Le chemin parcouru…

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Des péripéties sans importance m'ont amené dernièrement à m'interroger sur mon travail passé. Si l'on est rarement son meilleur juge et que les procédures d'auto-évaluation sont parmi les plus humiliantes qui soient lorsqu'elles sont destinées à de quelconques autorités plus ou moins incompétentes, elles ne sont pas sans intérêt quand elles sont faites pour soi-même, pour mesurer le chemin parcouru et faire le bilan de ses propres recherches. Certes le résultat est bien maigre. Tout cela pourrait se résumer à un constat d'échec sur l'inutilité de ce que j'ai pu faire et la relative confidentialité de mon audience, même si la qualité de certains de mes lecteurs peut en compenser le nombre restreint !

En tout cas, au-delà de la valeur de quelques uns de mes textes, on peut se poser légitimement la question de ce qu'ils ont réellement apporté, après toutes ces années, apport qui peut être jugé bien mince puisque, pour une bonne part, mon ambition s'est limitée d'abord à rendre accessible une pensée critique trop méconnue de l'inculture contemporaine et donner des éléments de réflexion permettant de complexifier notre compréhension d'un monde en mutation, en particulier au niveau politique. Ce travail de diffusion du savoir pourrait être rapproché d'une sorte d'éducation populaire bien que je ne sois pas toujours accessible à tous, c'est le moins qu'on puisse dire, mais il y a plusieurs niveaux de vulgarisation ! Sur ce plan, je pourrais m'enorgueillir plutôt de n'avoir rien inventé, contrairement à tous ceux qui nous abreuvent de leurs supposées trouvailles, puisqu'il s'agissait au contraire de retrouver une tradition intellectuelle solide (l'inné), donner un fondement rigoureux à la pensée, en premier lieu à l'écologie-politique, en s'appuyant sur les auteurs du passé jusqu'aux plus contemporains.

Il y a tout de même quelques points où je crois avoir amené quelques avancées plus ou moins incontournables (l'acquis). D'abord en reliant des savoirs dispersés. Cette transdisciplinarité qui m'a fait rencontrer Jacques Robin et le GRIT est encore trop rare, alors qu'elle est devenue de plus en plus indispensable, et ne doit pas être sous-estimée. Il me semble pourtant qu'il y a plus et que, dans plusieurs domaines, j'ai pu apporter quelques éléments cruciaux (sur l'information et l'écologie-politique notamment). C'est ce qu'on pourrait me contester sans doute, mais sur quoi je vais essayer de faire un point rapide.

On peut dire que j'ai débuté ma carrière par un texte sur "l'institution ou le partage de la bêtise" (lors du forum de création de la cause freudienne). Ce sera effectivement une de mes constantes d'insister sur notre rationalité limitée et notre part de bêtise (Qu'est-ce que la philosophie ?), m'appuyant paradoxalement pour cela sur Hegel autant que sur Lacan. C'est un sentiment qui est inévitablement renforcé par une transdisciplinarité qui a de quoi décourager en nous mettant en face de l'étendue de notre ignorance. On ne peut, en effet, tout lire, tout savoir, sur tous les sujets, au point que les prétentions de l'interdisciplinarité peuvent sembler ridicules avec quelques raisons. Pourtant j'ai tenté de relier depuis mon Prêt-à-penser (1994), à la fois philosophie, psychanalyse, histoire, sociologie, économie, politique, écologie, sciences et même religions...

Je me suis limité la plupart du temps à tenter de "faire le ménage" dans ces différents domaines, en réfutant des interprétations plus ou moins délirantes et des dérives manifestes, en économie notamment (mais aussi en psychanalyse, etc.). En dehors de cet exercice de salubrité publique, j'ai systématisé aussi l'analyse des cycles de François-Xavier Chevallier dans une théorie originale des cycles générationnels (Les cycles du Capital, 2000) qui me semble avoir été largement confirmée par l'expérience même si elle n'a guère eu d'écho jusqu'à présent, en dehors du numéro 2 de Multitudes où Yann Moulier-Boutang y fait une rapide allusion. Mes autres recherches en économie ont surtout concerné la théorie de la valeur, les transformations du travail et l'économie immatérielle, mais sont un peu moins novatrices même si elles m'ont valu plusieurs articles ou interviews. Rien de très reluisant ! A noter cependant que Bernard Maris me cite pas mal dans le deuxième tome de son Anti-Manuel d'économie (2006).

L'essentiel de mon travail a concerné l'écologie-politique, de la création de la revue EcoRev' en 2000 à mon livre "L'écologie-politique à l'ère de l'information" en 2006. J'avais en effet été sidéré lors de mon passage chez les Verts par le vide théorique des écologistes, éprouvant l'urgence de doter l'écologie d'une armature théorique solide, ancrée dans la dialectique de Hegel et l'analyse du productivisme du système capitaliste par Marx, assez loin des interprétations marxistes habituelles il faut le dire. J'ai complété cette inscription dans la tradition philosophique, tournée vers le passé, par l'analyse prospective de notre passage à l'ère de l'information, notamment en montrant ce qui relie l'ère de l'information à l'ère de l'écologie et du développement humain et qui me semble un des points les plus fondamentaux. Au niveau pratique, après un travail de fond sur le droit au revenu dans le cadre des Verts, je me suis attaché à donner plus de cohérence aux alternatives écologistes, en premier lieu aux conditions d'une relocalisation de l'économie et d'un dépassement du capitalisme avec le triptyque : revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales. Ce sont surtout ces propositions (inspirées de Gorz, Bookchin et Robin principalement) que j'ai défendues auprès des écologistes et qui m'ont valu plusieurs invitations et interviews (notamment une tournée en Belgique en 2005). J'ai défendu aussi la nécessité d'une "écologie révolutionnaire" dès 1997 (à une époque où c'était loin d'être aussi à la mode qu'aujourd'hui !) et donc d'une "alternative" plutôt qu'une simple "décroissance" (Le Monde 2), tout en prenant de plus en plus mes distances avec un dandysme révolutionnaire purement autodestructeur et les discours doublement aliénants d'une prétendue fin de l'aliénation.

Je dois enfin au GRIT le fait de m'être ouvert aux sciences dures et surtout à la théorie de l'information. Même si je n'ai bien sûr rien "inventé" sur ce sujet, ma contribution ne me semble pas tout-à-fait négligeable sur le concept d'information et l'entropie, du texte de synthèse "L'improbable miracle d'exister", qui est peut-être ce que j'ai fait de mieux sur le sujet, au livre "Le monde de l'information". J'ai montré, en particulier, les raisons profondes qui opposaient le monde de l'information à celui de l'énergie, en faisant un monde imprévisible où la productivité devenait globale (non individualisable), la valeur aléatoire et le travail non-linéaire, flexible ou précaire, la coopération y jouant un plus grand rôle que la compétition, etc. Il faut y joindre ma critique de l'idéologie de la complexité, qui a rencontré un succès d'estime, ainsi que la critique de l'auto-organisation à laquelle j'oppose l'auto-gestion. Un de mes articles le plus cité (y compris dans un manuel pour étudiants en médecine!) concerne l'idéologie des réseaux (Logs).

J'ai écrit bien d'autres textes, sur les sciences, la philosophie, l'amour, etc. En particulier j'ai travaillé sur la production de l'autonomie, ainsi que sur la dialectique entre autonomie et dépendance. J'y ai soutenu des positions très éloignées des discours idéologiques habituels, sans que je puisse prétendre avoir apporté sur ces sujets de véritables nouveautés, seulement une plus grande cohérence peut-être, et un certain style...

Pas de quoi pavoiser dans l'ensemble, et les références que je peux donner ci-dessous sont bien maigres assurément, en dehors du net du moins. Certes, tout ceci n'est pas rien, et même de la plus haute importance sans doute pour la construction de l'avenir, mais je ne peux cacher une profonde insatisfaction malgré tout. Non pas tellement pour le manque d'audience que pour le manque de perspectives et l'insuffisance des réponses que je peux proposer qui ne me semblent pas vraiment à la hauteur des enjeux du temps ni surtout pouvoir susciter l'élan révolutionnaire qu'il faudrait. Ce n'est pas que je pense que d'autres auraient fait mieux, hélas, l'échec est général, et si j'ai bataillé depuis longtemps contre les errements de la gauche et des écologistes, contre les archaïsmes, les utopies, les extrémismes, je dois dire que je ne peux me déprendre d'une certaine nostalgie des anciennes illusions dans le vide sidéral actuel ! En fait, j'ai toujours eu l'impression de ne faire que remplir un manque, faire ce qui aurait dû être fait depuis longtemps, et m'exprimer dans un désert de la pensée. Ce monde est bien décevant qui va à sa perte et refuse de regarder en face son destin, de prendre en compte les bouleversements que nous vivons ! Il nous faut un sursaut (des écologistes en premier lieu). Heureusement on sait que l'histoire avance par secousses, et souvent même par son mauvais côté...



L'écologie-politique à l'ère de l'information, éditions è®e, 2006


Livres collectifs :


Sortir de l'économisme,
Dir. René Passet et Jacques Robin, Editions de l'atelier, 03/2003 (décevant)


Logs, éditions è®e, 2005


Revues :


EcoRev'


Transversales


Multitudes


Livres qui parlent (un peu) de moi :


La tyrannie de la réalité, Mona Cholet, 2004


Anti-Manuel d'économie II, Bernard Maris, 2006

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18 réflexions au sujet de “Le chemin parcouru…”

  1. Je comprends votre désappointement. Que l'étendue de vos investigations et de vos articles n'entraîne pas les effets espérés ne signifie pas pour autant leur insignifiance.

    Certains de vos articles sont difficiles d'accès, en particulier le dernier au sujet de la physique théorique. Mais ce n'est pas dû, tel que je l'envisage, à leur déficience, mais plutôt à la complexité du sujet qui est extrême pour plupart des êtres que nous sommes qui faisons comme nous pouvons en fonction des nos disponibilités cognitives.

    Il est probable que l'étendue de vos investigations, ainsi que celles d'autres que vous évoquez, ne se diffusent, malgré tout, sans la marque de leurs initiateurs.

    Le jeu du pari sur les possibles est encore ouvert et saura nous surprendre malgré les nuages de l'horizon.

  2. Olaf présage de la nécessité de ce que vous diffusez. Je me permet de le confirmer, rassuré par le doute qui vous atteint. Doute salutaire car il permet au modeste internaute que je suis d'avoir accès au personnage que j'ai découvert. Depuis peu, car retraité en milieu rural j'ai du attendre de recevoir le haut débit, d'être un peu capable d'utiliser internet, et de découvrir le site jeanzin.fr, pour savoir que je prenais pied dans une nouvelle ère. J'ajoute que la mort de Jacques Robin , comme occasion d'une reconnaissance, pour moi du moins, je vous en suis redevable. Merci.Certes vous m'apparaissez souvent difficile, puisque vous cherchez à éclairer un peu des questions obscures.

  3. Bonjour jean,

    La problématique est, sera toujours la même à partir du moment où on se pose la question du ou des destinataire-s d'une oeuvre. Je crois que le résultat, aussi modeste soit-il, mais l'est-il vraiment ?, est payant et rencontre une certaine approbation tout de même par le milieu intellectuel. Maintenant qu'en est-il du grand public, d'un autre public ?

    Là est la question. Et je crois que c'est là où l'intellectuel doit savoir se placer. Un choix crucial en quelque sorte. Un artiste, qui, selon moi, a construit une oeuvre assez révolutionnaire, a décidé que son travail n'était pas destiné au grand public mais devait rester plutôt confidentiel. N'essayons pas de mettre des raisons à ce choix mais il l'assume entièrement y compris au niveau de la diffusion de son travail...

    Selon moi l'une des clés est, sera toujours là : à qui s'adresse-t-on finalement et pour quelles raisons atteint-on plutôt un public qu'un autre ?

    Je me pose la même question quant à l'université populaire que je tiens mensuellement où je diffuse un film et après un débat. Dès fois, je ne comprends pas, je me retrouve toujours avec les mêmes personnes en nombre restreint alors que le sujet susciterait un plus grand intérêt pour le débat (exemple,indymédia). Parfois, pour d'autre sujets différents (le slam), plus de personnes que prévues. D'autre fois je passe des films expérimentaux et, au moins, je sais pourquoi j'ai plutôt tel public qu'un autre 😉

    Avec ces expériences, il est difficile de savoir ce qui motive vraiment un public. Quand le sujet est pointu, je sais qui vient. Quand il est moins, c'est plus aléatoire...

    Que faire ? Que dire ? Education populaire ? Bah, je me souviendrai toujours de cette personne qui me demandait si, en venant, dans mon asso on allait l'obliger à distribuer des tracts et à faire des manifs dans la rue. Bref, sous-entendu la question de la manipulation, de la liberté d'être autonome qui n'existerait pas puisqu'une asso militante est là pour embrigader quand bien même personne ne s'inquiète de l'embrigadement des médias.

    Tant que nous n'aurons pas fait exploser ce genre de non-dit, nous n'avancerons pas. Il y a bien un vide à la surface, cela est indiscutable toutefois dans la profondeur de cette surface, il y a bien plus d'éléments d'une richesse inouïe et qui tarde à montrer son visage. Pourquoi ? Je ne saurai répondre. Pourquoi certains artistes, dans ce monde, ont choisi de rester confidentiels alors que leur oeuvre pourrait apporter des éléments de réflexion bien au-delà des actuelles platitudes actuelles ? Pourquoi d'autres subissent une "censure" par omission ?

    Qu'est-ce tout ce monde semble attendre pour enfin passer à autre chose ? C'est cela qui me tracasse le plus. Une secousse brutale comme vous l'exprimez ? Hmmm, je crois que les secousses qu'on attend sont d'ordre terroristes pour le moment... et masquent les autres, celles qui pourraient peut-être faire avancer le tout.

    Il y a des stratégies surprenantes parfois, difficiles à comprendre et que nul ne maîtrise vraiment...

  4. Oui, je suis assez d'accord, de même que le vide actuel favorise plutôt l'impasse terroriste. Si je crois malgré tout à un sursaut révolutionnaire c'est par les leçons de l'histoire et une certaine foi dans les cycles générationnels mais rien ne l'annonce encore, c'est sûr...

    Je ne crois pas qu'on choisit son public, ou alors on est dans la publicité ou la propagande de bas étage. Je crois qu'on fait ce qu'on peut et qu'on s'adresse surtout à soi-même, qu'on essaie de répondre aux questions qu'on se pose et dialoguer avec un public imaginaire qui brille par son absence. La plupart du temps lorsqu'une pensée devient populaire c'est qu'elle a déjà épuisée sa recherche, son judo avec la vérité, ensuite, comme les académiciens, elle n'a plus qu'à chatouiller la vérité comme disait Lacan. Une recherche en cours, une existence qui prend des risques est toujours insaisissable et trop déroutante.

    Je m'interroge tout de même sur comment reprendre l'offensive, comment redonner sens à nos rêves perdus, revenir à la poésie peut-être... Il y a tout de même des urgences, refonder l'écologie (il ne suffira pas de supprimer la proportionnelle interne comme certains Verts le proposent, la débilité semble n'avoir aucune limite...), retrouver un discours révolutionnaire qui ne soit pas la stupide répétition d'un passé glorieux ni une mystique mortifère ! Il ne faut pas nier l'insatisfaction mais la transmuer en énergie transformatrice.

  5. @pseudo jean-marc

    Qu'est-ce que le grand public ? Je croyais faire partie de celui-ci.

    Je laisse les mesures d'audience à l'auteur, je considère que ce blog est lu et bien lu. Si le public n'est pas grand je veux bien (mais c'est contre ma nature de représenter toute autre personne) personnifier à moi seul s'il le faut cette communauté: par quel miracle je n'en ferais pas partie ?

    Vous dites qu'il faudrait expliciter la cible marketing recherchée... mais ça forcerait ainsi (puisque si je ne suis peut-être pas cherché, je suis trouvé) mon appartenance. Certes j'appartiens à tel ET tel groupe social, certainement, à une cible marketing sans doute (je consomme, certaines pubs me plaisent, et il y a des caractéristiques que je partage sans doute avec d'autres) mais est-ce vraiment nécessaire de se fermer à un public pour sans doute par derrière mieux être considéré "crédible", c'est à dire sans risque et donc achetable ?

    Il y a sans doute effectivement une part d'art dans la volonté de faire découvrir de nouveaux points de vue sur le monde qui nous entoure en mettant en cause les modélisations existantes, en participant ainsi à l'explicitation des contraintes et nous rendre autonome ? en tous cas sans besoin de référence à un dessein unique pour accepter de vivre. Mais si l'art ne rencontre pas forcément la fortune et la gloire c'est qu'il ne se construit pas sur ces notions, je crois.

  6. Il me semble que Sartres a écrit un essai sur cette question: pour qui écrit-on ? Et qu'il ne donnait pas vraiment de réponse.
    Ecrit-on vraiment pour soi ? C'est en partie vrai mais cela n'explique pas qu'on le publie. On écrirait alors à la rigueur pour le soi qu'on construit mais en pensant justement à ceux qui peuvent nous faire être ce que l'on aimerait être, et, à la rigueur, qui nous ont pousser vers ce objectifs.

    Personnellement je me suis dit que j'écrivais pour les amis que j'aimerais avoir (les amis que j'ai mais que je ne vois pas comme ils sont, les amis que j'ai que j'aimerais pouvoir changer en leur écrivant, les amis que j'aimeras me faire).

  7. Il n'y a pas de réponse générale à pourquoi et pour qui on écrit mais on écrit souvent pour ses proches, pour ceux qu'on connaît. Ainsi j'ai beaucoup écrit pour Jacques Robin qui me demandait ce que je pensais d'un sujet ou d'un livre. Au début j'écrivais pour les psychanalystes (ou plutôt contre, on écrit presque toujours contre les bêtises qu'on entend). Ensuite j'ai écrit pour les écologistes. C'est plutôt aujourd'hui que je ne sais plus très bien pour qui j'écris, sinon peut-être pour en recevoir un écho de l'autre bout de la Terre parfois, comme une bouteille jetée à la mer dont on s'émerveille qu'elle a trouvé son destinataire (Lacan disait qu'une lettre arrive toujours à son destinataire), pour quelques lecteurs (ou lectrice) fidèles, mais surtout sans doute pour éclaircir mes pensées, savoir ce que je pense (on ne pense qu'en écrivant), par plaisir de l'écriture enfin et par ennui de la vie peut-être..

    En tout cas à chaque fois que je publie, ce n'est jamais sans un sentiment d'angoisse, persuadé d'avoir laissé trop de bêtises, de ne pas être à la hauteur des textes précédents, de provoquer les railleries. D'en être rassuré à chaque fois, malgré les critiques même, justifie largement d'en avoir pris le risque, mais je crois toujours que c'est la dernière, jusqu'à ce qu'une quelconque urgence politique ne me rattrape. Il y a une exception, c'est les sciences qui ne sont qu'un divertissement sans importance, une façon d'entretenir ma curiosité et de me retirer du monde...

  8. Monsieur,

    Un sentiment de dégoût ou plutôt de colère qui m'anime depuis quelques jours m'a permit de connaître votre site et vos ecrits. Tout d'abord, vous voudrez m'excuser pour mon phrasé qui n'est pas aussi riche que le vôtre. Je vous écrit car j'ai besoin de réponses ou plutôt de découvrir des opinions différentes. Je réagi suite à un de vos textes "Critique de l'écologisme (la maladie infantile de l'écologie)". Ce n'est peut-être pas ce que vous attendez, je ne vous connais pas et pourtant je ressent le besoin de vous faire partager mon vécu. Une phrase m'alerte "vous faites partie du problème". J'ai eu une expérience dans le monde des ONG qui siège au fameux grenelle de l'environnement. Avant cette expérience et aujourd'hui, je fais parti du monde des "mécréants", l'état. Bien entendu, je ne suis qu'un simple scientifique sans pouvoir politique mais à un niveau assez élevé pour être dans toutes les rencontres nationales en santé environnement.
    Constat: je ne me reconnais nul part; les individus à la tête des principales ONG sont de véritables imbéciles avec l'idée unique de montrer aux autres qu'ils sont les sauveurs de l'humanité et en gardant à l'esprit qu'il auront un jour leur nom inscrit dans l'histoire. Du côté des ministères , tout est compliqué. Tellement complexe que même les personnes avec les meilleures intentions du monde se trouvent noyées rapidement.

  9. Je ne peux que vous approuver, hélas. J'ai constaté moi-même comme les écologistes ont une très haute estime d'eux-mêmes, carrément délirante, pris dans un discours purement idéologique très dangereux et fermé à la complexité du réel, illustrant à quel point l'enfer est pavé de bonnes intentions.

    C'est absolument désespérant surtout que de l'autre côté l'incapacité de prendre en compte l'urgence des menaces écologiques, malgré cette difficile complexité, ne laisse présager rien de bon. Tout ce qu'on peut espérer, c'est qu'après le constat d'échec il y ait un sursaut, sur de meilleures bases, mais il est bien difficile d'y croire...

    Je dois ajouter qu'on m'a sollicité pour participer à ce cirque et le moins qu'on puisse dire c'est que je ne suis pas du tout tenté, ne croyant ni à la bonne volonté du gouvernement (qui ne se rend pas compte de l'ampleur des réformes à mener) ni à la capacité des ONG de faire des propositions à la hauteur. Il se peut que j'y fasse tout de même un tour si on insiste, car je ne veux pas paraître trop bégueule et dogmatique (ni prétendre préserver une prétendue pureté) mais j'espère éviter quand même ce qui n'est qu'une perte de temps !

  10. désappointement ...

    je ne sais si il faut espèrer quoi que ce soit :
    on fait ce que l'on doit faire, et il suffit de s'y tenir.
    c'est cela qui n'est pas évident.
    or vous , vous y êtes tenu, plus que beaucoup ; avec une jolie obstination.

    en tous cas j'apprécie énormément votre parcours
    nous avons même quasi les identiques réfèrences (lacan , hegel, le libre, etc ) excepté l'orientation marxiste (ce qui est conséquent ...:-)
    mais votre interrogation démocratique est apparemment passionnante,
    (pas eu encore le temps de tout lire)
    idem pour cette remarque sur la probable idiotie congéntiale de l'espèce humaine ...
    ou encore sur la problématique individuelle ou individualisante

    idem pour cette impression d'un manque théorique quelque part ... c'est resté coincé dans le tuyau , mais on ne sait pas où ...

    la question que je me pose est ; doit-on partir de Hegel ?
    (qui traîne partout , et qui est c'est vrai immanquable en presque tout)

    ou bien : à part Hegel il y a quoi ?

  11. Oui, il faut partir de Hegel, pas y rester mais il faut bien partir de quelque part et on gagne à partir des meilleurs, de ceux qui ont rassemblé les connaissances préalables, ne pas le faire c'est errer vainement. Il faut donc partir d'Aristote, de Hegel, de Marx, pas pour en rester là, je le répète, comme si c'était la vérité alors que ce n'est qu'un état de la question avec toutes les dimensions qu'on aurait ignoré sans leurs lumières, mais ce n'est qu'un point de départ de la réflexion pour comprendre notre temps dans ce qu'il a de nouveau et d'insoupçonné même pour les plus grands esprits du temps passé. C'est Hegel qui me mobilise le plus sans doute, qui me donne le plus de travail (c'est si difficile) mais je ne suis pas vraiment hégélien pour autant, du moins pas entièrement, de même que je ne suis certainement pas marxiste, tout au plus marxien peut-être, mais sans vouloir en rester au XIXè siècle.

    De toutes façons, penser c'est la déception assurée. Si on ne veut pas troubler ses rêves ni perdre la foi, il ne faut pas penser, les scientologues vous le dirons... S'exposer à la vérité, c'est découvrir ce qu'on ne voudrait pas savoir, c'est en rabattre de nos idéaux, c'est dévoiler la réalité nue dans son caractère tortueux et prosaïque malgré quelques surprises parfois... L'important c'est de s'approcher de ses objectifs, au milieu du désastre, sans passer à l'ennemi à la première défaite.

    Le point de départ ne fait guère de doute, on ne sait où cela va nous mener, on est loin d'y arriver encore, c'est là que la prudence et l'obstination nous serons précieux...

  12. Pour ma part je bénie le jour ou je suis tombé sur ton site.
    Je te remercie infiniment, ton boulot est simplement extraodinaire.
    Je pense que tu marques le cerveau et la vie de plus d'un, et tés favorablement. Alors, MERCI MERCI MERCI MILLE FOIS.
    (je t'ai trouvé a force de fouiner sur Laborit)

  13. "Salut à toi, punk iranien"
    (-mais j'suis pas punk!
    -Ben t'es iranien, peut-être?)

    Bon, je suis tombé sur un article de toi repris dans L'En Dehors, ce qui m'a amené là: je suis bien content de te savoir toujours en vie ET toujours luttant.

    Si tu t'interroges sur "l'utilité" de ce que tu fais depuis des decennies, je t'inquiète tout de suite: aucune; et je te rassure juste après: comme tout le monde.

    Mais si tu te demandes ce que tu as fait, tout simplement, je peux te le dire parce que je t'ai vu faire : tu as joui et c'est ce qui compte. Tu as pris ton pied à réfléchir, à écrire et à te détruire les yeux sur ton mac. Tu as joui sans nuire à tes camarades et tout le monde ne peut pas en dire autant, aussi jubile, mon pote, sans retenue ni complexes! (d'un point de vue utilitariste, c'est une merveille, non? la jouissance tirée de la jouissance tirée de ... etc...).

    Quant aux écologistes, pas la peine de pleurer sur leur sort: il leur est arrivé très précisément ce que nous leur avions annoncé et rabaché pendant des années (Pour une écologie révolutionnaire - Coïtus interruptus etc...) Vois ça d'un point de vue non-aristotelicien (ah non, c'est vrai que tu ne goûtais pas Korzybski, toi) bon ,alors tout au moins rationnel: nous avions prévu la liquéfaction, elle a eu lieu, bien, passons à la suite...

    Et si tu passais à la mescaline, maintenant...?(au jardin, hein, pas devant l'écran).

    Tout le texte dit "dites moi de continuer je vous prie". Ben oui, bien sur continue bordel de merde, mais à ta place Ne t'obstine pas à demeurer dans un courant politique où ta pensée ne s'inscrit plus.

    Tiens, une blague de chez moi: "Tu sais à quoi on reconnait un punk? A ce qu'il peut t'expliquer pendant des heures qu'il n'est pas punk malgré sa crête, ses clous et ses scalps Mercedes".

    Par ailleurs et juste pour le plaisir de pinailler, je m'inscris en faux contre l'axiome "on ne pense qu'en écrivant". Suffit de jeter un coup d'oeil sur Sulitzer, Reza, Villepin ou Rika Zaraï...

    at shalom aleikum

  14. Salut le clown !

    Sympa d'avoir des nouvelles du temps passé mais, non, je ne pense pas qu'il suffise de jouir, outre qu'il n'y a pas que de la jouissance, il y a aussi beaucoup d'angoisses, de doutes et de travail. Il faut vraiment changer le monde, c'est une question de vie ou de mort !

    Je ne pense pas que ce regard rétrospectif soit une demande qu'on me dise de continuer. C'est vrai qu'on n'a aucune raison de continuer si on n'est pas soutenu mais si je continue c'est bien qu'on me le demande ! Sinon je suis bien d'accord que je n'ai jamais pu rentrer dans aucune case...

    Enfin, ce n'est pas parce qu'on ne pense qu'en écrivant qu'on est obligé de penser quand on écrit ! C'est comme la mescaline, il ne suffit pas d'en prendre pour en faire quelque chose. En fait, c'est très exagéré, bien sûr, il arrive de penser sans faire exprès, en se promenant ou en attendant au feu rouge, par exemple, mais, pour moi en tout cas, c'est quand on écrit qu'on peut éprouver la validité de ce qu'on pense, modifier la formulation ou raturer des conclusions hâtives. Il ne s'agit pas de coucher sur le papier nos préjugés, ce que trop de gens font, hélas, mais d'élaborer difficilement et mot à mot ce qui peut se dire sur une question (je passe plus de temps à me corriger qu'à rédiger). C'est d'ailleurs tout l'intérêt de l'écriture, de ne pas savoir à l'avance ce qu'on va écrire et de mettre à l'épreuve ce qu'on croit penser mais à l'évidence ce n'est pas le cas de tout le monde, il ne suffit pas de sortir des livres pour être écrivain, ni même d'avoir du style !

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