« L’argent dette », un monétarisme de plus…

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Le monde est désespérant et incompréhensible, surtout en période de crise où l'on a tant besoin de trouver des coupables, de réponses simplistes, de solutions imaginaires mais qui ne font qu'ajouter au désastre, hélas ! La difficulté de la politique c'est de ne pas tomber dans cette démagogie, dans ce qu'on voudrait bien entendre ou dans l'action purement symbolique, mais de garder le cap d'une transformation matérielle effective qui oblige à dénoncer les impasses de fausses théories et d'emportements un peu trop idéologiques.

J'ai donc fini, avec beaucoup de retard, par regarder cette vidéo de 52mn sur l'argent dette dont tout le monde me parlait et qui illustre parfaitement ce processus d'idéologisation où le vrai est un moment du faux, où une logique implacable finit par emporter notre conviction car, il est bien vrai que les banques créent de la monnaie en octroyant des crédits, grand secret révélé par le film, même si c'est la seule chose qui soit vraie là dedans et qui ne veut pas dire qu'elles impriment des billets à leur convenance (quand les clients paniqués retirent leur argent, c'est un bankrun une fois épuisées ses liquidités) ! Le pire, c'est non seulement qu'on peut toujours succomber à ce genre de dogmatismes idéologiques mais qu'on arrive même à se culpabiliser de critiquer une présentation si bien intentionnée, ayant rencontré tant de succès et aboutissant à la démonstration mathématique qu'il faut une économie stable et sans croissance !

Pour beaucoup, le simple fait que le message soit subversif suffirait à en faire la valeur inestimable car, certes, il y a beaucoup à dire sur la monnaie et beaucoup à reprocher aux banquiers, au capitalisme et à son productivisme. Au contraire, il faut se persuader que seule la vérité est révolutionnaire, il y a bien assez de matière, et qu'on n'a aucun intérêt à encourager de dangereuses confusions. Démonter le procédé n'est pas sans intérêts qui voudrait nous éviter d'avoir à penser l'alternative, comme s'il suffisait de révéler un grand secret, qui n'existe pas, pour que tout s'arrange soudain !

Chacun sait que je défends des monnaies locales qu'on peut appeler des monnaies de consommation, monnaies fondantes à intérêt négatif (avec inflation intégrée!). Il serait absurde pourtant de vouloir en faire des monnaies uniques alors que ce sont des monnaies complémentaires plutôt, dans une économie plurielle n'impliquant donc pas du tout la disparition de l'Euro comme monnaie thésaurisable, convertible et porteuse d'intérêts. Par contre, ces monnaies locales n'ont de sens qu'à faire système dans une relocalisation de l'économie à l'ère de l'information, basée sur le triptyque Revenu garanti, coopératives municipales, monnaies locales (reproduction, production, circulation). C'est un projet alternatif dans lequel la monnaie n'est qu'un élément, de même que le revenu garanti n'a rien d'alternatif en lui-même s'il n'est pas intégré à une production relocalisée ainsi qu'au développement du travail autonome.

La principale source d'erreur de ce film, c'est justement (de façon assez classique) ce qu'on peut appeler son réductionnisme, de se focaliser sur un élément isolé (l'argent) au lieu de considérer (comme Marx dans le Capital) le système de production dans son ensemble. C'est, d'une certaine façon, l'inversion du monétarisme de Friedman. Dans un cas comme dans l'autre, l'explication monétariste ne tient pas car il n'y a pas de véritable autonomie de la monnaie (qui n'est pas neutre ni isolée du système de production). L'explication ne peut être que systémique et, dans ce cadre, l'argent est un flux d'information qui contrôle la répartition des ressources et la dynamique de la production.

Ce qui est absurde, c'est de vouloir faire croire qu'il n'y a rien que création fictive d'argent comme si les crédits n'étaient jamais remboursés et qu'il n'y avait pas création de valeur dans la production réelle pour les rembourser. C'est pour cela que les banques ne peuvent vous prêter qu'autant que vous pouvez emprunter, c'est-à-dire autant que vous pouvez rembourser (y compris les intérêts!), c'est-à-dire finalement autant que vous pouvez produire ou gagner. Il y a aussi régulièrement destruction de dettes, c'est une des raisons de l'intérêt, il n'y a donc pas une croissance exponentielle des dettes qui seraient irremboursables. C'est la véritable arnaque du film de ne parler quasiment pas d'apurement des dettes et de faire comme si la dette était complètement illimitée ! Il est aussi absurde de prétendre qu'il faudrait emprunter pour payer les intérêts ! Ce qui est escamotée derrière, c'est la question de la plus-value.

Une autre source de tromperie sur la marchandise, c'est d'ignorer la temporalité et de ne pas admettre la dette comme lien social intergénérationnel, dette du futur par rapport au passé. Le prêt est d'abord un outil intertemporel. Ce n'est donc pas tant que la course du temps évite au système de s'effondrer, comme on se plaît à l'imaginer, c'est que sa fonction est temporelle : il ne peut pas s'arrêter car il investit dans l'avenir. On peut dire aussi que la fable écolo, à la fin, sur une économie et une monnaie stables, ignore complètement l'évolution technique comme les cycles générationnels et, là encore, toute la dimension temporelle.

Ce qui est vrai, par contre, c'est qu'il faut effectivement un minimum d'inflation pour absorber la création monétaire et réduire le poids du passé (inflation fournie par des afflux de métaux précieux autrefois, au moment de la ruée vers l'or par exemple), mais ce n'est pas pour les raisons données, ce n'est pas pour payer les intérêts de la dette !

Ce n'est pas parce qu'il faut critiquer le capitalisme, le règne de l'argent et la finance internationale qu'il faudrait confondre pour autant toutes les façons qu'il peut y avoir de faire de l'argent avec de l'argent. Il y a la façon capitaliste, consistant à augmenter la productivité du travail par l'investissement pour dégager une plus-value. Il y a le prêt à intérêts qui est un arbitrage temporel. Et puis, il y a la pure spéculation, façon chaîne pyramidale qui ne peut que s'écrouler comme on le voit actuellement mais ce n'est pas le prêt à intérêts qui est en cause, il ne faut pas tout confondre ! Les techniques de leverage qui ont eu un grand rôle en 1929 comme maintenant ne sont pas de simples crédits. Notons que, si on veut de l'argent sans intérêt, ça existe presque avec le Yen, au point que beaucoup ont emprunté en Yen pour placer l'argent en dollars qui rapportent plus d'intérêts !

On ne peut pas dire que tout soit mauvais dans cette vidéo (le pouvoir du politique sur la monnaie doit effectivement être rétabli) mais c'est presque pire puisque cela ne fait que renforcer la confusion. L'atmosphère conspirationniste de l'ensemble aura sans doute concouru à son succès mais il est certain qu'il y a un lien entre le prétendu dévoilement d'un mystère soi-disant bien gardé et la recherche de boucs émissaire ou les théories du complot. Il y a bien sûr des complots, mais ce qui est déterminant en dernière instance, c'est l'efficacité du système qui doit se transformer lorsqu'il atteint ses limites. C'est pour cela aussi qu'il ne sert à rien de "dévoiler" son prétendu "mystère", comme si cela suffisait à régler la question et faire advenir la vraie réalité, il faut savoir par quel système (relocalisé) le remplacer, ce qui est une toute autre affaire et le point faible de la contestation du système, témoignant ici de sa désorientation, véritable secret de sa faiblesse et de la force de l'adversaire...

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23 réflexions au sujet de “« L’argent dette », un monétarisme de plus…”

  1. Je suis d'accord avec cette courte différentiation entre le capitalisme et la spéculation notamment.

    Au sujet de la monnaie locale, appelée ici aussi fondante ou de consommation, il me semble que les monnaies affectées (personnellement je dirais locale, avec une localité au niveau de l'usage ou du secteur économique plutôt que territoriale, je ne sais pas) possèdent aussi les mêmes qualités. Ce n'est pas vraiment pareil mais je trouve que la monnaie affectée pourrait être intéressante. Je n'ai pas trop réfléchi, il s'agit surtout d'un sentiment.

  2. Malheureusement, il y a une autre vidéo du même acabit qui augmente plus encore la confusion, la tonitruance du complot et qui ne comprend rien de l'inflation.

    C'est l'addendum d'un film plus long appelé ZeitGeist, donc ZeitGeist Addendum. Je me le suis fait mettre en lien récemment.

  3. bonjour,
    je lis vos écrits régulièrement, cependant je pense qu'ici vous donnez à ce petit film d'autres objectifs qu'il n'a pas: en effet, je pense qu'il a un mérite réel d'éducation et d'information tout simplement.

    beaucoup de nos concitoyens ne savent pas comment les choses fonctionnent et se sentent totalement dépassés et écrasés par tout ce qu'ils voient et entendent, alors pourquoi vouloir détourner un outil éducatif en le transformant en motifs complotistes douteux ?

    pourquoi vouloir aller au fond du gouffre chercher le pire et ne pas tout simplement regarder l'information qui peut être utile à bien des personnes??
    je pense qu'il est essentiel de bien faire la part des choses de façon constructive.

  4. oui , moi aussi , j'ai été assez con pour me faire cocufier par se petit docu , réclamant jusqu'à la peine de mort pour les usuriés ( ce qu'est au final l'inflation ). pourtant il y a quand même des chiffres qui parlent notamment sur la création monétaire ( 95% pour les banques et 5% pour les états ) et sur la dette publique. alors qu'on nous serine à la télé que nous sommes tellement endetté que nous en sommes au point d'emprunter pour rembourser les intérets de la dette . après le docu aborde quand même la question des monaies locales même si cela semble bien éloignée de ce qu'en dit robin sur l'économie plurielle . et cette idée de nationaliser les banques et mutualiser la redistribution des intérets , vous la trouvez saugrenu aussi ?

  5. Il ne m'intéressait pas tellement de voir ce film de propagande, effectivement bien fait mais j'ai dû répondre à un proche qui l'avait apprécié et qui m'a décidé à le voir. J'ai cru que le relevé de ses procédés pourrait être utiles à d'autres mais il est sûr que je joue comme toujours la mouche du coche qui, à première vue, ne fait que tirer contre son camp. Je crois que je préférerais toujours la vérité à la propagande, insupportable pour tous les pouvoirs même révolutionnaire et ce film n'a pas une valeur d'information dès lors qu'il trompe, même s'il y a des informations exactes. L'essentiel à critiquer est ce que j'indique, qu'il ne s'agit pas de désigner des coupables, de révéler un secret, de couper des têtes, il faut savoir quoi faire qui ne soit pas pire encore...

    Je ne suis pas contre nationaliser les banques, cela peut être utile mais cela n'empêche pas les pratiques douteuses du Crédit Lyonnais. Je suis pour un retour du pouvoir politique sur la monnaie mais sans me faire d'illusions sur les défauts du pouvoir et de la démocratie. La nationalisation des banques ne change rien au système malgré les apparences alors que les monnaies locales créent un marché local, ce qui est très différent. Plus que les banques, ce qui est en cause c'est les entreprises capitalistes transnationales et s'il faut trouver un autre mode de production, cela ne pourra se faire en fermant nos frontières. Dès lors, nationaliser n'a pas beaucoup de sens, mais tout dépend des circonstances. Le fond du problème, je le répète, ce n'est pas de trouver de bonnes raisons de critiquer le capitalisme, c'est de savoir par quoi le remplacer qui ne soit pas trop simpliste, utopiste ni impraticable, tout le reste est littérature...

  6. Le film, malgré des accents de théorie du complot, décortique suffisamment bien le mécanisme de création monétaire par la dette qui, en ce temps de crise systèmique, est édifiant à plus d'un titre. La question de la faillite du système financier vendue comme "impossible" pour légitimer les actions publiques de sauvetage nous convoque un peu mieux au point d'occlusion systèmique du modèle de l'argent. Reprendre à "conte" politique, dans un bel oeucuménisme idéologique d'ailleurs des crédits "pooris" (sales pauvres qui fantasmaient de se payer un home sweet homme) par de nouvelles dettes. Et à quelle hauteur!!!! Dette publique qui se gonfle autant de son propre orgueil (revanche du politique sur l'économique) que de montants qui nous rapprochent de l'insolvabilité, cette dernière hissée d'un cran jusqu'au niveau du prêteur en dernier ressort (la reprise en main du politique en témoigne dans les grandes largeurs). Autant dire que tout le crédit financier et tout le crédit politique sont désormais dans le même bateau se rapprochant d'une insolvabilité définitive qui n'aura, cette fois, plus de filet de sécurité. En attendant on soigne une crise de solvabilité (trop de dettes impayables) par....L'endettement et une obligation (y a qu'à voir le ton comminatoire du politique aux banquiers pour "qu'ils jouent le jeu") à refaire du crédit à pas cher (baisse des taux d'intérêts et injection massive de liquidités) . On rappelera utilement que c'est bien une baisse des taux d'intérêts (l'argent de peu d'intérêt) dans les années 2000 suite au double traumatisme du 11 septembre et de l'éclatement de la bulle internet, qui ont permis d'inonder de crédit des ambitions de relance économique, préparant la déconfiture à l'oeuvre aujourd'hui. On soigne les conséquences de la crise avec ses causes. Etonnant contre-sens...On se donnera des airs de régulateur pour avoir l'air d'y croire...Bientôt sur nos écrans, la fin du pognon?

  7. Merci de nous montrer à quel point on peut se faire couillonner par des procédures pédagogiques et un effet de mode ( quel succès de cette vidéo sur internet!)
    Je saisis mal le sens de votre phrase: «  l'argent est un flux d'information qui contrôle la répartition des ressources et la dynamique de la production » Je pense qu'un flux d'information ne contrôle rien, pas plus que par exemple «  la main invisible du marché ». Je comprendrais pour ma part: «  l'argent est un flux d'information,outil-indicateur -social sur la répartition des ressources et en vue d'une régulation dynamique de la production »
    Mais je fus éduqué à une époque , l'après deuxième guerre mondiale, où un essai catholique écrivait, avant le génocide culturel néolibéral global:
    « Ainsi le financement bancaire — mis en lumière — est tout indiqué pour la construction et l'équipement immobilier profitant à l'ensemble du pays. Là où il n'y a point à craindre de surproduction, c'est vraiment la demande qui fixe l'émission. Ce sont les besoins en logements, en routes, en ponts, en hôpitaux, en écoles, en forêts, qui cette fois, deviennent les régulateurs de la monnaie scripturale anticipée, si dangereuse dans ses anticipations. Mais dans ce cas, seuls des offices régionaux — et non une banque de crédit centralisée — permettraient d'avoir la confiance du public de la région et le contrôle effectif des besoins proches. Comme là, il s'agit de prêt de consommation et non plus de production, il ne peut plus être question d'intérêt. La Région ne peut être usurière. Le mécanisme bancaire, en tant que mécanisme , est utilisé sans compromission avec l'usure, il possède son autorégulation organique: la connaissance de la communauté dans ses besoins propres. C'est le seul cas où posant le Bien au départ, nous le récoltons à l'arrivée.
    Lorsque s'ajoutent les méfaits de prêt à intérêt de taux scandaleux, de la monnaie scripturale non freinée par les besoins et de l'hystérie de la production, on dévale à roue libre vers la destruction obligatoire. » 
    Gaston Bardet, dans « Demain c'est l'an 2000 » ( 1950)

    Par la suite, j'ai renoncé à faire des grèves inutiles qui se limitaient à 24 heures parce que mes jeunes collègues ne pouvaient faire mieux, trop endettés pour supporter le coût d'une grève plus dure

  8. On peut définir la vie comme un flux d'information contrôlant des flux de matière et d'énergie. Dans l'économie c'est le flux d'argent qui contrôle les flux de travail et de marchandises, la circulation de monnaie étant à contre sens des circuits matériels (entre production, grossiste, marchand, client). C'est directement que la monnaie contrôle la circulation des objets puisqu'il faut payer son prix pour s'approprier une marchandise. Il y a d'autres façons de contrôler les foules, par la propagande ou par le commandement, mais surtout par l'organisation. C'est toujours l'information qui canalise les ressources.

    Il est certain que les dettes nous tiennent, dettes affectives ou morales quand elles ne sont pas monétaires. On sait qu'en Inde, la dette est le mécanisme d'un véritable esclavage. D'une certaine façon, ce poids de la dette est redondant car de toutes façons, nous ne sommes plus isolés sur nos terres mais dans une totale interdépendance.

    Pour le reste, je trouve confuse cette économie catholique qui n'est pas à la hauteur de Thomas d'Aquin distinguant les 3 fonctions de l'intérêt : 1) amortissement du risque pris, 2) prix de la durée du prêt 3) participation aux bénéfices de l'investissement.

    On voudrait nous faire croire que c'est une question de morale, qu'il y a des taux scandaleux sans vouloir comprendre pourquoi, quelles circonstances, quelles règles, quelles institutions ont pu les encourager. Il semble problématique en politique de ne pas en faire une question de personne mais de système. Ce n'est pas comme cela qu'on entraîne les foules mais, quoiqu'on dise, à la fin il s'agit de savoir quoi faire et les propositions sont vraiment faibles. Dernièrement, à Pékin, des altermondialistes ont pondu un catalogue qu'on peut trouver bien décevant, tout juste bon pour un PS retrouvant quelques couleurs. Plutôt que de rêver moraliser, épurer, nationaliser, il faudrait s'occuper sérieusement d'une production alternative qui ne soit ni la prison soviétique, ni la jungle libérale.

  9. Celà fait longtemps que l'argent ne vaut plus rien puisque il ne coute plus rien à produire au Japon depuis les années 90 et le carry-trade. Néanmoins l'endettement constitue toujours une obligation pour le débiteur vis à vis du créancier, et voir les états s'endetter pour garantir des dettes dont les bénéficiaires sont entre autre des organisations criminelles dissimullées par des paradis fiscaux et celà au nom de la protection de l'emploi, me dégoutte.Pourtant réduire à zéro la valeur de toutes les créances issues de paradis fiscaux est faisable et augmenterait d'autant la valeur des Pays sur lesquels elles s'exercent.

  10. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec

    "Le fond du problème, je le répète, ce n'est pas de trouver de bonnes raisons de critiquer le capitalisme, c'est de savoir par quoi le remplacer qui ne soit pas trop simpliste, utopiste ni impraticable,"

    En effet, avant de pouvoir être en mesure de proposer des alternatives, il est nécessaire de bien comprendre le système dans lequel nous vivons.
    Même en ayant fait quelques études, c'est tout sauf facile; d'une part à cause de la complexité et de l'interaction entre les diverses composantes du système, mais aussi de par l'extraordinaire campagne de propagande type "pensée unique".

    Cette dernière explique selon moi, le succès des théories dites du complot, y compris parfois, les plus simplistes.

    J'ai vu tout un tas de films sur le 911 et ce que je regrette, ce n'est pas l'existence de ces films, mais l'interdit de parole, l'absence de débats sur un sujet qui fait plus que poser question de par ses conséquences.

    J'ai vu "l'argent dette" et là encore ce que je regrette c'est plutôt qu'il n'y ait pas davantage d'initiatives pédagogiques pour rendre accessible tous ces principes économiques.

    Enfin j'ai lu le livre de Naomie Klein, et je ne peux que le recommander pour toutes les clarifications qu'il apporte sur la géopolitique des 30 dernières années, sur ces liens qu'on a voulu gommer entre le politique et l'économie ou encore sur la responsabilité et l'inconséquence des oligarques qui ont su imposer leur dogme à toute la planète. (Et il faudrait en plus continuer de leur faire confiance, en Europe, et ailleurs...)

    Il faudrait bien d'autres débats, ouvrages et pédagogies critiques pour avancer. A moins que de capituler devant les principes oligarchiques ou ces vieux catéchismes usés, de gauches plus ou moins extrêmes.

    Cette gauche dans son ensemble qui a trop souvent failli à son devoir critique, au mieux en tombant dans un corporatisme "ouvriériste" de plus en plus localisé et circonscrit, au pire en participant activement au côté des oligarques (FMI, OMC, Euroligarchie ...)

    Il est clair que l'alternative ne sera pas du côté de ces gauches là (extrême ou pas).
    Il est clair qu'une alternative est nécessaire pour la survie des espèces et de l'humanité.

    Je constate aussi que c'est malgré tout, du côté des altermondialistes, que sont venues les propositions et les critiques du système les plus pertinentes, ces quinze dernières années.

  11. Ce qui peut rendre improbable le chemin de reconnaissance du sens que vous tracez, n'est-ce pas des difficultés de poids ( ou de grand âge) des mots. Par exemple pour moi autour du concept d'information: l'argent comme «  flux d'information » Son « rôle de contrôle » comparé au monde du vivant. Et je pense: N'est-ce pas l'erreur même du trader devant les ordinateurs interprétant les courbes chaotiques des cours mondiaux? Or précisément ( ou peut-être) le trader est comme moi: il n'interprète pas du sens, il joue avec, comme avec un objet . Il profite du jeu entre les signes.
    A demi satisfait de votre réponse, je découvre la difficulté de mettre en forme pédagogique claire le rôle nouveau que peut jouer l'argent à l'ère nouvelle de l'information. Tout en apercevant grâce à vous qu'il est tellement plus facile et trompeur de décrire l'argent comme une déviation en mal de ce qu'il fut autrefois en bien , à une époque et dans des conditions données ( et qu'il n'est plus depuis longtemps!) un travail d'orfèvre pour un étalon de la rareté. Et cela nous rassure de croire que les impropriétés du système se résument simplement à une question classique de moralité ou d'immoralité ( le catéchisme inculqué) des financiers, ou bien à l'oubli des vieilles catégories humanistes ( modestie ou hybris des protagonistes en économie).Comprendre la notion de liquidité monnaitaire à l'ère de l'information voilà ce qui me manque, mais comme à la plupart des gens!

  12. Je suis bien sûr d'accord sur le fait que pour transformer le monde il faut d'abord le comprendre. C'est bien à quoi je me suis attelé depuis de longues années. C'est bien parce que cette vidéo ne permet pas de comprendre le fonctionnement du système capitaliste qu'il faut la critiquer et préférer le Capital de Marx, notamment.

    Il est certain que les théories complotistes ou les positions moralisantes sont le fruit de la désorientation devant une "pensée unique" à la fois fausse et cynique donnant l'impression d'une manipulation et de ne plus avoir de prise sur les événements. On comprend leur fonction mais cela n'empêche pas que les théories du complot témoignent de notre bêtise dans toutes ses largeurs, un peu comme les positions technophobes, constituant une totale dépolitisation au profit d'une vision policière de l'histoire. Toutes les contestations ne sont pas recevables, toutes les théories les plus délirantes (comme le négationnisme) ne sont pas acceptables sous prétexte qu'elles prétendent critiquer la vérité officielle.

    On peut savoir, si on cherche vraiment, mais la vérité n'est quand même pas facile d'accès, ce n'est jamais ce qu'on pouvait espérer et la complexité est telle qu'on ne peut en rendre compte totalement. Il est bien plus facile de faire de la propagande avec des idées simplistes martelées. Quand on parle de pédagogie, il ne faudrait pas que ce soit de la manipulation mentale, des théories infantiles ou de la pure idéologie. Le phénomène de l'idéologie montre qu'on peut rester fasciné par des idées simples, des raisonnements trop logiques (qui se contredisent entre-eux). Donc la question, lorsqu'on a soi-disant une révélation, c'est de se demander si on ne s'est pas fait avoir par un habile illusionniste. En tout cas, ma fonction a toujours été critique car c'est le seul gage de réussite de reconnaître ses erreurs.

    Ceci dit, il y a un projet d'économie expliquée aux enfants auquel je pourrais être associé, mais je doute de la réussite de l'entreprise, encore plus de son impact potentiel car il y a de trop nombreux niveaux ou cycles à imbriquer et on ne connaît pas d'autres "sciences" aux savoirs aussi contradictoires et aussi sensibles à l'idéologie. La monnaie elle-même est difficile à expliquer dans sa dimension sociale, politique, alors que c'est là que le fétichisme est sans doute le plus fort, les rapports sociaux s'incarnant dans un objet qu'on s'imagine matériel.

    Je suis d'accord sur le fait que les altermondialistes ont été une force positive mais qui plafonne depuis quelques temps et déçoit plutôt. Il est certain que c'est de ce côté qu'il faut aller, du côté des alternatives locales. C'est le point qui me rapprochait le plus d'André Gorz, cette constatation qui semble insensée, qu'il n'y a pas d'alternative globale mais que la relocalisation implique des alternatives locales ! Personne ne l'entend encore.

    Sinon, le trader est une sorte de commutateur de flux mais ce n'est pas le meilleur représentant de l'utilisation de la monnaie dont la fonction a toujours été d'information sur un marché. C'est le point où Hayek avait sans doute raison contre Keynes et son système hydraulique, d'en faire un système de perception, cela n'empêche pas Hayek de s'être trompé dans les conclusions qu'il en a tiré et Keynes d'avoir raison. Le terme de flux est sans doute un peu trompeur pour l'information, il vaudrait mieux parler de circuit, c'est par commodité stylistique qu'on peut unifier les flux de matière, d'énergie et d'information, le système nerveux est très différent du système sanguin. Les flux d'information ne sont pas des flux car ils ne sont pas linéaires et jouent sur la mémoire. L'argent est un entre-deux car il est quantitatif et non qualitatif, l'équivalent d'une énergie informationnelle dont le caractère de flux est plus prononcé que pour un flux numérique limité par sa bande passante. Malgré tout, ce n'est pas seulement à l'ère de l'information que le prix constitue une information pour l'acheteur potentiel. Il ne faut pas se leurrer non plus sur le contrôle par l'argent qui est souvent aveugle, automatique mais résulte la plupart du temps d'institutions, de fiscalités, de circuits qui l'orientent et ne signifie pas qu'il n'y aurait pas un contrôle politique disposant d'une base d'information bien plus large.

  13. "Je suis d'accord sur le fait que les altermondialistes ont été une force positive mais qui plafonne depuis quelques temps et déçoit plutôt. Il est certain que c'est de ce côté qu'il faut aller, du côté des alternatives locales. C'est le point qui me rapprochait le plus d'André Gorz, cette constatation qui semble insensée, qu'il n'y a pas d'alternative globale mais que la relocalisation implique des alternatives locales ! Personne ne l'entend encore."

    C'en est parfois désespérant... Un peu comme l'incompréhension que je rencontre souvent face aux thèses avancées par gorz également dans l'immatériel.

    Tiens une autre "vidéo-pédago" qui tourne en ce moment :
    video.google.com/videopla...
    Ou est donc le vice de forme cette fois-ci ? 🙂

  14. Sans vouloir ergoter sur les mots, J. Zin vous faites une transposition de l'opposition linéaire-non linéaire vers l'opposition quantitatif-qualitatif ou matière-information. A vrai dire je n'ai pas constaté dans la physique ou la biologie une telle scission, la plupart des lois physiques à l'instar de la thermodynamique ne sont pas linéaires, et encore plus celles de la biologie, ce qui ne n'empêche pas leur prévisibilité.
    A part dans les proratas de la fiscalité, de la comptabilté financière ou électorale, sortes de raccourcis, ainsi que U=RI je ne vois pas grand chose d'autre.

    En revanche, l'opposition continu-discontinu semble plus probable, similaire à celle du continuum espace-temps face à la mécanique quantique, lien encore non résolu.

    Dans le domaine même des flux physiques apparait ce gap du continuum du calculable et celui de la turbulence chaotique non seulement non linéaire mais surtout non prédictible en raison des divergences introduites par les conditions initiales.

    O Costa De Beauregard avait misé sur l'aspect essentiellement informationnel de la matière dont les quantités ne sont que qu'un élément opératoire qualitatif.

    Personnellement, je ne vois que de l'information quelles que soient les unités.

  15. Heart bit....La nouvelle monnaie, le nouveau coeur de l'économie, le bit informatique/iformation (meilleur Tic que l'argent, plus fluide, plus worldwide, plus accessible) actualisable en quantité et en qualité et régulé par l'espace public. Dé-penser l'argent jusqu'au bout à défaut de deathision vers une gestion morale de kantité : "Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen", contre les seuls jeux d'écritures de compte financier et de conte politique (chacun, chaque hun d'une grass qui ne repousse plus et qui voudrait nous faire croire que les cows sont bien gardées..cf la main invisible du marché ) . La Freeconomie contre la friconomie. Liberté et gratuité. La main visible du réseau, celle qui bat sa propre monnaie, qui signe de responsabilité, dans l'espace public, du propre de son nom. Homme page 😉
    http://www.decroocq.net/bruno/th...

  16. Je n'aime pas les vidéos, je préfère l'écrit et trouve que cela prend trop de temps à regarder, même si je n'exclue pas d'essayer d'en faire si ça se présente. Celle-ci a aussi une fonction de pure propagande, ce qui est sans doute utile mais m'agace toujours un peu par le côté simplificateur et moralisateur. Elle est beaucoup moins critiquable que celle sur la monnaie, car elle n'induit pas vraiment en erreur, mais sous ses aspects beaucoup plus systémique, elle donne trop l'illusion que la société de consommation a été voulue, minimisant le fait qu'elle a des causes systémiques dans la plus-value capitaliste en même temps que dans la dépendance entre producteur et consommateur qui ne peut être brisée que par le revenu garanti et le travail autonome (hors salariat). La faiblesse c'est l'analyse de la cause du productivisme comme du consumérisme, qui se reporte en faiblesse sur les solutions mais je suis quand même d'accord sur presque tout les problèmes que cela pose, il manque seulement l'essentiel...

    Ce n'est pas parce l'information est discontinue et non-linéaire que tout discontinu ou non-linéaire est de l'information, c'est juste son support matériel éventuellement. Dans le physique, il y a une antériorité du continu sur le discontinu comme l'a soutenu René Thom toute sa vie avec la théorie des catastrophes qui rend compte des discontinuités par des dynamiques continues sous-jacentes. Il y a bien des effets de seuil où le quantitatif se transforme en qualitatif, mais c'est le nombre qui reste déterminant, ce qui en fait la prévisibilité, alors que l'information est pure différence, improbabilité redondante beaucoup plus imprévisible. Il n'y a aucune proportionnalité entre l'énergie de commande et son effet, un mot peut tout changer. C'est un peu comme-si on se trouvait toujours en surfusion, à la limite d'un changement d'état. La biologie est déjà le règne de l'information (hormones, neurones), de la mémoire génétique et de réactions conditionnelles au niveau de la cellule. Par contre, je trouve idiot d'appliquer le concept d'information à la physique où il est juste une généralisation des différentes caractéristiques énergétiques. Dire qu'il y aurait juste calcul quand deux forces se rencontrent me semble confusionnel. On recouvre ainsi la partie subjective de l'information qui est de l'ordre de l'apprentissage et dépend du récepteur, de la nouveauté de l'information et de sa pertinence pour l'intentionalité subjective. Pour comprendre ce qui oppose l'ère de l'énergie à l'ère de l'information, il faut comprendre ce qui oppose l'information à l'énergie (voir "Le monde de l'information").

  17. La principale critique que je pourrais faire sur cette video, et à d'autres approches c'est de ne pas évoquer le problème de la valeur.
    Ceci contribue, me semble t'il, à embrouiller les notions, à sombrer dans le "virtualisme" à outrance.

    La monnaie n'est ce pas ou ne devrait-elle pas être un substitut de valeur?
    Vu comme cela, le système actuel à l'air totalement délirant: Comment le pétrole peut-il baisser et le dollar monter? Comment évaluer le prix du dérèglement climatique? De l'extinction des espèces végétales et animales? Des déportations économiques? Bref le prix de la croissance telle qu'elle est mesurée?

    Vu ainsi également, on sent bien que la question n'est pas de savoir s'il faut plus ou moins d'intervention des états (voire des oligarchies) , mais bien de savoir ce qui constitue une valeur "durable", la monnaie n'étant qu'un outil de flux.

    Je ne suis pas économiste et j'ai surement une vision à ras les paquerettes.

    Je me souviens quand même, il y a bien des années, on avait essayé de m'enseigner les théories monétaristes de Friedman, enrobées dans de pseudo démonstrations scientifiques.
    Il suffisait d'un brin de logique, pour voir les failles de leur raisonnement: du genre , si vous acceptez les hyptohèses, alors mes conclusions ne sont pas fausses. Sauf que les hypohèses étaient totalement délirantes... Alors, j'ai arrêté l'économie, lui préférant des sciences plus exactes...

    Tout ca pour dire, que le bon sens a parfois du bon.
    Quand est-ce qu'on retourne aux fondamentaux? Des choses compréhensibles, évidemment sans tomber dans la démagogie?

  18. Il faut se méfier des explications psychologisantes de l'économie. Le matérialisme doit être ici de rigueur, matérialisme des forces productives et du bon marché des marchandises qui abat toutes les murailles de Chine comme disait Marx. Il n'empêche qu'il ne faut pas croire aux théories mathématiques dans ce qui devrait rester ce qu'on appelait une "science morale". Il est vrai que les hypothèses des libéraux sont délirantes, ou plutôt s'appliquent mieux aux entreprises (personnes morales) qu'aux gens (personnes physiques).

    Paul Jorion a raison de vouloir étendre l'économie à l'anthropologie :

    "Les recommandations de Galbraith sont nombreuses, qui semblent toutes situer l'avenir de la science économique au sein de la sociologie économique, de l'anthropologie économique et de la science politique : «L'accent [doit être] mis sur les structures sociales», « [il nous faut] une théorie du comportement humain fondée sur les principes de l'interaction sociale», «les ménages, les entreprises, les systèmes de crédit, les gouvernements et leurs budgets, les rapports entre les nations, font tous partie d'une structure hiérarchique imbriquée d'institutions définissant règles et conventions, de sources de pouvoir en interaction et parfois en conflit»".

    Pour la valeur, ce n'est pas aussi simple qu'on voudrait, surtout maintenant que la valeur-travail ne peut plus servir d'étalon de la valeur dès lors que la productivité du travail immatériel n'est plus linéaire...

    jeanzin.fr/2007...

  19. salut,
    je dois dire que j'ai plutôt apprécié ce dessin animé. Ce n'est pas la première fois que je lis des critiques le concernant et elles me laissent toutes un étrange arrière goût.

    Ainsi, quand vous écrivez:
    "La principale source d'erreur de ce film, c'est justement (de façon assez classique) ce qu'on peut appeler son réductionnisme, de se focaliser sur un élément isolé (l'argent) au lieu de considérer (comme Marx dans le Capital) le système de production dans son ensemble."

    Bon, il est quand même possible d'expliquer une partie du système sans trahir la réalité. Tout le monde a bien compris qu'il ne s'agissait que de la monnaie dans ce doc. La monnaie est un élément primordial du système capitaliste. Si pour l'aborder, il faut tout expliquer à chaque fois, alors là, ça devient impossible (il faudrait un documentaire de 50 heures). De plus, quand on réintroduit la thèse de l'argent-dette dans le mode de production, on voit que c'est bien cohérent (je reviens sur ce point plus bas). Donc, il n'y a pas de problème ici, contrairement à ce que vous indiquez.

    Vous écrivez:
    "l'argent est un flux d'information qui contrôle la répartition des ressources et la dynamique de la production."
    Pas tout à fait, je me permets de vraiment jouer sur les mots parce que c'est important pour la suite. Dans le monde des pauvres (nous) et dans la propagande officielle, l'argent est du temps de travail. En ce sens, on peut dire effectivement qu'elle porte de l'information. Mais elle ne contrôle pas la répartition des ressources et la dynamique de la production. Elle n'est qu'un moyen qui autorise certaines régulations. C'est important parce que ce n'est pas un flux qui contrôle la répartition des richesses mais le fonctionnement complexe des sociétés de classes. Pour le dire rapidement, c'est la bourgeoisie qui contrôle la répartition des ressources dans la mesure où elle a le pouvoir. Certes, elle a des contraintes et ne fait pas ce qu'elle veut, il y a lutte pour cet enjeu. Mais ce sont avant tout nos maîtres bourgeois qui décident. C'est important parce que dans un commentaire, vous écrivez:

    "On peut définir la vie comme un flux d'information contrôlant des flux de matière et d'énergie."

    C'est une vue de l'esprit, de l'idéologie. Ce discours est à la mode avec la physique quantique. Il est reprit par toute une série de mouvements New Age et par le management. Son avantage, c'est qu'il permet de court-circuiter les explications de classes concernant la société. Ce discours naturalise les phénomènes sociaux. Il y a là un vrai danger. Je ne dis pas que vous faites cela consciemment mais il faut bien réfléchir aux implications catastrophiques de ce discours.

    Mais revenons à votre texte. Vous écrivez:
    "Ce qui est absurde, c'est de vouloir faire croire qu'il n'y a rien que création fictive d'argent comme si les crédits n'étaient jamais remboursés et qu'il n'y avait pas création de valeur dans la production réelle pour les rembourser. C'est pour cela que les banques sont capables de prêter autant qu'on peut emprunter, c'est-à-dire autant qu'on peut rembourser, c'est-à-dire finalement autant qu'on peut produire."
    Alors là, je ne veux pas être méchant mais il me semble que vous ratez l'apport principal du document. Le documentaire ne dit pas le contraire de ce que vous affirmez, bien plus, c'est ce qu'il faut comprendre du documentaire. Et c'est justement le point le plus important et le plus révoltant (par rapport au système) de l'explication. Reprenons le schéma, ce qui nous permettra de montrer la cohérence du discours de ce dessin animé avec le mode de production. Les banques (aux mains d'une classe sociale : la bourgeoisie) ont l'autorisation de la banque centrale de prêter de l'argent qu'elles n'ont pas. Le début, c'est donc du vent. Pour notre exemple, disons que le prêt concerne une entreprise, pour un projet. L'entreprise se retrouve donc avec du pognon qui est fait à partir de rien et va faire travailler la main d'oeuvre à partir de ce rien. Les travailleurs travaillent et créent de la valeur. Le patronat lui extorque la plus-value. L'entreprise rend ensuite l'argent avec intérêt à la banque. La banque s'approprie donc une partie de la plus-value extorquée et récupère aussi le montant du prêt. Là, elle rend à la banque centrale le montant du prêt (tout ou partie, je ne sais plus), banque centrale qui va détruire (tout ou partie, je ne sais plus) ce montant. Le résultat, c'est qu'une classe sociale – la bourgeoisie – contrôle le réseau monétaire du début à la fin et fait travailler le cheptel humain transformé en main d'oeuvre à partir de quelque chose qui n'existe pas. A partir de rien, cette classe sociale a le pouvoir de faire suer les gens au travail. Fastoche, pas vrai?!

    Après, quand je vous vois écrire:
    "il [le prêt] ne peut pas s'arrêter car il investit dans l'avenir."
    Heu alors là, c'est de l'angélisme! Quel avenir? Vous séparez le système de la monnaie du capitalisme et surtout du système d'exploitation contenu dans les sociétés de classes occidentales. C'est très peu "systémique", pour le coup. Vous décomposez le système et le rendez incompréhensible au point d'affirmer :

    "Une autre source de tromperie sur la marchandise, c'est d'ignorer la temporalité et de ne pas admettre la dette comme lien social intergénérationnel, dette du futur par rapport au passé."

    Le prêt comme lien social... On croit rêver! Excusez moi de m'énerver mais c'est quoi pour vous le lien social?? Il ne faut pas tout confondre.

    Comme vous n'avez pas de vue d'ensemble du système, vous pouvez affirmer peinard:
    "Il serait absurde pourtant de vouloir en faire des monnaies uniques alors que ce sont des monnaies complémentaires plutôt, dans une économie plurielle n'impliquant donc pas du tout la disparition de l'Euro comme monnaie thésaurisable, convertible et porteuse d'intérêts."

    Comment penser l'autonomie avec l'argent telle qu'organisée par les Etats? L'argent est avant tout une dépossession. Elle est un flux dominé par la bourgeoisie. Quand tout est monétarisé, comme c'est le cas en Occident du fait de la violence physique du pouvoir central, il ne peut y avoir d'autonomie. Dans ce cadre, parler "d'économie plurielle" est une tarte à la crème digne du développement durable. C'est faire fi de la domination de classe qu'impose un truc comme l'Euro.

    Enfin, concernant le "prétendu mystère", j'ai déjà eu l'occasion de présenter le point de vue de ce film, que je connaissais avant ce film, à plusieurs économistes qui se sont empressés de me dire que j'avais tort sans jamais réussir à m'expliquer pourquoi. Quand on dit que la base du pognon c'est du vent, on touche à leur dogme, à leur gagne pain. Ils refusent cette idée et la dissimule. En tous cas, c'est l'impression que j'ai eue. Il y a donc bien un secret dû, me semble-t-il, à un corporatisme.

    cordialement
    Totof

  20. Impossible de répondre à un aussi long commentaire et je ne m'imagine pas pouvoir convaincre tout le monde, juste donner des éléments pour ceux qui veulent comprendre.

    Cette vidéo n'est certes pas la seule à répandre de fausses certitudes, le "marxisme" officiel est lui-même très fautif et a été critiqué par Marx de Proudhon (Misère de la philosophie) à Lasalle (Critique du programme de Gotha), ce qui n'a pas empêché cette lecture simpliste de s'imposer de Lénine à Staline, c'est le destin de toutes les idéologies de masse.

    S'il y a bien une chose qu'on ne peut comprendre en l'isolant, c'est bien la monnaie qui n'est pas un objet utilitaire mais une relation, un rapport social (une dette), ce que montre bien le fait qu'elle perd sa valeur quand il y en a plus. L'apport principal de Marx, c'est d'avoir compris le capitalisme comme un système de production basé sur la plus-value, c'est-à-dire sur l'amélioration de la productivité du travail, sur un productivisme qui explique sa réussite devant ouvrir sur l'âge de l'abondance où l'homme enfin délivré de la nécessité et du travail, la maxime de Prosper Enfantin pourra s'appliquer "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". Le capitalisme n'est donc pas seulement domination, arnaque, il ne se réduit pas à la lutte des classes bien que les luttes pour la répartition de la plus value soient essentielles (ce ne sont pas seulement "nos maîtres bourgeois" qui décident car il y a rapport de force, mobilisations sociales qui obtiennent des droits et une meilleure répartition des richesses entre capital et travail). Ce qui rend le capitalisme si productiviste, c'est que la production y est déterminée par la circulation, par le marché financier qu'on peut représenter effectivement comme un flux, marché des capitaux qui cherchent à produire de l'argent avec de l'argent. Cette logique du profit non seulement laisse l'argent décider de tout mais cause l'effondrement des entreprises quand elles ne sont plus assez rentables, au contraire d'activités artisanales par exemple, du moins tant qu'elles pouvaient nourrir son homme. Dès lors que l'argent, le capital devient déterminant dans la production, on ne peut certes pas l'isoler puisque c'est sa productivité qui l'impose, le bon marché des marchandises. Je le répète, on ne peut rien attendre d'une révélation soudaine ni même d'une nationalisation, c'est le système qu'il faut changer. Croire qu'il ne peut y avoir qu'un seul système est tout simplement contraire à la réalité, même si le marché a des tendances totalitaires, l'économie a toujours été mixte.

    Je maintiens que "l'argent est un flux d'information qui contrôle la répartition des ressources et la dynamique de la production", ce que le Dr Quesnay comparait déjà au système sanguin et qui ne s'applique pas seulement au capitalisme. Montrer qu'il en est de même dans le vivant qu'on peut définir comme "un flux d'information contrôlant des flux de matière et d'énergie" n'est pas naturaliser le capitalisme mais montrer que l'argent y joue un rôle systémique qui doit être tenu, autrement que dans le capitalisme. Bien sûr, une cellule n'a rien de capitaliste ! Je ne pense pas qu'on puisse se passer de monnaie, qui constitue une sorte d'énergie, mais si on peut réduire quand même le pouvoir de l'argent, il faut le remplacer par l'information sinon une gratuité aveugle mène à l'échec. Rien à voir bien sûr avec une théorie quantique mal digérée ni avec un New Age béat. Il est normal que les théories du management tiennent compte du fonctionnement des systèmes qui s'impose à eux, cela n'empêche pas qu'elles soient très souvent délirantes, simplistes et cyniques, plus proches de la manipulation. Il ne s'agit pas encore une fois de naturaliser les phénomènes sociaux mais de tenir compte de leur matérialité.

    Tout le long paragraphe pour montrer à quel point cette vidéo a raison (et que j'ai tort), montre plutôt à quoi aboutit cette propagande simpliste : "Le résultat, c'est qu'une classe sociale – la bourgeoisie – contrôle le réseau monétaire du début à la fin et fait travailler le cheptel humain transformé en main d'oeuvre à partir de quelque chose qui n'existe pas. A partir de rien, cette classe sociale a le pouvoir de faire suer les gens au travail. Fastoche, pas vrai?!". Voilà ce qui arrive quand on isole la création monétaire (qui n'est pas arbitraire, ni virtuelle) et qu'on ignore la productivité qui est la véritable force de la bourgeoisie et non la violence physique. Avec ce genre de propos de bistrot, c'est si simple : on supprime la bourgeoisie et le crédit, après plus besoin de travailler. Fastoche, pas vrai ? Pas étonnant qu'on se retrouve ensuite avec une domination pire encore !

    Le lien social ne se limite pas hélas aux liens de sympathie et il est un fait que la dette constitue un lien social, même si ce n'est pas un lien personnalisé, et lorsqu'on ne peut plus rembourser sa dette c'est extrêmement concret. Même le don crée un lien avec la dette qu'il institue. L'argent peut être la pire des choses mais c'est aussi une liberté, il ne s'agit pas de le diaboliser mais de sortir de sa domination. Plutôt que de s'enfermer dans des jugements définitifs contre l'argent ou la pluralité des systèmes il vaudrait mieux examiner les propositions d'André Gorz que j'ai reprises, on verrait que les monnaies locales peuvent se soustraire au système monétaire international, à condition de faire système localement, où les luttes sociales ne sont pas non plus gagnées d'avance face à la bourgeoisie locale mais où le rapport de force est plus favorable quand même. Rien à voir avec la version libérale du développement durable.

    En tout cas, il n'y a aucun secret dans la création monétaire, enseignée partout. Personne ne dissimule la véritable nature de l'argent, même si elle donne lieu à de nombreux dogmatismes. Ce qui fait "mystère" c'est plutôt l'incapacité de comprendre ce que c'est que la monnaie, bien loin d'être du vent même si ce n'est pas non plus une matière (et l'arnaque du film c'est bien de vouloir nous persuader que l'argent c'est de l'or avant de montrer que pas du tout!). Il y a des domaines comme ça, où le fait de ne pas comprendre vous persuade que c'est vous qui avez raison ! Il est vrai que tout cela est bien compliqué mais il ne manquera pas de simplificateurs pour réduire la complexité d'un système de production à la violence brute qui finit toujours par écraser les plus faibles.

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