Théorie de la crise et crise de la théorie

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La crise, et après ?, Jacques Attali, Fayard

Alors qu'on s'enfonce dans la récession, que les premiers effets commencent tout juste à s'en faire sentir mais que montent déjà l'angoisse et la révolte, on aurait bien cru devoir approuver sans réserve pour une fois ce petit livre de Jacques Attali, tant l'accord peut être grand sur le diagnostic, aussi bien sur les causes que sur la gravité d'une crise qu'il avait été l'un des premiers à annoncer. Ce qui ne gâte rien, on y retrouve une rhétorique de gauche assez "percutante" (sans doute liée au fait qu'il en profite pour régler quelques comptes avec les banquiers de la City qui l'avaient obligé à démissionner de la présidence de la BERD !).

Comme on le verra, ça commence fort, effectivement, et rien à dire sur le déroulé des événements, mais ça se gâte tout de même sur la fin au niveau des propositions. Non que la plupart ne soient pas raisonnables mais ce sont surtout ses conceptions idéologiques de l'économie et de la démocratie qu'on peut trouver très insuffisantes et bien trop technocratiques, minimisant par trop les dimensions sociale et politique.

Cette théorie de la crise révèle une crise théorique plus profonde de l'économie libérale et de la place qu'y occupe la politique, crise provoquée par l'éclatement de la bulle idéologique, tentative désespérée de retrouver un nouveau consensus sans rien chambouler, juste en serrant quelques boulons par-ci par-là, voire en imaginant quelque autorité supérieure. C'est un vieux rêve de conseiller du prince, sans doute, comme s'il y avait des sages qui savaient assez de vérités déjà connues pour décider de l'avenir sans faillir, alors que les économistes se disputent sans arrêt dans de véritables guerres des religions ! Ce n'est pas encore la fin de l'histoire. La question est de savoir s'il ne s'agit que de rétablir l'ordre ou d'en changer, ce qui d'ailleurs ne dépend pas tellement de l'opinion qu'on peut en avoir mais ne se fera pas pour autant sans luttes ni sans douleurs. Le meilleur qu'on peut en attendre, c'est la refondation de nos solidarités dans une crise systémique qui nous dépasse tous mais nous réunit aussi de par toute la Terre.

Cette première crise de la mondialisation s'explique très largement par l'incapacité de la société américaine à fournir des salaires décents aux classes moyennes ; elle les pousse alors à s'endetter pour financer l'achat de leur logement, entraînant une croissance de la valeur des patrimoines et de la production ; les institutions financières et les "initiés" qui les animent s'octroient l'essentiel de la richesse ainsi produite sans courir le moindre risque, grâce à la titrisation. p9

Voilà un assez bon digest des causes de la crise. Effectivement, la baisse de la part des salaires était déjà la cause de la bulle financière en 1929 (selon Eccles, Livingston, Galbraith, etc.) et la sortie de crise s'est traduite par une réduction drastique des inégalités par l'impôt pendant les 30 glorieuses (jusqu'à l'éclatement de la bulle des salaires, si l'on en croit cette fois Denis Clerc, pour qui c'est ce qui aurait provoqué la stagflation de 1974 et une correction en faveur du capital avec le retour des inégalités jusqu'aux emballements récents!). Tout de même, on peut être étonné de voir surgir le terme d'"initiés" à la place de celui de capitalistes ou d'actionnaires, prenant sans doute acte du fait que l'information est devenue le premier pouvoir mais il y a bien substitution et, de façon encore plus significative, là où l'on pourrait penser qu'il devrait être question de lutte des classes. On va voir en effet que la citation suivante, qu'on peut encore approuver largement, fait un glissement vers l'état de droit :

Pour moi, la crise actuelle s'explique simplement : si le marché est le meilleur mécanisme de répartition des ressources rares, il est incapable de créer par lui-même l'état de droit dont il a besoin, ni la demande nécessaire au plein usage des moyens de production. Pour qu'une société de marché fonctionne efficacement, il faut à la fois qu'un état de droit garantisse le droit de propriété, impose le maintien de la concurrence, et crée une demande de salaires décents et des commandes publiques ; ce qui suppose une intervention politique si possible démocratique, dans la répartition des revenus et des patrimoines. p10-11

Le marché permet d'allouer librement des ressources rares pour produire et acquérir des biens privés. La démocratie permet d'allouer librement des ressources rares pour produire et distribuer des biens publics. p151

Tout cela semble raisonnable, sauf qu'on impute alors les folies du capitalisme à des règles de droit insuffisantes et qu'on fait du droit comme de la démocratie de simples correcteurs du marché. Dès lors la question devient plus technique que sociale ou politique. Ce n'est pas le marché ni le capitalisme qui est en cause mais son organisation, les règles de droit. Il faut faire bien attention car d'avoir réduit la démocratie à une fonction technique pourrait mener à se passer d'autant mieux de la démocratie peut-être ? En tout cas, cela donne des discours enflammés assez réjouissants :

La crise ne fait que commencer ; la récession est là ; le désendettement s'accélère ; la dépression menace. Elle va maintenant, si rien n'est fait, toucher très profondément les entreprises, les consommateurs, les travailleurs, les épargnants, les emprunteurs, les villes, les nations. Inquiètes de leur avenir, les banques refuseront alors de prêter à des entreprises parfaitement saines qui tomberont en faillite (...) La crise financière mondiale, devenue économique, basculerait alors dans une crise sociale et politique majeure. p 15-16

Si l’on veut éviter que l’histoire prenne ce tour terrible, il est temps de comprendre que tout cela trouve sa source dans le déséquilibre entre le marché et l’état de droit : il réduit la demande, la transfère sur la dette et crée des rentes financières majeures, légales, a-légales, illégales, voire criminelles. Parfaitement conscients des risques que le développement anarchique des marché fait alors courir au monde, les « initiés » font tout pour maximiser leurs profits, comme des voleurs se hâtant de rafler le plus possible d’or dans les coffres d’une banque, prenant tous les risques dans les dernières secondes d’un hold-up, juste avant l’arrivée de la police.

Il est temps de comprendre que les contribuables paient aujourd’hui les bonus des banquiers qui les ont plongés dans une pareille situation. Il est aussi temps de voir que cette crise peut représenter une chance pour le monde, ultime alerte sur tous les dangers d’une globalisation anarchique et gaspilleuse. p17-18

Les banquiers à la lanterne ! Sûr qu'ils le méritent, ce ne sont pas du tout d'innocentes victimes et ils devront payer, mais on n'est pas très loin tout de même des théories du complot avec cette description des initiés profitant des failles du droit pour nous plumer et tout rafler avant la faillite ! C'est forcer un peu le trait alors qu'il y a plutôt des effets systémiques et des effets de groupe ou de mode. Rien à voir d'ailleurs dans cette désignation des coupables avec une critique du capitalisme, seulement de ses "excès", de ses mauvais côtés qui ne sont pourtant à chaque fois que l'envers de ses supposés bons côtés ! Il y a certes quelque chose de juste, on ne va pas le nier, dans l'insistance sur le pouvoir de l'information et des initiés mais c'est occulter que ce pouvoir reste lié au pouvoir financier ordinaire dont il n'est qu'un mode de gouvernement, c'est occulter la logique du capitalisme salarial, de la plus-value et de la lutte des classes qui en constituent les fondements. Car ce ne sont pas seulement quelques initiés qui mènent la danse, mais plutôt comme Warren Buffet l'avoue explicitement, une guerre des riches contre les pauvres, guerre gagnée (provisoirement?) par les riches !

L'information est bien devenue stratégique mais le système de production n'a pas encore changé, toujours basé sur les mêmes mécanismes. Il ne suffit jamais de dire la vérité, il faut voir ce qu'on en fait. Toute idéologie est fondée sur des vérités dogmatisées, où le vrai n'est plus qu'un moment du faux. Attali reconnaît d'ailleurs assez bien la fonction de l'idéologie :

L'idéologie, qui sert à asseoir le pouvoir d'un groupe, doit aussi avoir la capacité d'expliquer la vie des gens, de leur donner une raison de travailler, même à ceux qui souffrent. p142

Il vaut de citer Rousseau "le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir" pour souligner à quel point la fonction du droit est idéologique et comme la fonction de l'état de droit est de conforter les pouvoirs en place. L'idéologie sert aussi à conformer les travailleurs aux exigences du mode de production, à une sorte de dressage comportemental qu'on trouve autant dans l'idéologie libérale que communiste, en tout aussi stakhanoviste. Le libéralisme voudrait nous persuader ainsi que nous ne sommes intéressés que par nous, par l'argent et la compétition ! Nous savons à quel point c'est faux et ne correspond pas à ce que nous sommes ni à notre désir de reconnaissance. Il n'est pas sûr qu'Attali en soit assez persuadé mais il dénonce quand même fort à propos les ravages de la "pensée positive", confiance dans l'avenir qui est certainement constitutive de l'idéologie libérale et se trouve être un élément déterminant des moments d'euphorie irrationnelle des marchés, où il faut voir la véritable cause des krachs qui suivent inévitablement. C'est hélas ce qui nourrit aussi le négationnisme climatique...

Pour éviter de prendre en compte ces rares discours inquiétants, apparaît une théorie, une pensée, une idéologie : la positive attitude. Elle consiste à se convaincre qu'un but est facilement accessible si on y aspire avec assez de sincérité, de force, de concentration. Que ce soit dans l'économie, en peinture, en sport, se diffuse globalement l'idée que la conquête de bons résultats passe nécessairement par la conviction et que le mieux adviendra si l'on y croit. Méthode Coué qui renvoie souvent à une attitude américaine puérile face aux contraintes de la réalité.

Chacun se met à penser que pour décrocher un bon emploi, la recette consiste à être optimiste. En particulier, et c'est là un point essentiel, nul ne peut devenir dirigeant s'il annonce de possibles désastres. Et le fait d'être persuadé de pouvoir assumer financièrement un emprunt immobilier à taux variable revient à en avoir les moyens. p81-82

Peut-on croire pour autant, que la cause de la crise soit purement théorique ou contingente et liée à quelque mesure technique ou de simples faiblesses humaines ? On n'est encore qu'à l'écume des choses si on ne remarque pas que les crises sont relativement cycliques et qu'on est au début d'un nouveau cycle, marqué en général par des moments révolutionnaires d'adaptation à de nouvelles forces productives et de nouvelles règles du jeu. Envisager que la cause soit plutôt générationnelle et technologique permet d'interpréter tout cela (pensée positive, bulle immobilière, inégalités) comme moments du cycle et non comme causes premières, témoignant simplement de notre rationalité limitée et de l'abus de position dominante d'une génération sur les autres. Il est vital de savoir distinguer ce qui relève du cycle ou du plus long terme et de s'attacher aux causes matérielles et démographiques. Cela implique sans doute que le rapport de force dans la lutte des classes ne dépend pas tellement de nous. Du moins, c'est ce qui fait qu'il y a des périodes où l'on a le vent dans le dos et d'autres tout devant ! Ainsi l'inflation favorise les revendications collectives (d'augmentation des salaires) alors que la baisse des prix favorise l'individualisme (l'individualisation des augmentations de salaire). Cependant, avec tout cela on s'éloigne complètement du livre, car pour Attali, la cause n'est pas matérielle mais bien idéologique, une simple erreur théorique, une virgule dans un texte de loi...

Il faut bien dire que Jacques Attali constitue le prototype même de l'idéologue ou de l'essayiste qui procède par raccourcis et généralisations. Il fait une présentation schématique d'un événement historique, en nous persuadant que c'est bien ainsi que les choses se sont réellement passées, puis il en applique le schéma de façon complètement anhistorique et comme si c'étaient les idées qui menaient le monde. Ainsi, il explique le développement occidental par une préférence pour la liberté qui parait miraculeuse comme si ce n'était pas son caractère productif qui avait fait préférer le salariat à l'esclavage et comme si la liberté n'était pas consubstantielle à notre humanité ! Ce sont vraiment des explications qui n'expliquent rien et détournent des processus historiques effectifs dans leurs dimensions techniques, militaires, religieuses, sociologiques, économiques. Les idéologies ne sont pas aussi déterminantes que les conditions sociales et sont plutôt l'objet d'une sélection qui s'opère sur les résultats effectifs en terme de puissance et de richesse.

De la même façon, dans un autre livre, il faisait de la société de marché l'aboutissement de toute l'histoire humaine comme s'il n'y avait pas bien d'autres enjeux. Ici, l'histoire s'écrit dans le combat de titan entre le marché et l'état de droit, sauf que c'est très récent, depuis la fin des économies dirigistes seulement et l'autonomisation d'un marché financier mondialisé ! Comme toujours l'histoire est reconstruite à partir du présent mais elle est surtout niée comme histoire. Ainsi mettre sur le compte de la liberté des contrats la remise en cause de toutes les valeurs, c'est dénier à l'histoire sa dimension cognitive où les traditions et dogmes religieux sont remis en cause parce qu'ils ont montré leur fausseté tout bêtement ! S'ils ont perdu leur légitimité, c'est d'être illégitimes : il n'y a pas de paradis du savoir originel, la science se construit pas à pas contre nos préjugés et notre ignorance qui peuvent être dépassés, y compris le relativisme des marchés. Ce qui est en jeu fondamentalement, c'est la commune vérité, même si le marché est bien pratique quand on veut faire comme si personne n'avait décidé du résultat le plus impitoyable, c'est en même temps la fondation d'une nouvelle légitimité, une nécessaire refondation politique et sociale basée non sur des valeurs toujours contestables mais sur notre solidarité effective qui est bien réelle et ne dépend pas de notre bon vouloir.

Il est tout aussi frappant de voir qu'il introduit bien la rupture de l'ère de l'information, avec la mention des "initiés" qui réfutent le caractère supposé optimal des marchés du fait de la dissymétrie de l'information, pour en dénier finalement son caractère de rupture, en particulier dans le travail, car fondamentalement rien ne change pour ses projections dans l'avenir en dehors de la réglementation du marché, comme dans un présent éternel qui éclaire l'avenir tout en reconstruisant son passé...

Si on ne peut qu'être d'accord sur un certain nombre de mesures qui s'imposent pour sortir de la crise, en premier lieu un revenu garanti ou le retour de la taxe Tobin et l'inévitable inflation pour réduire le poids de la dette, beaucoup sont de simples "whisful thinking" (des prix bas, un marché stabilisé, etc.). C'est un détail, mais on ne peut confondre par exemple l'inflation des biens de subsistance et l'inflation des biens d'équipement. Plus généralement, c'est la conception technocratique d'ensemble qui apparaît bien trompeuse comme s'il suffisait d'un catalogue interminable de solutions techniques (tout comme dans son plan de libération de la croissance !) alors que le bateau prend l'eau de toutes parts. Il ne suffit pas de créer des agences, de nommer des contrôleurs, d'édicter des normes, de promulguer des lois : il y a des intérêts à combattre et des rapports de force à établir. Impossible de déterminer à l'avance les excès de confiance et les abus de position dominante, l'impact réel des dernières technologies ou de comportements mimétiques. Il y a toujours des polémiques en tous domaines où il faut prendre parti sans disposer de tous les éléments pour se décider. Il est toujours aussi risqué de prendre position quand on manque d'informations et qu'il y a conflit des interprétations, laissant dès lors bien trop de place à l'idéologie comme aux émotions.

Cette confiance excessive dans l'expertise, le droit et la bureaucratie est de la même veine que la mathématisation de l'économie qui fait croire qu'en faisant appel à des scientifiques on pourrait résoudre les problèmes et même éliminer le risque, ce qui n'a pour résultat, on l'a vu, que de l'augmenter jusqu'à le rendre systémique ! C'est la prétention d'un monde d'abondance sans crise qui crée le maximum de risque ! Bien sûr tout cela se fait au nom d'un nécessaire matérialisme mais pas du tout dialectique, hélas, ne pouvant donc avoir une quelconque pertinence au-delà d'un horizon réduit au très court terme, et encore cela dépend des périodes. Il vaudrait mieux intégrer le caractère cyclique des crises pour y opposer des politiques contra-cycliques.

La constitution d'un gouvernement mondial occupe une assez grande place dans cette utopie et il faut bien dire qu'on n'en est pas si loin même s'il semble que le protectionnisme et les antagonismes vont rapidement faire éclater cette belle unité, dans un premier temps du moins. La sortie de crise devrait se traduire effectivement par un renforcement du système, une plus grande unification et une meilleure gouvernance mondiale. L'hypothèse d'une monnaie mondiale (le Bancor de Keynes) n'est pas non plus tout-à-fait hors de saison mais on en reparlera après l'effondrement du dollar... Jacques Attali, qui s'occupe de micro-crédit maintenant, attache beaucoup d'importance enfin à la possibilité de donner accès au micro-crédit grâce à la banque par mobile, il en attend des miracles mais on peut douter que cela puisse prendre rapidement de l'ampleur, simple gadget dans l'immédiat sans doute.

Et après ?

Il ne faut pas se cacher que c'est la critique qu'on peut faire tout aussi bien à l'option que je défends, de toutes façons nécessaire et qui pourrait avoir plus d'impact malgré tout : celle d'une relocalisation avec des monnaies locales. L'avantage ici, c'est qu'on ne part pas de rien mais à la fois du mouvement altermondialiste, premier mouvement politique mondial, ainsi que de l'expérience de l'effondrement de l'Argentine. Des économistes se veulent rassurants en soulignant qu'il y a 50% de la population qui dispose de revenus fixes mais il y a de quoi s'inquiéter qu'on en soit à le dire, et pour les 50% qui restent aussi ! En tout cas, si l'on veut savoir ce qui risque de se passer de pire au niveau économique, l'Argentine est l'exemple à prendre où les monnaies locales, ignorées par les économistes, se sont substituées à l'argent qui manquait pour assurer la continuité de l'approvisionnement et la survie de la population. Il ne s'agit pas de prétendre dogmatiquement que ce serait la seule voie et qu'on pourrait se passer de plans de relances et de grands travaux plus ou moins "verts". On comprend que des écologistes critiquent de façon un peu pavlovienne les plans de relance accusés de productivisme mais il est question de survie dans ces moments de crise, ce qu'il faut prendre en compte quand on se prétend écologiste. Ce n'est certes pas en décimant la population qu'on peut construire une politique écologiste, ni en mettant plus d'un quart de la population au chômage, mais en construisant un système alternatif ce qui est autrement difficile et prend du temps !

On doit s'attendre à ce que les lignes bougent, il est donc très difficile de préfigurer ce qui va en sortir mais étant donnée la conjonction des crises (économique, écologique, politique, géopolitique) pour l'instant on ne peut plus croire, comme au début, que tout pourrait s'arranger assez rapidement car le mécanisme de la dépression risque de jouer à fond et pour longtemps. Une seule chose pourrait nous sauver peut-être, c'est une forte mobilisation sociale pour augmenter les revenus des salariés, rmistes et chômeurs, permettant de refonder la solidarité sociale et de faire repartir l'économie, sinon on entre dans le cycle de la violence (qui a déjà bien commencé!). Toutes les options sont possibles en même temps : 1936, le fascisme, le New Deal, mais il faut s'attendre à ce que la tentation autoritaire soit forte et qu'en l'absence des forces de gauche, complètement laminées, on se cherche un sauveur ou bien qu'on s'enfonce dans un terrorisme stérile. En tout cas il n'y aura pas de réorganisation globale sans sa traduction politique.

En attendant, il ne semble pas qu'on puisse éviter une restriction du crédit par rapport à la situation précédente, ce qui devrait enclencher une spirale dépressive avec des faillites en chaîne et une déflation qui a déjà commencé avec le pétrole mais dont on sait que c'est la pire situation pour l'activité. Le Japon l'a déjà expérimentée à ses dépens. Cette fois cela pourrait être bien plus dramatique de toucher le coeur du capitalisme mondial ainsi que des pays très peuplés comme la Chine où les conséquences sociales seront massives. Et plus ça dure, plus c'est dangereux, plus les tensions s'exacerbent. La baisse du pétrole ne peut même plus enrayer l'effondrement de l'automobile américaine qui se trouve à la conjonction des crises économique et écologique. L'aide américaine puis européenne dans ce puits sans fond ne fera sans doute que retarder l'échéance...

Sur l'autre front, avec la dévaluation du Yuan et les premières annulations de commandes d'avion, la Chine a déjà ouvert les hostilités mais la guerre est sans issue qui aboutira inévitablement à une dévaluation du dollar bien plus conséquente ! De toutes façons, en opposition frontale aux statuts de la BCE, il n'y a pas d'autre solution qu'une inflation généralisée, et donc une dévaluation généralisée, afin de relancer l'économie en dégonflant la dette (par "l'euthanasie des rentiers"). Il n'y aurait rien de pire en effet que la déflation qui augmente le poids d'une dette devenue démentielle. Notre chance, c'est qu'on est justement dans une période inflationniste, à cause du développement des pays les plus peuplés. C'est même l'inflation qui a servi de déclencheur à la crise (et, paradoxalement, provoquant une déflation à court terme en contre-coup) ! Bien sûr l'inflation peut être terrible pour les plus pauvres en rognant sur les salaires mais, dans notre contexte, elle devrait être accompagnée plutôt que combattue. Il faudrait donc augmenter RMI et allocations chômage d'un côté (à défaut de revenu garanti), quitte à augmenter la TVA et la TIPP de l'autre, tout en baissant les charges sociales pour augmenter les salaires.

Le problème, c'est qu'il faudrait faire cette relance au niveau européen si on ne veut pas creuser le déficit commercial, et ce n'est pas vraiment le chemin qui est pris pour l'instant... Il ne semble pas que les conditions sociales, politiques, géopolitiques soient réunies pour qu'on s'en sorte sans heurts, même si un accord n'est pas complètement impossible ! Comme dans toutes grandes crises, les gouvernements vont plus probablement s'évertuer à faire le contraire de ce qu'il faudrait, en croyant faire ce que les gouvernements n'avaient pas fait lors de la dernière grande crise, mais en jouant les uns contre les autres tout en engloutissant des centaines de milliards en pure perte !

En tout cas, c'est certainement dans les périodes de credit crunch où l'argent se fait plus rare que les monnaies locales seraient le plus utiles et le plus faciles à mettre en place car une création monétaire ex nihilo est non seulement possible mais plus qu'utile dans ces moments là, création monétaire pilotée au niveau local sur des produits et services ciblés, sans les risques de "déficit commercial" donc. C'est certainement ce qui serait le plus efficace car ne servant pas à subventionner nos importations de produits de première nécessité mais privilégiant la consommation locale. Ce localisme évite les inconvénients du protectionnisme comme du libéralisme aussi bien que le risque de provoquer des pénuries. La sortie de crise devra être l'occasion aussi d'une adaptation du système de production et de la protection sociale aux nouvelles forces productives de l'économie numérique, ce qui est encore une autre paire de manche !

Bien sûr, pour que le besoin s'en fasse sentir, il faut d'abord qu'on tombe au plus bas afin de renoncer à vouloir continuer comme avant, mais on y va car, dans l'état, on ne voit pas comment la machine pourrait repartir ! Dire que cela ne durera qu'un an, comme la plupart des économistes, c'est se persuader que ce n'est pas si grave, encore cette foutue "positive attitude" qui retarde les réactions énergiques qu'il faudrait prendre dès maintenant. En 1929, on n'arrêtait pas de voir le bout du tunnel, en se persuadant que tout s'arrangerait tout seul jusqu'à la catastrophe finale. C'est dans ces moments là qu'il faudrait se mobiliser en masse et que nous prenions nos affaires en main plutôt que de se fier aux experts qui prétendent nous sauver...

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27 réflexions au sujet de “Théorie de la crise et crise de la théorie”

  1. dans cette situation quelles types de propositions et d'orientations on peut essayer de faire aux élus locaux ?

    mettre en place des monnaies locales , réquisitionner des terrains pour assurer un minimum de production locale ( alimentaire ? ) ?

    vous est il possible de détailler d'avantage cette notion de "cycle de la violence " ( qui est sutout employé dans le cas des violence conjugales ) ?

  2. bonjour;
    j'ai du mal à comprendre l'interet porté à cette personne.
    La portée de sa reflexion est plus que nulle, carrément négative: le voir extrapoler des tendances actuelles et leur ajouter un HYPER sans aucun sens historique ou logique (aujourd'hui il faut être mobile ? demain il faudra être hyper-mobile ! Ça fait mal à la tête de bétise...). D'ailleurs le voir prétendre avoir prévu la crise avant tout le monde pose la question suivante: Schizophrénie ou délirium tremens ?
    S'il a tout prévu pourquoi il a insisté et insiste toujours lourdement pour amplifier les causes de la crise (les xx propositions pour Sarko etc...)? Il ne connait pas cet autre Attali ? Il était saoul ?
    Oublions cet insignifiant personnage, laissons le aux médiocres médias qui jamais n'interoge la pertinence la légitimité et l'indépendance de leurs abonnés au plateaux télé.

    Certes la critique de son livre vous permet d'aborder de mettre en avant ses insuffisances (et sa suffisance !) puis de désigner des pistes autrement intéressantes mais ce genre de travail ne serait il pas beaucoup plus interessant et utile si vous partiez directement de quelqu'un qui a quelque chose à dire et la légitimité pour le faire ?
    Pour prendre quelques exemples J. Sapir propose une review sur les études mettant en pièce l'économie néo-classique, une reflexion sur la viabilité et la légitimité de l'euro ou de la notion de protectionisme. Ou bien Ph. Grasset qui poursuit une lecture de l'empire US et que vous avez déjà cité en lien ou F. Lordon... Ce ne sont pas les intelectuels ou sources d'informations pertinentes qui manquent !

  3. Le cycle de la violence, c'est tout bêtement qu'il n'y a pas de raison que ça s'arrête une fois que ça a commencé, chacun durcissant ses positions et rendant coup contre coup.

    Comme je le dis à la fin du texte, il faut attendre d'être au plus bas pour avoir une chance d'être entendu. Il ne sert à rien sans doute de vouloir interpeller les élus locaux dès maintenant. On peut tout au plus se renseigner et faire circuler l'information, en sachant qu'on pourrait y avoir recours au cas où.

    Je ne me prononcerais pas sur l'intérêt de mon texte, toujours sujet à caution. On peut n'y trouver aucun intérêt. Pour l'intérêt porté à Jacques Attali, c'est d'abord un intérêt médiatique effectivement et, sur le sujet, aussi qu'il fait parti des "initiés". Ceci dit, je reconnais que je me suis fait la même réflexion que je parlais un peu trop de lui puisque c'est le 3ème livre que je critique, mais c'est qu'il tourne autour des mêmes centres d'intérêt que moi et il n'est pas inutile de critiquer les pensées dominantes. La critique de l'idéologie me semble absolument indispensable. Il faut dire aussi que cette fois-ci j'étais assez largement d'accord avec l'analyse de la crise, qu'on trouve chez d'autres bien sûr, en premier lieu Paul Jorion et Jacques Sapir que j'ai déjà signalés (pour Lordon je suis plus réservé) mais qui n'est pas forcément majoritaire. Au-delà, ce qui m'a intéressé vraiment, c'est de définir ce qui manquait à ces analyses qui restent trop exclusivement économiques. Je ne suis pas sûr d'y être parvenu mais ce que j'ai lu ailleurs m'a semblé trop insuffisant et ne tenant pas assez compte de toutes les dimensions de la crise, ce qui est impossible peut-être tant qu'on est dedans...

  4. Votre article est intéressant, comme souvent. Je ne suis pas vraiment au fait de l'actualité médiatique, j'ai pourtant l'impression que la taxe Tobin est complètement oubliée alors qu'elle était très médiatique il n'y a pas longtemps. Je trouve que ce serait l'occasion rêvée, tout le monde la connaît. Il ne s'agit sûrement pas d'une baguette magique, je m'étonne simplement, j'ai l'impression qu'il y a comme une censure des médias sur toute réflexion politique.

  5. On ne parlait plus beaucoup de la Taxe Tobin dans ATTAC même car elle semblait impossible à mettre en place. Attali ne s'inquiète pas de sa faisabilité mais seulement de son utilité. En fait il parle d'une taxation genre Taxe Tobin mais la crise actuelle donne certainement raison à ATTAC, avec toujours la même critique de croire pouvoir réduire la question à une mesure technique, et ce qui fait que ça ne s'est pas passé comme ça... Pour la "censure dans les médias", ils sont surtout très cons (comme tout le monde) et suivent les modes sans pouvoir imaginer qu'on puisse penser autrement !

  6. Bonjours Mr.ZIN
    Serait-ce dans "Une brève histoire de l'avenir" qu'Attali avait prédit cette crise, que d'ailleurs on peut trouver normal qu'un dit-économiste l'eût prévu? Car j'ai lu(péniblement) ce livre et je ne me rappelle pas y avoir trouvé d'explication sur la situation actuelle en dehors de la fin de la suprêmatie du dollars-rien sur les "subprime". Bon c'est que ce bouquin m'a surtout servit de somnifère pendant au moins 2 mois et que je ne suis plus très sûr de ce que j'ai lu... Par contre une chose dont je suis sûr de me rappeler, et là je rejoins Eric, c'est le délire des grandeurs d'un mégalo en phase terminale! Mr.Attali voit hyper et y perd...

  7. Je faisais surtout allusion à son article en première page du Journal du Dimanche du 15/12/2007, il y a tout juste un an, où il annonçait que ce serait aussi grave que 1929 sinon, on peut toujours contester la priorité mais à cette date il n'y avait pas tant d'économistes qui en avaient compris la gravité. J’ai dis "l’un des premiers". D’autres comme Paul Jorion ont été largement des précurseurs sur le mécanisme déclencheur, cités par Attali d’ailleurs, lui-même ayant effectivement prévu des crises dans son histoire de l’avenir mais de façon beaucoup plus contestable, je pourrais tout aussi bien dire que je l’avais annoncé avant, puisque dès 1999...

  8. tiens, j'étais en 1998 en école de commerce et nous devisions avec un élève MBA sur le surendettement privé américain qui ferait down, la date n'était pas fixée, c'est cette donnée qui est difficile à déterminer. De même nous évaluions la bulle inernet qui allait faire plop pour diverses raisons, pareil pour la date qui est le problème de la spéculation, trop tôt ou trop tard c'est la constante question.

    Je pense que bien des acteurs privés de ces bulles savent qu'elles le sont mais surfent dessus en pensant sortir de la vague avant qu'elle casse, un pari sur leur expertise en fait...

    Ce comportement n'est pas surprenant, seul l'est celui des institutions censées veiller à mettre le hola, on voit plutôt qu'elles ont laissé faire.

  9. Effectivement, on pouvait prévoir l'effondrement du système depuis 1998 et l'exubérance irrationnelle des marchés dénoncée déjà par Greenspan, pas besoin d'être visité par la Vierge, c'était juste de la rationalité de base. Le problème c'est que lorsque ce qui devrait se produire ne se produit pas on imagine n'importe quoi, une "nouvelle économie" qui aurait d'autres lois aussi incompréhensibles que l'immaculée conception. Impossible donc de prévoir la date de la crise mais ce n'est pas de l'astrologie et, en mars 2006, je précisais bien : "si ce n'est pas pour cette année, ce sera pour la prochaine ou les suivantes" car ce n'est pas parce qu'on a dépassé une date fatidique que les déséquilibres ont disparus. Sinon j'ai raconté plus d'une fois qu'on ne peut avoir raison contre les autres (contre le marché) et qu'un directeur de la stratégie de la BNP qui était conscient des risques à l'époque a perdu son poste car pendant ce temps, les autres profitaient de cette monnaie de singe avec des profits démentiels...

  10. Nous voilà bien marri de cette crise, si seulement j'étais banquier....je pourrais en être grée à la collectivité de me renflouer!
    Parce que je n'appellerais pas ça 'une politique de civilisation' plutôt une de contrition.
    Le bel anthropocentrisme a bien de l'avenir toujours reste t'il que revendiquer et constituer une alternative est plus que jamais d'actualités.
    Une alternative écologiste tout autant que socialiste, populaire et éduquée, locale et internationale!
    Et un revenu garanti, comme des monnaies locales et la taxe tobin ne sont pas délires d'utopistes mais les solutions appropriées à ces maux que sont non pas seulement le libéralisme et capitalisme, mais le règne des suffisants sur le mystère et merveilleux que la vie demeurera toujours.

  11. Très bonne analyse. Mais bon Dieu qu'on arrête cette antienne du "trop de charges sociales" pour les entreprises. Des dizaines d'années qu'elle on baissé. Des milliards donnés en subventions. Il y a deux choses qui me semblent évidentes :

    1 - les pays vont forcément se recroqueviller, solidarité ou pas. Chacun se repliant sur une possible autarcie, alimentaire d'abord, industrielle ensuite

    2 - il faudra aller chercher les richesses là où elles sont, en particulier dans les entreprises qui font du bénéfice, et les redistribue, et dans les paradis fiscaux.

    Je ne parle pas de la nécessité d'un ajustement des économies réelles, en redonnant leur valeur grâce à des monnaies nationales. Louis Peretz (www.citoyenreferent.fr)

  12. Dans un monde si interdépendant, cela risque de se passer moins bien que ça.

    Si je parlais de baisser les charges c'est au bénéfice des salaires, sur la part salariée donc pour obtenir une augmentation du pouvoir d'achat sans peser sur des entreprises déjà fragilisées.

    D'autre part le financement par la TVA a pas mal d'avantages dans ce contexte même si cela contredit le dogme des cotisations sociales.

    Enfin, des monnaies nationales seraient exposées à une spéculation intenable.

  13. Je suis assez d'accord avec votre correspondant pour vous dire que vous en faites un peu trop avec ce personnage d'Attali, même si vous nous en expliquez. Mais justement, vos arguments (intérêt médiatique, faire parti des "initiés", tourner autour des mêmes centres d'intérêt que vous, et qu'il n'est pas inutile de critiquer les pensées dominantes) ces arguments vous font perdre beaucoup de temps et d'énergie, et nous obligent à lire un trop long article pour finalement trop peu de vos réflexions. Je pense qu'un tel personnage peut être expédié en peu de mots (menteur, plagiaire flagorneur, limite escroc mondain), et qu'il en reste alors à foison pour développer mieux votre pensée et exposer vos idées. Ne voyez là qu'une critique d'un point de style, et le souhait de vous rendre à vous-même.

  14. Je ne pense pas qu'écrire ce genre d'article m'empêche en quoi que ce soit de m'exprimer ce que je fais abondamment et en détail par ailleurs. Je ne pense pas non plus que Jacques Attali soit quantité négligeable même si je comprends toute l'irritation qu'il suscite. Je considère surtout très important qu'il participe à la popularisation de la thèse que les inégalités et la baisse de la part salariale sont la véritable cause de la crise. Je ne crois pas enfin qu'Attali soit un monstre, il se prétend de gauche et même antilibéral de prôner un retour de l'Etat (même si ce n'est pas très éloigné du libéralisme de Balladur!) et cela peut en faire un allié dans certaines conjonctures.

    Je conçois que l'engagement politique exige une opposition nette entre amis et ennemis mais ce n'est pas mon rôle, je ne suis pas sectaire persuadé que nous sommes tous très ignorants de ce qu'il faut faire, il est donc utile de critiquer les propositions qui émergent pour essayer d'avancer.

    Enfin, comme je l'affirme dès le début, je suis en accord avec une grande part du livre, je ne quitte donc pas mon discours pour un autre quand j'en rends compte. L'analyse que je fais de l'idéologie prolonge le texte précédent, Attali n'est ici qu'un exemple, une mise en pratique de la critique idéologique. Pour cela, j'aurais pu prendre Minc ou tout autre, j'aurais encore plus perdu mon temps sans doute ! Le mécanisme de l'idéologie est un mécanisme général et très répandu, dont il est difficile de se déprendre car c'est une pathologie de l'apprentissage, mais qu'il est utile de connaître et critiquer. Je m'en suis servi aussi pour essayer de déterminer toutes les dimensions absentes (sociale, politique, cyclique, générationnelle, technologique, écologique) mais je ne suis pas sûr d'y être vraiment arrivé, il faudra y revenir.

    En tout cas, s'il y a une solution à la crise et des alternatives possibles, c'est dans ce contexte économique et idéologique qu'il faudra s'en sortir, en s'inquiétant de la déroute idéologique de la gauche qui s'éclate en petites chapelles aussi radicales qu'insignifiantes.

  15. Manifestement vous n'entendez pas la critique quand elle porte sur le style et sur la façon d'occuper son temps. Il y a dans votre attachement à vous occuper de lire et commenter des textes insignifiants, comme une addiction, excusez-moi de vous le dire. Il ne s'agit pas de bataille rangée, d'amis et d'ennemis, il s'agit de maîtriser sa pensée et de faire des propositions pour la mettre en action. Qu'avez-vous à faire de ce que disent ou font des personnages aussi fourvoyés, corrompus, serviles au pouvoir, que ceux que vous citez ? Vous leur prêtez une importance qu'ils n'ont pas.

  16. Il y a des commentaires vraiment extravagants avec la prétention de juger de mes lectures, voire de mes addictions ou même de l'occupation de mon temps. On croit rêver ! Pour ma part je ne prétends pas à me faire admirer, plus habitué au mépris, et si ce que j'écris n'a pas d'intérêt, il suffit de ne pas me lire mais moi je lis ce que je veux (en ce moment du Michel Clouscard!).

  17. Franchement, moi ce qui m'énerve le plus chez Attali c'est la très haute idée qu'il a de lui même si c'est sûr qu'il doit être très intelligent et même si j'ai trouvé son histoire de l'avenir très très ennuyeux c'était surtout une question de style justement... même si le fond m'a paru très chiant aussi! Mais il me semble important de lire des auteurs dont les idées nous sont à l'opposé et d'en faire la critique ou le commentaire quand on a un blog comme Mr Zin. Et je trouve aussi déplacer, WAGLIONI, même si vous avez de bonnes intentions ce qui peut aggraver votre cas, de lui donner des leçons sur ses choix de lecture et sa manière de travailler. Ouvrez donc un blog!...Amicalement...

  18. @Waglioni : ce qui ne manque pas d'être extravagant, c'est votre incapacité à comprendre un état d'esprit différent du vôtre et les réponses qu'on vous fait. Votre mépris pour Attali vous aveugle et je subodore qu'il y en a encore beaucoup d'autres qui, pour vous, ne méritent pas qu'on s'y attarde.

    Le fait que vous trouviez quelqu'un méprisable n'en fait pas effectivement quelqu'un de méprisable. Le fait que vous vous pensiez plus fin ou plus honnête qu'Attali ne fait pas de lui quelqu'un de moins fin ou honnête que vous. En d'autre mots, vous ne façonnez pas d'autres réalité que la vôtre.

  19. Mais moi aussi Attali m'énerve, même si un peu moins dans ce livre (j'ai critiqué aussi son histoire de l'avenir et son avenir du travail). Ce n'est pas tellement sa suffisance qui m'énerve d'ailleurs que ses insuffisances, ses erreurs, ses fausses analogies, ses raccourcis réducteurs.

    On n'est pas du tout dans le travail universitaire, c'est évident et on peut tout-à-fait ignorer toute sa production sans problème mais on ne peut nier qu'il occupe une place importante dans le dispositif idéologique actuel et je ne vois pas pourquoi il serait interdit de le prendre comme objet de critique. J'ai donné les raisons qui le justifiaient à mes yeux, celles qu'on m'oppose de son insignifiance sont un peu débiles car à la fois fausses sur le plan matériel ou médiatique (puisque c'est un des principaux artisans de l'idéologie dominante) et sur le plan de la critique dont l'objet n'a pas à être sublime mais peut s'attacher à l'objet le plus insignifiant comme une vieille paire de godasses peut inspirer un tableau. Enfin, c'est loin d'être le plus nul par rapport aux autres...

    On peut lire un livre sans l'approuver, ni même sans y éprouver un quelconque plaisir (ainsi, il faut lire Mein Kampf et cela n'a rien de drôle). On lit beaucoup de livres qu'on regrette d'avoir lu car ils nous ont juste fait perdre du temps mais impossible de le savoir avant. On peut lire des livres nuls, les livres de l'ennemi, les livres choquants tout comme on peut écouter des chansons idiotes si ça nous chante. Je ne déteste rien tant que le politiquement correct, le moralisme, la normalisation. Que ça plaise ou non je dis tout le bien et tout le mal que je pense du livre d'Attali, après on en fait ce qu'on en veut. Il ne faut pas espérer que je puisse m'améliorer beaucoup, je ne peux faire rien de mieux que ce que je fais, même si c'est bien insuffisant.

    Maintenant, je comprends qu'il puisse y avoir confusion d'un blog avec un journal qui devrait plaire à ses lecteurs mais si j'y mets tous mes textes, ce n'est pas du tout qu'ils seraient destinés "aux lecteurs de mon blog" comme d'une clientèle, alors qu'ils sont souvent commandés par une revue ou pour un débat. Il est sans doute contestable de rendre accessible tous ses textes au public, ne serait-ce que parce qu'il y en a trop au bout d'un certain temps mais si cela peut avoir un intérêt c'est de discuter du contenu peut-être, et, en ce moment, de l'incroyable conjonction des crises !

  20. Troublant. C'est toujours avec la meme stupeur que je constate que l'on incline avec passion à faire de la critique économique d'élevage. Exit la théorie critique de kurz et jappe. Kurz travaille sur la théorie de la crise depuis 30ans; ils échaffaudent une critique catégorielle,une nouvelle critique de la valeur et du fétichisme ainsi que de la forme-sujet, à meme de porter un véritable éclairage sur le développement logique de notre système automate. Pas de traductions. Peu d'echos. Toujours le meme cirque de la contestation aliénée et de l'analyse dogmatique anti-dogmatique. Si vous etes germanophone, le site de robert kurz et de son groupe: http://www.exit-online.org/. En français : "Les aventures de la marchandise" d'anselm Jappe. Mr Zin, pouvez vous m'expliquer pouquoi cette absence éclatante de références a la logique dialectique de la théorie de la valeur? On m'a fait entendre que vous aviez quelque accointances Marxiennes... salutations.

  21. Oui, je me suis revendiqué marxien au moment où Marx était un chien crevé (juste après l'écroulement de l'URSS) et j'ai beaucoup écrit sur la valeur. Je me réfère aussi à Guy Debord qui avait souvent une justesse qu'on ne retrouve pas chez ses épigones. Plus généralement je suis effaré de voir ce que sont devenus les post-situationnistes. Anselm Jappe n'est pas le pire dont le conservatisme se limite à la théorie mais, ce que j'en ai lu me semble du verbiage, de la dérive théoriciste sans traduction pratique, une forme d'idéalisme. Ce qui permet de réfuter ces théories de la valeur adaptées à l'ère industrielle, c'est l'ère de la gratuité numérique et du travail immatériel qui exigent une toute autre théorie. Il n'empêche que ces critiques de l'aliénation gardent une charge critique et de larges zones de validité, pouvant séduire ceux qui s'opposent à l'ordre mondial marchand. Il y a parmi mes lecteurs les plus assidus des partisans de Jappe, me bassinant même pour que je fasse une critique de son livre mais je n'en éprouve pas la nécessité pour l'instant, ni n'en ai le temps. Ce n'est pas dans les idées qu'on fera une révolution, mais dans les pratiques concrètes qui ne seront pas l'abolition de la division du travail mais au contraire la promotion du travail virtuose valorisant les compétences de chacun.

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