-être à faire équipe avec des asociaux...

  18. Comment établir une relation avec quelqu'un qui nous inspire cette exubérance de l'amour dans toutes ses formes, c'est une question centrale dont il ne faudrait pas minimiser les conséquences. J'ai été échaudé par cette question, mais indécrottablement elle revient... et je retombe amoureux fréquemment...tout en reconnaissant les réserves inévitables à ce sentiment.

  19. Pour moi c'est râpé, de l'histoire ancienne. Je n'ai jamais été doué pour ça mais mes textes sur l'amour font assez bien le tour de la question en dehors des sentiers battus même si je ne crois plus du tout au rêve d'amour libre qui ouvre le livre (la dernière illusion qui tombe), ce qui est bien sûr dû au fait que je ne suis qu'un homme de peu de foi, pas aussi désaliéné qu'un vrai révolutionnaire ! Peut-être une époque future apportera-t-elle du nouveau en amour ? En attendant, on continuera de rêver à l'impossible rêve...

  20. J'ai trouvé votre texte très à propos, je crois que proposer la possibilités "d'ajouter de nouvelles possibilités plutôt que d'en supprimer" est très salutaire. Je n'ai jamais vraiment crû au capitalisme triomphant pas plus que je ne crois en son extinction non plus. Mais que nos sociétés conservent des possibilités d'existence me semble primordial!
    Et s'il est sûr que le capitalisme néolibéral s'effondre c'est pour se retrouver remplacer par du capitalisme vert meilleur teint!
    Maintenant je veux croire à priori à contrario de vous qu'une intelligence collective émergente puisse se présenter à nous dans nos sociétés soit-disant si développé car sinon où d'autre?
    En effet si alternative il y a je crois qu'elle est beaucoup plus à être construite qu'à être proposer, ce sur quoi je pense que nous sommes d'accord.
    Merci de votre réponse et pour Hegel!

  21. @Jean Zin :

    Assez bien dit :

    Aimer, c'est essentiellement vouloir être aimé.

    Jacques Lacan

    Aimer une femme, c'est surestimer la différence qui existe entre une femme et une autre.
    Bernard Shaw

    Donner de l'amour, c'est vouloir donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.
    Jacques Lacan

    En termes juridiques, c'est se tromper sur l'Intuitu personae, donc des contrats en rupture ou alors révisables.

    Mais je ne crois qu'on aime l'autre uniquement pour qu'il nous aime, on l'aime aussi pour sa folie, comme disait Deleuzes, sa fragilité, aussi ce qu'il promet de réussite très improbable, pour sa condition de mortel destructible par nos propres soins, puisque nous ne sommes pas des saints, et aussi ses aspects misérables si proches notre condition personnelle.

    Une approche du positif par le négatif de nos propensions...

  22. D'un certain côté, les théories économiques semblent assez Hegéliennes quand elles prônent l'intérêt particulier mesquin, négatif stimulant, au service glorieux de l'intérêt général. Pour le moment ça ne fonctionne pas sans à coups.

  23. Du temps des Principes de la philosophie du droit, Hegel avait étudié les économistes et se devait donc de rendre compte du fonctionnement effectif de l'économie. Quand on met en cause la "main invisible" et les petits calculs de l'homo oeconomicus, c'est uniquement d'en faire le seul ressort de l'homme et une sorte de providence mais il est incontestable que dans de nombreux cas les intérêts particuliers concourent à l'intérêt général. Pas tous, on le voit bien ! ce pourquoi il faut une régulation, des lois, des taxes et des incitations (qui font coïncider intérêt individuel et général). Les libéraux ne peuvent avoir complètement torts, ils ont juste moitié moins raison qu'ils ne croient et doivent laisser place aux autres discours.

    Ceci dit, du temps de la Phénoménologie, la ruse de la raison a un autre sens puisque c'est le fait que les passions individuelles (rien de grand ne s'est fait sans passion) doivent passer par le langage qui oblige l'intérêt individuel à s'universaliser (à se justifier). Cela paraît plus incontestable que la main invisible mais il n'y a là nulle naïveté puisque ce sont les guerres et les plus terribles massacres qui finissent par une rationalisation dont on peut trouver le bilan terriblement lourd. Evidemment, on voudrait que ça se passe autrement, mais il est un fait que l'intérêt général ne s'impose pas tout seul, même dans les systèmes étatisés.

    L'idée qu'une intelligence collective pourrait émerger soudain par miracle (la singularité) me semble de plus en plus un mythe impossible et dangereux. Le GIEC lui-même qui en est la meilleure incarnation montre les déformations que subit cette intelligence collective à cause des stratégies individuelles de pouvoir tout comme les pressions des Etats en fonction de leurs intérêts. Tout le monde voudrait que ça marche comme ça mais tout le monde défend son point de vue et ce sont les facilités qui attirent le plus de monde, en commençant par désigner des boucs émissaires (puisque la solution est simple il faut être méchant pour ne pas l'appliquer). Les erreurs devront être testées une à une... On a vu qu'il faut mettre en jeu sa vie : tout ne se passera pas bien entre gens de bonne compagnie. Si on a pu assister à une grande créativité dans certaines révolutions comme celle de La Commune, il est un fait que les révolutions réussies s'appuyaient sur de fortes réflexions précédentes (Rousseau, Marx) qui n'ont pas émergé soudain. Ce qui émerge, ce sont des bulles spéculatives, des modes, des moments de folie. Attendre que de notre ignorance individuelle sorte une vérité commune ne peut mener qu'au pire. On ne peut plus croire que la vérité est transparente, que les savoirs sont partagés ni que les institutions pourraient échapper aux manipulations et luttes de pouvoir. Il y a un obstacle cognitif à surmonter avant l'émergence d'une intelligence collective, avant toute révolution possible.

    Je suis a priori très pessimiste au vu de la conjoncture actuelle quoique, pour l'instant, les réactions à la crises sont plutôt raisonnables même si elles ne sont pas les plus adaptées, le rôle des Chinois étant remarquablement positif jusqu'ici. Dans ces temps d'euphorie où l'on peut croire qu'on est sortie de la récession, ce n'est pas le moment d'en rajouter une couche mais si on s'en sortait bien, ce serait effectivement de l'ordre du miracle ! Pour le moment, une sortie par un soulèvement populaire est encore plus impossible, à moins d'un effondrement, mais surtout il n'y aurait rien de bon à en attendre tant que n'émergera pas un programme un peu crédible et soutenu par une large part de la population.

  24. Il est clair que je n'ai pas votre érudition et que jamais la révolution ne fut pour moi un horizon et encore moins un espoir.

    Pourtant votre exposé est loin de me convaincre, sur bon nombre d'affirmations :
    " dès lors que la population a de plus en plus la parole sans qu'on en soit beaucoup plus avancé pour autant."

    Ah bon,? C'est au contraire la pensée unique, la concentration des pouvoirs et de la parole dans les mains des élites, la négation de cette parole populaire (Les Non Européens) qui me révoltent comme jamais!

    "ce qui veut dire qu'il nous faudrait viser non pas la fin du capitalisme, ..."

    Après toutes ces années où j'ai pris grand soin de rester à l'écart de combats aussi vains que dépassés, cette évidence commence pourtant à sauter aux yeux: de Martin Kempf à Nicolat Hulot par exemple.

    "Ce qui effraie dans ces violences, au-delà de leur caractère intimidant",

    Mais de quoi parlez vous? Partout je ne vois que silence, passivité, plus la république et la démocratie se vident de leur sens, plus elles sont agressées, moins il y a de réactions. Aujourd'hui les plus hargneux sont ceux qui ont le plus cru au système ultra libéral (moins d'impots, plus de liberté, guerre pour la démocratie, etc...): Par exemple, Les Tea Party aux USA, ici des médecins, là des traders, etc...

    "des alternatives locales à la globalisation marchande permettant de sortir progressivement de la société salariale "

    Je pense que vous risquez d'être comblé plus rapidement que prévu: les sans papiers de la RATP, sont une conséquence de ce mouvement de désalarisation qui ne cesse de s'amplifier.

    "Refuser aussi bien la régulation du capitalisme que le capitalisme vert est irresponsable mais surtout complètement vain !"

    Entre le fait de constater que le capitalisme n'est pas mort, que l'interventionisme est compatible avec l'ultralibéralisme (lire à ce propos "la nouvelle raison du monde ") et le fait de l'accepter, il y a un pas que je me refuse à franchir.

    En revanche, je suis d'accord avec vous sur l'inanité de rechercher une nouvelle religion globale en isme, pour renverser cet état de fait.

    Les révolutions de l'histoire ne se sont pas toutes faites le point levé, mais force est de constater que les ruptures de paradigme ont existé et qu'elles ont contribué aux changements civilisationnels.
    Je crois que nous sommes à l'aube d'une telle rupture civilisationnelle qui impactera nécessairement le capitalisme et le principe de marchandisation de tout et de tous.

    D'ici là, il y a fort à parier que la terreur, la violence, la mort et la destruction, seront bien plus l'oeuvre de ce capitalisme lui même que des pauvres iluminés dont vous nous parlez.

    Merci de ne voir dans mes propos critiques qu'une invitation à la discussion de la part de quelqu'un qui ressent comme une urgence à décrypter le monde qui l'entoure.

    Bien à vous.
    Sybille

  25. Je pense les révolutions nécessaires périodiquement (et pas seulement à notre époque mais depuis toujours même si c'était le plus souvent pour revenir à l'origine), ce qui ne veut pas dire que ce soit une partie de plaisir mais j'essaie de parler de ce qui est.

    Je sais bien que la population qui s'exprime sur internet n'est pas représentative la plupart du temps, certains y voient juste la revanche de la classe moyenne sur les élites, mais quand même, avec le numérique n'importe qui peut s'exprimer et on voit bien, ce qu'on savait depuis toujours, que les gens répètent toujours les mêmes discours. Il n'y a pas tellement d'invention. Ce qui ne veut pas dire qu'on tient compte des aspirations qui s'expriment mais on ne peut plus fantasmer dessus, en particulier il faut tenir compte de la diversité des opinions qui s'y expriment (il n'y a pas d'unanimisme).

    Hervé Kempf et Nicolat Hulot ont bien raison de dire que les choses ne peuvent pas durer ainsi mais ils ne disent pas ce que ce serait de sortir du capitalisme. Pour ma part je m'en préoccupe depuis assez longtemps et je suis en ce moment en train de participer au prochain EcoRev' sur la sortie du capitalisme justement. On a eu bien du mal à avoir des contributions qui ne se contentent pas de dire qu'il faudrait autre chose sans dire ni quoi ni comment. Il n'y a que 2 voies qui se dégagent, celle de René Passet de secteurs protégés du capitalisme dans une économie plurielle et celle d'André Gorz d'alternatives locales, les 2 voies qui se complètent supposent malgré tout que le capitalisme survivra dans les secteurs industriels. Il n'y a aucune possibilité que le capitalisme disparaisse au niveau mondial, même s'il s'effondre car ce n'est pas comme le communisme qui ne peut survivre à son effondrement. Il ne suffit pas d'abattre un pouvoir pour abattre le capitalisme. Si le capitalisme survit, notamment le capitalisme vert, il faut se préoccuper de le réguler et qu'il laisse la place à des secteurs protégés au moins. Je ne prétends pas bien sûr qu'il ne faut rien faire mais au contraire qu'il faut faire le maximum possible.

    Ce n'est pas parce qu'il y a une violence du système que la violence serait une réponse en quoi que ce soit. Au contraire, la violence remplace la parole, elle vient à la place d'une absence de projet et de perspective sans rien régler. On peut bien sûr trouver que c'est déplacé d'en parler mais cela dépend dans quel contexte et je passe en revue ici plusieurs impasses dont il faut se départir pour adopter une véritable stratégie transformatrice.

    Il est certain que la sortie du salariat a déjà commencé, sous sa forme barbare, on ferait mieux de lui donner une forme plus civilisée mais je ne vais pas pleurer sur le salariat car il n'y a pas de salariat sans subordination et c'est un statut qui est lié au capitalisme. Il me semble absurde d'être salarié d'une multinationale et de se révolter contre sa logique capitaliste. Je défends un revenu garanti et le travail autonome. On peut ne pas être d'accord mais c'est cohérent avec la sortie du capitalisme justement.

    Il ne s'agit en aucun cas d'accepter n'importe quoi mais au contraire de faire tout ce qui peut être fait seulement, si on ne peut pas rien, on ne peut pas tout ! Je n'essaie pas de me faire bien voir (je me rends insupportable à tous, de tous les camps), j'essaie de dégager une voie effective et serait enchanté qu'on trouve mieux, qu'une nouvelle idée émerge mais les propositions que je défends sont déjà des émergences, ce ne sont pas mes idées, ni les idées de Gorz qui était contre le revenu d'existence au départ et même contre l'argent, mais cela ne l'a pas empêché de comprendre qu'on ne pouvait se passer de revenu garanti et de monnaies locales, au moins dans un premier temps. C'est le mouvement réellement existant, ce sont les initiatives qui sont prises un peu partout dans le monde, pas des fantasmes.

    Je suis moi aussi persuadé qu'on entre dans une nouvelle ère, celle de l'information, de l'écologie et du développement humain, sans doute la plus grande révolution de l'humanité, au moins depuis le néolithique. Mais changement de paradigme et de civilisation ne veut pas dire qu'on deviendrait tout autre, les différences qu'on peut avoir avec Aristote par exemple étant limitées malgré de très nombreux changements de paradigme (ce n'est pas rien puisque c'est surtout sur l'esclavage et les femmes mais le reste de son éthique nous parle toujours). On peut facilement fantasmer sur un changement de paradigme qui laisse tous les espoirs permis mais si on n'est pas idéaliste et qu'on ne pense pas que ce sont les idées qui mènent le monde, un changement de paradigme n'est qu'un changement de dispositif, une nouvelle configuration plus favorable, plus adaptée aux besoins du présent et aux nouvelles forces productives mais sauf manipulation génétique (et encore) nous ne seront guère différents, le numérique nous ayant déjà transformés. Tout ce qu'on peut espérer, ce n'est pas rien, c'est l'équivalent de l'abolition de l'esclavage mais j'ai souligné que le salariat qui a pu le remplacer était quelque fois pire, de quoi se méfier de ces progrès qui ne sont jamais sans quelque côté négatif (ce n'est pas le genre de choses à dire dans un discours politique).

    Je suis tout autant persuadé que cela impactera le capitalisme et le totalitarisme marchand, notamment avec la gratuité numérique et les logiciels libres, mais cela ne signifie pas qu'il n'y aurait plus de capitalisme du tout ni de marchandise. Ce que je mets en cause c'est le glissement entre la nécessité de ne plus accepter la domination complète du capitalisme et le fait qu'il disparaîtrait complètement. J'essaie de dire ce qui me semble vrai pas ce qui me ferait plaisir mais ce que j'ai du mal à comprendre, c'est le glissement entre le fait que j'avoue qu'on ne supprimera pas complètement le capitalisme et le fait que ce que je propose serait rien et pur renoncement. Je ne cherche pas à avoir raison et serais ravi qu'on me démontre qu'il y a d'autres possibilités mais depuis le temps que j'étudie la question, cela m'étonnerait quand même beaucoup...

  26. Voilà ce que j'écrivais dans ma petite revue de Web super confidentielle:
    "L'urgence c'est d'abord de sortir du déni, de poser un diagnostique et l'espoir réside dans le fait qu'on nous a trompé en nous fourrant dans le crâne qu'il n'y avait pas d'alternative (TINA: There Is No Alternative). Au contraire, des alternatives, il y en a trop. Pas de pensée unique de ce côté là: et c'est bien là le problème, pour tout ceux qui attendent que la Vérité avec un grand V tombe toute crue avec un nouveau truc en ISME et qui en attendant, se mettent sous la couette: Ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire!
    Comme si le déni pouvait rendre plus heureux?"

    Avec la crise ou plutôt les crises, j'ai l'intuition que le capitalisme est désormais paré pour nous montrer sa face totalitaire, et que ce processus va s'accélérer avec la disparition des classes moyennes dans les pays occidentaux.
    Contrairement aux promesses d'antan cette disparition ne sera pas compensée par l'avènement des classes MOYENNES dans le Sud; Par un curieux effet d'assimilation, on voudrait nous le faire croire en nous exhibant les 5% de ces populations qui sont sorties de la pauvreté et peuvent vivre décemment avec un revenu MOYEN.

    Pour moi, l'histoire, loin d'en finir, ne va pas tarder à prendre violemment sa revanche et nous n'aurons plus le temps de prendre le temps de réfléchir sur la qualité, la complétude, la convergence des alternatives.
    Nous serions plutôt dans une sorte de bolide qui va bientôt se prendre le mur et à ce moment là, la seule solution sera de tourner le volant à 90° sans se demander si le chemin est vraiment carrossable de l'autre côté.

    Modestement faire le 1er pas, sortir du déni, identifier que le capitalisme c'est le problème et pas la solution, voilà quelque chose de non violent et d'important, dont il ne faudrait pas minimiser les effets.

    Ce disant, je ne crois pas faire preuve d'un grand idéalisme!

  27. " Il me semble absurde d'être salarié d'une multinationale et de se révolter contre sa logique capitaliste."

    Eh bien je suis dans cette situation absurde comme des centaines de millliers de gens qui ont besoin de "gagner leur vie" tout en la perdant souvent. On se nourrit de ce qu'on trouve, pas seulement de ce qu'on imagine.

    Mais le capitalisme en tant que grosse vache à lait nourrit bien du monde, y compris ceux qui s'en croient exclus.

    Je ne fais pas l'apologie du capitalisme comme voie unique, mais on ne se dépêtre pas du capitalisme en allant élever des chèvres dans les causses, ce qui peut par ailleurs procurer de nombreuses satisfactions.

  28. Pourquoi avoir supprimé le commentaire de "Tartuffe" ? Je l'ai vu en passant l'autre soir, je voulais savoir ce que vous comptiez y répondre. Son argument était recevable, les amours réussis ne sont pas si rares et souvent chez des personnes non-intellectuelles.

    Très dommage, on n'apprend rien de la censure...

  29. C'est un peu fort de parler de censure pour un troll anonyme qui m'insulte et qui est complètement hors sujet. Il est vrai que j'avais pris l'exemple de l'amour et que j'ai répondu à Olaf en renvoyant à mes textes mais c'est trop éloigné de l'article et je n'ai pas donné suite à sa relance. Je comprends qu'on puisse se tromper mais lorsque je parle d'amour libre, je ne parle pas de libertinage mais de ce que l'amour s'adresse à une liberté, en restant au plus près des faits. Il suffit d'aller y voir mais apparemment certains ont peur qu'on mette en cause leurs sentiments et sont prêts à vous sauter à la gorge dès que vous prononcez un mot qui les dérange. Je n'en dirais pas plus ici, sinon que ce n'est pas une question d'intellectuel (presque une insulte ici) : André Gorz qui s'est suicidé avec sa femme malade est l'exemple type de l'amour d'une seule vie, ce qui ne l'a pas rendu aigri comme l'autre mais je me réserve bien sûr le droit de supprimer toutes les éructations sans intérêt.

    Je suis bien d'accord qu'il n'y a pas de solutions individuelles et je ne prétends pas juger les salariés des multinationales, juste souligner qu'on ne peut reprocher à une entreprise capitaliste d'être mue par le profit. Si le capitalisme s'impose, c'est pour des raisons matérielles : d'offrir de meilleurs salaires et des marchandises moins cher. Si on veut sortir du capitalisme, cela passe par ne plus travailler pour des entreprises capitalistes. Encore faut-il que les structures alternatives existent. Ce n'est absolument pas une question morale mais politique. L'action ou le sacrifice de quelques uns ne sert strictement à rien, il faut construire une organisation collective. C'est bien parce que je suis conscient que c'est le capitalisme qui assure la production mondiale que je ne m'imagine pas qu'on pourrait s'en passer du jour au lendemain.

  30. @Sybille : Certes la pensée unique nous a seriné qu'il n'y avait pas d'alternative mais ce n'est pas que la propagande avait réussi à nous aveugler, c'était la situation historique qui nous aveuglait avec l'effondrement de l'alternative communiste qui est un événement historique considérable avec peu de précédents. Après cela, il ne suffit pas de dire : si, si, il y a une alternative, il faut dire quoi et comment. Il est vrai que la tendance actuelle est d'appeler à l'imagination et de croire qu'il suffirait de décoloniser notre imaginaire, ce qui incite à dire n'importe quoi mais ne produit rien de valable. L'alternative doit se prouver et il se trouve que je travaille sur cette question depuis assez longtemps pour savoir que ce n'est pas si simple et, qu'en tout cas, d'alternatives il n'y en a pas des tonnes même s'il y a autant d'idéologies que de groupuscules. Accepter que l'alternative ne soit pas totale mais plurielle est une clef essentielle, ce qui veut dire qu'il restera encore longtemps capitalisme et marchandises même s'il faudra rétablir des régulations plus strictes, comme cela se fait périodiquement, et réduire son périmètre en construisant des alternatives ou en protégeant certains secteurs.

    A supposer que tout le monde puisse être persuadé que le capitalisme soit le problème (mêmes les Américains et les Chinois), cela ne suffirait pas à changer quoi que ce soit, il s'agit de savoir quoi faire, et qui marche, qui produise de quoi assurer une bonne vie à tous à partir de la situation présente, et pas seulement en France. Il faut une stratégie de transition, de long terme. Il est vrai qu'on va se prendre coup sur coup de terribles épreuves dont on ne sait ce qui en sortira mais il faudra des réponses concrètes, matérielles. Il serait irréaliste de continuer comme avant mais cela ne veut pas dire qu'on puisse s'accorder sur ce que serait une attitude plus réaliste...

  31. @olaf
    Où voulez-vous en venir? A dire que l'alternative au capitalisme , selon la compréhension française, prend le risque de conserver le même système avec un discours tout autre? D'accord.

    Le mot alternative n'est pas toutefois interdit de pluriel .

    ( des économies alternatives dans une économie plurielle, aboutissant progressivement à altérer ( changer par apport de qualités qui lui sont étrangères) le système en usage. Il y a du Dionysos derrière tout cela: accepter l'étranger en soi et pour soi où tomber dans une folie destructrice , telle est l'alternative entre deux possibilités, l'un ou l'autre en effet. selon ce vieux mythe grec. Pas facile à mettre en application!

  32. Avant la chute du mur, il y avait au sens du français l'alternative capital ou communisme.

    Maintenant, il n'y a plus d'alternative, ou bien celle de capital libre ou alors régulé.

    Dans la mesure ou il n'y a rien d'envisagé d'autre, on est là.

    Sinon pour l'étranger, l'alternative du même ou du différent :
    http://www.sens-public.org/spip.php...

  33. Article intéressant. Mais il ne faudrait pas sous estimé la volonté de puissance de ceux qui ont des capitaux et qui veulent le faire fructifier. Ce que vous dites tendrait plutôt vers une concurence, c'est à dire un affrontement entre plusieurs systèmes économiques que vers une réelle "paix" (collaboration) sociale. Quelque chose que l'on observe aujourd'hui, peut-être dans l'avenir avec des armes plus équitables dans chaque camps. Il est certain que l'avenir ne sera pas un modèle économique exclusif, mais il me semble qu'il faut encore creuser la question et réfléchir à une façon d'avoir plusieurs systèmes économiques (qui sont des visions du monde) collaborants sans s'affronter (est-ce même possible ?).

  34. @ Olaf:
    Pourquoi ma référence ici à Dionysos? Du fait de votre lien intéressant vers le taoisme et les rapports de la sagesse chinoise ancienne avec le corps. Les grecs polythéistes aussi n'ont pas manqué d'établir des homologies entre le psychique et le physique. Ainsi Dionysos est-il une figure de l'étrange naturel en tout homme civilisé , susceptible de ressentir soudain le désenchantement de la conscience de soi, dans une crise à la fois créatrice ( « changer de toiture »selon certaines versions du mythe )et risquée: avec retour aux débordement , effervescence, croissance en excés «  qui fait tomber », ( croche-pied de Dionysos à une ménade qui sera piétinée par la danse, maintenant débridée, de la thiase). Le sens du rituel est éclairé par l'analogie avec la description que donne Platon du coeur, qui palpite sous l'effet d'un feu, mais dont la chamade retrouve son rythme au contact de l'humeur du poumon . Le coeur "palpitant" piétine le diaphragme comme une ménade piétine le sol... Encore faut-il que le dieu ait donné aux grecs le vin comme Démeter a apporté de blé. La vigne est en effet une figure parfaite de l'exubérance sauvageonne, avec le viticulteur comme objecteur de croissance . Elle se peut cultiver domestiquer et tailler, puis l'exubérance de son suc est vinifiable pour une boisson pour laquelle « Dionysos le Droit » ne dépasse pas le troisième cratère, et que les compagnons de Platon coupent avec de l'eau pour en faire la boisson des sages dans les banquets.
    Je renvoie à l'excellente enquête de Marcel Detienne
    «  Dionysos à ciel ouvert » ( 1991, déjà!)

  35. @Arnold K. : Je m'excuse de mon manque de réaction mais je suis en déplacement.

    Je ne crois pas qu'il faut prêter une toute-puissance aux capitalistes qui ne peuvent survivre sans lois, il est donc tout-à-fait possible de réguler et contenir le capitalisme comme cela s'est fait pendant les 30 glorieuses. C'est de l'intérêt même des capitalistes mais il y a des cycles de régulation/dérégulations, question de rapports de force (démographique) surtout.

    La cohabitation est donc possible, cela ne veut pas dire qu'elle est facile car il ne faut pas mettre en concurrence les différents systèmes, là on sait ce que ça donnerait. Il y a au moins 2 voies pour y arriver. Avoir des secteurs protégés et/ou règlementés (comme les médecins), le risque ici étant que les "meilleurs" partent là où ce n'est pas règlementé, ce qui resterait marginal. L'autre façon, c'est la "nationalisation" dont la version locale est la coopérative municipale avec des monnaies locales et un revenu garanti qui sont justement les conditions pour se déconnecter du marché (même si cela ne paraît pas convainquant, hélas!).

    Mes derniers textes creusent cette nécessité d'une économie plurielle, possible à condition de s'en donner les moyens. Si personne n'en veut, bien sûr on n'aura que le marché...

  36. L'idée de modèles socio économiques divers coexistants me parait la bonne approche, c'est un peu comme le capital risque, plusieurs projets dont l'avenir dépend de l'évolution du contexte, sur 10 projets 2 seront réussis et compenseront les pertes dues aux autres.

    Ne pas mettre mettre tous ses oeufs dans le même panier, c'est aussi le principe des assurances et de la mutualisation des risques. Mais là ça va plus loin puisqu'il s'agit du risque de catastrophe sociale et écologique, donc géopolitique, dont tout le monde souhaite in fine se prémunir...car en dernier ressort face à la destruction tout le monde a des sueurs froides.

  37. Les bonnes idées, ce n'est pas ce qu'il manque... on en a à foison, un peu partout. Si seulement il suffisait d'avoir des idées, il y a longtemps que ce monde n'existerait plus. L'histoire contient tout un tas d'idées magnifiques, qu'on a mis sous cloche dans les cours ad-hoc d'histoire des idées, prometteuses, réalistes, et qui, pour finir, ne servirent jamais à rien...

    Il suffirait de réaliser quelques-uns des espoirs que contiennent ces vieilleries bizarres des musées de l'idée pour s'inventer un autre monde, bien plus ragoûtant. Mais l'idée... etc.

  38. @Fourmis :

    Ben oui les idées c'est un peu comme la sélection darwinienne, il en faut un paquet dont seules quelques unes porteront des fruits.

    C'est laborieux, souvent crétin, hélas, mais c'est comme ça, pas de quoi s'en offusquer. D'autre part les idées mises sous cloche sont souvent ressorties par ailleurs, problème de fuites et de plomberie...

  39. Les propositions que je reprends ne sont pas des "idées", mais des réalités, le mouvement réellement existant. Je le répète, Gorz était contre le revenu garanti et pas très chaud pour les monnaies locales, ce n'était pas du tout un geek, cela ne l'a pas empêché de reconnaître les potentialités de ces mesures et du numérique. L'idée, ici, c'est plutôt d'abandonner l'idée d'une solution unique et globale, c'est d'en finir avec le totalitarisme de l'idée qui fait paraître ces dispositifs concrets comme insuffisants par rapports à nos rêves, c'est d'en finir avec le totalitarisme du marché qui n'a jamais pu supprimer l'économie plurielle qui a toujours été notre réalité.

  40. Quand je parle d'idées, ce ne sont pas des idées qui viendraient du ciel mais de la réalité dans laquelle on est et dans laquelle on se prend les pieds. C'est de ne pas la voir assez qu'on a des problèmes pénibles.

  41. Sinon la mort de Levi Strauss nous a procuré ses opinions.

    Entre autres, qu'il y a trop de monde, démographie...

    Est ce le problème principal ?

  42. La démographie est forcément un problème, mais sûrement pas le problème principal, notamment parce que la "transition démographique" se traduit partout par une diminution de la fécondité sous le seuil de renouvellement. Il y a donc un maximum qu'on devrait atteindre vers 2050, ensuite cela devrait être la décroissance...

    En fait placer le problème sur la démographie révèle surtout la volonté de ne pas remettre en cause notre mode de développement car tous les pays les plus peuplés consomment moins de ressource que les pays développés qui se dépeuplent...

    On riait justement ce midi avec les copains d'EcoRev' de la présentation de Lévi-Strauss comme pionnier de l'écologie. Cela n'empêche pas que son apport à l'anthropologie est considérable. Le structuralisme est absolument essentiel même s'il a produit comme toujours de nombreux délires. Son apport est mince mais décisif, la structure comme le langage est ce qui part de la totalité qu'elle divise au contraire du code ou de l'accumulation à partir d'éléments qui s'agglutinent.

  43. C'est vrai que les pays les plus peuplés consomment moins, mais à quel prix, de même à quel prix pour l'avenir nous consommons trop ou mal.

    Sinon, je me souviens d'un entretien de Lévi-Strauss où il comparait la psychanalyse à l'astrologie, il y allait fort quand même...

  44. Il vaudrait mieux que les pays pauvres réduisent leur population plus vite (dont l'explosion est due à notre médecine entre autres), c'est une évidence, mais il ne suffit pas de le vouloir, la seule bonne méthode étant d'augmenter leur niveau de vie et surtout leur niveau d'éducation. Il y a bien sûr des solutions plus simples et plus inhumaines. On n'en a pas fini avec la barbarie. Chaque problème nécessite un abord complexe et différencié, ce qui est incompatible avec l'idéologie. Il faut dire aussi que le "monde plein" que n'aimait pas Lévi-Strauss est ce qui a permis d'accélérer l'évolution humaine.

    Je ne suis pas sûr que ce soit avec la psychanalyse que Lévi-Strauss comparait l'astrologie et plutôt à notre mode de connaissance scientifique (il faudrait vérifier) mais ce n'était en rien insultant car il avait une haute opinion de l'astrologie. C'est même à partir de là que j'ai pris l'astrologie au sérieux comme un savoir millénaire qu'on ne pouvait réduire à la bêtise des concierges. L'astrologie est encore un exemple de ce qu'il n'y a pas pur délire flottant hors du monde mais toujours expression d'une réalité effective même déformée. D'une certaine façon, l'astrologie c'est le structuralisme avant l'heure. L'intérêt de Jean-Charles Pichon est d'avoir tenté de donner dans son histoire des mythes une interprétation structuraliste de l'astrologie et de la succession des dieux. Rien à voir avec l'interprétation habituelle de l'astrologie mais la force des classifications et des oppositions symboliques produit un réel savoir. Notamment, penser la succession des dieux, c'est se penser comme sujet pris dans un discours qui ne peut se totaliser dans une révélation complète et n'a pas accès direct à une réalité transparente, ce qui n'est pas si loin de la psychanalyse.

  45. Pour la transition démographique des pays pauvres ça passe par un dévellopement éducatif et économique qu'on a tout intérêt à favoriser.

    Le point de vue de LS sur la psychanalyse me vient d'un entretien sur un CD que j'ai encore. Mais ça n'est qu'un court passage sur lequel il s'étend pas assez pour en conclure un point de vue suffisant de son opinion.

    L'astrologie, je m'en suis aussi méfié quand j'ai constaté que ceux qui en étaient fans s'en servaient comme d'un moyen de coller des étiquettes sur les gens, un truc de concierge effectivement, où la classification prend des airs d'arbitraire superstitieux.

    J'ai donc découvert Pichon qui a écrit aussi sur les sectes, dommage que son oeuvre ne soit pas rééditée.http://www.jeancharlespichon.com/np...

  46. @ Olaf
    « L'astrologie, je m'en suis aussi méfié quand j'ai constaté que ceux qui en étaient fans s'en servaient comme d'un moyen de coller des étiquettes sur les gens, un truc de concierge effectivement, où la classification prend des airs d'arbitraire superstitieux. » dites-vous.

    . J'ai beaucoup apprécié le commentaire de Jean qui ne disqualifie pas l'astrologie, actuellement " truc"  peu fameux ( et justifiant une mauvaise réputation ) mais autrefois forme de «  bonne fame » dans la logique de la pensée symbolique ancienne ou pré-scientifique . De même le tarot constitue un ensemble iconographique symbolique assez extraordinaire pour mériter mieux que de se faire dire son avenir par des charlatans. Je conçois assez bien le bon usage que pourrait tirer un psychothérapeute, par ailleurs disposant des connaissances scientifiques actuelles , de telles structures apparemment closes et appartenant à la pensée symbolique, mais qui laissent du jeu dans l'interprétation du réel ( des blancs, des vides, ou une polyphonie possible des signifiants )?
  47. Il faut se méfier de l'astrologie qui est vraiment n'importe quoi la plupart du temps, un peu comme les religions qui témoignent de l'étendue de notre bêtise à prendre pour réels des symboles. Si je cite Jean-Charles Pichon, c'est plus que risqué car lui aussi il délire à pleine gomme, j'ai un de ses livres où il s'adonne à une numérologie ridicule à la limite du psychiatrique. Cela n'empêche pas son histoire des mythes, pleine d'approximations et de forçage des cycles, d'être très stimulante, à condition de la prendre pour ce qu'elle est, un délire, tout comme l'astrologie qui est vraie en tant que délire de la même façon qu'on peut parler d'un roman vrai. L'erreur de l'astrologie est sa prétendue exactitude dans la durée des cycles, ce qui mène à ces manipulations numérologiques (comme la fin du monde en 2012), alors que sa vérité est dans les oppositions cycliques significatives (de la justice à l'amour, de l'amour à la liberté).

    Je n'ai pas retrouvé le texte où Claude Lévi-Strauss parlait de l'astrologie comme mode de pensée mais il s'était intéressé à l'astrologie juste avant de devenir anthropologue de sorte que cela a sans doute eu un plus grand rôle qu'on ne croit dans la naissance du structuralisme. Hélas, parler de ces sujets expose à tous les malentendus...

  48. Pour les astrologues de cage d'escalier, je crois que c'est comme
    la psychanalyse. Beaucoup s'en prévalent à tord pour se donner un vernis d'autorité et de mystère qui impressionne l'auditoire.

    Toujours cette recherche d'emprise et de pouvoir pour se faire mousser l'existence, la même vulgaire saleté sans scrupules...

    De fait ce type de sujet est délicat.

  49. Bonsoir,

    Je suis désolé pour le délai, j'avais moi-même un peu peur des réponses, puisque j'avais été assez direct (un test de méthode, tout autant cependant qu'une extériorisation, ce qui est certes assez problématique).

    Jean Zin: [...] vous traitent de poltron ayant peur du
    changement [...]

    La peur est un sentiment très fondamental, et elle n'est bien évidemment aucunement négative en elle-même.

    [...] et donc aussi chez quelques révolutionnaires qui ont
    reçu la grâce et qui, malgré leur ignorance abyssale, pensent
    qu'ils détiennent la vérité.

    Je pense m'être suffisamment distancé des «révolutionnaires», et des «révolutions» elles-mêmes, dans mon message.

    [...] il ne s'agit pas de moi mais des arguments que je donne

    ... Et auxquels j'ai bien entendu répondu dans l'intégralité de ma réponse, en concluant bien entendu un peu plus personnellement, pour expliquer la source de votre vision des choses.

    Il ne s'agit pas de mon supposé découragement mais de
    l'absence réel de perspectives.

    Il ne suffit alors bien que de construire cette perspective. L'idéal, aujourd'hui, est bien vide. C'est bien le problème. Et c'est bien ce dont je parle dans mon premier message.

    [...] cet air béat de convertis que devraient prendre les
    révolutionnaires comme si tout dépendait de notre bonne
    volonté

    Il ne s'agit bien que de volonté. De tous, bien entendu. Et bien entendu, pour arriver à une volonté forte, il faut réfléchir, raisonner, et analyser, tous nos préjugés, tabous, et ignorances, toutes nos peurs, et plus généralement tous nos problèmes.

    [...] je crois seulement que les révolutions sont nécessaires
    périodiquement.

    Les «révolutions» sont une réaction un des problèmes. Il s'agit de les résoudre, rapidement, complètement, et définitivement.

    Sinon j'ai renoncé à tout depuis longtemps en vivant en
    ermite dans une nature magnifique [...]

    On ne peut pas beaucoup s'éloigner des cris, des hurlements, des pleurs, partout dans le monde, tout autour de vous, à ce moment même. Même si on le pouvait, ce serait généralement par inconscience. Même si on pouvait s'en éloigner consciemment, ce ne serait bien que de l'éloignement. On pourrait bien entendu le décider et vivre assez pleinement, au moins un temps, mais ça ne reste certes que de l'éloignement.

    [...] mais si j'ai été moi aussi un petit jeune plein
    d'illusions [...]

    Illusions de paix? Illusions de bonheur? Illusions d'épanouissement? Illusions de pouvoir résoudre nos problèmes?

    Votre principale référence n'est qu'historique, et l'Histoire actuelle est certes assez superficielle et limitée, et c'est bien le problème. Avez-vous analysez profondément ces blocages, ces rejets, partout, depuis si longtemps? Toute la prostration en fond? Toutes les peurs en fond? Le pourquoi de toute cette apathie générale?

    [...] "depuis des millénaires et des millénaires" qu'on
    prétend tout changer et que la foi est supposée déplacer
    les montagnes

    Et si tout cela n'était resté que très superficiel et limité? Vous pensez «qu'on a déjà tout dit, tout essayé»?

    Mieux vaut renoncer à ses fantasmes de toute-puissance
    infantile.

    Et si ces «rêves d'enfants» étaient bien très superficiels et limités? Vous pensez que la raison est innée? Si les «rêves d'enfants», dans la société actuelle, sont si «naïfs», la solution est-elle de les broyer avec force? Dans la prostration complète de cette «maturité ainsi acquise», quelle «conscience de la réalité des choses»?

    Je n'ai absolument aucune peur de remettre en cause des
    religions que j'exècre, je constate simplement qu'on ne
    s'en débarrasse pas si facilement [...]

    Avez-vous analysé leurs causes? C'est une réflexion un peu plus commune, il est plus facilement question de «chercher à se protéger de la peur de la mort et de la violence du monde». Bien évidemment, la protection qu'elles peuvent offrir est limitée, quand généralement assez peu basées sur la raison. Le problème est bien de construire l'idéal, la raison, pour que les gens puissent se rassurer par la raison toute entière, et ainsi résoudre tous leurs problèmes. Le problème est bien qu'il y ait, actuellement, tout aussi peu de raison partout ailleurs.

    [...] au "courage de la vérité" et à l'expression du négatif
    sans me laisser impressionner par aucune intimidation mais je
    parle à partir de propositions concrètes pas de spéculations
    fumeuses.

    J'ai parlé, pour la plupart des points, avec une logique très précise, auquelle vous n'avez aucunement répondu. Il ne s'agit aucunement de «spéculations fumeuses», mais bien d'absolu, de vérité, et ainsi bien entendu, de plus grande pratique.

    En tout cas, il y a déjà quelque temps que je ne cherche
    plus, je trouve...

    Esgibt: Un problème sérieux, c'est que tout exposé s'expose à
    être déconstruit par celui qui le lit.

    Un problème, ou la solution?

    Chercher, c'est tourner autour, aller et venir, avec des
    présupposés

    Question de définition. Cependant, vous remarquerez que je parle bien de recherche, puis de découverte, puis de présentation.

    Jean Zin: Si j'avais une bonne nouvelle à enseigner aux
    foules, j'occuperais toutes les tribunes, mais je ne
    promets que du sang et des larmes, des erreurs et des
    incertitudes immenses, autant rester chez soi.

    La conscience des problèmes actuelle est fondamentale à leur résolution. Elle fait peur, bien entendu, et c'est encore une fois bien normal, mais si on peut voir clairement la suite, la fin, alors il devient nettement plus facile de l'accepter, même si la transition, en tant que changement majeur, est bien évidemment une période d'incertitude importante. Mais au final, bien moins que la société actuelle, dans laquelle la folie est omniprésente.

    C'est un peu comme l'amour, on sait bien que ça se termine
    mal en général et que c'est plein d'illusions, mais mettre
    une croix dessus serait renoncer à la vie sous prétexte
    qu'elle a une fin.

    Et si la plupart des problèmes actuels autour de «l'amour», ne venaient à peu près que des problèmes actuels de la société?

    L'amour, c'est l'attachement. C'est les relations intimes, amoureuses, et fusionnelles. C'est l'expérience du corps et de l'esprit. C'est l'expérience de l'autre. C'est se rassurer de la peur de la solitude. C'est expérimenter ensemble. C'est vivre ensemble.

    Qu'y a t-il d'amour, dans la société actuelle? Est-ce que tous les gens qui divorcent savent même ce qu'est l'amour? ... et ceux qui ne divorcent pas? Et les célibataires, «volontaires» ou non? Peut-on de toutes façons expérimenter le plein amour, au milieu de tous nos problèmes, et de tous les problèmes des autres?

    [...] mais surtout il n'y aurait rien de bon à en attendre
    tant que n'émergera pas un programme un peu crédible et
    soutenu par une large part de la population.

    C'est bien le problème. Je présente, sur mon site, un plan pourtant assez simple, au final. Mais les gens sont terrorisés par un projet précis, encore plus que par un projet quelconque, flou et brouillé, comme il y en a cependant pas non plus tant que cela. Qui parle précisément de transition? Qui parle précisément, de manière détaillée, de l'idéal lui-même? Sans passer par des romans ou des dialogues, qui sont même à peu près tous dystopiques en conscience? Qui synthétise? Qui globalise?

    Le problème est là. Il y a encore tout à faire. Nous n'avons encore rien fait.

    [...] Il n'y a aucune possibilité que le capitalisme
    disparaisse au niveau mondial [...]

    Vous voulez dire que «vous n'en avez pas reçu»? Je ne dis aucunement que vous n'avez pas cherché, je le suppose bien. Mais jusqu'à êtes-vous réellement allés?

    [...] ce n'est pas comme le communisme qui ne peut
    survivre à son effondrement. Il ne suffit pas d'abattre
    un pouvoir pour abattre le capitalisme.

    Il n'est pas censé y avoir de «pouvoir», dans le communisme.

    Mais effectivement, le problème du «capitalisme» ne pourra être résolu qu'après une remise en cause profonde, pour accepter, bien justement, le communisme, le socialisme, et l'anarchisme, dans leur sens le plus pur, de vie libre en société.

    Il me semble absurde d'être salarié d'une multinationale
    et de se révolter contre sa logique capitaliste.

    Ils font ce qu'ils peuvent dans l'immédiat, au milieu de tous leurs problèmes. Et cette «révolte» n'est bien généralement qu'une réaction à leurs problèmes, et non pas une conscience profonde de ces problèmes.

    On peut facilement fantasmer sur un changement de paradigme
    qui laisse tous les espoirs permis mais si on n'est pas
    idéaliste et qu'on ne pense pas que ce sont les idées qui
    mènent le monde [...]

    Le problème est bien que les idées ne mènent pas le monde actuel. Elles sont toutes si floues, brouillées, incomplètes, si pleines de préjugés, de tabous, et d'ignorances, si limitées, si superficielles... Quelles idées?

    Il n'y a aucune pratique vraie, sans idéalisme pur. L'idéalisme est le pragmatisme. L'idéalisme, c'est comprendre profondément les idées, qui ne sont pas beaucoup plus que des mots sur le matériel et le mécanisme, eux-mêmes purement logiques, par définition. Le problème est de comprendre suffisamment globalement et dans leurs détails, les problèmes et les solutions, pour arriver à une mise en pratique réfléchie, raisonnée, et analysée.

    Cependant, oui, nous ne serons pas si différents que cela. L'espèce et la société humaine est déjà assez développée, dans tous les domaines, et le problème est maintenant de synthétiser, de raisonner profondément, de perfectionner, et de se libérer enfin. Et c'est effectivement un changement de paradigme majeur, mais bien dans chaque instant de notre vie, dans chaque instant de notre existence, dans chaque instant de notre être. Et c'est ainsi que l'idéal est si proche, et pourtant si difficile à même rien qu'envisager.

    Je ne cherche pas à avoir raison et serais ravi qu'on me
    démontre qu'il y a d'autres possibilités mais depuis le
    temps que j'étudie la question, cela m'étonnerait quand
    même beaucoup...

    Si vous acceptez d'en discuter, je peux vous montrer.

    Sybille: Comme si le déni pouvait rendre plus heureux?

    Le déni rassure un peu, parfois, un temps, en partie. Le problème est qu'on a pas grand chose d'autre dans la société actuelle, quand l'acceptation n'est très généralement qu'une illusion, une fuite, ou au moins une acceptation assez superficielle et limitée. Une acceptation qu'on changerait bien un matin, «si on trouve quelque chose de mieux», même quand il s'agit d'un «retour en arrière».

    Arnold K.: Mais il ne faudrait pas sous estimé la volonté
    de puissance de ceux qui ont des capitaux et qui veulent
    le faire fructifier.

    Quelle volonté? Quelle puissance? Quelle fructification? Sont-ils conscients? Sont-ils heureux?

    Fourmis: Les bonnes idées, ce n'est pas ce qu'il manque...
    on en a à foison, un peu partout. Si seulement il suffisait
    d'avoir des idées, il y a longtemps que ce monde
    n'existerait plus.

    Il ne s'agit pas d'idées quelconques, limitées en profondeur et en envergure. Bien évidemment que nous avons tous beaucoup d'idées depuis des millénaires. C'est bien de la que vient tout notre développement.

    Le problème, c'est le manque d'idées globales, complètes, structurées, organisées, pleinement réfléchies, raisonnées, analysées, absolues. Et au final, il n'y a à peu près rien. Et c'est bien de là que vient, avant tout, la situation actuelle. Sans projet réel, on ne peut certes pas considérer son application. Mais lorsqu'il est enfin là, alors on ne peut plus continuer à «supporter encore tous les problèmes dans l'espoir de, et parce que de toutes façons il n'y a rien d'autre à faire». Demain est là à nos portes.

    Jean Zin: L'idée, ici, c'est plutôt d'abandonner l'idée
    d'une solution unique et globale, c'est d'en finir avec le
    totalitarisme de l'idée qui fait paraître ces dispositifs
    concrets comme insuffisants par rapports à nos rêves [...]

    Quel abandon? Quelle idée? Il n'y a rien. De quoi parlez-vous? Vous le dites vous-même. Vous ne trouvez rien. Il y a des problèmes dans les idées actuelles? Où est la synthèse complète, pour découvrir la meilleure solution, après réflexion, raisonnement, et analyse, de tout, des problèmes, et des solutions? Où est la véritable conclusion à tout cela? Un rêve? Quel rêve? De quoi rêvons-nous? Qu'est-ce que le bonheur? Qu'est-ce que l'amour? Qu'est-ce que l'épanouissement? Qu'est-ce que la société? Qu'est-ce que l'individu? Qu'est-ce qu'être, exister, et vivre?

    «Vous n'avez rien trouvé, la société n'a rien trouvé, donc c'est impossible, et on ne trouvera sûrement jamais»? Pourtant vous dites continuer à chercher. Un peu. Pourquoi donc?

    olaf: Entre autres, qu'il y a trop de monde, démographie...
    Est ce le problème principal?

    Ce n'est qu'une conséquence de tout le reste. Préjugés, tabous, folie, terreur. «Se reproduire» en tant que fin. «Se marier» en tant que but. Tout ça poussé dans l'inconscient collectif, et au quotidien, de la naissance à la mort. Et dans ce quotidien, l'argent, le capitalisme, la «croissance». «Il faut payer les retraites». «Il faut rentabiliser les investissements». «Il faut rembourser les emprunts, payer les intérêts».

    Le problème de la surpopulation est un problème majeur, parce que le tabou est majeur. Il s'agira d'en prendre pleinement conscience, pour accepter pleinement volontairement, chacun, de réduire grandement la reproduction, pendant une assez longue période, pour arriver à un bon équilibre. Et bien entendu, même si tout se déroule au mieux, il y a de nombreux risques, y compris sur le très long terme, avec la diminution de la diversité génétique, même si, volontairement, on essaie de conserver une bonne diversité. Et puis il y a aussi les problèmes au niveau de la contraception, puisqu'il ne s'agit certes aucunement de limiter les rapports sexuels, bien au contraire même, enfin libérés progressivement, et permettant de se rassurer, dans ces changements majeurs (et bien entendu, le risque, au début de la transition, c'est une explosion des naissances, avec le sentiment profond de soulagement, et la libération du «travail»).

    Les ressources de la Terre sont limitées, à court, moyen, et long terme, face à la surpopulation actuelle. Parler de colonisation d'autres planètes est très lointain, et ce n'est de toutes façons que repousser le problème, en continuant à se reproduire frénétiquement, hystériquement, «parce que je veux des enfants!», «parce que j'ai besoin d'enfants pour travailler pour moi!», «parce que sinon on va tous crever, et y'aura plus personne sur Terre»...

    C'est un sujet majeur de la transition. Mais tout est majeur dans la transition. Tout est à remettre en cause, tout est à recommencer. À partir de ce que nous savons, et de ce que nous avons fait, bien évidemment, mais bien en dépassant tout cela de très loin.

    Jean Zin: Il faut dire aussi que le "monde plein" que
    n'aimait pas Lévi-Strauss est ce qui a permis
    d'accélérer l'évolution humaine.

    Historiquement. Comme les guerres. Comme toutes les destructions. Comme tous les problèmes actuels. Tout cela n'a rien d'absolu.

    olaf: Toujours cette recherche d'emprise et de pouvoir
    pour se faire mousser l'existence, la même vulgaire
    saleté sans scrupules...

    Des gens qui ont peur, et qui cherchent à se protéger, tout comme vous avez peur, et que vous cherchez à vous protéger, en les réduisant de la sorte.
     
     
    Monsieur Zin, merci pour votre réponse. Si vous acceptez de discuter des quelques documents déjà présents sur mon site, mon adresse email est disponible sur la page de contact. Je peux aussi, bien entendu, répondre ici (un peu plus rapidement cette fois), si vous souhaitez ne répondre qu'à mes commentaires à propos de votre article. Sinon, je peux, si vous l'acceptez, vous recontacter d'ici quelques mois, quand j'aurai publié encore quelques documents, ou même d'ici un an ou deux, quand j'aurai publié mon premier livre sur la transition vers la société idéaliste, puisque je comprends bien que même si les documents que je publie actuellement présentent déjà des éléments importants de la vision globale de la transition et de l'idéal, ils restent encore très peu détaillés. Cependant, j'ai bien déjà la plupart de ces détails, dans toutes mes notes, et ces documents ne sont aucunement que quelques idées quelconques lancées au hasard «naïvement», mais bien du résultat très synthétique de mes recherches. J'ai déjà tous les principaux fondements de l'existence, tous les principaux éléments de compréhension de la société actuelle, une bonne structuration du projet de transition, et de nombreuses idées très diverses, pour la société idéaliste et le quotidien.
     
     
    À vous, et à tous les autres sur cette page, une aussi bonne continuation que possible, dans l'effroyable terreur glacée de notre quotidien actuel.

  50. Effectivement, ça fout vraiment les jetons une telle prétention basée sur une telle ignorance et un tel simplisme. Bien sûr il n'y a pas place ici ni pour Hegel, ni pour Lacan, etc., mais une bonne dose d'Aristote même ne ferait pas de mal. Comme s'il y avait un possible "bonheur complet", comme si l'amour n'était pas déchirant, comme s'il n'y avait pas de jalousie, de désir de désir, comme s'il n'y avait toujours eu des illuminés qui croient avoir tout compris et qui s'imaginent que leurs pauvres platitudes relevaient d'une pensée plus globale que tout le monde mais qui ne peuvent se supporter mutuellement car il faudrait les reconnaître comme l'unique auquel on devrait notre bonheur enfin réalisé ! Du pur délire. Bien sûr la folie fait partie de notre humanité et je ne prétends absolument pas pouvoir l'éliminer pas plus que de convaincre n'importe quel croyant (ni tous ceux qui appellent à l'amour universel!).

    On ne va pas accabler un jeunot de 24 ans qui croit avoir tout compris, ce qui n'a rien d'original (je sais, je sais!). Epargnez nous donc vos réponses fleuves, revenez dans 10 ans quand vous aurez une expérience de la vie et que vous aurez lu un peu plus (il y a déjà sur mon site de quoi vous occuper de l'histoire des religions, à la biologie, la sociologie, la philosophie, la psychanalyse, etc.). Vous apprendrez peut-être ce que c'est que l'existence, l'amour, le bonheur inaccessible...

    S'il y a de quoi être agacé par une telle prétention, il faut cependant avouer qu'il est assez naturel de vouloir tout reconstruire tout seul et que cela peut donner quelque résultats à l'avenir. André Gorz ne procède pas tellement différemment dans son livre inaugural "Fondements pour une morale" et qui est tout aussi critiquable de prétendre se fonder sur soi alors qu'on est formé par les autres et l'histoire. Ce n'est pas tellement la tentative de se formuler à soi-même la cohérence de sa propre pensée qui est insupportable mais bien le manque de modestie et de croire détenir la vérité, la précipitation à se prendre pour un grand.

    Le plus grand danger, c'est de croire que tout est une question de volonté, de quoi tout dévaster, mais le plus grand obstacle à résoudre nos problèmes est bien cognitif, la bêtise humaine décidément indécrottable, "fasciné par des déductions trop logiques", comme je disais, formulation dont certains s'offusquent mais qui n'est hélas que trop vraie...

  51. Alléluia ! Le sauveur est arrivé.

    Je sais, je suis un infâme salaud. Saint Mathieu nous sauvera.

    Il est parti pour se prendre des baffes, c'est formateur mais douloureux. Quelques années de plus et ça ira mieux...

    L'amour est, selon mon expérience hasardeuse, de ne plus savoir qui ou quoi on aime, soi ou l'autre, l'ambition d'exister de l'autre, on se sent proche et lointain de l'être aimé, une folie réciproquement blessante, mais formatrice. Pour aboutir à la fade conclusion qu'on est différents et que l'on ne fera pas un, bien que nous nous reconnaissions une existence envisageable.

  52. Bonsoir,

    frank: amen?
    Jean Zin: Effectivement
    olaf: Alléluia ! Le sauveur est arrivé.

    J'ai mis «trop» de phrases affirmatives?

    Jean Zin: Comme s'il y avait un possible
    "bonheur complet" [...]

    Qu'est-ce qui l'en empêcherait, une fois nos principaux problèmes sociaux résolus?

    [...] comme si l'amour n'était pas déchirant [...]

    Pourquoi? Quand? Dans une société tranquille et diversifiée?

    [...] comme s'il n'y avait pas de jalousie [...]

    Pourquoi? Quand? Dans une société tranquille et diversifiée, on peut généralement assez bien gérer, avec suffisamment d'individualisme et de conscience pour accepter qu'un autre puisse ne pas nous aimer, avec un amour suffisamment profond et diversifié pour ne pas ressentir la peur du manque et chercher à «aller voir ailleurs», avec un suffisamment d'individualisme et un amour suffisamment développé, pour accepter les relations à plusieurs (sachant qu'on peut tout autant les refuser, et le demander à l'autre, s'il accepte), etc.

    [...] il faudrait les reconnaître comme l'unique auquel
    on devrait notre bonheur enfin réalisé!

    Je n'en ai aucune envie, bien entendu. Je tiens à mon individualité et à mon intimité. Mon but, pour moi, est de pouvoir vivre enfin dans la flemme la plus absolue, que seule la société idéaliste me permettra d'atteindre. Il serait bon d'éviter les schémas basiques, j'ai déjà une individualité assez développée, et je maîtrise assez bien ces schémas.

    Bien sûr la folie fait partie de notre humanité [...]

    En quoi? En dehors des préjugés religieux? En dehors de l'Histoire?

    [...] et je ne prétends absolument pas pouvoir éliminer
    [la folie] [...]

    Cela est pourtant nécessaire, si on veut arriver à résoudre nos problèmes.

    [...] pas plus que de convaincre n'importe quel croyant [...]

    Qui? Quelles croyances? Et si «Dieu» est vérité, alors qu'en est-il de la recherche de cette vérité? Je ne dis aucunement que la remise en cause est facile. Mais au final, elle n'est pas beaucoup plus difficile pour un «croyant», que pour n'importe qui d'autre. Les préjugés, tabous, et ignorances, sont assez globaux. Et puis le problème ici, c'est les erreurs de raison, pas les croyances elles-mêmes (qui sont censées êtres raisonnées, de simples possibilités absolues auxquelles ont décide volontairement, personnellement, d'attacher plus ou moins d'importance, au quotidien).

    ni tous ceux qui appellent à l'amour universel!

    Pourtant assez problématique niveau individualisme, intimité, et bien justement, amour, puisque dilué, jusque dans l'intimité, qui pour beaucoup de ces personnes, irait même jusqu'à disparaître, avec «ces saletés d'individualisme et de corps physique». Il y a beaucoup de contradictions et de fuite, dans tout cela.

    Epargnez nous donc vos réponses fleuves [...]

    Vous n'avez toujours pas répondu à la moindre de mes affirmations, ni à la moindre de mes questions. Mes réponses restent assez courtes (je parle de manière très synthétique ici, et vous dîtes vous-même «espérer que les lecteurs déconstruisent ce que vous dites»... je peux difficilement faire plus court, et visiblement, ce qu'il manque le plus, comme toujours, ce sont les détails, or si vous ne répondez pas à mes affirmations et questions, je peux difficilement détailler...). Si vous ne voulez pas les lire, ne les lisez pas, je suis là pour vous répondre et discuter, si vous ne le voulez pas, je ne reviendrais simplement plus.

    [...] revenez dans 10 ans quand vous aurez une expérience
    de la vie et que vous aurez lu un peu plus [...]

    J'ai déjà beaucoup d'expérience, et lu suffisamment, mais continue bien entendu de lire. C'est bien ainsi que j'en suis arrivé là, même si certes très généralement par opposition, et c'est bien le problème.

    [...] qui est tout aussi critiquable de prétendre se fonder
    sur soi alors qu'on est formé par les autres et l'histoire

    Dans ma dernière réponse, j'ai dit, «Tout est à remettre en cause, tout est à recommencer. À partir de ce que nous savons, et de ce que nous avons fait, bien évidemment, mais bien en dépassant tout cela de très loin».

    Il n'y a pas grand chose à intégrer directement, dans la société actuelle.

    [...] le manque de modestie et de croire détenir la vérité,
    la précipitation à se prendre pour un grand.

    Un «grand»? Je n'ai certes pas la moindre envie de me «prendre» pour qui que ce soit, et surtout pas une quelconque image de «maturité». Quelle «maturité», dans la société actuelle? Et quelle jeunesse? Il n'y a rien. Du vide. De la folie.

    Il n'y a aucune précipitation dans mes idées, auxquelles je suis parvenu très progressivement, au fil de mes réflexions, de mes raisonnements, et de mes analyses, jusqu'à atteindre diverses certitudes, sur lesquelles construire mes projets.

    Le plus grand danger, c'est de croire que tout est une
    question de volonté [...]

    Il n'est question, au final, que de volonté. Les ressources de la Terre sont vraisemblablement bien suffisantes, si on arrive à revenir à un nombre d'habitant adéquat. Le problème est que la volonté est prise dans plusieurs millénaires de prostration, de réactions violentes, de stress, d'oppression, de frustration, de fatigue, d'insécurité, d'incertitude, d'instabilité. Le principe est de libérer cette volonté, en arrivant à se rassurer suffisamment, autour d'un projet global massif précis, pour résoudre enfin nos problèmes.

    Le plus grand danger, c'est la prostration face à la peur, la procrastination, l'indécision, et l'apathie.

    [...] la bêtise humaine décidément indécrottable [...]

    Est-ce que tu as analysé les causes profondes de cette «bêtise»? Le pourquoi? Le comment? Encore une fois, en dehors des préjugés religieux et de toute la folie passée et présente, que reste t-il?

    [...] fasciné par des déductions trop logiques [...]

    Qu'y a t-il d'autre, en dehors de la logique, que la folie? Si tu t'inquiètes du systématisme, je maîtrise déjà bien, et ce que je dis est déjà assez bien équilibré. Au besoin, il ne s'agit que de quelques derniers ajustements, à mesure que j'avance, ou que d'autres, peut-être, me répondent enfin sérieusement.

    olaf: Il est parti pour se prendre des baffes, c'est
    formateur mais douloureux.

    Face à la violence, il y a difficilement autre chose que la prostration, et de nouvelles réactions violentes, indéfiniment. C'est bien la base des problèmes actuels, ce «cercle de la violence, de la folie, des problèmes».

    Cela dit, les réactions que j'ai pu obtenir depuis ma naissance, et bien entendu surtout cette dernière décennie, quand j'ai commencé à décoller un peu, m'ont certes été instructives, bien qu'effectivement assez fatiguantes. Certes très indirectement, mais à défaut de véritable réponse...

    L'amour est, selon mon expérience hasardeuse [...]

    Et selon la raison, après réflexion et analyse, de ton expérience, certes, mais également celles de tous les autres, et même de possibilités autres diverses?

    [...] ne plus savoir qui ou quoi on aime, soi ou l'autre,
    l'ambition d'exister de l'autre, on se sent proche et
    lointain de l'être aimé [...]

    C'est le rapport absolu avec «l'autre», un autre individu, jusqu'à la recherche de la fusion, preuve que nous ne sommes pas seul, bien qu'impossible en soi (mais nous avons certes déjà beaucoup de preuves dans cette recherche).

    Pour ce qui est de la proximité, elle est très généralement beaucoup limitée, encore une fois, par la société actuelle. Encore une fois, quel amour, quel plaisir, au milieu des cris et des hurlements partout sur Terre? Quelle introversion profonde possible, pour intérioriser nos sensations, sentiments, et émotions, et celles de l'autre, quand on baigne constamment dans toute cette folie omniprésente, sans aucune issue visible?

    Pour aboutir à la fade conclusion qu'on est différents et
    que l'on ne fera pas un, bien que nous nous reconnaissions
    une existence envisageable.

    Il n'y a rien de fade à cela, bien au contraire, puisque la base de l'amour est l'attachement, donc par définition, le rapport avec l'autre, donc une différence, qui nous apporte un réconfort face à la peur de la solitude, et une diversité intime et quotidienne. Il y a bien entendu un peu de gêne face à la distance physique, mais quand l'amour est bien développé, et qu'il peut bien se développer, dans un contexte tranquille et diversifié, alors on peut se sentir bien suffisamment proche, corps et esprit, pour s'en rassurer, et même ressentir une certaine exaltation à cette légère distance, dans la certitude cependant bien absolue, que nous sommes ensemble, deux (ou plus, bien entendu), au plus proche possible, au contact intime, plus proches que de n'importe qui d'autre, que de n'importe quoi d'autre.
     
     
    Si vous ne voulez vraiment pas continuer, n'hésitez pas à le dire, ou à ne plus répondre. Je suis venu ici parce que j'avais envie de discuter de l'article de Monsieur Zin, et pour rien d'autre.

    Bonne soirée.

  53. @Mathieu

    D'ici une dizaine d'années, vous aurez changé d'avis sur à peu près tout. Continuez de poser vos pensées par écrit mais ne les publier surtout pas.

    Votre projet est voué à l'échec et pire, le net laisse des traces indélébiles. Vous aurez honte de vous-même. A trop vous rendre public, vous vous infligez de futures blessures (qui viendront avec la conscience de votre débilité - ne prenez pas mal ce terme).

    On évolue forcement mais il y a quand même un point de départ et là vous surestimez gravement l'état actuel de votre pensée.

  54. Ces dialogues de sourds sont désespérants, il vaut donc effectivement mieux arrêter là. Comme je l'ai dit, je ne cherche pas à convaincre quiconque, continuez à croire ce que vous voulez, ce qui n'est d'ailleurs rien d'original. Il y a un nombre incroyable de gens qui pensent que tout est simple. C'est un peu comme ceux qui remettent en cause la relativité alors qu'ils n'y connaissent rien. Moins on en sait plus on s'y croit ! Ceci dit, quand c'est un jeune, cela laisse de l'espoir. Quand c'est Edgar Morin qui fait appel à l'amour, c'est plus inquiétant. On voit où la soi-disant fraternité mène Ségolène Royal, mais cela fait 2000 ans que ça dure, rien de neuf ! La vie est tragique, ce n'est pas l'aimable histoire d'un épanouissement harmonieux et notre rationalité est très limitée (j'ai exploré cette bêtise dans de nombreux textes comme "Le frimeur, l'idiot et le vendu", entre autres). Ce sont des questions que je continuerais à traiter dans mes prochains textes, en sachant que je ne serais entendu que par un petit nombre, mais on ne peut avoir de tels commentaires démesurés.

    Paradoxalement, un fou c'est quelqu'un qui a tout perdu sauf la raison, la psychose étant souvent trop logique (sur le versant paranoïaque). Le problème est bien d'être "fasciné par des déductions trop logiques", même si c'est difficile à entendre. La logique est folle et ne donne aucune connaissance en elle-même mais seulement dans l'interaction avec le réel, ce que la physique montre bien où seule l'expérience tranche. C'est pourquoi toute cette belle construction ne vaut absolument rien et s'écroule d'elle-même malgré son caractère si convainquant comme tout délire, toute religion. Cela vaut du moins comme expérience de nos limitations cognitives. C'est une maladie du langage dont aucun être parlant n'est exempt. Il n'y a pas à s'en offusquer, seulement à s'en méfier. Le problème n'est pas tant de passer de l'obscurantisme à la lumière mais de ne pas trop s'en aveugler.

  55. Eh bien, quant à moi je serai d'avis qu'entre de jeunes idéalistes et de vieux aigris dogmatiques, nous incarnons à nous tous une certaine diversité du monde. Ce site est bien, ainsi que je l'avais écris, une vaste comédie pathétique.

    A voir, par contre, que ce "Pluriel du futur" ne pourrait pas tout aussi bien se passer de nous ; et même ne s'en porterait pas plus mal !

  56. Allez donc sur son site pour vous congratuler réciproquement, j'encourage chaudement ces rencontres intellectuelles mais ailleurs que chez moi car si je ne rêve aucunement de supprimer la bêtise et la folie de la surface de la terre puisque cet article montre au contraire que c'est tout-à-fait impossible, cela ne signifie en rien que je serais prêt à supporter n'importe qui et n'importe quoi. Il est tout de même extraordinaire d'être tellement accroc à un site qu'on déteste tant, qui n'est qu'une vaste comédie pathétique et qu'on voudrait voir disparaître ! Lâchez-nous donc, le monde est vaste où vous pouvez vous exprimer sans jouer bêtement au troll.

    Comme je suis pris ailleurs ce mois-ci, je vais sans doute fermer les commentaires quelque temps, sauf si j'écris quand même un nouvel article ?

  57. Oui, la logique peut être assez bête, tout comme un microprocesseur qui recevrait des informations aberrantes
    au sujet desquelles il ne se poserait aucune question de pertinence, une logique critique en boucle fermée de la logique en boucle ouverte qui se ferme sur elle même, paradoxalement. Une sorte de bidule qui pédale dans la choucroute, ou la semoule, selon sa région d'origine.

    C'est aussi bien tout le problème des intégrales divergentes à partir desquelles on a voulut maitriser le chaos.

    On est jamais sûr de rien à 100%, quelques soient nos précautions, mieux vaut le savoir.

    C'est la question de la physique et de bien d'autres domaines qui se désirent dogmatiques, mais rien y fait ça ne marche pas comme ça.

    Pour l'appel à l'amour de Morin, je ne suis pas contre, sauf quelques réserves. L'appel à l'amour c'est ce qui reste quand il n'y a plus rien à dire, un cri de désespoir qui appelle l'espoir, un truc quasi physiologique auquel on ne peut pas s'opposer frontalement. Ca ne donne pas de solution, mais ça a un caractère physiologique, comme une hémorragie par exemple.

    Rien de péjoratif dans cette comparaison.

    L'amour ira mieux quand on arrêtera de le convoquer pour conquérir de nouveaux mondes et qu'on lui laissera la paix.

  58. La Physique est un bon exemple de théories absolument convaincantes qui ne résistent pas à l'expérience, ce qui peut provoquer l'effondrement de certains. Carlo Rovelli notamment insiste sur le caractère révolutionnaire de la science, en tant qu'elle contredit nos certitudes premières :

    La base même de la science est donc la pensée critique : la conscience forte que nos visions du monde sont toujours partielles, subjectives, imprécises, provinciales et simplistes.

    La pensée scientifique est consciente de notre ignorance. Je dirais même que la pensée scientifique est la conscience même de notre grande ignorance et donc de la nature dynamique de la connaissance.

    Ce n'est pas qu'il faudrait en tirer la conclusion qu'on ne sait rien et qu'on peut se passer de la logique en disant n'importe quoi, c'est juste une contrainte supplémentaire de la logique qui doit se vérifier dans la pratique. Je suis pour ma part frappé comme un nouvel élément peut complètement remettre en cause un raisonnement qu'on croyait définitif. Penser c'est d'ailleurs éprouver notre volonté et nos représentations par des négations successives qui vont par exemple faire osciller notre décision de voter et pour qui. C'est un processus, un apprentissage. Il est tout aussi frappant de constater comme les ravages de l'idéologie commencent avec une logique trop dominatrice qui veut s'imposer en dépit des démentis qu'elle rencontre (dissonance cognitive). On le voit avec les libéraux dogmatiques comme avec les anciens staliniens et les positions "partisanes". Le dogmatisme comme le scientisme sont des maladies du langage, forme de folie liée à un excès de logique (comme le darwinisme social et le racisme nazi). Amartya Sen pensait s'en tirer en élargissant la base de données des libéraux mais rien n'y fait, on retombe toujours dans le démon de l'analogie et la non pensée automatique. Tout le monde y est exposé sans cesse et doit sans arrêt s'en dépêtrer.

    C'est bien parce que le cognitif n'est pas brillant qu'on s'imagine qu'on pourrait faire appel à l'amour comme si les problèmes venaient de nos mauvaises intentions alors que c'est l'enfer des bonnes intentions ! Non seulement l'appel à l'amour est on ne peut plus confusionnel mais il est tout ce qu'il y a de plus dangereux. Hitler parlait tout le temps d'amour, ce n'est pas un hasard pour Freud qui a montré la fonction de l'amour du maître dans la psychologie des foules. Voir là-dessus Geffray :
    http://jeanzin.fr/ecorevo/philo/geffray.htm

    S'offusquer de ces appels à l'amour, ce n'est bien sûr pas prêcher la haine, ni faire comme si on devait rejeter l'amour, c'est dénoncer la négation de la division sociale tout autant que l'imposture, l'usurpation, le chantage aux sentiments, l'hypocrisie instituée, la dénaturation de l'amour et sa transformation effective en haine de l'autre, de celui qui se refuse à ces effusions artificielles. Il ne suffit pas de brandir des grands mots. On n'a pas besoin de manipuler les émotions mais de trouver des solutions institutionnelles : ne pas aimer, ne pas haïr, comprendre ! Or, comprendre, c'est le difficile, surtout dans ces périodes de mutation.

    Je ne regarde presque jamais la télé mais j'ai vu hier le film Donnie Darko sur Arte et c'était très amusant d'y voir un gourou américain (et finalement pédophile) qui réduisait tout à "la ligne de vie" qui va "de la peur à l'amour", simplisme qui révoltait le héros "asocial". C'est très américain ces pensées-minutes qui bien sûr s'appuient toujours sur une part de vérité mais la bêtise incommensurable de ces littératures de gare manifeste comme la vérité est souvent un moment du faux.

  59. Bonsoir,

    Saahk: D'ici une dizaine d'années, vous aurez changé d'avis
    sur à peu près tout.

    D'ici une dizaine d'années, la transition aura déjà bien commencé.

    Jean Zin: Ces dialogues de sourds sont désespérants,
    il vaut donc effectivement mieux arrêter là.

    Je ne demandais qu'à discuter. Personne n'a répondu à la moindre de mes affirmations, ni à la moindre de mes questions, à propos de vos messages.

    Bonne continuation.

  60. @Jean Zin :

    Concernant Mathieu, je constate qu'il est plein de bonnes intentions, ce qui n'est pas haïssable mais quand même discutable quand aux issues à en espérer.

    Pour ma part, je crois qu'il y a véritablement une forme de pathologie intrinsèque aux classes. A savoir une forme de consensus de ceux qui en font partie sur un certain nombre
    de principes, tout ça pour continuer à faire partie de sa classe,
    sa caste quelle qu'elle soit, sa strate.

    Même si on est pas d'accord, on plie, et on hésite pas à invoquer l'amour, la gentille communication ou même la raison
    pour effectuer ce "refoulement" j'oserai dire, car je ne suis pas psy, mais je crois comprendre en partie faible ce que peut dire la psychanalyse. Même quand on est pas initié, on peut entrevoir qu'il y a du vrai quand il y en a quelque part, le vrai ne peut pas être totalement invisible.

    C'est aussi le problème de se connaitre soi même, sachant quelque part qu'une bonne part de nous même nous échappe, actes manqués en pagaille souvent, dont on ne constate le hiatus qu'à postériori souvent, et en faisant un peu d'effort de reconnaitre les faits.

    Alors la logique, tournant en boucle, est bien un artifice souvent
    de déni.

    Pour en revenir à la lutte des classes, elle est probablement un affrontement des pathologies de classe qui ne changent possiblement la société que par l'affrontement, opposition de pathologies. La question est de savoir comment la lutte des classes en 2009 peut se réaliser, de quelle forme de violence
    elle relève. Car de toute façon on élimine pas la violence issue de la tectonique des classes par des fariboles à l'eau de rose, il s'agit de phénomènes aussi puissants que ce qu'étudie la physique.

    J'aime bien l'eau de rose 5 à 10 minutes, mais après ça m'écœure et me donne la nausée. Pourquoi ? Parce que c'est
    pénible.

    Alors je me souviens de quelqu'un qui m'avait dit qu'il était plus facile de se changer que de changer la société. J'étais adolescent, et déjà j'avais grincé des dents en entendant une telle soumission de la part d'un membre de la classe dirigeante.

    Voilà encore c'est la même connerie qu'on nous raconte, changer les gens pour qu'ils servent la société.
    Coachs, psys... faire feu de tout bois pour maintenir un cap aberrant.

    Mais surtout pas toucher à la société qui est évidemment inchangeable car représentant la fatalité décidée par les dieux, qui sont de fait les membres de la classe sociale supérieure qui ne voient, à tord, pour eux aussi, aucune raison suffisante pour changer la société. Pas de complot là dedans, simplement
    un système d'action concret tel qu'a pu l'analyser Boudieu.

    Des niches écologiques de classes.

  61. Ce que je souhaiterai rajouter, c'est que les milieux du pouvoir ont assez souvent le besoin de se livrer à des pratiques sado masochistes en privé. J'en sais un peu là dessus, pas pour avoir participé à ça mais d'avoir fréquenté de loin, mais aussi d'assez près ces milieux là pour en connaitre les coulisses. Je pense que cela est vrai. Je n'émet pas de jugement moral là dessus, j'essaye simplement de comprendre quelle nécessité il y a d'avoir ces pratiques pour des dominants qui se veulent soumis le temps d'une partie de jambes en l'air. S'agit t il d'une forme d'une auto pénitence ?

    Une forme de tentative de rééquilibrer le bilan "moral" ?

Les commentaires sont fermés.